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sur 696 notes
Jeu Blanc.
Jeu de blancs.

Un sport, le hockey, que Saul Indian Horse aura longtemps pratiqué et qui aurait pu constituer une solide planche de salut pour cet Ojibwé bien trop tôt orphelin et rapidement confronté à la bêtise et la férocité de religieux n'y voyant qu'un sauvage déshumanisé à ramener fissa dans la paix du Christ, Amen.
Inutile de préciser que le terme "paix" et les moyens usités pour effacer toute indianité sont de parfaits antagonistes pourvoyeurs de moult suicides et autres souffrances solidement enracinées dans leur chair et leur âme pour les siècles des siècles, re-Amen.

Joseph Boyden clame en 4e de couv' que Richard Wagamese est un trésor national.
Vouant à Joseph Boyden une admiration sans nom, c'est empli d'une confiance inébranlable, et finalement inébranlée, que j'entamais ce Jeu Blanc.

A toutes les quiches, comme moi, en matière de hockey, je dis pas d'panique, l'intérêt est ailleurs.
Et notamment en cette tentative d'éradication de la personnalité au profit d'une croyance autre et, par ricochet, d'une reconstruction délicate par le prisme d'un sport qui, paradoxalement, déifie le blanc tout en réduisant une nouvelle fois l'indien à l'état de faire-valoir besogneux.

Parfait combo entre croyances Ojibwés et volonté farouche de se faire une place, non pas au soleil, mais tout simplement au sein d'une humanité de façade, ce Jeu Blanc séduit autant qu'il dérange.

En effet, difficile d'imaginer un gamin supplicié en adulte équilibré et serein après avoir subi et été le témoin d'autant de sévices et d'injustices adolescents.
Un questionnement inhérent à sa condition d'Ojibwé des plus intéressants.
Un parcours de vie qui force le respect. Une abnégation de chaque instant porteuse des espoirs les plus fous mais aussi des désillusions les plus amères.

Jeu blanc, set et match.
Pour en connaître le vainqueur, vous savez ce qu'il vous reste à faire...
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Je vous présente mon premier coup de coeur 2018 qui porte le titre de "Jeu Blanc" de Richard Wagamese.
Le titre intriguant et le sujet m'ont attiré immédiatement et la belle écriture a fait le reste.

Ce roman raconte l'histoire de Saul, un jeune indigène qui connait très tôt les souffrances des siens. Sa soeur a été enlevée par les blancs et elle n'est jamais revenue, son frère a attrapé la tuberculose et il en est mort.

Emmené dans un pensionnat canadien après le décès de sa grand- mère, il entrera à son tour dans un monde obscur et sans amour. Saul sera le témoin des abus et des maltraitances des religieux envers les indiens, dans le but de leur faire oublier leur langue et leur culture.

C'est la passion pour le hockey qui va lui permettre de sortir du pensionnat pour lui ouvrir d' autres horizons.
Hélas, le hockey des années 1960, c'est' le jeu des blancs' et le racisme est omniprésent.

Un texte puissant plein de pudeur qui ne laisse pas indifférent et qui émeut.
Richard Wagamese rend un vibrant hommage à son peuple et explique l'impuissance de Saul et des siens condamné dès la naissance, par le simple fait qu'ils sont différents.
Bien que l'auteur lui-même n'a pas fréquenté les pensionnats, il avait des parents qui l'ont fait.
La souffrance d'un peuple ou d'un individu ne peut mieux s' exprimer qu'avec cette citation qui m'a touché :

Quand on t'arrache ton innocence , quand on dénigre ton peuple, quand ta famille d'où tu viens est méprisée et que ton mode de vie et tes rituels tribaux sont décrétés arriérés, primitifs, sauvages, tu en arrives à te voir comme un être inférieur. C'est l'enfer sur terre, cette impression d'être indigne.
Voilà ce que j'appelle un livre inoubliable. Un auteur à suivre pour moi. Bientôt j'irai vers "Les étoiles s'éteignent à l'aube".

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Quand l'homme est tellement persuadé d'être supérieur aux autres qu'il peut se permettre d'imposer le mode de vie qu'il a choisi à tous ça ne peut se finir que dans le sang et les larmes. Ce qui me sidère c'est qu'après des décennies de colonialisme, de génocides, et j'en passe les leçons que nous en avons tirées semblent bien mince par rapport aux dégâts.
Dans jeu BlancRichard WAGAMESE nous fait partager le désespoir silencieux, discret et d'autant plus poignant de ces enfants indiens internés de force dans des « écoles ». Ecoles canadiennes pensées par des blancs pour les sauvages à civiliser : ça laisse présager l'étendue du désastre et pourtant c'est encore pire que ça !
Ces enfants avaient tout : l'amour de leur famille et leur tribu, un cadre, la liberté une vie spirituelle riche et un passé ancestral foisonnant, mais aux yeux de l'homme blanc ils n'étaient que des païens et des âmes en perdition. Une façon de penser pathétique et cruelle à l'image de leurs esprits étriqués. Ils leur ont donné des murs austères là où ils avaient un ciel étoilé et des forêts. Ils leur ont donné des prêtres et des soeurs : tristes geôliers austères et sans coeurs à la place de leurs parents aimants et protecteurs. Ils leur ont coupé les cheveux, vêtus de vêtements rigides et tristes, ont tenté de faire disparaître leur langue et de les déguiser en petits blancs. Mais la bonne nouvelle, alléluia, c'est qu'ils ont rencontré Dieu, le vrai, le seul, l'unique et qu'ils seront sauvés : l'enfer sur terre n'est qu'un petit inconvénient en comparaison ! Drôle de conception du monde.

Alors pour survivre Saul se réfugie dans la pratique du hockey, il s'en imprègne jusqu'à en faire une partie de lui. Mais un indien reste un indien aux yeux des blancs. Ecole ou pas, surdoué ou pas tant qu'il a une tête d'indien il sera traité en sauvage, en sous homme. Triste réalité que Saul se prend en plein visage. Il comprend à quel point le piège est vicieux et que plus il se débat plus il se referme sur lui. Plus il devient bon au hockey plus il est haï. Il comprend que son refuge a des limites et qu'il ne le sauvera pas de ses démons. Des démons invoqués par l'homme blanc. Ils sont puissants et le broient de l'intérieur, un jour où l'autre il devra les affronter ou ils le tueront. Pour le savoir il vous faudra lire et croyez-moi c'est une sacrée lecture qui vous attend.

Certains n'ont pas aimé les longues descriptions des matchs de hockey, personnellement j'ai adoré. D'une part j'y ai vu une métaphore (mais je n'en dirai pas plus) et d'autre part j'ai trouvé que cela cassait le rythme du récit de manière très agréable et dynamique. Mais surtout c'est au cours de ces moments que l'indien en Saul ressort le plus : victorieux et noble, au-dessus des coups bas et bien vivant malgré tout ce qui avait été mis en oeuvre pour le faire disparaître.

J'ai aussi beaucoup aimé la manière donc Richard MAGANESE nous raconte cette histoire. Il ne cherche pas à apitoyer, la dignité est essentielle. La souffrance est là pourtant, tapie dans les mots, violente et puissante. Mais l'auteur la contient, tient les rênes fermement, il faut rester digne. Quand enfin il lâche les chevaux et que le lecteur prend toute la dimension de cette souffrance, de la trahison et de l'horreur c'est comme un violent coup dans l'estomac. Ca coupe le souffle et ça donne la nausée.
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Saul Indian Horse, alcoolique invétéré, est en cure de désintoxication dans un centre dont les thérapeutes l'incitent à raconter son histoire, ce qui - selon eux - pourrait accélérer sa guérison. Mais plutôt que de la raconter de vive voix aux autres patients - “je ne peux pas la raconter dans un cercle. Je le sais. Il y a trop à trier et à passer au crible” - il préfère la consigner par écrit. C'est donc à nous, par le biais de ce livre, qu'il la raconte, cette histoire. Et quelle histoire !

C'est, dans les années soixante, l'histoire du peuple indien dans les vastes étendues canadiennes, un peuple de la nature et des mondes sacrés qui communique et danse avec les esprits. C'est l'histoire d'une tribu, celle des Ojibwé, à qui les Blancs enlèvent leurs enfants pour les élever très loin, dans leurs écoles et dans leurs villes. C'est l'histoire d'un peuple ancien dont la liberté, la sagesse, la spiritualité et les traditions sont méthodiquement détruites par le “progrès”, la violence et l'indifférente cruauté de l'homme blanc.

Et c'est l'histoire d'un petit garçon, Saul Indian Horse, qui à l'âge de sept ans, après la disparition de toute sa famille, devra quitter pour toujours ses forêts et ses lacs pour affronter seul l'univers des hommes blancs. Enfermé dans un pensionnat religieux à la discipline militaire qui lui vole “toute la lumière de (son) monde”, contraint à renier ses origines, sa langue, ses croyances et jusqu'à l'essence-même de son être, Saul découvre un monde d'une violence inouïe, tant physique que mentale et spirituelle. Comment continuer à grandir dans cet enfer d'une noirceur absolue, comment envisager de pouvoir, un jour, s'en échapper ?

La découverte du hockey sur glace, pour lequel il se révèle immensément doué, qui fera de lui un joueur de tout premier plan et une célébrité, bouleverse toute sa vie. Sur la glace éblouissante de blancheur des patinoires, sous les applaudissements des foules fascinées par la virtuosité de son jeu, il trace peu à peu, à coups de crosse frappés dans le palet, son chemin de lumière. Mais, au final, le hockey n'est qu'un jeu. Et c'est un jeu blanc, un jeu pour rien, un jeu de l'homme blanc et pour l'homme blanc, un jeu biaisé par le racisme, le mépris et la violence. Un jeu où l'Indien ne peut avoir sa place et auquel il ne peut survivre que dans l'alcool et la déchéance. Ou l'écriture.

Avec "Jeu blanc", l'Amérindien Richard Wagamese, décédé en 2017, signe un livre-testament, un roman autobiographique d'une grande puissance et le témoignage accusateur de la destruction d'un peuple et d'une culture. Une histoire dépaysante et bouleversante qui me laisse avec un mélange d'admiration pour le talent et l'écriture de l'auteur, et de colère envers la supériorité auto-proclamée de l'homme blanc et son cortège de haine, de bêtise et de nuisance.

Un grand livre et, assurément pour moi, une belle lecture.

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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Après l'énorme coup de coeur que j'avais eu pour Les étoiles s'éteignent à l'aube, j'ai acheté Jeu blanc dès sa sortie mais ai attendu quelques jours avant de le démarrer, histoire de savourer l'attente (syndrome bien connu de la montée de l'escalier). Et je n'ai pas été déçu !

Dans ce livre paru antérieurement aux "Étoiles" mais publié après en France, Richard Wagamese nous lance sur les traces de ses origines Ojimbé, peuple indien marginalisé du Canada. Il le fait à travers l'histoire du jeune Saul Indian Horse, élevé par les siens dans les montagnes reculées entre Ontario et Manitoba, là où la civilisation est encore loin, bien loin. Là où les saisons, la pêche, la chasse rythment la vie du clan. Là où l'arrivée d'un cheval devient une grâce. Là où l'éducation s'appelle la vie de tout les jours.

Mais au milieu du XXe siècle, tout cela n'est plus possible et les "bons blancs" canadiens se font un devoir de civiliser ces jeunes hors du temps, quitte à les enlever à leurs familles. C'est ce qui va arriver à Saul, échouant comme d'autres dans un pensionnat religieux où à coups de fouets, brimades et privations, on va lui apprendre à renier ses origines pour retrouver le "vrai" sens de la vie.

Heureusement pour lui, Saul a un don pour le hockey sur glace, sport national en plein essor. Un don qu'un de ses prêtres éducateurs va déceler puis encourager. Et Saul, joueur d'instinct à la vista unique, va entamer une carrière qui le mènera au plus haut niveau de ce sport.

Sauf que chassez le naturel... Vous connaissez la suite. Même joueur d'excellence, Saul restera toujours un indien, jouant à un sport de blanc. Et il va le payer. Cher...

En peu de pages, Wagamese réussit un récit poignant, émouvant, attachant, qui comme pour Les étoiles..., m'a profondément marqué par sa beauté autant que sa dureté. La langue de Wagamese est fluide comme la rivière Winnipeg et coule avec une exceptionnelle poésie, même quand elle aborde les affres les plus sordides de la race humaine.

Un vrai coup de coeur donc, qui laisse une fois achevé un peu d'amertume à la pensée d'un auteur décidément parti trop tôt.
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"Ça me fait un drôle d'effet, dis-je un jour.
— Quoi, Saul ? demanda le Père.
— le jeu.
— Comment ça ?
— Je ne sais pas. Ça me fait un peu peur de jouer en ville tout le temps. Comme s'ils attendaient de moi quelque chose que je ne sais pas être.
— Ils attendent que tu sois un bon joueur de hockey.
— Ouais. Mais j'ai l'impression qu'ils veulent davantage.
— Comme quoi, Saul ?
— Je ne sais pas. Je crois que c'est ça qui me fait peur."

Les enfants Indiens sont arrachés à leurs parents puis emprisonnés dans les internats religieux, sous la loi intransigeante des Blancs. Là sévissent les coups, la maltraitance la plus abjecte, et tout cela au nom d'un Dieu, et tout cela pour mettre en lambeaux la culture de ce peuple indien, profondément liée à la nature, à ses croyances pures, si magiques, si poétiques, en osmose avec l'univers.

Saul est l'un de ses enfants, un Indien Ojibwé des montagnes du Canada. À travers son regard on voit, on entend, on ressent. C'est aussi gelé que la neige, c'est aussi cruel qu'un clou planté dans la chair.
Saul a la patinoire pour piste d'envol, son refuge. Sur ses patins trop grands il flotte, il dessine un chemin de liberté que lui seul connaît, que nul autre ne pourrait lui enlever. Il relie les étoiles, il relit son histoire repliée tout au fond de lui.
C'est un rêve, à bout de crosse et de palets en crottins de cheval, qui élève l'enfant meurtri, le fait rejoindre le grand mystère indien qui murmure encore à son oreille. L'espace d'un instant il est libre.

Les chutes sont nombreuses. le rêve, aussi puissant soit-il, est construit sur des ruines, des déchirures. La patinoire lorsqu'elle fond laisse entrevoir la gadoue, les dortoirs au silence brisé, la peur qui troue le ventre, l'oubli de soi qui déchire l'âme.

Ce roman, en partie autobiographique, est un cri dans le silence froid des étoiles. Une douleur qui cherche sa source pour la rendre audible, la regarder en face, l'affronter.
Ce roman nous percute par sa beauté :
"La neige tombait comme des fragments d'étoiles dans la nuit." Il nous remue par sa profondeur :
"Je ne pouvais pas courir le risque que quelqu'un me connaisse, parce que je ne pouvais pas courir le risque de me connaître moi-même."



Richard Wagamese est un auteur aussi puissant que Joseph Boyden, avec notamment son roman : Dans le grand cercle du monde"
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« Jeu blanc »: au hockey, partie au cours de laquelle aucune équipe ne marque. Saluons donc le travail de la traductrice, Christine Raguet, pour ce titre superbe dont les sens multiples rendent si bien compte de ce beau roman.
Petit indien orphelin, Saul est recueilli par un établissement catholique. Dans ce lieu austère et hypocrite où l'amour divin sans cesse invoqué tue plutôt qu'il ne sauve, il parvient à survivre en développant ses dons innés pour le hockey.
« Ma grand-mère parlait toujours de l'univers comme étant le Grand Mystère.[...]
« Nous avons besoin de mystère, avait-elle dit. Notre Créatrice, dans sa grande sagesse, le savait. le mystère nous remplit de crainte et d'émerveillement, ce sont les fondements de l'humilité, et l'humilité, petit-fils, est le fondement de tout apprentissage. C'est pourquoi nous ne cherchons pas à démêler cela. Nous l'honorons en le préservant ainsi pour toujours. »
Quand je me livrais au mystère de la glace, je devenais une créature différente. »
Il est rare de lire un texte où la beauté du sport soit à ce point magnifiée, beauté faite du bonheur d'apprendre et de progresser, de l'extase née du geste juste, de la perfection du jeu collectif où chacun est à sa place, de la joie de se surpasser.
« Saul », c'est-à-dire « le désiré » va pourtant très vite comprendre toute l'ironie de son nom. Dans ce sport de Blancs, il devient l'autre, essentialisé, renvoyé à ses origines. « Si, par inadvertance, il m'arrivait d'élever ma crosse au cours d'une empoignade dans un coin, je « prenais des scalps ». Quand je ne réagissais pas à une pénalité, j'étais un « Indien stoïque ». Un journaliste me décrivit en train de traverser en trombe la ligne bleue adverse, le palet sur la crosse: j'avais l'oeil brillant d'un guerrier en peintures de guerre à l'assaut d'un convoi de chariots. Ce sport si bien ordonné et à la vitesse explosive, que j'apprenais à pratiquer, m'enthousiasmait. Je voulais atteindre de nouveaux sommets, être l'une des rares étoiles. Mais ils ne voulaient pas me laisser être tout simplement un hockeyeur. Il fallait toujours que je sois un Indien. »
Saul cherchera à comprendre pourquoi le sport n'a pu le sauver. Dans une dernière partie désertée par la sublimation littéraire, Saul le désiré trouvera la racine du mal, mettra des mots sur l'abjection que le roman d'apprentissage avait plus ou moins occulté.
« Je suppliai qu'on m'apprenne à patiner. Mais le Père Quinney n'autorisait que les grands à jouer. J'avais huit ans et j'étais petit. Je ne cessai de demander et pour finir, le Père Leboutilier posa sa main entre mes omoplates et se pencha pour me parler. Sa main chaude me fit penser au contact de ma grand-mère.
« Je ne peux rien faire, Saul, dit-il doucement. le règlement c'est le règlement. Si je devais ne pas le respecter pour toi, ça pourrait empêcher tout le monde de jouer.
— Mais je veux apprendre. »
Il sourit et m'attira à lui pour me prendre dans ses bras. Je fermai les yeux et je pleurai presque en souvenir de mon père. Il me tint ainsi un bon moment, puis me libéra.
« Est-ce que je peux m'occuper de la glace, alors?
— Tu veux pelleter la neige?
— Oui. N'importe quoi. »
Il regarda la course des garçons sur la glace.
« Tant que tu continues à bien étudier et que tu fais bien tes corvées, je crois que je peux arranger cela.  »
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Houlà, quel roman beau et douloureux !

Depuis le centre de désintoxication pour Autochtones où il est soigné, Saul Indian Horse raconte son histoire, celle d'un petit garçon du clan des Ojibwés placé dans un pensionnat où des prêtres et des bonnes soeurs entreprirent de le civiliser. Ca se passait dans le Canada des années 1960, et heureusement il y avait le hockey-sur-glace pour permettre au petit Saul de s'évader.

Non, il ne s'agit pas d'un livre sur le hockey, ni sur les vertus de l'accomplissement sportif, car Saul entretient un rapport mystique avec ce jeu. Ici, le hockey devient poétique. Là où, ne connaissant rien à ce sport, je ne vois qu'un enchevêtrement de bibendums casqués, hargneux et vociférants, Richard Wagamese montre la grâce et la beauté sereine d'une course sur la glace vers le but adverse. Magique.
Mais il également question du "Grand Mystère" qu'est l'univers pour les Ojibwés, et j'ai été touchée par la façon dont l'auteur replace la Nature au centre de l'Homme et donne vie aux éléments, en recréant avec justesse d'étranges ambiances forestières.
Enfin, ce roman traite aussi, et surtout, des discriminations subies par les Autochtones, du racisme des Blancs (nos joviaux cousins canadiens apparaissent sous un tout autre jour), et de l'abjecte pratique qui, jusqu'aux années 1990 ( ! ), consistait à retirer les enfants indiens de leur famille pour les placer dans ces immondes pensionnats.

C'est donc une lecture éprouvante, bouleversante, mais sacrément belle, et portée par une écriture sobre et poétique. Sans lourdeur démonstrative, Richard Wagamese raconte une histoire de résilience, où se côtoient beauté, mysticisme, et ignominie, et c'est d'une humanité éblouissante.
De quoi rendre fan de hockey-sur-glace.
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Je m'appelle Saul... Saul Indian Horse, de la tribu Ojibwé...

Mon peuple vivait au coeur des forêts enneigées du Canada, quelque part entre les lacs Manitoba et Winnipeg...

La terre était notre mémoire et les grands arbres étaient nos esprits...

Nous avions appris à vivre avec la nature, à honorer la fertilité du sol qu'elle nous offrait l'été et à suivre le cours tranquille de la rivière lorsque le froid de l'hiver gelait les premières récoltes. Nous avions appris à respecter le loup et l'orignal, pour leurs chairs qui nous nourrissaient et pour leurs peaux qui nous réchauffaient. Nous avions appris à accueillir les âmes errantes de nos ancêtres.

Les Anciens nous contaient les rites et légendes de la Mère Terre. Pour ne pas oublier, me disait Grand-Mère. Elle était de ceux chez qui les sillons de la vie profondément gravés sur leur peau forçaient l'écoute et le respect. Elle m'avait transmis le don de vision. Jusqu'à ce que l'homme blanc vienne me chercher. J'avais sept ans.

Je m'appelle Saul, de la tribu Ojibwé. Et je me souviens...

Je me souviens de ces heures matinales et de ces années passées à déblayer la neige, de la glace crissant sous les lames de mes patins, de la crosse prolongeant naturellement ma main, de la musicalité du palet fendant l'air jusqu'aux filets adverses...

Tel un danseur étoilé au milieu d'un ballet d'hockeyeurs, je leur imposais mes chorégraphies avec un sens inné du but et du jeu.

Je me souviens aussi de ces hommes blancs. de leur jalousie à mon égard, des huées et des coups reçus. Je n'étais pas des leurs et ils n'étaient pas mon peuple. Ils me volèrent mon âme, évanouie dans les vapeurs d'alcool qui devinrent mon refuge, mon puits sans fond.

Dont je devais m'extraire par le souvenir...

« J'étais un miracle », me disait le Père Leboutillier au pensionnat de St. Jerome's Indian School . Nous étions jeunes... Nous étions innocents... Nous étions des fantômes sous les serres de vautours qui rôdaient. Au nom de Dieu...

Je m'appelle Saul... Je me souviens...


- -

Un premier chapitre magistral pour se mettre dans l'ambiance immersive de ce roman ! Richard Wagamese entraîne son lecteur dans le Canada des années 60-70, durant lesquelles près de 20 000 enfants issus des Premières Nations furent enlevés à leurs familles et placés dans des pensionnats autochtones en vue de les « civiliser ».

Plusieurs thèmes y sont abordés, comme la colonisation forcée des amérindiens et l'identification ethnique, l'insertion par le sport, les abus au sein des pensionnats autochtones...

Un livre qui m'aura fait penser à Mission, Danse avec les Loups ou The Revenant pour l'imaginaire des paysages ou encore au splendide Sleepers pour cette sombre période au pensionnat.

Une part importante du livre est consacrée à la pratique du hockey. Trop importante peut-être. Bien que j'apprécie beaucoup ce sport, je me suis parfois senti comme dans une longue traversée du Groenland en patins à roulettes, perdu quelque part entre une partie de NHL20 et un épisode de Tom et Olive. Une étoile de moins pour cette raison.

Merci à toi, Patricia, pour ce beau cadeau et la découverte de ce roman !
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Livre " coup de poing", Jeu blanc raconte la parcours de Saul Indian Horse, indien ojibw, dans le Canada des années 60-70.

Victimes du choc des cultures et de la rage des blancs à vouloir scolariser la jeune génération afin d'en extraire toute trace d'identité indienne, les Ojibwés voient leurs enfants enlevés et conduits dans des institutions catholiques où ils sont durement dépouillés de leur fierté.
Sévices corporels, viols cachés, sont autant de moyens utilisés pour contraindre cette ethnie à renier son passé et ses rites ancestraux.

Blessé au plus profond de son être, Saul trouve refuge dans la pratique du hockey sur glace dont il devient un des meilleurs joueurs.
Le développement de sa carrière se verra toutefois stoppé net par le racisme , le précipitant alors dans l'enfer de l'alcool.
Toucher le fond pour parvenir enfin à faire face à ses bessures passées, s'en affranchir et renaître à ses origines, voilà tout l'enjeu pour ce jeune homme traumatisé par la suprématie blanche "bien pensante".

Une grande part du livre est consacrée au hockey et au déroulement largement détaillé des matchs...j'aurais pu en être agacée.
Ce ne fut pas le cas, même si j'avoue avoir de temps en temps lu l'un ou l'autre chapitre en diagonale.
L'intensité que met Saul à relater son séjour en institution avec toutes les humiliations subies, ainsi que sa douloureuse résilience, donne toute sa raison d'être à ces joutes sur glace dans lesquelles il trouve une forme de libération sauvage.

Richard Wagamese, Ojibwé lui-même, nous livre un récit dur, poignant, qui se veut hommage aux peuples amérindiens et à leur souffrance.
Trop tôt disparu, cet auteur se faisait conteur, comme tout bon Ojibwé.
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