C'est l'histoire d'un architecte, talentueux, individualiste qui défend son droit et surtout celui de faire accepter ses créations telles qu'il les a conçues, capable de dynamiter la réalisation dévoyée d'un de ses projets. Lui c'est Gary Grant qui se bat sans répit contre cette société, conventionnelle et étriquée ; et en face de lui une jeune femme de la haute société aussi intransigeante que lui dans son rapport au « beau ». C'est le scénario du film de
King Vidor « le Rebelle ».
Dans le remake littéraire de ce film l'architecte est un américain d'origine musulmane, lauréat du concours –anonyme- pour l'édification du mémorial aux victimes du 11-septembre et en face de lui la ravissante veuve éplorée de la haute société, qui avait défendue et emportée l'adhésion du jury pour ce projet de mémorial jardin.
Il se battra, comme un rebelle qu'il est, pour faire respecter son droit de lauréat, et n'accepter aucune modification de son projet.
Face à lui, les New-Yorkais, encore sous le choc, incapables de se soustraire à cette peur de l'Islam, désigné comme le MAL absolu, incapables d'envisager qu'une partie de leur population sont des musulmans américains, ayant les mêmes droits, incapables d'entendre qu'un jardin n'est pas une arme de conquistador.
Pendant 400 pages, l'auteur qui connait très bien ce sujet puisque journaliste ayant couvert les événements du 11-septembre, trace un portrait au vitriol de ce New-York aux plaies toujours saignantes.
L'intérêt de ce livre, c'est l'équité, la rigueur de l'analyse des comportements, réactions spontanées ou récupérées des new-yorkais, les multiples aspects de chaque individu, qui essaie, chacun, de se comporter le mieux qu'il pense pouvoir le faire et découvre leurs ambigüités, aussi bien des politiques, que des différentes ethnies. Excellent travail de journaliste, qui décrypte d'autant mieux le rôle des médias qui participent au carnage en dirigeant la loupe grossissante de leurs reportages sous le feu de la haine qu'ils raniment.
J'ai beaucoup aimé la description du devenir de ce Mo, brillant architecte bien intégré à cette Amérique si vénérée par ses parents et que ce "Concours de Circonstances" va faire cheminer vers cette religion qu'il ne faisait que cotoyer, vers un autre art de vivre avec d'autres valeurs.
Le principal interêt de ce roman, pour moi, est la façon dont ce livre complète le film de
King Vidor, en donnant la parole à toutes celles et ceux qui se trouvent confrontés à une oeuvre d'art qui les choque viscéralement. Et l'architecture est le type d'oeuvre d'art à laquelle chacun est et sera confronté tous les jours ET sur des décennies. C'est ce que nous ressentons profondément quand nos urbanistes rasent des immeubles qui d'une certaine façon appartiennent à notre histoire patrimoniale personnelle pour y ériger un nouveau bâtiment, y percer de nouvelles voies, et nous projeter dans l'avenir ; « Un paysage urbain était toujours la conséquence d'une collaboration, même par inadvertance, entre générations. ». Cette phrase est pour moi la plus importante de ce livre.
Un point sur lequel, Madame Waldman m'a semblé moins équitable, c'est sur le portrait de la journaliste du Post, chroniqueuse de tabloïd un peu dérisoire, aussi peu sympathique que possible, à tel point que je me suis demandé s'il ne s'agissait pas ici, d'un règlement de compte.
Bon livre, qui aurait été plus agréable à lire si, plus court et si…moins chargé de phrases genre littérature-des-coeurs-en-recherche -d'émoi, comme « A la recherche de réconfort, elle se pencha vers lui, vers ces yeux verts, cette bouche aux lèvres douces… ».
Belle couverture évoquant un arbre et les tours.