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4,4

sur 696 notes
C'est un thème qui est rare dans la littérature : être un indien dans le Canada des années 60/70, et le défi que c'est d'assumer et de ne pas perdre ses racines. Dans un monde où les traits indiens sont chassés, gommés, persécutés, ce récit d'inspiration biographique est puissant. Il nous embarque dans un monde rude et enchanteur, d'abord au sein d'un tribu indienne nomade, touchée de plein fouet par les ravages de l'alcool, puis dans un orphelinat canadien où les enfants indiens sont persécutés, violentés, tués parfois, au nom de la religion. Puis, lueur d'éclat dans la vie du jeune Saul, la découverte du hockey sur glace, et de son don pour ce sport. Un acharnement à se faire reconnaitre dans son individualité et sa différence dans le monde occidentalisé, ce livre relève et démontre le « jeu des blanc» comme ce monde blanc où les indiens n'ont pas, n'auront pas, leur place… A moins que ?
Une vraie découverte, et un gros coup de coeur.
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Voilà un roman poignant, lu avant les vacances, et qu'il est temps que je vous présente.
Au Canada, alors que devenu trentenaire, il est admis dans un centre de désintoxication pour alcoolique, Saul Indian Horse, finit par accepter de raconter son histoire, comme on le lui conseille pour aller mieux. Ne voulant pas parler devant tout le monde, il décide de l'écrire.
Elevé dans la pure tradition du clan des Poissons, choyé par sa famille et initié aux coutumes des indiens Ojibwés, Saul vit une enfance heureuse jusqu'au jour où il voit sa soeur, puis son frère, être enlevés par des Blancs pour être conduits dans un pensionnat, où ils seront éduqués et christianisés, afin d'effacer toute trace d'indianité en eux.
Saul ne reverra jamais sa soeur, mais son petit frère, un jour, réussit à se sauver et rejoint le campement. Il est atteint de tuberculose et bien que la famille soit partie rejoindre le berceau des ancêtres, il ne survivra pas. Alors que ses parents, détruits, retournent à la ville pour lui donner une sépulture décente, Saul reste seul avec Naomi, la grand-mère qui, voyant l'hiver arriver, tente de regagner la petite ville où habite son propre frère. Mais elle meurt d'épuisement et de froid en chemin...
Saul qui n'a que 8 ans, est retrouvé blotti dans ses bras. Il est alors emmené à son tour dans un orphelinat catholique. Il est terrorisé et ne voit autour de lui que de la souffrance, des privations, des enfants devenir fous ou même mettre fin à leurs jours, parce qu'on les a torturés ou enfermés au sous-sol pour avoir désobéi. Tout est fait pour les éloigner de leur culture. Lui, cherche à se rendre invisible le plus possible, il ne fait pas de vagues et a la chance de savoir déjà lire et écrire.
Un jour, le père Leboutilier lui parle du hockey sur glace, l'initiant malgré sa petite taille et son tout jeune âge à ce sport fabuleux sur une patinoire à ciel ouvert. Il lui propose dans un premier temps d'aider à l'entretenir. Mais, en cachette, le jeune Saul va s'entrainer tous les matins avec du crottin de cheval bien sec, et une crosse de sa fabrication. Ce faisant, il intègre les règles et les stratégies. Il va tellement mettre tout son coeur à la tâche, que le hockey va devenir pour lui, une véritable passion, au point que le jeune garçon quittera le pensionnat, pour rejoindre dans un premier temps l'équipe amérindienne des Moose, puis intégrer la prestigieuse "Ligue nationale canadienne de Hockey".
Mais très vite, il est confronté au racisme et à la violence. Tout ce qu'il subit, l'éloigne du plaisir de jouer. Un jour, il va lui falloir se défendre et devenir violent lui qui était la bonté incarnée. En fait, dans les années 60-70, même dans le sport et une équipe nationale, les Blancs étaient racistes et ne voulaient garder ce jeu que pour eux (d'où le titre du roman) ! Après avoir été admiré dans son équipe amérindienne, Saul comprend qu'il ne le sera jamais, malgré ses prouesses et son succès, ni par le public ni par ses coéquipiers, dans une équipe canadienne.
Il a de moins en moins prendre de plaisir à jouer. Il quitte alors l'équipe, perd pied et plonge dans l'alcool, ce refuge dans lequel tous les espoirs d'une vie meilleure sont permis.

Le roman débute durant les jeunes années de Saul, alors qu'il vit heureux avec sa famille.
Mais très vite le lecteur plonge dans l'horreur. Les pages concernant la vie au pensionnat sont très dures et l'auteur ne cache rien des morts accidentelles, ni des suicides, d'autant plus terribles qu'il s'agit de jeunes enfants, désespérés d'avoir été enlevés à leur famille. le comportement despotiques des prêtres et des soeurs, leurs manières d'abuser des enfants et de les maltraiter m'a totalement horrifié.

Je connaissais les conséquences terribles pour les indiens de ces tentatives d'éducation dans lesquelles après les avoir enlevés à leur famille, on leur a interdit de parler leur langue, de vivre selon les rites des ancêtres. Ils sont totalement exploités dès l'enfance car on les fait travailler au lieu de les éduquer. Ils sont victimes de violences, sexuelles, verbales et psychologiques. Ils sont affamés et maltraités en permanence par des prêtres et des soeurs, dans ces institutions pourtant catholiques. Ils y perdent non seulement leurs repères, mais aussi leur identité, ce qui les laissera meurtris pour toujours.
L'auteur a le don de nous conter cette terrible histoire avec finesse et réalisme, tout en apportant par-ci par-là quelques touches poétiques qui allègent un peu le récit.
Il a réussi à me faire aimer les pages consacrées au hockey alors que c'est un sport auquel je ne m'intéresse pas du tout. Heureusement pour les néophytes comme moi, une page à la fin du roman explique les différentes règles.
J'ai aimé aussi durant l'enfance de Saul, puis lorsqu'il part à la recherche de ses ancêtres, la description des paysages, la poésie qui se dégage de cette vie simple et paisible, imprégnée des croyances et légendes indiennes et du savoir-faire familial. Les détails autour de la récolte du riz sauvage, par exemple, ou des journées de pêche, nous donnent l'occasion de lire de magnifiques pages, imagées et colorées.
J'ai aimé les moments de partage et d'amitié, l'accueil qui est réservé à Saul, après le pensionnat, dans une famille aimante et compréhensive, les parents "adoptifs" étant passés par le même pensionnat des années auparavant, et ayant subi les mêmes violences que lui.
J'ai aimé aussi le parcours difficile qui va ramener Saul sur le chemin de ses ancêtres et qui lui permettra de découvrir qui il est vraiment. Heureusement, il a un don particulier, il voit ses ancêtres et les entend l'appeler et lui parler...
C'est un roman magnifique et le lecteur ne peut sortir que bouleversé par cette lecture, tout en se demandant quelle est la part d'autobiographie qu'il contient. Il a obtenu le "Burt Award for First nations, Métis and Inuit Literature", qui est un Prix Littéraire canadien qui désigne chaque année la meilleure oeuvre publiée par un auteur autochtone.
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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Ceci n'est pas un résumé du livre ni une critique mais plutôt une réflexion. En ces temps où toute trace de colonialisme est diabolisée - souvent à juste titre- ne serait-il le moment également que les Etats Unis et le Canada se remettent en question face au sort qu'ils ont réservé aux Indiens. Jeu Blanc, roman quasi biographique, est un exemple criant.
A tous ceux qui souhaitent s'insurger contre les pratiques odieuses des autorités canadiennes, en l'occurrence, je conseille la lecture de cet ouvrage édifiant. Pour découvrir l'histoire de Saul Indian Horse je vous laisse à cette lecture pour comprendre comment les Zhaunagush (les Blancs) effaçaient toute trace d'indianité chez de jeunes Ojibwés entre autre dans les années 1960 -1970. le racisme des Blancs au Canada envers les Indiens est moins connu que celui qui règne aux USA mais il existe bel et bien : ségrégation, vexation, conversion religieuse...
Pour ce qui est de l'histoire: Saul Indian Horse membre des Ojibwés pense trouver son salut dans la pratique du hockey, sport auquel il a été initié par un prêtre (protecteur) du pensionnat dans lequel il vit et pour lequel il s'est avéré surdoué. Certains passages sur le déroulement des compétition sont un peu trop longs. Mais ce livre fait un grand écart entre le racisme envers les Indiens du Canada et les pratiques pédophiles du prêtre protecteur. Sous une plume qui semble aisée se cache des atrocités au détour d'une phrase. A vous de découvrir cet aspect de l'histoire du Canada. Je n'en dirai pas plus.
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Lc avec Bellonzo :-)

Saul Indian Horse, le narrateur, a 4 ans quand il commence à nous raconter son histoire : il vit avec son père, sa mère, son grand frère et leur tribu Ojibwé dans le grand nord canadien.
Le lecteur sait d'emblée que cette enfance idyllique dans la forêt parmi les siens va étre de courte durée. On apprend que les « blancs» enlèvent les enfants amérindiens pour les « scolariser » de force dans des pensionnats
Le but avoué est de leur enlever toute indianité.
Avant sa naissance, la soeur de Saul a été enlevée et ses parents ne l'ont jamais revue…un jour, quand Saul a 4 ans, c'est son frère Benjamin qui est kidnappé…Il fuguera et reviendra dans sa tribu quelques années plus tard mais atteint de tuberculose..

Leurs parents sombrent dans l'alcool et peinent à s'occuper de l'enfant qui leur reste Saul. Heureusement sa grand mère s'occupe de lui avec amour. Quelle tragédie pour ces familles à qui on enlève leurs enfants, leurs terres, leur mode de vie ! Sommes nous au XIXème siècle ? pas du tout, les faits se passent de 1950 à 1980…presque hier donc !

Sans trop raconter l'histoire, Saul arrive à huit ans dans un pensionnat (le passage où sa grand mère lui sauve la vie est à mes yeux aussi émouvant que le passage de la traversée de la tempête de Gwynplaine dans « L'homme qui rit ».)

Là, dans cette « école », fausse école puisque les enfants sont exploités, battus, violés, Saul découvre le hockey qui sera à la fois ce qui le sauvera et ce qui le fera chuter.
Jamais je n'aurais cru qu'un livre ou plus de la moitié est consacrée au hockey puisse être aussi passionnant : l'apprentissage sur les patins du jeune garçon est une magnifique leçon de joie et de ténacité…
Dans les années 70, Saul grandit et découvre l'amitié, la joie de faire partie d'une équipe et aussi le racisme (les équipes « blanches » de hockey sont très mauvaises perdantes et le public est atroce)

Quelle ténacité il y a dans l'histoire de ce petit bonhomme. La résilience sera t-elle au bout du chemin ?

Un livre qui sait se montrer émouvant sans sombrer dans le pathos…Un grand roman…

Je salue au passage ce titre jeu blanc pour sa double signification…blanc de la patinoire et/ou couleur de peau …
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4.6/5 pour ce roman. A peu de chose près, un chef d'oeuvre!
Je ne vais pas être aussi enthousiaste. Dès le départ, même si la vie du jeune Indian Horse va se révéler passionnante, je souffre déjà par moment des quelques longueurs qui émanent de ce texte.
Sinon, c'est agréable de suivre et l'écriture bien ciselée de l'auteur, mais rapidement, on replonge dans des longueurs interminables sur le jeu blanc, et là, je dirais qu'il vaut mieux être passionné pour suivre les péripéties de notre Indian Horse dans un monde raciste et sans pitié.
Appréciation très mitigée pour ce qui me concerne.
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L'an dernier, j'avais découvert Les étoiles s'éteignent à l'aube, le roman qui fit connaître au public français Richard Wagamese. Après ce succès, son éditeur en français a fait traduire ce roman publié en 2012 au Canada. Avec la même force que dans le précédent, Richard Wagamese explore l'histoire des Indiens canadiens et le racisme d'un pays qui, vu de France, paraît tellement inclusif et formidable...

Mais comme dans toutes les belles histoires il y a des esprits malins qui viennent noircir le tableau, dans Jeu blanc la vie en contact avec la nature de Saul ne pouvait se poursuivre... On comprend rapidement que des rafles ont lieu dans les secteurs où vivent les Indiens pour scolariser de force les enfants et les convertir au catholicisme. On tente de gommer en eux toute leur culture ancestrale, les rites et traditions. Ils doivent rentrer dans le moule de l'Homme blanc... Mais pas trop non plus... Car le jour où Saul découvre le hockey, le sport des Blancs, il découvre que malgré tout le talent qu'il peut avoir, il restera un Indien qui ne peut jouer dans les plus grands clubs...

Ce roman est puissant, il vous soulève, vous embarque, jusqu'à sa fin qui m'a scotchée, qui m'a laissée au bord de la patinoire stupéfaite. Je n'y avais pas trop pensé, je voyais Saul comme quelqu'un de détaché, et puis cette lame de fond qui arrive... Je n'en dis pas plus, je vous laisse plonger dans ce roman de Richard Wagamese, un vrai grand écrivain canadien devant l'éternel.
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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Voilà ce que j'écrivais il y a deux ans à propos de Les étoiles s'éteignent à l'aube :
″J'ai beaucoup apprécié ce roman ; et c'est à avec plaisir que je retrouverai l'auteur avec Jeu Blanc. ‶
Avec le recul, je crois bien qu'à cette époque je n'avais pas pleinement mesuré la qualité de plume de l'auteur, ni de la portée de ses écrits. Wagamese n'est plus, il me faudra prendre le temps de déguster son ultime roman, parce qu'après, ne resteront que les souvenirs …
Saul, indien de la tribu des Ojibwés est en cure de désintoxication alcoolique. Parce qu'en racontant leurs histoires, les buveurs invétérés sont sensés se libérer de la bouteille, Saul, persuadé de sortir de là plus vite se prête au jeu…
Alors qu'il perd ses parents et grands-parents, la famille étant déjà marquée par les méfaits de l'homme blanc, Saul se voit imposé brutalement le pensionnat catholique, afin d'y être éduqué, ou plus exactement dressé, et surtout débarrassé de son indianité, et de son humanité. Saul se prend de passion pour le hockey sur glace, sport pour lequel il devra lutter âprement pour pouvoir jouer, d'abord, et tenter de s'y épanouir dans sa vie d'adulte ensuite.
Jeu blanc raconte avec à la fois subtilité, dignité et violence le déni d'humanité à l'égard des indiens. Durant l'enfance de Saul, il fallait à tout prix effacer toute trace de culture indienne à ces peuples que l'on retrouve à l'âge adulte brisés et rompus aux addictions, et aux difficultés sociales inextricables.
Saul, s'accroche à sa passion, s'acharne au travail, à l'entrainement ; Il fait face avec courage au racisme très en vogue au Canada dans les années 70. Nul besoin d'être féru, et connaisseur de hockey pour apprécier pleinement ce livre ; présent mais pas trop, je n'ai ressenti aucune longueur lorsque nous suivons Saul dans son apprentissage et son perfectionnement. L'essentiel est finalement bien ailleurs, plus intime, plus enfoui ; seul le retour aux origines permettra à Saul de commencer à se libérer de ses démons.
″Ce sport me permettait d'éviter de voir la vérité, de devoir lui faire face jour après jour. Plus tard, après mon départ, le sport m'empêcha de me souvenir. Aussi longtemps que je pus m'y réfugier, je pus m'envoler. M'envoler et ne jamais devoir atterrir sur la terre brûlée de mon enfance. ″
Wagamese s'emploie, dans ce superbe roman à décrire un homme qui affronte avec courage son passé et ses traumatismes pour mieux retrouver ses racines, ses valeurs, et les richesses de l'identité indienne.
Un roman émouvant, révoltant, et beau car l'espoir y permis.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Ce titre est le second de l'auteur traduit en français, écrivains indigènes canadiens, cette histoire s'inspire de la sienne. Autant dire qu'il y a beaucoup d'émotions dans ce roman. Sa vie sera comme une rivière avec ses aléas qui empêchent d'avancer dans une direction toute droite. Dès sa plus jeune enfance il sera toujours entre deux rives, l'espoir d'un côté, de hauts murs de l'autre.

"Je m'appelle Saul Indian Horse. Je suis le fils de Mary Mandamin et de John Indian Horse. Mon grand-père s'appelait Solomon et mon prénom est le diminutif du sien. Ma famille est issue du Clan des Poissons des Ojibwés du Nord, les Anishinabés, c'est ainsi que nous nous désignons…"

Il va devoir quitter sa tribu, il a 8 ans, et partir avec sa grand-mère pour un périple glacial. Il nous raconte ici son chemin dans les montagnes du Canada, les traditions de sa famille; son adolescence passée dans un internat dirigé par des "blancs", sa mémoire alors défaille. le sport sera pour lui à ce moment un exutoire.

"À St. Jerome's, nous nous efforçons de débarrasser nos enfants de ce qu'ils ont d'indien afin que leurs comportements témoignent des bénédictions du Seigneur…"

"St. Jerm's nous décapait, laissant des trous dans nos êtres. Je ne parvins jamais à comprendre comment le dieu qui, d'après eux, nous protégeait, pouvait ainsi détourner la tête et ignorer pareilles cruauté et souffrance…"

Le Hockey est ce qui le sauvera pendant quelques temps de toutes ses souffrances passées, de toutes ses humiliations présentes, de cette violence gratuite.

Ce roman se déroule en trois temps, son enfance, l'adolescence et enfin l'âge adulte ou tout se révèlera, revenir sur les lieux de diffamations va lui ouvrir les yeux, sombrer pour mieux revenir. Ce texte est poignant, le "petit indien du nord de l'Ontario" va retrouver la mémoire après ces longs chemin semés d'embuches, entre autre le racisme subit au Canada dans les années 1970. Si vous n'êtes pas bouleversé par ce texte, c'est que l'insensibilité vous gagne…

Second livre du "prix étranges lectures" pour la bibliothèque de St Geyrac.
Lien : https://passionlectureannick..
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La lecture commune avec Val La jument verte de Val nous a cette fois entraînés dans l'Ouest Canadien avec l'auteur amérindien Richard Wagamese. J'avais déjà chroniqué très favorablement Les étoiles s'éteignent à l'aube. Saul Indian Horse est très inspiré de la propre vie de l'auteur. Et le livre est très fort, très émouvant, très solide aussi, témoignage de la si difficile existence des Indiens contemporains, en l'occurrence les Ojibwés, au coeur du Canada moderne. Indian Horse a dès huit ans passé son enfance dans un internat tenu par les Blancs qui se sont efforcés d'effacer en lui toute indianité. Brimades, humiliations, sévices. Seule la découverte du hockey, plutôt réservé d'ailleurs aux non-amérindiens, lui fera entrevoir une issue. Sera-t-elle suffisante?

L'histoire, pourtant, ne remonte pas si loin, Richard Wagamese est né en 1955. On mesure l'immense détresse qui fut la sienne mais plus encore son énergie à résister. Peu à peu, alors que le hockey est un jeu de blancs qui exclut les indiens, Saul Indian Horse parvient, dans cet institut brutal et hostile, à trouver dans cet accomplissement sportif plus qu'un exutoire, comme une mission. Mais le pays est rude aux autochtones, plus que l'hiver. On est peu loquace dans Jeu blanc et le peu qu'on y parle concerne le hockey. On finit par trouver la poésie dans ce sport peu calin. C'est l'empreinte des grands (ce que j'appelle le syndrome Jours barbares de William Finnegan, ou le meilleur de Bernard Malamud sur le surf et le base-ball).

Et puis le retour de John Barleycorn, l'ami qui vous veut du mal, l'alcool, symbole si fréquent et fléau universel auquel ont beaucoup sacrifié les habitants des réserves indiennes. Comme Richard Wagamese en parle bien. Sur les horreurs nocturnes de l'institut si bien pensant, l'auteur se fait discret, ce qui n'en atténue pas le traumatisme.

C'est drôle comme les serveurs vous invitent toujours à finir votre verre...On boit pour oublier les pensées, l'émotion. L'espoir. On boit pour oublier parce que après toutes les routes qu'on a prises c'est la seule direction qu'on connaisse par coeur. On boit afin de ne plus entendre les voix, ne plus voir les visages, ne plus toucher els choses, ne plus sentir.

Quand les Zhaunagush (les Blancs) vinrent, ils amenèrent le cheval avec eux. Notre peuple vit le Cheval comme un Être spécial. Il chercha à apprendre son pouvoir sacré. Monter ces êtres-esprits, pourchasser le vent avec eux, devinrent des signes d'honneur. Mais les Zhaunagush ne virent rien d'autre que du vol dans ce que nous avions fait, que l'attitude d'un peuple inférieur, alors ils nous appelèrent voleurs de chevaux.

Il existe des centaines de livres sur l'infinie douleur amérindienne, et des dizaines d'auteurs. Certains ne sont pas même indiens. Mais souvent talentueux. A ce jour je ne connais pas l'avis de ma complice Val. Gageons qu'elle aura aimé. Avec le titre original Indian Horse je parierais bien que la Jument Verte en aura henni de plaisir.
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Un livre envoûtant, émouvant... Quelle superbe plume !
J'aime déjà tout particulièrement l'univers des indiens, cette osmose avec la nature, cette philosophie de vie. C'est donc avec un grand bonheur que je me suis plongée dans cette lecture.

Un récit, celui de Horse Indien, en centre de désintoxication, celui de sa vie morcelée...
Tout d'abord son enfance dans une famille déchirée entre la culture traditionnelle portée par une grand-mère incroyable (quel personnage !) et l'emprise des blancs que les parents ont plus ou moins acceptée. Il y a des passages magnifiques et douloureux sur le déchirement des familles, sur la disparition des enfants, sur les désaccords autour d'un corps lorsque les croyances et la culture se délitent... Dans ses souvenirs on sent déjà la perversion qui gangrène son peuple autour des parents, de la boisson...

Et puis c'est le temps de l'école.... effroyable, hors du temps, qui lave les cerveaux et les âmes... Tant de moments d'une violence inouïe qui frappent d'autant plus qu'ils sont racontés dépouillés de toute emphase, de tout pathos, en toute simplicité... Je reste hantée par ces petites silhouettes juste esquissées qui ont disparues, victimes des pires sévices...

Dans toute cette noirceur, Saul se réfugie dans le sport, rédempteur, qui l'aide à oublier l'horreur et à s'oublier, à se surpasser, à donner sens à sa vie....
Quel tour de force magistral d'avoir su m'emporter sur un tel sujet qui se situe bien loin de mes intérêts personnels...je ne suis adepte d'aucun sport d'équipe, je ne regarde aucun match de quelque sport que ce soit et là....
J'ai aimé chaque ligne sur le hockey, cette façon de raconter la découverte, les sensations, les odeurs, l'adrénaline et cette faculté incroyable, l'intelligence du temps et de l'espace qui porte le sport au rang d'Art...Magnifiques lignes sur l'instinct, sur le dépassement de soi, sur l'accomplissement....
Mais très vite, Saul, malgré son indéniable talent, est confronté au racisme primaire, odieux.... inacceptable...

Coupé dans son élan, Saul va se perdre et chercher à se retrouver. Quelques belles rencontres l'aideront mais son cheminement intime sera long et douloureux, jusqu'à l'acceptation des non-dits ... Quel personnage émouvant, terriblement émouvant et attachant !

J'ai adoré cette lecture dans toutes ses dimensions, le fonds, le deuil, l'appartenance, le racisme, les blessures d'enfance comme la forme, d'une poésie envoûtante, d'une élégance dans le propos, d'une justesse dans les sentiments qui offre des lignes d'une profonde beauté.

Lien : https://chezbookinette.blogs..
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