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3,8

sur 149 notes
Neuf mois de gestation, le suplice d'un accouchement... Un nourrisson qui survit aux maladies infantiles et aux diverses carences... Apprendre à lire, à écrire, connaitre la préfecture de la Sarthe, le Mont Gerbier de Jonc, une poésie de Ronsard, Jeanne d'Arc... Puis vient l'apprentissage à l'atelier ou à la ferme, la fatigue, les mains calleuses sales de cambouis ou de terre, l'attente du dimanche... Et, une fois arrivé au printemps de sa vie, à la fleur de l'âge, se faire faucher par une balle ennemie dans un champs de betterave. Tout ça pour ça. En quelques instants, n'être plus qu'un corps putrescent, un squelette englué dans la boue, une croix parmi mille autres, un nom sur un monument aux morts honoré chaque année par quelques conseillers municipaux et anciens combattants frigorifiés. Des millions de conscience écrasées par la roue de l'Histoire que plus personne ne semble contrôler. La peur, les poux, la boue, le froid, les torrents d'acier. Pourtant, dans les premiers jours, la guerre avait des airs de fêtes malgré la boule au ventre : fanfares claironnantes, uniformes bigarrés, on compte s'absenter quelques mois pour exsuder cette fièvre revancharde puis revenir pour les moissons ou les vendanges. Pour finir, un immense carnage, la mort industrielle, un Occident qui s'entredévore. Malgré les Arts, la Science, Le Progrès, c'est la bêtise qui détruit tout.

Eric Vuillard pointe ce qu'il y a de contingent, d'arbitraire et d'absurde dans notre Histoire. Si tout a été planifié et quantifié par de méticuleux stratèges, les événements ont suivi un cours retors qui a échappé au contrôle des décideurs. Il sort de l'ombre des faits divers qui ont eu des conséquences sur le cours de la guerre. Il s'empare de personnages historiques, qu'ils soient empereurs ou terroristes, et les anime comme de vieilles marionnettes pendant quelques chapitres pour tenter d'en extraire du sens.

Eric Vuillard se singularise dans ses récits par son art du "contre-pied" pour parler d'un sujet connu, ou que l'on croit connu. Cette guerre, tout compte fait, nous n'en gardons qu'une vague représentation dans nos esprits, un agrégat de vieilles leçons d'histoires, de quelques lectures ou de documentaires diffusés par une chaîne publique. Poilus, tranchées, obus, Verdun, 11 novembre, point final. Aussi ce regard espiègle et cet angle neuf sont-ils salutaires pour nos mémoires assoupies et paresseuses. J'aime son style travaillé et son érudition corrosive. Mais traiter d'un sujet si vaste en si peu de pages est compliqué quand on se plait à épousseter des détails, à extrapoler et à sortir du lot commun. Et c'est pourquoi j'ai eu l'impression d'une fin tronquée. D'ailleurs, l'auteur fait lui-même l'aveu de "bâcler" son récit. Soit au bout du compte, une lecture originale mais partielle de ces événements. Et surtout, si j'ai apprécié l'ensemble des thématiques traitées dans les différents chapitres, j'ai moins bien saisi le propos général ou les idées dominantes à retenir. Mais le danger avec un livre si bien écrit et siintéressant, est peut-être qu'il se lit trop vite...
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La bataille d'Occident d'Éric Vuillard nous raconte en quelques pages toute l'horreur et l'état d'esprit de la Grande Guerre 14-18. Une bataille qui de nos jours à un ennemi invisible, ce que j'ai retenu de ce livre une phrase toute simple : Quand le malheur arrive les hommes rient : chose que nous avons fait moi y compris croyant que cet ennemi était facile à vaincre et que notre technologie réduirait cette chose a néant. Éric Vuillard est un grand écrivain qui me fait penser à Hemingway qui en quelques mots nous fait comprendre le sens de la vie.
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"Ah Dieu ! que la guerre est jolie Avec ses chants, ses longs loisirs" disait Apollinaire, dans une poésie au énième degré.
De son côté, Eric Vuillard le dit crûment, sans ambages, avec force, dégoût, colère rentrée, mais aussi avec ironie, tendresse et poésie : la guerre, toute guerre est abominable.
Dans ce pamphlet pacifiste il s'appuie sur la boucherie de 14-18 en évoquant les millions de morts et blessés à vie d'un côté, et ceux qui l'ont décidée et organisée de l'autre : les responsables politiques et militaires de chaque bord.
Un bijou pour la paix et pour la vie, à lire et à faire lire.
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Comment raconter la guerre et ses origines obscures perdues dans le passé, la bêtise et les passions humaines ? Comment dire «les racines de notre aveuglement face à l'apocalypse» ?

Ce récit d'Eric Vuillard, paru en 2012 de même que «Congo», remonte dans les racines de la première guerre moderne, ce carnage monumental de 14-18 né du passé et de l'enfance d'hommes qui ont l'air de croire qu'ils continuent de jouer. le portrait férocement ironique de quelques chefs militaires et va-t-en-guerre, - le comte Alfred von Schlieffen obnubilé par ses plans de bataille, cette «fantastique armure de papier» qui se consumera au combat, Joffre vexé de ses défaites et qui dès novembre 1914 aura limogé quatre-vingt-douze commandants de division ou encore Bertha Krupp qui visite ses usines en robe de mousseline, avec un joli chapeau plein de bégonias -, nous révèle leur indécence et leur aveuglement.

«Le visage de Schlieffen résume toute l'histoire. La bouche est amère, les paupières lourdes. Sur un portrait célèbre, le comte Alfred von Schlieffen, maigre vieillard aigri, tient – de la main rose et lisse de celui qui n'a jamais planté un clou – le pommeau de son épée. Pourtant des clous, il en plantera dans tous les coeurs, dans toutes les poitrines d'Europe.»

Eric Vuillard raconte la guerre de façon contrastée, dans un matériau qui rappelle «L'Encyclopédie des guerres» de Jean-Yves Jouannais ; les grands chapitres insoutenables côtoient les détails de l'Histoire, telle la trajectoire de la balle de Gavrilo Princip qui tua Sophie Chotek, telle cette journée du 22 août 14 alors la plus meurtrière de tous les temps. La barbarie succède à l'éclosion des jonquilles et des magnolias au printemps 1914, et les métaphores douces et passionnelles et l'humour du désastre, nous font saisir combien l'homme est dépassé par ses propres mouvements et aveugle face au monde qu'il vient de commencer à enfanter.

«Les nations crédules envoyèrent leur jeunesse. Ce fut un carnage. La conscription est le nom de ce déchaînement, de cette terrible générosité des corps, où la jeunesse est envoyée mourir au milieu des champs de betteraves sucrières.»
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Vuillard Eric, - "La bataille d'Occident : récit" – Actes Sud, 2012. (ISBN 978-2330030643)

Il ne s'agit ni tout à fait d'un roman puisque les personnages sont réels, ni tout à fait d'un essai, puisque l'auteur tente d'entrer dans la tête de ces personnages pour les faire parler, pour imaginer ce qu'ils auraient pu dire. Les diverses recensions de ce livre avaient attiré mon attention car elles soulignaient l'une des tendances forts de l'historiographie relativement récente concernant la Première Guerre Mondiale, tendance s'appuyant sur un constat : il n'y eut pas de causes "objectives" réellement sérieuses au déclenchement de ce qui allait être le Suicide de l'Europe, contrairement à ce que proclament les manuels d'histoire classiques, peu avares en grands tableaux et grands discours sur les ambitions coloniales des puissances européennes, les rivalités franco-allemandes, l'économie de ceci ou de cela. Non.

Certains historiens en viennent aujourd'hui à souligner combien cette guerre, la Grande Tuerie, fut délibérément préparée, voulue et déclenchée par une partie de l'élite de chacun des pays belligérants, quel que soit leur camps, en France, Angleterre, Russie, Italie, Allemagne ou Autriche etc. Partant de là, l'auteur tente de rendre compte des sentiments et idées qui pouvaient tarauder certains des responsables directs du déclenchement de la Grande Tuerie. Il commence par von Schlieffen, ce militaire prussien à l'origine du plan d'invasion de la France qui faillit si bien réussir. Il passe ensuite à l'archiduc François-Ferdinand, sa femme Sophie Chotek, et leur meurtrier de Sarajevo, Gavrilo Princip, entouré de ses deux complices. Il met en scène le futur maréchal Joffre, le Kaiser qui collectionne les timbres-poste, le roi George V préoccupé de ses parties de tennis, le tsar Nicolas II se livrant à des régates, le tout dans un style bien sûr exquis.
Après quoi il met en scène des soldats de la base, dans l'affrontement des 21, 22 et 23 août 1914 qui, dès ces premiers jours, vit le massacre de plusieurs dizaines de milliers de jeunes hommes, une hécatombe encore jamais vu jusque-là dans un si court laps de temps.

Le texte devient ensuite plus abstrait, plus général : sa thèse centrale est développée dans les pages 160 à 163. La fin est quelque peu décevante, fort éloignée de l'objet initial même si cela se veut métaphorique.
Je suis un peu déçu, je m'attendais à un essai plus fouillé, et surtout à une présentation beaucoup plus détaillée des membres de cette élite, qui décidèrent de lancer cette guerre pour des raisons purement idéologiques, si ce n'est hélas "idéalistes"...
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Je ne me lasse pas d'Éric Vuillard ! Et cette fois-ci, c'est à la grande guerre qu'il s'attaque. Avec le brio, la révolte et l'humour qui l'habite.

Et c'est effroyable ! (et peut-être un peu succinct)
Lien : https://www.noid.ch/la-batai..
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Pour évoquer la mémoire de la fin de la guerre de 14-18, j'ai sorti ce récit de ma PAL. Eric Vuillard l'appelle « la Bataille d'occident » non seulement parce qu'il parle surtout de la guerre sur le front occidental mais aussi parce que ce conflit a cristallisé des éléments constitutifs des divers pays engagés et qu'il a aussi créé l'Occident moderne.

Eric Vuillard prend son temps pour raconter les événements qui ont amené aux divers ultimatums posés entre la fin juillet et le tout début d'août 14. Et pourtant personne ne veut la guerre, ni les soldats « de base » ni leurs chefs. Mais des experts en art militaire qui ont passé leur vie à élaborer des plans, des stratégies, finissent par imposer leur vision et entraînent des peuples dans un conflit sans fin : c'est le cas du fameux plan Schliffen (et là, chapeau, monsieur Vuillard, j'ai tout compris à la stratégie et ça n'est pas barbant du tout !)

Mais l'auteur ne s'arrête pas là : il fait comprendre aussi – si besoin en était – que la barbarie n'est pas d'un seul côté et que les cruautés les plus raffinées (ou plutôt les plus grossières) de la première guerre mondiale se reproduiraient bien sûr à plus grande échelle en 39-45 mais elles avaient déjà été testées parfois dans des guerres précédentes. Exemple sinistre : les squelettes ambulants qui sont sortis des camps de concentration nazis se voyaient déjà dans les camps de prisonniers, femmes et enfants y compris, faits par les Anglais lors de la guerre des Boers.

Le livre est court, 180 pages seulement, suffisantes pour nous faire percevoir à la fois la dérision et le poids de cette guerre en termes de bilan humain et moral. L'ironie d'Eric Vuillard est mordante, bien servie par son style vif (j'ai trouvé celui-ci plus sobre que dans 14 juillet, livre plus récent, et ma foi, plus lisible). J'ai beaucoup aimé retrouver ainsi ce conteur hors pair.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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« Il y eut d'abord un goût commun. Une élite raffinée et fière. Les petits-fils de la reine Victoria occupaient le trône d'Angleterre et d'Allemagne, un même derrière avait posé ses fesses sur deux chaises. »
Voici commence ce roman qui va sur un mode grave et ironique à la fois décrire les horreurs de la guerre de 14-18, la boucherie des innocents organisée par les vieilles familles royales épuisées de consanguinité et des alliances si alambiquées qu'au moment de l'attentat de Sarajevo, personne ne savait à qui déclarer la guerre. La mobilisation a ressemblé alors à un jeu de domino.
Tout un tas d'anecdotes que vous ne trouverez dans aucun manuel d'Histoire donne le ton de la bêtise qui a pris la tête des commandements inaptes et orgueilleux. le dégoût est là, celui de voir combien l'inconséquence d'un seul a entrainé parfois plusieurs centaines de morts en quelques minutes.
Et rien ne s'est arrêté le 11 novembre 1918. Tout a commencé au contraire dans cette Europe exsangue, les portes grandes ouvertes au populisme.
Le texte est très dense et j'avoue m'être un peu perdue parfois, ignorante des noms des gradés (notamment allemands) et n'ayant pas de compétences en stratégie militaire.
Néanmoins, j'ai apprécié que l'auteur aborde ici un thème qu'il développera magistralement plus tard dans L'ordre du jour : la guerre et la finance, la finance au service de la guerre.
Et le terrible sentiment que rien n'a changé, l'actualité nous le rappelle sans cesse.
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Ca n'apporte rien, tout le monde a étudié la mort de l'archiduc et connaît la suite : un narrateur contemporain entend nous éclairer sur les événements, bon, mais c'est pour des écoliers, pour un adulte on ne voit pas ce qu'il y a à en tirer, sinon un jugement uniforme, univoque, sans subtilités, qui laisse des marques sombres dans la tête - l'ambition est faible, l'exercice est littéraire, on fera des études, on trouvera des choses à dire.
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Un récit très fort, très documenté et très littéraire et qui semble avoir été écrit d'une seule traite.
La place de l'argent, son rôle et la manière dont il coule en masse et dans le même sens que le sang ainsi que la description des méthodes des puissants qui tirent les ficelles et rendent possible cet abyssal gâchis de "la grande guerre " forment aussi la force de cet ouvrage.

Le style est très intéressant, des images très fortes surgissent, je pense que chacun y trouvera un écho en son for intérieur car nos vies d'occidentaux en ont été marquées directement ou indirectement.
Éric Vuillard nous remet aussi en tête que la concentration des leviers déclencheurs de la catastrophe et de l'Abyme sont toujours bien présents, n'oublions jamais que les sacrifiés furent d'abord éduqués pour y aller, la fleur au fusil...

Ce livre est inclassable, roman mais tout est vrai, poème aussi , hommage certainement aussi, traité d'économie et de géopolitique également...

Une synthèse brillante, respectueuse, une colère froide aussi ...
bonne lecture !
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