Saul Indian Horse fait partie de cette génération sacrifiée d'Indigènes du Canada qui a été enlevé à sa famille pour aller dans des internats pour Indigènes, qui n'étaient en fait ni plus ni moins que des camps d'assimilation forcée où les abus en tous genres étaient légion. Sur le modèle des "residential schools" américaines, les Canadiens ont eu aussi repris à leur compte le programme "tuer l'Indien dans l'enfant". le but du bon chrétien affiché était de donner une chance à ses enfants de s'intégrer à la civilisation "blanche" - même si en réalité tout était fait pour les garder au stade de sous-citoyens, quand les enfants trop récalcitrants n'en mourraient pas avant.
Au début du roman, Saul, le narrateur, est un homme brisé en centre de désintoxication qui s'apprête à nous compter son parcours personnel. Pour schématiser, la première partie du livre est consacrée à son enfance d'abord avec sa famille puis à "l'école" St Jerome. Les scènes qui sont décrites dans cette première partie ont de quoi briser de coeur, et le seul réconfort du jeune Saul, ce sont ceux où il apprend à jouer au hockey sur glace; un jeu pour lequel il montre très vite des dispositions.
La seconde partie concerne davantage son adolescence et sa vie adulte où le hockey y tient une place centrale ou pivotante qui nous permet de suivre l'évolution du personnage.
En ce qui me concerne, ce livre m'a touchée à un point qu'il est difficile d'exprimer avec de simples mots tant il a fait résonner quelque chose de profond en moi ; que certains définiraient comme mon âme, mais au fond qu'importe. Pour moi, ce roman n'a pas été qu'un livre, il y a eu une connexion particulière qui a fait vivre une partie de ce personnage en moi même quand j'avais reposé le livre.
C'est un roman d'une vérité crue, dure, à vomir l'humanité autant qu'il est beau et donne espoir dans la capacité de l'humain à se reconstruire et aller de l'avant. Derrière un language courant et "simple", il y a une profondeur, une authenticité et une humanité que les plus grands spécialistes du style ne sauraient atteindre. Cette histoire, basée sur des faits réels que le Canada accepte d'affronter (plus ou moins) et dont la Grande Europe se fiche éperdument nous parle aussi bien d'addiction, de maltraitance, de familles brisées, d'enfances volées, d'humiliation, de déracinement, de racisme, de la passion pour le sport que de résilience.
Dans une interview,
Richard Wagamese a avoué que ce roman avait été particulièrement éprouvant à écrire pour lui, entre autre car il y avait mis un peu de son histoire. Au final il se dégage une force mystique, presque animiste de cette histoire, où le conteur se fait la voix, le canal de tous les ancêtres et toute une communauté qui a souffert et a été humiliée des pires façons et dans l'indifférence la plus écoeurante.
C'est une lecture choc.
Le récit d'une errance et d'une reconstruction particulièrement difficile.
Un livre qui se vit - plus qu'il ne se raconte.
Une Histoire qui nécessite d'être posée pour qu'on reprenne son souffle.
Un des rares livres qui m'a fait pleurer et me fait remonter les larmes aux yeux à sa simple pensée ou évocation.