Ce doit être ma belgitude, ma flandritude, ma plat-paytude, mais j'aime toujours relire Verhaeren.
Tableaux simples, air salin, grandes plaines battues par le vent du Nord, un regard déjà très moderne sur les êtres - l'oeil cyclopéen de l'horloger derrière sa loupe! - et un monde perdu pourtant.
J'ajoute, pour la nostalgie, une bien jolie édition sous papier cristal, avec un ex-libris désuet et les annotations au crayon (sur le papier de couverture ) d'un grand-père bibliophile que je n'ai pas connu et qui, si j'en juge par l'abondance des volumes de Verhaeren dans sa bibliothèque, devait l'aimer beaucoup, Verhaeren. ...
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[...] L'été durant, le mur appelle, accueille, invite :
Même en automne, encor, les plus vieux s'y abritent,
Le soir, pour voir rentrer, de loin, les fourrageurs
Et leurs grands chars bougeant, plein d'ombre et de lueurs,
Qui lentement, là-bas, par les routes circulent
Et semblent charrier,
Vers les hameaux pacifiés,
Les blocs croulants du crépuscule.
A la vitrine, où s'accrochaient
Quelques bagues et maints hochets,
On s'arrêtait pour voir,
Le soir,
En sa boutique, l'horloger
Qui remuant, avec des doigts légers
et des pinces très minces,
Mille ressorts à reflet d'or
En des soucoupes;
Et tout à coup, comme un vieux fou,
Face pâle, levait vers nous
Son oeil géant, avec sa loupe .
On traversait les gués , on s'arrêtait aux mares,
On dévastateur le bois- et vers le ciel, là-haut,
Le plus hardi grimpait, dénicher des oiseaux
Qui trouaient l'air serein, de stridents tintamarres.
Poésie - Le péché - Emile VERHAEREN