AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,87

sur 468 notes
5
47 avis
4
68 avis
3
15 avis
2
3 avis
1
0 avis
Rien ne rend mieux la réalité que la fiction, surtout lorsque c'est un reporter de guerre émérite qui prend la plume : Benoît Vitkine est lauréat 2019 du Prix Albert Londres pour sa série d'enquêtes publiée au Monde sur l'influence russe, notamment au Donbass.

Le Donbass, c'est cette région minière ukrainienne aux frontières russes, en proie à un conflit armé qui oppose depuis 2014 le gouvernement pro-européen aux séparatistes russophones soutenus par Poutine. Plus qu'une toile de fond, cette guerre qui n'intéresse plus personne est au coeur de ce roman dont la plus grande vertu est d'en rendre les enjeux compréhensibles, même pour un lecteur sans connaissances géopolitiques précises. Benoît Vitkine sait se faire pédagogue sans pour autant alourdir le récit.

L'immersion est immédiate. On est plongé dans l'intimité de la guerre, au plus près d'hommes et femmes ordinaires pour qui la guerre est devenue une routine. On sent que ce qui intéresse avant tout l'auteur, c'est de montrer l'intime dans le chaos, de montrer comment la guerre mine la psychologie des hommes et exacerbe les sentiments, pour le meilleur et pour le pire, dans un univers où il n'y a pas de place pour les tièdes ou les nuances.

Le pire, c'est le assassinat sauvage d'un enfant dans la ville Avdïivka tout près de la ligne de front. Un crime qui peut sembler dérisoire au vue des horreurs de la guerre, mais pour le colonel de police Kavadze, retrouver l'assassin, c'est se prouver que la guerre n'a pas tué toute humanité en lui, toute capacité à s'indigner. Il ne lâchera rien, lui le vétéran de l'Afghanistan, lui le flic désabusé qui se réfugie derrière un cynisme blasé pour éviter de souffrir plus que de mesure.

L'intrigue polar est bien là, mais ce n'est qu'un prétexte. Elle est traitée de façon un peu discontinue et il manque ça et là quelques rouages pour fluidifier son avancée qui passe souvent à l'arrière-plan. Maladresses qui importent peu tellement ce roman est plus qu'un polar. Avec son sens du détail, il distille une atmosphère singulière et imprime des images fortes dans les rétines : celle de cette cokerie, seule debout à faire vivre encore un tant soit peu cette ville martyre de Avdïivka ; celle de la traversée hallucinée de la ligne de front par Kavadze ; celle de la confrontation de ce dernier avec un homme rendu fou par les guerres passés. Et surtout ces inoubliables babouchkas qui tiennent le terrain pendant que les hommes jouent à la guerre, frappent ou boivent.

«  Elles étaient des survivantes. le quartier était rempli de ces veuves impassibles. Le pays pouvait bien s'étriper, elles continueraient à fabriquer des confitures et à mariner des champignons. Leurs maris s'étaient agités toute leur vie, puis leurs coeurs avaient lâché, fatigués de tant donner à des corps massifs, à des vies trop brutales. Elles, elles restaient. Elles vivaient quinze ans, vingt ans de plus que leurs hommes. Et pendant vingt ans, elles enfilaient chaque jour les mêmes chaussons, les mêmes robes de chambre. Elles accomplissaient consciencieusement la routine de leurs petites vies. »

Un roman captivant sur un angle mort de la géopolitique mondiale et du polar en général.
Commenter  J’apprécie          14718
Le Donbass, bassin minier qui forme la partie Est de l'Ukraine, est depuis 2014 le théâtre d'une guerre entre le régime ukrainien pro-européen et les séparatistes russophones soutenus par Poutine. Dans la petite ville de Vdiïvka, en plein sur la ligne de front, la vie continue tant bien que mal, sous les tirs d'obus et de roquettes qui détruisent et tuent chaque jour un peu plus. La corruption et les trafics en tous genres ne semblent que mieux s'en porter, dans l'indifférence générale. Pourtant, lorsqu'un enfant est retrouvé assassiné, le chef de la police Henrik Kavadze sort soudain de sa torpeur pour se lancer dans une enquête dont il est loin de soupçonner les liens avec son passé de vétéran d'Afghanistan.


Au-delà du polar, en l'occurrence addictif et bien ficelé, ce sont les connaissances et l'expérience du reporter de terrain et du journaliste spécialiste de la zone qui donnent tout son relief à ce livre : Benoît Vitkine excelle à dessiner et à rendre intelligible l'intriqué contexte géo-politique de son histoire, mais aussi à restituer le climat si particulier de cette ville sinistrée, qui cumule la grisaille et la misère héritées des années soviétiques à la tension et aux dangers d'un conflit armé dont tous ont oublié les troubles raisons. Plongé dans ces lieux comme s'il y était, le lecteur y part à la rencontre de personnages plus vrais que nature, qui tous crèvent les pages et donnent le frisson : petites gens résignées à la peur et à la misère, hommes tués avant l'âge par la violence, les trafics et l'alcool, femmes acculées à la prostitution ou trop souvent laissées veuves sans ressources, fonctionnaires corrompus et voyous de tout poil, tous tentent de survivre avec les moyens du bord et une absence totale d'horizon. A la souffrance des civils s'ajoute celle des militaires, dont beaucoup ont connu le bourbier afghan et, quand ils en sont revenus, traînent leur traumatisme jusqu'à la folie. le chaos règne autant dans les têtes que dans les rues dévastées…


Impressionnant de précision et de véracité, ce livre qui se lit avec la facilité addictive du roman policier est avant tout un excellent reportage empli d'images fortes et inoubliables, une galerie de portraits représentatifs d'une population martyrisée oubliée par l'opinion publique internationale, et une manière aussi plaisante qu'instructive de comprendre le conflit entre l'Ukraine et la Russie. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          1187
Au risque de paraitre ignare , je l'avoue humblement , pour moi , le titre du livre , " Donbass" , il n'évoquait pas grand chose sinon un mystère que j'allais forcément lever lors de ma lecture . Oui , et bien le Donbass, aujourd'hui , j'en sais un peu plus que ce qu'ont bien voulu m'en offrir les " actualités " que je regarde à la télévision. Évidemment, cette " région " ukrainienne située près de la frontière russe est en état de guerre depuis 2014 , mais cela ne semble pas de nature à troubler les consciences dans notre pays . D'un côté, on souhaite intégrer l'Europe , de l'autre la Russie ....Difficile et cruel dilemme pour les habitants qui , en optant pour l'un ou l'autre , ont déclenché une guerre qui , il faut bien le dire , ne dit pas vraiment son nom , ne semble pas susciter un intérêt de nature à émouvoir...Terrible . Il est là le cadre de ce roman .La guerre , les souffrances , le bruit incessant des obus qui éclatent ça et là, tellement proches , tellement lointains qu'on finit par les ignorer même si l'on sait que, un jour ou l'autre.....
C'est que , voyez- vous , dans ce monde cruel , certains savent évoluer, exploiter , échanger les richesses . Corruption , Backchichs , privilèges ,compromis avec l'ennemi , et les avoirs inondent certaines " poches " pour qui " la guerre est belle " .Tant pis pour ceux qui , ici ou là, voient leurs enfants transformés en chair à canon .
Business. Rien de bien nouveau , rien de bien original ....
Et puis , un jour , on découvre le cadavre d'un enfant ....Autre chose , là , non? ...Et le colonel Henrik Kavadze , chef de la police locale se lance sur l'affaire . Pas un marrant , le colon . Désabusé, c'est plutôt un observateur du " temps qui passe " . Oui , mais un enfant .....
Il faut faire la lumière sur cette histoire au grand dam de certains qui , au contraire craignent pour leurs juteuses affaires ...
Roman court , moins de 300 pages , ce roman n'en " dégueule pas moins " d'intérêt. Pour moi , il est déjà très bien écrit, sans temps mort , sans fioritures .Il est très bien documenté sur le conflit , décrit avec art les enjeux , les intérêts économiques plus ou moins licites ....Et puis , cette histoire de crimes et l'existence d'un éventuel psychopathe....Une menace pour de lucratifs trafics....pour de gros , très gros profits....Un polar ? Sans doute . Un roman historique ? L'avenir le dira . Un témoignage sur un " bourbier " pas si lointain de nous ? Certainement . Un bon bouquin ? Oh ,que oui .....
Le roman de Benoît Viktine, correspondant du Monde à Moscou , m'a été offert par ma chère épouse sur les conseils de mon libraire . La seule chose que je puisse dire est qu'ils ont fait un superbe choix que je souhaite partager avec vous ....La couverture , superbe à mon sens, donne le ton . Amateurs du genre , precipitez- vous....
Commenter  J’apprécie          1028
Etre un héros mort ou être un lâche vivant, c'est le choix offert aux habitants de Avdiïvka (dans la banlieue de Donetz) située sur la ligne de front de « l'opération spéciale ».

Publié en 2020 ce reportage, récompensé de plusieurs prix dont le prix Albert Londres, décrit la vie des populations à l'est du l'Ukraine, dans une région russophone idéalement placée sur une route de la soie noyant l'Europe avec la drogue cultivée en Afghanistan, pour le grand profit des apparatchiks locaux et le petit profit des corrompus qui ferment les yeux ou manutentionnent les sacs de contrebande.

Dans ce contexte, Benoit Vitrine déroule une intrigue criminelle qui passionnera les amateurs du genre et des oeuvres portant un jugement critique et des critères moraux. le rythme de la narration et des dialogues anime le scénario qui s'élargit au fil des chapitres et des cadavres.

Mon héros est Oleg Gribounov, frère d'Antonia Gribounova, mineur syndicaliste éliminé après la découverte et la dénonciation de magouilles ayant provoqué l'effondrement de la mine et la mort de dizaines de travailleurs. L'intégrité, le courage, la ténacité d'Oleg forcent le respect. Son traitement en établissement « psychiatrique », son bouleversant martyre, son inhumation dans le silence et la désertion de ses camarades rendent ce Donbass inoubliable.

Tant que notre Europe engendrera de nouveaux Oleg, l'espoir existera en Ukraine comme en Russie.

Mais beaucoup préfèreront « longer la mer jusqu'au Portugal » achève l'auteur désabusé.
Commenter  J’apprécie          890
Le matin quand je me lève, je me mets à la fenêtre pour prendre mon déjeuner, je regarde l'étang dans mon jardin, il fait beau, ou pas, mais tout est calme et putain qu'est_ce que c'est beau la vie!!
J'allume la radio et j'entends parler de ces centaines de milliers de civils bombardés à Gaza, j'entends parler de l'Ukraine, du bordel à Haïti ...
JE SUIS UN SACRÉ VEINARD de vivre ici, en paix, tranquille à pouvoir apprécier cette putain de belle vie!!!

Je vous dis ça pourquoi? parce-qu'après avoir fini de lire mon bouquin : Donbass, je pense que là-bas, les choses ont commencé en 2014! Dix ans déjà que ça dure : bombardements, fusillades, tirs de roquettes, la mort qui rôde à chaque coin de rue!
Dans ce récit, grâce à l'écriture très efficace et documentée de Benoît Vitkine, on est plongé tout de suite dans le bain, on vit avec la guerre, on meurt avec la guerre!
Mais il y a aussi, les trafics de toutes sortes, la corruption, les conflits de pouvoir, bref avec la guerre viennent toutes les formes d'effondrement possible : social, économique, sociétal.
En plus, ici, il s'agit d'un meurtre d'enfant, comprenez-moi bien, ce n'est pas un enfant qui est mort à cause d'une bombe, d'une balle perdue, non, non, le gamin a été punaisé au sol avec un poignard de guerre : un véritable crime dans toute son atrocité (Eh oui, même en pèriode de guerre, on peut établir une échelle dans l'horreur!)
Sous couvert d'une enquête menée par le colonel Henrik Kavadze, chef de la police locale, nous allons assister à tout ce qu'un conflit de ce type, entre nationalismes exacerbés, défense d'intérêts économiques et tripatouillages parallèles, peut générer comme abominations.
Le roman a une qualité documentaire indéniable, quasi journalistique, et se lit très bien!
Pour celles et ceux qui seront capables de se balader dans cette région de ruines, fréquentée par des êtres plus survivants qu'autre chose, c'est un excellent roman!
Commenter  J’apprécie          8146
Vous connaissez le Donbass ? Non ? Humm alors voilà une bonne raison de lire ce titre de Benoit Vitkine. Déjà que l'auteur est crédible, journaliste, spécialiste des pays de l'Est et de l'ex -URSS, lauréat du prix Albert-Londres, on peut s'y fier je crois.
Alors, le Donbass est une région d'Ukraine, bassin houiller important où le conflit armé sévit depuis 2014 avec la crise ukrainienne et dont on entend peu parlé. Ce sont les séparatistes russophones qui ne reconnaissent pas le nouveau régime ukrainien, ce sont des frontières contraintes entre territoires conquis par l'un ou l'autre, c'est l'effondrement économique où les mines de charbon abandonnées par les autorités sont reprises par les mafias, c'est la corruption, ce sont les oligarques pas toujours très nets et pour certains c'est l'Afghanistan qui les hante encore. le meurtre d'un petit garçon près d'une mine mettra la ville en émoi et encore plus le policier chargé de l'enquête. Il enquête sur un terrain miné, dans tous les sens du mot. Il doit composer avec ses fantômes, ses collègues corrompus, avec une administration qui ne veut que balayer la poussière sous le tapis, bref il est seul avec sa vodka et sa désillusion.
Un récit crédible sur cette mauvaise guerre, une enquête policière dans un décor de cauchemar, bref un voyage dans un quotidien lugubre, trouble, où l'optimisme ne serait qu'un trait de l'esprit.
Commenter  J’apprécie          705
Donbass, un nom qui claque comme une rafale de kalachnikov. Un territoire presque inconnu aux yeux de l'Occident il y a encore quelques mois et que beaucoup d'entre nous savent désormais situer sur une carte d'Ukraine depuis un fameux 24 février 2022 où la Fédération de Russie a lancé ce qu'elle nomme « une opération spéciale » contre l'Ukraine.
Le conflit qui déchire ce grand bassin minier et sidérurgique d'Ukraine existe pourtant bel et bien depuis le printemps 2014, opposant soldats pro-européens de la République d'Ukraine et séparatistes prorusses soutenus par Poutine sur une ligne de front qui divise autant un territoire désormais abîmé que des familles qui le sont tout autant.
Lorsque le roman commence, nous sommes en 2018. Quatre ans déjà ! Sur ce territoire où le conflit et ses tirs d'artillerie quotidiens sont entrés dans la routine de ses habitants, nous découvrons une ville, Avdïivka, posée là comme une déflagration dans le paysage, tout près de la ligne de front. C'est dans cette ville, dans un quartier sombre et lugubre, que l'on va découvrir le corps du petit Sacha Zourabov, un enfant de six ans sauvagement assassiné et mutilé.
Le colonel de police, Henrik Kavadze, un vétéran de la guerre d'Afghanistan quand l'Ukraine n'était alors qu'une république de l'URSS, est dépêché sur les lieux pour prendre en charge l'enquête...
Henrik Kavadze est un flic cynique et désabusé. Il fait partie de ces hommes qui avancent désormais parmi les vivants et les morts, dans un paysage de désolation peuplé de maisons détruites, de gares désaffectées, d'arbres soufflés par l'éclat des explosions.
Le cauchemar afghan le réveille souvent, le taraudant comme une vrille dans la tête. Mais depuis l'horreur de la découverte du cadavre de ce garçonnet, ce sont des réminiscences, les fantômes du passé...
Sa vie n'est qu'un désastre, un champ dévasté par les mines.
Dans une enquête qui piétine, Henrik Kavadze doit jouer des coudes. S'il n'y avait que la guerre... Mais il doit composer avec la corruption, les trafics en tous genres, des gangsters devenus des patrons d'usines sidérurgiques... Sans compter une hiérarchie en déliquescence...
Parfois il faut passer de l'autre côté, se débrouiller avec un laissé-passez obtenu à l'arrache, tâcher de revenir vivant et entier...
Ici Benoît Vitkine, grand reporter de guerre au Figaro, connaît bien son sujet. Il connaît ce terrain miné comme sa poche. C'est une fiction, mais une réalité âpre et oppressante nous colle sans cesse à la peau.
La force de ce roman est son écriture réaliste qui nous plonge d'emblée dans le chaos. À chaque page, le fracas métallique venu du ciel résonne dans nos têtes. Nous sursautons au bruit des tirs de mortier... Nous sentons l'odeur de la mort parmi la boue et la neige souillée, les tensions palpables entre les protagonistes de l'histoire.
Et puis il y a la douleur d'Alina Zourabov la mère du garçon assassiné, celle aussi de la vieille Louissia Louzovitch, deux personnages féminins qui m'ont touché.
Parfois il y a une trêve, le temps d'enterrer un enfant, un enfant qui aura vécu la majorité de sa vie dans la guerre.
Au prétexte d'un thriller au ton cynique, Benoît Vitkine nous invite au plus près de ce conflit. Sans doute l'auteur n'imaginait pas, en écrivant ce roman en 2020, l'ampleur que les événements prendraient deux ans plus tard, ou peut-être si, en analyste géopolitique averti, car tout était déjà écrit, dans les cicatrices du terrain et dans la tête de Poutine...
Combien de familles déchirées, pro-ukrainiennes contre prorusses... ? Modernistes contre traditionnalistes... ? Qui saura un jour réparer les routes, les ponts détruits entre ces familles ? Combien de temps faudra-t-il pour cela ?
Paysages humains de désolation, dévastés à jamais, parfois irisés par des rires qui tiennent chaud au fond d'une cave, tandis que les bombes pilonnent dans le lointain.
Vous l'aurez compris, Donbass est un roman noir au sens littéral du terme, qui résonne aujourd'hui d'une voix particulière, avec en arrière-plan de nos préoccupations la réalité d'un conflit à fleur de peau qui n'en finit pas de se propager. Un roman à lire aussi pour s'immerger au plus près de ces existences fracassées par une guerre qu'elles n'ont pas voulue, les yeux tendus vers l'Occident, là où le soleil se couche.
Un roman pour mieux comprendre cette réalité insupportable...
Commenter  J’apprécie          6525
Une bonne petite claque dans la gueule.

Il est certain que hors contexte chaud bouillant du conflit russo-ukrainien, cette lecture n'aurait pas eu le même impact sur moi ; mais au regard de l'actualité, ce roman policier sur fond de guerre du Donbass (2014 - ...) ne peut laisser indifférent. Soldats et civils en prennent pour leur grad(e), prisonniers d'une ligne de front et de villes cibles d'une guerre d'usure à armes à peu près égales... autant dire que ça peut durer longtemps ; et s'il est vrai qu'on s'habitue à tout, Benoît Vitkine montre bien la banalisation des bombardements, de la mort, de la misère humaine.

J'ai retrouvé dans ce roman l'atmosphère des villes et des campagnes que j'ai pu visiter en Russie ; le tempérament des habitants, leurs opinions, leurs habitudes de vie sont bien retranscrites et conformes.

L'intérêt de ce roman tient moins à l'enquête menée par le personnage principal pour identifier un meurtrier d'enfants qu'au contexte qui titille désagréablement notre conscience de citoyen européen qui a mis sous le tapis depuis huit ans ce conflit meurtrier aux portes de l'Union Européenne et qui vient de prendre une autre dimension.

La narration est assez violente, âmes sensibles s'abstenir.


Challenge MULTI-DEFIS 2022
Challenge ABC 2021/2022
Challenge ATOUT PRIX 2022
Commenter  J’apprécie          560
Benoît Vitkine, journaliste français, spécialiste des pays de l'ex union soviétique et correspondant au journal le Monde à Moscou, a reçu le prix Albert Londres pour une série de reportages réalisés en Ukraine. Il campe son premier roman dans le Donbass en 2018, cette région minière où séparatistes pro Russes et ukrainiens se déchirent.
Benoît Vitkine tisse une toile de fond très noire à son roman dans la petite ville d'Avdiïvka, écrasée sous les bombes, en ruine, où la population a fuit en majeure partie, ne laissant que des vieillards . L'assassinat d'un enfant dont le corps est retrouvé dans les décombres, transpercé par un poignard, va secouer les esprits. Ce meurtre va être le prétexte pour suivre le colonel Henrik Kavadze, chef de la police locale. H. Kavadze. sans se départir de son flegme, va mener son enquête pour retrouver le meurtrier dans cette zone de guerre dévastée, gangrenée par la corruption, les trafics en tout genre, la prostitution, l'alcoolisme. le policier est un ancien militaire d'Afghanistan, encore perturbé par ses souvenirs et dont les nuits sont encore hantées par des cauchemars, rémanences des horreurs des combats. Il est loin de se douter qu'il va être obligé de replonger dans son passé, remuer ses souvenirs et se confronter à certaines zones d'ombres de son passé, enfouies dans sa mémoire pour accéder à la vérité.
Un roman passionnant et poignant qui sous prétexte d'une enquête policière nous informe sur cette région qui est au coeur du conflit entre Russes et Ukrainiens
Commenter  J’apprécie          550
Le Donbass est un bassin houiller partagé, enfin tiraillé, serait plus exact, entre l'Ukraine et la Russie qui se livrent, depuis quelques temps, un combat sans merci.
Mais quatre années de conflit confèrent à ces bombardements une certaine routine.
Même si la populace semble s'y être accoutumée, l'assassinat d'un enfant vient soudainement perturber ces esprits fatalistes.
Le Colonel Henrik Kavadze trimballe son chapelet de fantômes.
Pas sûr que cette nouvelle enquête soit propice à un regain d'optimisme démesuré.

Arf, j'aurais pas dû, non, j'aurais pas dû attaquer Donbass en ces temps d'enfermement obligeamment exhorté.
De l'ordre de 135 euros, le niveau d'encouragement, ça calme les envies de grand air, forcément.
Besoin d'amour, de joie, de bonne humeur, (Zaz, tu te calmes!) d'ambiance guillerette histoire de ne pas se mélancoliser le quotidien.
C'est pas avec Donbass que j'allais me mettre à maltraiter du Piaf.
J't'en foutrais du rose, moi.
Ici, tout est noir.
Les hommes, les femmes, les villes, les vies.

Honnêtement, cette enquête relève plus du prétexte que du polar pur jus.
Et c'est peut-être ce qui explique que je m'y sois perdu, parfois, devant jongler avec moult personnages que j'ai eu du mal à intégrer (pour cause de maîtrise plus qu'aléatoire du patois local) et un contexte géopolitique aussi passionnant que déstabilisant.

Pourtant tout y est.
Les personnages homériques sont pléthores.
Entre flic qui boit la tasse (environ 60°C la bolée récurrente) lorsqu'il n'est pas corrompu jusqu'à l'os, brave commerçant opportuniste qui aura su surfer sur la vague belliciste, vieilles au coeur aussi vaste que les contrées qu'elles habitent, hommes désabusés à l'âme aussi noire que le charbon qu'ils extraient en frôlant le bénévolat, prostituée au grand coeur, le catalogue se veut généreux sans verser dans l'ostentatoire.

Autre facteur incontournable au charme aussi dévastateur qu'un lâcher de bombes journalier : la géographie urbaine.
Dévastées, balafrées, atomisées, ces villes délicieusement évoquées sont à l'image de ses rares autochtones. Pas prêtes de voir un tour-operator s'y intéresser de près.

Benoît Vitkine, en journaliste émérite des pays de l'Est, aura su également décrire, tout en pédagogie, les tenants et les aboutissants politiques d'une région taraudée par un antagonisme belliqueux.

Tout était là pour passer un grand moment.
Un seul absent, mon ouverture d'esprit qui avait dû se faire la malle alors que j'avais le dos tourné, l'abjecte couarde.
Complètement conscient d'être passé à côté, je me suis juré qu'un jour, j'y reviendrai.

Merci à Babelio et aux éditions Equinox pour ce monochrome charbonneux digne d'un Klein, c'est pas rien.
Commenter  J’apprécie          5510




Lecteurs (945) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3179 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}