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4,04

sur 6058 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est l'histoire d'une rencontre improbable, de deux mondes opposés, d'un manque criant d'amour et de reconnaissance, d'ennui, d'attitudes face à la surconsommation, de revenus faciles en apparence et surtout, surtout, l'histoire de deux gosses, propriétés de leur mère où leur existence en tant qu'individus est nié, tout simplement n'existe pas. C'est une enquête implacable sur les réseaux sociaux où les enfants sont présents malgré eux.
Je suis d'une génération où je pourrais juger, critiquer et je me reconnais plus dans l'existence de Clara, l'inspectrice procédurière qui vit simplement et exerce avec passion son métier. Mais, en y réfléchissant bien, peut-on reprocher à la mère de famille d'exercer son propre métier d'influenceuse avec passion ? Peut-on lui reprocher de fournir une vie facile, abondante à ses enfants et son mari ? Ce dernier a quitté son travail pour participer et profiter de cette vie. Mélanie n'a eu aucun garde-fou. Si les parents de Mélanie lui avait donné autant d'amour et d'attention qu'à sa soeur, elle n'aurait peut-être pas découvert avec la première émission de téléréalité, l'existence de Loana et cette espèce de vie valorisée filmée et mise en scène. Si elle ne s'était pas ennuyée après la naissance de son premier enfant, errant désoeuvrée dans la maison, elle n'aurait pas filmé son quotidien en l'offrant à une communauté virtuelle curieuse et en demande. Une addiction à l'amour est née.
Les enfants de Mélanie, Sammy et Kimmy ne sont pas dupes mais n'ont pas le choix. Sammy, l'aîné, est docile et essaie de protéger sa soeur, Kimmy, qui a tendance à se rebeller malgré son jeune âge. Elle était épuisée avant sa disparition.
Des parents toxiques, des enfants lucides, des réseaux sociaux et Clara qui est loin d'en finir avec cette enquête.
J'ai adoré suivre la vie de tous ces personnages. L'auteure a mené cette enquête incisive sans mots superflus, comme si elle faisait barrage à cette consommation surabondante offerte.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Nous suivons Mélanie Claux, qui depuis le premier loft story rêve de sa part de gloire dans le monde de la télé-réalité, et de l'autre Clara Roussel, procédurière à Paris. Ces deux jeunes femmes sont amenées à se rencontrer suite à la disparition de l'enfant de Mélanie.

A 41 ans, je peux dire que je fais partie de cette génération Loft story. J'étais devant mon écran pour suivre cette « aventure », ces candidats assez fous pour se faire enfermer dans une maison, filmée H24. J'ai également suivi d'autres télé réalité, ma curiosité étant plus forte que le bon sens : star académie, pop star, le Bachelor, les anges, etc.

J'ai également eu ma période de visionnage de vlogs dit « famille », et là je ne m'y suis pas retrouvée. Cherchant à garder plus ou moins mon anonymat sur internet, j'ai eu du mal à comprendre que l'on puisse exposer ainsi sa vie, et celle de son entourage à la vue de tous. Ce qui me dérange le plus, c'est la mise en avant des enfants. J'ai alors découvert, le monde caché de ses vidéos, le nerf de la guerre : l'argent. Les partenariats à gogo, pour tourner encore plus de vidéos, sous prétexte d'amuser les enfants et qu'ils sont heureux de le faire avec leurs parents.

Delphine de Vigan dépeint bien ce monde de YouTube, et le personnage de Mélanie me semble décrit justement. Ces mères et pères de famille qui font le choix de s'exposer et d'exposer les leurs, ne semblent pas conscients de ce qu'ils imposent à leurs enfants. Je partage la vision de l'autrice sur ce sujet, car un enfant de quelques années n'a pas conscience de ce qui se trame derrière l'objectif et quel est le but de tout ça. Il ne fait pas le choix de se filmer, et surtout de ce montrer au monde entier.

J'ai également apprécié sa vision post Youtube, qui est, je l'espère, poussée à l'extrême mais pas si farfelue à mon sens. Bref une lecture qui me fait réfléchir à ce monde de réseaux sociaux, sur lesquels je vis ma vie virtuelle comme beaucoup d'entre nous, mais certainement pas sans impact sur nos vies bien réelles.
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Un très bon roman sur l'impact des réseaux sociaux sur les plus jeunes et le consentement de l'enfant pour apparaitre sur internet dès son plus jeune âge.
En mêlant enquête, sujet de société et identité, Delphine de Vigan montre avec efficacité la perversité de certains utilisateurs de Youtube (et autres) et la course à la célébrité qu'a amené la multiplication des programmes de téléréalité.
L'apparence que l'on donne, la perfection, le bonheur dans l'image donnée sont des thèmes très bien traité par le biais de la fiction ici.
A lire et à faire lire dans les collèges et lycées.
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J'ai vraiment aimé ce roman.
La présentation de Clara et Mélanie, adolescentes, et leur famille au moment de la diffusion du premier loft-story avec ses contestations, ses fans, ses détracteurs, la virulence des réactions, la frénésie autour des lofteurs m'a, dans un premier temps, surprise.
Et puis j'ai compris : les deux modes d'éducation de ces adolescentes vont avoir des répercussions sur leur vie d'adulte, sur ses enfants pour l'une, son célibat pour l'autre et leur choix de vie pour les deux.
Il est question de relations maternelles, de manque de confiance en soi, de narcissisme, de fratrie, de manque de lucidité et d'enfermement dans une spirale infernale.
Alors oui, ce roman dénonce les dégâts que peuvent engendrer les réseaux sociaux mais c'est surtout une analyse des relations familiales.
Tout l'histoire est empreinte de solitude et de difficulté à aimer correctement.
C'est glaçant, on ne lâche pas une seule ligne et l'écriture de l'auteure est toujours aussi efficace pour rythmer ce roman drôlement d'actualité.
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L'histoire couvre la période allant des années Loft aux années 2030.
« YouTube était un monde à part. Un monde généreux, providentiel et accessible à tous »
Voilà bien résumé ce que nous raconte ce roman.
J'ai été effarée par ce que j'ai appris, car, à mon âge avancé, je ne suis pas de cette génération connectée ( et je suis gentille en employant ce terme ).
Mélanie a toujours admiré la téléréalité. Elle ressent un "manque" qu'elle ne s'explique pas et qui n'est comblé que lorsqu'elle regarde les autres vivre une réalité même faussée, du moins pour moi. Sa vie est pleine de vide.
Et pour combler ce vide, elle a trouvé son bonheur grâce aux multiples réseaux sociaux qui s'offrent à elle. Jusque là, rien à redire, c'est sa vie. C'est une adulte.
Là où ça se complique, c'est lorsqu'elle implique ses propres jeunes enfants, Sammy et Kimmy, qui deviennent vite des vedettes sur YouTube, qui comptent des amis (virtuels ) par milliers et même par millions. Elle les pervertit en croyant, en toute bonne foi, les rendre heureux, en en faisant des panneaux publicitaires.
J'ai pensé à Jordi qui chantait, il y a longtemps, « Dur, dur, d'être un bébé ».
Le récit est tout bonnement terrifiant et les enfants marqués à vie.
« Elle [ Kimmy ] ne sera jamais lavée de tous ces regards qui l'ont salie, usée, abimée, par écran interposé »
P 342 Gallimard
Après la lecture de ce livre, vous ne verrez plus les réseaux sociaux avec les mêmes yeux.
Delphine de Vigan sait bien appuyer là où ça fait mal. Une fois de plus, c'est une réussite.


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Première rencontre concluante avec l'écriture de Delphine de Vigan.

Avec "Les enfants sont rois", l'autrice dresse un paysage glaçant de la domination numérique et de l'exploitation de l'image des enfants par leurs propres parents sur les réseaux sociaux, dans un but lucratif, très lucratif, vraiment très très lucratif. Génération connectée oblige, Instagram et Youtube imposent désormais leurs lois dans les relations et contrôlent nos vies. Un véritable malaise s'installe au fil des pages, on ne peut nier la criante et navrante réalité : le web peut être très dangereux.

Je ne savais pas à quoi m'attendre en commençant ma lecture, c'est ma meilleure amie qui m'a prêté le roman lors de notre dernière rencontre, occasion de nous échanger quelques coups de coeur. J'ai été conquise par le style, la fluidité du propos, les personnages croqués en quelques paragraphes et qui nous semblent rapidement familiers.

Le thème choisi est fascinant, entre morbidité et attraction. Phénomène de société peu ou pas réglementé, l'exhibitionnisme consenti sur les réseaux est une vague qui emporte tout sur son passage : morale, décence, droit à l'image, consentement, protection des mineurs, dignité, intelligence, beauté. Bienvenue dans un monde truqué, factice, mensonger, illusoire, mercantile et violent. J'ai souvent eu la nausée.

Mélanie, la maman youtubeuse qui vit de la jolie frimousse surexposée de ses enfants, et Clara, l'enquêtrice en charge de retrouver une enfant-star disparue, ont le même âge mais pas les mêmes attentes. Et c'est moins l'éducation que chacune a reçue qui les sépare que des besoins affectifs propres à leur parcours respectif. La société subit une mutation profonde, il n'y aura sans doute pas de retour en arrière. Dès lors, il y a ceux qui résistent et qui souffrent et ceux qui s'adaptent et profitent.

Le roman suscite beaucoup d'émotions et de questions, ces dernières souvent sans réponses. Proche du témoignage ou du documentaire, "Les enfants sont rois" m'a plusieurs fois fait penser au film "Polisse" de Maïwenn d'où, là aussi, on ne sort pas complètement indemne.


Challenge PLUMES FEMININES 2023
Challenge ENTRE DEUX 2023
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Mélanie Claux, la trentaine, créé une chaîne YouTube et filme ses enfants Kimmy et Sammy au quotidien. La chaîne s'avère juteuse, addictive, des millions d'abonnés se bousculent au portillon.

Un jour, alors que ses deux enfants jouent au pied de leur immeuble. La cadette Kimmy est enlevée.

L'enquête policière démarre.

A travers l'enquête minutieuse de Clara, procédurière à la brigade criminelle, personnage analytique, tenace, méthodique et le suspense présent dans le récit, on découvre ce qui a pu mener Mélanie vers les réseaux et médias sociaux et produire le drame.

Mélanie est d'abord une jeune fille puis une femme en mal de reconnaissance qui s'ennuie, elle fascinée par la téléréalité et la Loana du Loft des années 1990/2000, le degré zéro de la culture.

Lorsqu'elle découvre Facebook, c'est tout naturellement qu'elle se dirige vers le réseau, le temps s'écoule alors plus vite, elle échange avec « des personnes », a l'impression de revivre.

Sa vie ainsi que celle de sa famille s'accélèrent encore lorsqu'elle découvre YouTube, les possibilités que lui offre ce captivant média. L'algorithme et les promesses d'amour, de reconnaissance aidant, enfin ! le corollaire de l'économie du web aussi.

C'est alors la plongée vers un ailleurs, le moi se fond dans celui des autres, ces millions d'anonymes qui l'aiment tant elle et sa famille, ses charmants enfants, les blessures narcissiques sont enfin comblées, il n'en faut pas plus pour les aspirer elle, ses enfants, son mari dans la spirale infernale qu'offre la vie virtuelle. Elle se vit comme une « maman poule » qui contrôle tout et qui n'hésite pas à jeter ses enfants en pâture à la face de millions d'inconnus qui en redemandent toujours plus et la remercient au centuple à coups de « Likes, de coeurs et tous les autres émoticônes » donnant l'illusion de combler les manques de la vie réelle, ce que l'on ne reçoit pas en temps normal, un accès direct et sans retour aux paradis artificiels.

c'est en réalité l'enfermement et l'asservissement à l'intelligence artificielle.

A vouloir trop s'approcher des étoiles sans précaution, on peut se brûler les ailes et s'aveugler.

A travers ce superbe thriller bien racontée et bien construit, Delphine de Vigan nous montre comment les réseaux et médias dits sociaux, principalement YouTube relayé par Instagram, ont envahi notre vie, nous faisant vivre des expériences de dépersonnalisation, faisant exploser les frontières entre l'intime et l'extériorité.

A l'ère de la surconsommation et de la monstruosité, l'auteure pose la question du devenir de ces enfants futurs adultes, la nouvelle génération, avenir de l'humanité, dont la vie est calquée sur le rythme infernal et épuisant du tournage quotidien des vidéos, de l'envahissement d'objets inutiles et souvent non désirés, de nourriture malsaine dont on se gave publiquement et que l'on fait semblant de savourer, les gags. Une comédie de faux semblants qui attire toujours plus.

Ces abus sont encouragés par plusieurs facteurs : la gratitude des abonnés évoquée mais aussi par l'économie du web : les marques qui payent, la publicité, le profit généré par le trafic mais aussi le vide juridique.

Alors à la question que vont devenir ces enfants l'auteure oppose une réponse quasi dystopique mais nécessaire qui prend le contre pied des agissements de Mélanie Claux.

Ce média du web et les agissements qui en découlent sont perçus comme un refuge des temps modernes contre l'ennui, la mésestime de soi, le sentiment d'échec, la distension des liens sociaux et familiaux, la recherche d'amour et du profit, la perte du contact avec la réalité. Des entreprises du numérique qui ont bien compris ces éléments et qui en tirent profit.

Delphine de Vigan semble vouloir dénoncer les dérives d'une société de consommation extrême, du capitalisme qui en est à son apogée et qui ne peut dès lors que décliner, c'est une critique sociale qui livre une réalité qui mène à une sorte d'esclavage doré à l'ère du numérique.

Livre utile sur un sujet brûlant d'actualité et dont le succès est mérité !

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J'ai eu le grand plaisir de découvrir ce roman dans le cadre des lectures communes du forum, une collègue de travail m'a dit un jour qu'elle trouvait cette auteure très hermétique et dans le style de Michel Houllebecq, donc je n'avais jamais rien lu d'elle. Je lis toujours les trois ou quatre livres qu'on choisit chaque trimestre, surtout histoire de sortir de ma zone de confort. J'ai entamé celui-ci avec crainte, m'attendant à me trouver face à un texte fort déplaisant… et en fait il n'a rien d'hermétique, ni de bizarre. C'est un roman très bien écrit, fluide et très agréable à lire, comme quoi il vaut mieux se faire une idée par soi-même.

Lors de la finale du Loft, remporté par Loana, deux adolescentes sont devant leur poste. Mélanie rêve ouvertement de suivre cette voie, toute sa famille se passionne pour cette émission. Clara est issue d'une famille contestataire, écologique avant l'heure et ne peut regarder cette finale en cachette que parce que ses parents ont une réunion politique à ce moment, elle n'est pas impressionnée par la télé-réalité et devient policière après ses études de droit, plus exactement procédurière, celle qui consigne tous les actes de l'enquête et s'assure qu'ils soient conformes au droit pour éviter des vices de forme qui remettrait l'enquête en question. Mélanie a rêvé longtemps de devenir une star, mais elle n'a été qu'une candidate vite oubliée d'une énième émission stupide. Elle a fini par se marier et avoir deux enfants, Sammy et Kimmy.

Les deux femmes se croiseront des années après la finale du Loft, quand Kimmy, six disparaît lors d'une partie de cache cache devant son immeuble. Après avoir retourné le quartier, Mélanie avise la police et dit craindre un enlèvement car elle et ses enfants sont très célèbres, l'inspecteur en doute, il n'a jamais entendu parler de cette femme. Mélanie explique alors être à la tête de la plus importante chaîne familiale française sur You Tube, ce qui leur rapporte un million d'euros par an. Elle détaille son quotidien, ses enfants sont filmés à toutes occasions, il faut produire trois vidéos par semaine, plus les stories etc. Kimmy est introuvable et Clara gère l'enquête, elle se trouve plongée dans un univers hallucinant, complètement ignoré d'une bonne partie des adultes, mais qui suscite les passions des plus jeunes, Happy Recré n'a pas moins de cinq millions d'abonnés et il y a de nombreuses chaînes similaires, les trois plus populaires se livrant à une concurrence féroce.

L'auteure utilise la trame du polar, mais c'est surtout un prétexte pour parler des dérives de notre société hyper connectée et en complet décalage avec le réel parfois. Mélanie semble être une caricature mais malheureusement, ces chaînes familiales existent bel et bien. Certains enfants sont exposés depuis leur plus jeune âge dans des situations pas forcément valorisantes, la plupart des vidéos tournent autour de la consommation et du tout, tout de suite. le déballage de cadeaux publicitaires divers et variés ainsi que les tests de produits malsains comme les bonbons ou les boissons sucrées forment l'essentiel des vidéos ainsi que des scènes d'achat compulsif dans les supermarchés. La deuxième partie du livre qui met en scène les enfants devenus majeurs est particulièrement intéressante et c'est dommage qu'elle ne soit pas plus développée. L'auteure dénonce les ravages causés par Mélanie sur sa famille, elle voulait devenir célèbre et permettre à ses enfants de vivre dans un monde de rêve, mais finalement ils ont vécu une grande maltraitance et leur univers tenait davantage du cauchemar. L'enlèvement de Kimmy lui a offert un répit bienvenu en réalité, redevenant une petite fille et plus un objet. J'ai beaucoup aimé ce livre très percutant qui porte un regard aigu sur les dérives de notre société de consommation.
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On dit souvent que les réseaux sociaux ne sont qu'un outil, et que c'est la manière de les utiliser qui les rend néfastes ou non. Je l'ai longtemps pensé, et c'est sans doute en partie vrai. Mais la réalité est bien plus complexe et bien moins manichéenne.

Delphine de Vigan ne propose pas qu'un roman formidablement mené et traité, ce livre est essentiel. Alors qu'on stigmatise principalement les jeunes et leur dépendance, elle se penche plutôt sur le sort des enfants devenus rois de la toile. A leurs dépends et sans qu'on ne leur ai rien demandé.

La narration de l'autrice est un modèle du genre, à la fois fiction et étude sociétale, avec un soupçon de polar.

26 avril 2001, le jour où le monde de la télévision a basculé, le jour où la société française a muté. Loft story sur M6 déchirait la toile pudique pour projeter un pan voyeuriste jamais révélé, et ouvrait les vannes d'un flot souvent saumâtre qui allait submerger nos relations communautaires.

C'est un peu le point de départ et d'ancrage de ce récit, qui va nous emmener sur 30 ans. Passé, présent, futur (proche).

Deux femmes, deux parcours, deux sensibilités. Une mère de famille qui vivra sa vie rêvée à travers ses deux enfants, et tant pis s'ils en deviennent des dommages collatéraux. Et une flic du genre solitaire, bien loin des jeux de lumière. Deux pôles contraires qui vont s'attirer, par la force des événements.

L'autrice raconte et explique, analyse et extrapole, décrit et ressent. Rarement livre ne m'aura paru aussi bien bien pensé et construit. Il faut dire que je vois les choses exactement de la même manière qu'elle, et qu'elle a réussi à poser des mots sur des maux que je touche du doigt depuis un moment.

J'ai lu un avis sur ce livre, venant d'une jeune personne, qui ne trouvait rien d'autre à en dire que « ce livre est nul », sans proposer rien à argumenter. Comme si elle se sentait attaquée. J'ai trouvé cette réaction très intéressante et révélatrice.

Car ce roman est au contraire d'une rare intelligence, d'une vraie clairvoyance. En à peine plus de 300 pages, l'écrivaine parvient à aller en profondeur, creuser un sujet compliqué, sans tomber dans un côté trop moralisateur.

Notre société tournée autour de l'image et de la consommation à outrance, fait perdre tout sens commun. Ou plutôt, devient le sens unique de nombreuses vies. Accumuler, montrer, remplir un vide intérieur. C'est le quart d'heure de célébrité d'Andy Warhol poussé dans ses retranchements, la vie quotidienne plongée dans l'industrie du spectacle, et tant pis si tout le monde ne veut pas jouer à ce jeu-là.

Les paillettes et les flashs qui crépitent ont toujours fait fantasmer cette mère de famille, dès son plus jeune âge. Biberonnée à la télé réalité, elle ne pense pas à mal quand elle crée sa chaîne Youtube et commence à filmer chaque moment d'intimité de ses deux jeunes enfants. A les scénariser, à les tordre pour qu'ils entrent dans un moule.

Sans jamais se demander ce qui peut se passer dans la tête des ses deux gamins et les effets à long terme d'une telle surexposition, d'une telle exhibition.

Jusqu'à ce que la plus jeune disparaisse. Car c'est bien un roman, avec une histoire, une tension dramatique, des protagonistes qui évoluent et interagissent, de l'émotion.

L'autrice ne sacrifie pas ses personnages sur l'autel d'une cause. Au contraire, elle les chérit. Tout en se servant d'eux pour parler d'un sujet grave. Fond très documenté et forme très efficace. Avec le lecteur qui navigue entre empathie et rejet.

Ces personnages nous touchent, nous font bondir, nous émeuvent, nous heurtent. Nous troublent.

Les réseaux sociaux manipulent, tout le monde le sait sans trop vouloir le savoir. Une tyrannie enrichie par des volontaires par millions, lui, vous, moi.

Quand on projette on ne protège pas. le premier devoir d'un parent est bafoué, aveuglé par le feux des projecteurs. On n'est pas loin du zoo.

Besoin éperdu d'amour et de reconnaissance, pulsion accumulatrice ; remplir, remplir le moindre espace de vide ; quantité plutôt que qualité. le nombrilisme comme symptôme d'un mal-être. Avec des effets sur les proches qui peuvent être dévastateurs.

Et quelle bonne idée d'avoir, poussé le bouchon un tout petit peu plus loin, temporellement. Pas une dystopie, arrêtons d'utiliser ce mot à tout bout de champ, mais une anticipation de ce qui arrive. Vite. Qui nous dépasse déjà.

Avec une acuité, une sensibilité et une justesse qui ont totalement fait écho en moi, Delphine de Vigan touche le vivant à travers nos glaçantes dérives de société.

Les enfants sont rois, jusqu'à ce qu'on leur coupe la tête. Ouvrons les yeux.
Lien : https://gruznamur.com/2021/0..
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Il y a 2 ou 3 ans, lors d'une formation sur l'utilisation des réseaux sociaux par les enfants, j'ai découvert l'unboxing. Je me souviens que face aux vidéos montrées par le formateur, nous étions tous sans voix... comment cela pouvait-il exister ? Quel intérêt à ce genre de vidéo ?
Ce livre m'a replongée directement dans ce monde virtuel que je ne comprends pas. Dans la première partie du livre, je me suis prise de pitié pour Mélanie, j'ai cru comprendre pourquoi ces parents agissent ainsi : le besoin de reconnaissance, le manque d'intérêt de ses propres parents.... Je me suis dit: ok, ça peut s'expliquer.... et puis, dans la deuxième partie, plus de pitié: pourquoi s'obstine-t-elle? Pourquoi ne se rend-elle pas compte du malaise de sa fille? Est-ce une question d'argent ?
Ce livre fait poser beaucoup de questions sur la société d'aujourd'hui. Je ne suis pas contre les réseaux sociaux, je les utilise, de manière modérée.... mais les dérives qu'ils engendrent n'ont pas fini de faire parler d'eux.
Bref, c'est un livre, bien qu'étant une fiction, fait réfléchir. Je ne peux que conseiller sa lecture.
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