Mes réticences à lire ce roman reposaient essentiellement sur ma crainte d'un texte lourd, grave, empreint de tristesse, voire de noirceur. Car ayant lu
Delphine de Vigan auparavant, connaissant sa tendance à l'écriture triste (mais vraie, au demeurant), je me suis dit qu'en écrivant sur sa propre mère cela serait sans doute encore plus torturé et douloureux.
En fait, j'ai plongé avec appétit dans l'histoire de cette famille hors du commun, aux nombreux enfants (la mère de l'auteure avait 7 frères et soeurs). le début du roman, parlant de l'enfance de Lucile, la maman, est totalement prenant, on vit avec cette famille de doux dingues, déjà marquée par le malheur, et
Delphine de Vigan installe, tout doucement et avec brio, une tension, on sent que l'on glisse vers le drame, vers quelque chose d'horrible qui va se produire...
Ensuite, sa mère devenue adulte, l'auteure parle d'elle-même, forcément, et de sa soeur. Mais son talent est de ne jamais se prendre comme sujet du roman, sa mère reste au centre, c'est vraiment très bien écrit et plein d'émotion, que l'on sent retenue néanmoins. La maladie, ou plutôt les maladies de sa mère sont évoquées à la fois avec précision et pudeur, ce qui est une prouesse.
Au final, il se dégage de ce roman effectivement une infinie tristesse, mais surtout beaucoup d'amour, de ceux qui font vibrer toutes les familles. Et beaucoup de complexité, de non-dits, de failles et d'erreurs, mais sans jamais d'apitoiement.
Un roman personnel et singulier, à l'écriture brillante mais modeste, tout en finesse et très féminin.