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Citations sur Les gratitudes (425)

Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois par jour vous disiez merci ? Merci pour le sel, pour la porte, pour le renseignement.
Merci pour la monnaie, pour la baguette, pour le paquet de cigarettes.
Des merci de politesse, de convenance sociale, automatiques, mécaniques. Presque vides.
Parfois omis.
Parfois exagérément soulignés : Merci à toi. Merci pour tout. Merci infiniment.
Grand merci.
Des merci de profession : Merci pour votre réponse, votre attention, votre collaboration.

Page 11, JCLattès, 2019.
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En quelques semaines, son élocution est devenue plus lente, plus sinueuse, elle s'arrête parfois au milieu des phrases, complètement perdue ou bien elle renonce au mot manquant et passe directement au suivant. J'apprends à suivre le chemin de sa pensée.
Je suis vaincu. Je le sais. Je connais ce point de bascule. J'en ignore la cause mais j'en mesure les effets. La bataille est perdue.
Mais je ne dois pas lâcher. Surtout pas. Sinon ce sera pire encore. La chute libre.
Il faut lutter. Mot à mot. Pied à pied. Ne rien céder. Pas une syllabe, pas une consonne. Sans le langage, que reste-t-il ?

Page 105, JCLattès, 2019.
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Quelques minutes plus tard, une femme entre dans la chambre pour lui proposer une collation. Un petit jus de pomme avec une petite paille et un petit gâteau emballé dans un petit sachet. Les mêmes qu'au centre de loisirs.
Voilà donc ce qui t'attend, Michk' : des petits pas, des petits sommes, des petits goûters, des petites sorties, des petites visites.
Une vie amoindrie, rétrécie, mais parfaitement réglée.

Pages 32-33, JCLattès, 2019.
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Ce n'est pas vrai. Je n'imagine rien du tout. Parce que c'est inimaginable. Je pose mon bras sur le sien. Je cherche quelque chose à dire, quelque chose qui pourrait la réconforter — « les dames sont sympas » ou « je suis sûre que tu vas te faire des copines » ou « il y a pas mal d'activités » — mais chacune de ces phrases est une insulte à la femme qu'elle a été.
Alors je ne dis rien.
Je me contente de rester près d'elle. Elle s'allonge sur le lit et s'assoupit.

Page 32, JCLattès, 2019.
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Elle m'attend dans le fauteuil.
Elle ne fait rien en m'attendant. Elle ne fait pas semblant de lire, de tricoter, ou d'être occupée.
Ici, attendre est une occupation à part entière.
Page 93
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C'est venu d'un coup. Du jour au lendemain.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de signes avant-coureurs. Parfois, Michka s'arrêtait au milieu de son salon, désorientée, comme si elle ne savait plus par quoi commencer, comme si le rituel, si souvent répété, soudain lui échappait. D'autres fois, elle s'arrêtait au milieu d'une phrase, elle butait, au sens propre, contre quelque chose d'invisible. Elle cherchait un mot et en rencontrait un autre. Ou bien ne rencontrait rien, que le vide, un piège qu'il fallait contourner. Mais pendant tout ce temps, elle vivait seule, chez elle. Autonome. Et elle continuait de lire, de regarder la télévision, de recevoir quelques visites.
Et puis il y a eu ce jour d'automne, que rien n'avait annoncé.
Avant, ça allait. Après, ça n'allait plus.

Page 13, JCLattès, 2019.
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Elle m’attend dans le fauteuil.
Elle ne fait rien en m’attendant. Elle ne fait pas semblant de lire, de tricoter, ou d’être occupée.
Ici, attendre est une occupation à part entière.
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Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l’absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d’un prénom, d’une image, d’un parfum. Je travaille avec les douleurs d’hier et celles d’aujourd’hui. Les confidences.
Et la peur de mourir.
Cela fait partie de mon métier.
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Vieillir, c’est apprendre à perdre.
Encaisser, chaque semaine ou presque, un nouveau déficit, une nouvelle altération, un nouveau dommage. Voilà ce que je vois.
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Je les vois comme si j'y étais, ces étendues vides, arides, ces chemins dévastés, qui surgissent au milieu de ses phrases, quand elle tente de parler. Paysages désolés, privés de lumière, d'une platitude inquiétante, et rien, plus rien à quoi s'accrocher. Perspectives de fin du monde. Elle commence une phrase et déjà les mots lui manquent, elle bascule, comme on tombe dans un trou. Il n'y a plus ni balises ni repères, car aucun sentier ne saurait franchir ces terres infertiles. les mots ont disparu, et aucune image ne permet de les contourner.
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