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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Que de mystères enfouis dans les "ambiances" et les psychologies d'un livre si court : des enfants-adolescents perdus, comme échoués là pour être "éduqués à l'obéissance absolue"... Une Fée et un Ogre - soeur et frère - comme "patrons" de l'Institut Benjamenta. L'étrange magie Walser, une fois de plus ! L'ambiance y est tout de même fort crépusculaire... Pour Jacob von Gunten, le jeune narrateur, la vie semble s'achever à la fin de l'ouvrage : s'en remettant à Dieu et au bon vouloir de l'Ogre... (puisque Lise Benjamenta, la soeur-fée de ce dernier vient de mourir). On sait qu'à cette époque, son créateur-vagabond avait à peine 31 ans.

Le dernier, très énigmatique et très bref roman de la trilogie magique (1907/1908/1909) de Robert WALSER.
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Pour commencer, le titre original de ce roman de Walser se traduirait littéralement par « JAKOB VON GUNTEN. Un journal.1909 ». le titre de la traduction française est donc une pure invention, ce qui est problématique. En effet le roman est un journal, sans dates, de Jakob von Gunten, et de plus le fait qu'il soit LE personnage central est à la fois l'enjeu et le problème de ce roman. L'Institut Benjamenta en tant que tel n'est pas le sujet central du roman, c'est l'outil sur lequel s'appuie Jakob pour exprimer sa problématique existentielle. On peut donc se demander ce qui a traversé l'esprit de Marthe Robert, la traductrice, ou de l'éditeur d'origine, pour faire ce choix de travestir ainsi ce titre, et malheureusement on peut supposer que ce titre inventé leur ait paru plus vendeur que le titre walserien.
Pourquoi est-il ici question avant tout de Jakob, et pourquoi est-ce l'enjeu problématique du livre ? Parce que le livre tout entier repose sur la question subjective du personnage, pour qui exister est une tension permanente entre s'exprimer, se mettre en avant, vivre, profiter de la vie, (ce qui est supposément son penchant premier de nature), et s'anéantir, s'annihiler, s'humilier, s'effacer, et en définitive, être aussi invisible et utilitaire qu'un objet (ce qui est son impératif catégorique, si j'ose dire).
Jakob est un être qui semble toujours un peu à côté de lui-même. Il parle de ces enjeux, de fierté ou d'humiliation, d'être quelqu'un ou de n'être rien, comme si le sujet dont il était question était un autre. Il y a quelque chose d'Epictète dans sa distance vis à vis de ce qu'il vit. Et de Bartleby dans sa position d'énonciation, à ceci près que si Bartleby conserve une once d'opposition, ne serait-ce que dans le discours (I would prefer not to), Jakob von Gunten y a totalement renoncé. Il est ainsi dans une adhésion déconcertante avec l'idée d'être voué à l'esclavage et à une forme d'affliction existentielle irrémédiable. Ce que lui veut l'Autre, et ce à quoi il est voué à servir, semble n'avoir aucune limite, psychologique ou physique. Ainsi voit-on de façon répétée des ambiguïtés de conduite à consonance sexuelle de la part de pensionnaires, lointaine, climatique, et on perçoit nettement que la violence, même physique, que l'autre pourrait lui causer (M. Benjamenta au premier chef) n'est vraiment pas loin. Cependant cette violence faite par l'autre reste la plupart du temps allusive. Il y a dans le livre comme un climat, atmosphérique, de violence extrême qui s'exprime en toute civilité, entre gens de bien. Si je devais faire un parallèle avec une coutume médiévale, ce qu'on voit ici est l'envers de l'amour courtois : une forme consentie d'annihilation courtoise.
Il me semble que le roman exprime quelque chose de la position de Walser lui-même : une extériorité à soi-même assortie d'une sorte d'interdiction de vivre, ou de reproche d'exister.
Cependant, c'est peut-être une surinterprétation de ma part, on peut voir, dans cette réduction du sujet humain à une chose supposée consentante à être utilisée, une forme de préfiguration de la façon dont le capitalisme traite l'individu : un objet réduit au silence.
Pour finir, il faut dire que l'écriture est magnifique, à la fois dans son caractère évocateur et son ironie noire. Et qu'on ne peut manquer de reconnaître dans ce livre une influence singulière qui infusera l'oeuvre de Kafka (dans une modalité subjective plus volontiers en quête d'une issue), Beckett (dont la subjectivité de certains personnages est vraiment très proche de celle de Jakob), et, plus récemment Ishiguro (dans les Vestiges du jour et le personnage de Stevens).
Lien : http://www.williamjoshbeck.c..
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Mes lectures précédentes de Walser (Les enfants Tanner et Retour dans la neige) ont été bonnes, très bonnes même à certains égards, mais la magie n'avait pas complètement opéré. Avec L'Institut Benjamenta, un roman aux allures de conte cruel, j'ai trouvé le Walser qui m'a fait vibrer, le Walser troublé et troublant.

Jacob, pourtant issu d'une famille bourgeoise, intègre de son plein gré une école de garçons qui les forme aux fonctions de subalternes. Malgré un esprit allumé qui bouscule l'ordre établi, le jeune homme n'aspire qu'à obéir. « Nous autres élèves, nous n'espérons rien, il nous est même strictement interdit de nourrir des espérances […] ». Ce renoncement, jusqu'au masochisme, n'est pas sans conséquences psychologiques violentes.

Le style de l'auteur, beau et poétique, riche sans être compliqué, transmet parfaitement les conflits intérieurs du narrateur, l'ambiguïté des rapports humains et l'ambiance glaciale du lieu. Un texte puissant pour qui aime être déstabilisé.
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Le mystère à la place du monde.

Par les voies du rien et de la mystification, forcer le réel plat à montrer patte blanche et ouvrir toutes grandes les valves de l'irréel — ni au-delà ni en deçà, mais au lieu très exact du réel, et en même temps que la banalité.

Glissement très sournois du sens à la lecture du récit que fait Jakob von Guten de son séjour chez les Benjamenta. La narration demeure ce qu'il y a de plus modeste, visant même à faire de cet effacement une forme de hardiesse ontologique : « être un gros zéro tout rond», — mais le monde qui s'y reflète prend les allures d'une supercherie grandiose, qui n'aurait pourtant jamais triché de quelque façon que ce soit. — La faute nous en incombe : sentiment envahissant de forfanterie de nos valeurs (lesquels ?), de grimaces et de poses quotidiennes et universelles. Il me semble que rien n'existe d'autre, en refermant ce livre, que ce qui s'y trouve : pas d'héroïsme, d'amour fou, de révolte ou de liberté, d'exploits ou de succès ; très peu, finalement, mais tout. Seulement, avec un masque différent, qui laisse entrevoir les arrêtes d'os inconnus, qui seraient dès lors charpente du nouveau visage du monde. Et le masque est le visage pour tout le temps où ce visage se dérobe à nous, et donc n'existe pas. « D'autre part, toute connaissance est physiognomonique. » disait Roberto Calasso, grand lecteur de Walser, bien entouré à ce titre.
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Berlin, au début du XXème siècle, voici le journal intime du jeune Jacob von Gunten. Il intègre l'institut Benjamenta dirigé par le terrifiant directeur et sa douce soeur Lise. Basé sur un règlement loufoque et contraignant, Jacob quitte son milieu familial aisé pour apprendre… rien! L'oisiveté est au programme ainsi que la lutte contre la sottise, l'orgueil et l'idiotie avec ses camarades (tout aussi farfelus).

Il y a une beauté folle dans ce livre complètement absurde. Il dénonce le politiquement correct et est totalement intemporel dans cette quête du néant.
Le style d'écriture est très singulier. Reprenant les codes du conte, il pourrait sembler très onirique. En effet, le morcellement des corps et des idées donnent une tonalité très poétique.
Les propos sont parfois crus et même violents.
Cependant, les associations d'idées confuses, les coq à l'âne et les rires souvent immotivés m'ont questionnée du côté du délire, des hallucinations et de la souffrance .

Bref le clivage n'a pas fracturé que la pensée de l'auteur, elle imprègne la lecture. L'angoisse est perceptible. J'ai aimé autant que j'ai haï ce texte. Il est envoûtant!

J'ai hâte de découvrir Les microgrammes ainsi que les textes plus poétiques de Robert Walser. Il écrit avec une acuité fascinante.
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