On n'est plus jeune quand on n’a plus ni illusions ni espoir, fit- elle. Et je me sens vieille, affreuse, et fatiguée de tout, dégoûtée de cette vie. Mais... chacun a le destin qu’il mérite, n'est-ce pas ? C'est ce que tous les moralistes vous diront...
... Certains êtres ne pensent qu'à prendre, à posséder, à s'emparer des choses, des biens, des personnes : Odile, au contraire, éprouvait le besoin de donner, de dépenser son propre cœur. L’amour était venu à elle, étrange, exalté, passionnant ; dut-elle en échange ne recevoir que des miettes, elle ne voulait pas y renoncer. Elle consentait à tout, elle aurait toutes les patiences, toutes les humilités, ferait tous les sacrifices.
La jeunesse est naïve. Avec l’âge, on acquiert une expérience qui ne va pas sans la perte de quelques illusions... De toute façon, la bonne action demeure, même si son bénéficiaire n’en est pas digne !
Avec une clairvoyance subite, elle se rendait compte qu'elle aimait cet étranger, dont elle ne connaissait rien, sauf son nom, qu'elle l’aimait sans raison, comme vraiment on aime ; l'amour prend tous les aspects, tend tous les pièges aux âmes innocentes ; croyant aller à lui par pitié, c'était l'amour qui la guidait, un amour généreux, désintéressé, prêt au dévouement, au sacrifice, à l'oubli de soi.
Tout homme a le droit d'avoir quelques moments heureux... Il doit être permis au misérable de se désaltérer à la source fraîche qui traverse son chemin aride, de se réchauffer au reflet du bonheur qui ne lui est pas accordé... Oui, on doit pouvoir jouir des heures douces, sans regarder ni en avant ni en arrière, et quoi qu'il puisse en résulter !