Saul Indian Horse se souvient, sur les conseils des travailleurs sociaux qui l'entourent dans le Centre de désintoxication où il séjourne pour sortir de l'enfer de l'alcool, il se raconte, il écrit, car les mots ne peuvent être dits. Saul est un objibwé du Nord de l'Ontario et pour être plus précise du clan des Poissons Ojibwés du Nord : les Anishinabés, vivant près de la rivière Winnipeg.
Et c'est le récit poignant d'une enfance projetée à huit ans, orphelin, dans une institution la St Jerome Indian Residentiel School tenue d'une main de fer par des religieuses dont la soeur Ignacia. Inutile que j'entre dans les détails des sévices reçus par les enfants dont les plus faibles préféraient mourir que subir. Seule lumière pour Saul, le père Leboutilier qui va détecter en lui des qualités de rapidité et d'analyse en hockey sur glace.
Saul va vite se faire un nom et une réputation, va gravir rapidement les étapes pour atteindre les sommets mais ses origines vont le tenir à distance par les Zaunagush, les blancs, devenant sujet de moqueries et de violences car chez les "blancs" les règles ne sont pas les mêmes.
C'est un récit poignant d'un homme qui pensait avoir trouver dans le hockey sur glace une médecine pour soulager la perte des siens et l'inhumanité du lieu, une sorte de danse magique dans laquelle il pouvait à nouveau exister, trouver parfois une famille. Il va connaître une gloire momentanée puis sombrer dans l'alcool car certaines douleurs mettent du temps à émerger et à se soigner.
Au hockey un
jeu blanc est un match dans lequel l'adversaire n'a marqué aucun point et dans la vie de Saul bien des blessures sont portées au tableau de marquage : pertes de sa famille, maltraitances, affronts qui vont le mener à se détruire en se noyant dans l'alcool.
Je n'aurai jamais pensé prendre autant de plaisir dans la lecture d'une histoire avec en arrière plan le hockey sur glace. J'ai parcouru avec Saul les territoires de son enfance mais aussi ceux de sa vie d'homme, avec parfois un regard attendri sur sa volonté farouche, malgré le froid et le manque de moyens, de jouer, d'être sur la glace et de mettre à profit ses prédispositions, d'exister, de tenir....
C'est un récit poignant d'une vie commencée dans les grands espaces, avec la fierté d'une communauté vivant de ses ressources mais dont les membres disparaissent peu à peu, parfois de façon inexpliquée. On connait tous le sort réservé aux autochtones mais Saul va trouver en lui les ressources pour survivre, n'hésitant pas à faire appel à ses ancêtres et à leurs légendes pour survivre.
Il y aura des mains tendues malgré tout, des familles accueillantes mais qui ne pourront certes pas effacer les blessures, mais aideront à les panser, à se sentir moins seul.
On se prend d'intérêt pour le hockey, ici activité de résilience, à suivre la progression de cet enfant doué, instinctif, imaginatif, volontaire mais qui n'oubliera jamais d'où il vient et qui il est. On lui dira qu'il est métamorphe, qu'il possède cette capacité à s'adapter à toutes les situations mais certaines seront contraires à son état d'esprit, lui qui ne voulaient que jouer, que le plaisir de jouer et d'autres, même si elles semblaient avoir été intégrées, effacées, referont surface.
C'est une confession qui laisse des traces comme les coups de lames de patins sur la glace, faisant resurgir des événements enfouis dans la mémoire et qui changent notre regard sur certains personnages, le tout avec une écriture empreinte d'humilité et de justesse.
Une belle lecture.
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