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Bernard Lortholary (Traducteur)
EAN : 9782070783472
126 pages
Gallimard (01/02/2007)
4.03/5   89 notes
Résumé :
"Un matin, l'envie me prenant de faire une promenade, je mis le chapeau sur la tête et, en courant, quittai le cabinet de travail ou de fantasmagorie pour dévaler l'escalier et me précipiter dans la rue.
Dans l'escalier, je fus croisé par une femme qui avait l'air d'une Espagnole, d'une Péruvienne ou d'une créole, et qui affichait quelque majesté pâle et fanée. Pour autant que je m'en souvienne, je me trouvai, en débouchant dans la rue vaste et claire, d'une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Écrite en 1917, "La Promenade" est à l'origine une commande.
Le texte est repris et allégé en 1920 et intégré à cinq autres textes dans un recueil qui a pour titre « Seeland ».
À côté des nombreuses promenades qui sillonnent l'oeuvre de Robert Walser, il est impossible de ne pas évoquer le grand promeneur qu'il fut. Tout au long de sa vie, jusqu'aux portes de la mort, alors même qu'en ce jour de Noël 1956 il trébuche dans la neige, Robert Walser se promène, s'émerveille, et retient ce qui est beau.

Les lecteurs de Walser le savent, dans toute son oeuvre, la beauté, énoncée en toute simplicité, crève les yeux. Au coeur de « La promenade », cette beauté surgit le plus modestement du monde. On la suit au hasard dans le soleil d'une flaque, puis la voyons se fondre à la tombée du jour, comme le précieux sable qui glisse, avec un art unique de la digression.
C'est ce glissement permanent de l'espace et du temps qu'on retrouve à chaque instant dans cette prose instinctive, qui a l'art de tout englober dans le même sablier, sans cérémonie, sans jugement, au bas des hiérarchies. La fleur la plus banale a droit à une étude, les ruisseaux aussi bien que l'étendue des lacs jouissent d'une même attention.

« le malheur a ceci de bon qu'il nous ramène aux choses simples », disait Robert Walser.

En 1933, interné à la clinique psychiatrique de Herisau, tandis qu'il se retire dans un silence de vingt-trois ans, le voilà simplement, pliant et dépliant du papier, du carton, le plus sagement du monde, avec le même sérieux que n'importe quel homme simple qui n'aurait rien connu que cette humble existence, sans regret ni mépris, presque avec dévotion.
À cette obéissance prônée comme art de vivre dans L'Institut Benjamenta ou dans L'Homme à tout faire (également paru sous le titre « le commis »), Walser ne dément pas sa totale soumission, et chemine sans bruit jusqu'à son effacement.
« La promenade » resplendit d'une même simplicité, d'une même grâce inimitable. En nous émerveillant de ses propres visions, les ayant par ailleurs crayonnées par centaines sur un nombre colossal de brouillons, Robert Walser, qui, à notre grande stupeur, jugeait que le roman était « trop grand » pour lui, façonnait humblement, dans le plus grand isolement, ses éblouissantes miniatures.
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Voici une bien étrange lecture. Le protagoniste sort de chez lui un matin pour accomplir une promenade et y passe la journée, nous décrivant ce qu'il voit, qui il rencontre, ce qu'il ressent. Le tout sur un ton détaché et enjoué, comme si de rien n'était.

Je me suis souvenue alors que si je lisais ce court roman, c'est parce que Vila-Matas que j'affectionne, n'arrête pas de citer Walser dans ses livres, cet auteur qui s'est fait volontairement enfermé dans un asile de fous à la fin de sa vie, et que Vila-Matas le considère comme un des plus grands shandéens. Et là, tout s'éclaire. C'est évident. Cette promenade nous est narrée sur le ton et en la forme des digressions de Tristram Shandy, le personnage central de Lawrence Sterne, dont l'œuvre étonnante est peu connue chez nous, à tort.

Ce petit livre se lit ainsi comme une courte divagation imaginaire, légère et sémillante. Mais à replacer dans son contexte pour en apprécier toute la saveur.

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Un homme se promène et il le raconte, c'est tout. Pas grand chose ? Tout. Tout un monde est peint, un monde d'actrices qui n'en sont pas, de tailleurs incompétents, d'hotesses mesquines qui forcent pour de faux à s'empiffrer. Walser écrit le simple bonheur de la marche, les rencontres prévues et imprévues, la nature, un noyer devant une ferme qu'il ne faut pas couper (étrange écho...), un passage à niveau qui rend le monde plus beau, des enseignes qui se lisent avec plaisir ou énervement. Mais ce qu'il décrit n'est rien, ce qui attire, c'est la manière, la patte de l'écrivain, le style poli à l'extrême, obséquieux, tantôt plaisantin, tantôt lyrique, une délicatesse spontanée qui ne se fixe nulle part, comme l'esprit du promeneur, sans cesse attiré vers ailleurs, vers plus loin, vers l'inattendu. Lecture parfaite pour un printemps, sur un banc dans la petite forêt près du collège, sur la terrasse du café des Arcades, sur mon balcon au soleil couchant. Un peu de mélancolie en guise de final : la promenade et la lecture s'achèvent.
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Pendant toute une journée le narrateur se promène, vaque, flâne rêve, croise quelques personnes. C'est un hymne à la joie de se promener tout simplement, d'observer, d'être attentif, de respirer librement, de prendre son temps. A cela se mêle des observations sur la vie, les hommes ou l'écriture (le narrateur est un écrivain sans succès).
Robert Walser a du style ou des styles ; en tout cas, il manie superbement la langue et c'est avec beaucoup de grâce qu'il distille sa douce mélancolie, son humour, son cynisme aussi. Une écriture qu'on pourrait qualifier, en général, de châtiée, courtoise ou même sirupeuse. Personnellement, je l'ai trouvé excessivement formelle, mais ce n'est pas du tout un reproche, j'ai adoré. Il y avait longtemps que je n'avais pas lu un si beau roman (en fait, c'est une grosse nouvelle). Tout est gentil, bon, agréable, parfois beaucoup trop ! J'ai trouvé que Walser entretenait une véritable distanciation avec sa propre écriture. Et son humour vient essentiellement de là. Mais certains passages sont d'une réelle et toute simple poésie. La longue tirade que fait le narrateur à un fonctionnaire du fisc sur ce que représente la promenade pour lui, est un parfait exemple, tout à fait réjouissant à lire (et très intéressant), de ce mélange d'humour, de poésie, de gravité et de légèreté. Un livre d'une élégance rare.
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« le monde matinal qui s'étalait devant moi me parut si beau que j'eus l'impression de le voir pour la première fois… » dans la tête du promeneur de Walser, ce n'est pas tout à fait clair, il sort et cela seul est certain, le reste est remis à la palpation géographique qu'il s'apprête à faire. Ortega y Gasset se demandait clairement si le passant espagnol avait une destination lorsqu'il semblait s'en détourner pour aider le voyageur perdu, ou si le but était de sortir pour rencontrer un voyageur et d'avancer comme une fourmi dans le jeu semi programmé de la vie de John Conway, à chaque case une nouvelle direction en fonction de la coloration ? La constitution robuste du promeneur élude cette question et le monde défile en changeant de coloration sous ses pieds. Ces changements sont constatés et précisément commentés jusqu'à la rencontre du vagabond Tomzack. Les jardins opulents hérissés de haricots et jonchés de légumes bienheureux défilent comme des vecteurs originels d'un monde voué aux catastrophes. Une catastrophe est un changement radical de topologie. Les nouvelles enseignes accrochées par les commerçants familiers au promeneur, annoncent les signes déplaisants de ces changements qui sourdent. Walser n'essaye pas de les formuler comme un intellectuel averti de son temps, il ne décrit pas les symptômes de l'homme masse; la figure de Tomzack suffit pour installer en acte la présence nouvelle d'un envahisseur inconnu. Ses gestes monumentaux et son apparence de grand somnambule sont en adéquation suspecte avec les traces édéniques de l'environnement parcouru par le promeneur, c'est comme s'il ne bougeait pas vraiment, ou alors entre les clignements d'yeux des habitants qui l'ont toujours vu là, de près ou de loin. Son pantalon baille, il parait encore plus désinvolte et renfermé que Walser. Pourtant ce dernier est en proie à son hubris modeste de contemplateur impavide. Walser s'approprie l'extase fainéante du monde primitif, il a l'ambition de le coincer dans sa résine atavique pour défier le géant. Il compte pétrifier le monde avant lui, avant que les barbares d'un genre nouveau ne l'envahissent. le geste d'écriture est ici en apparence modeste, il est tremblant et minuscule, les lettres dessinées sur les feuillets sont presque illisibles. C'est normal, il y a un embryon de révolte vétérotestamentaire qui dort encore. Mais Walser projette en lui une force étonnamment robuste pour lui assurer une naissance. Quelle naissance exactement ? le problème de Walser est lié à la répétition essentielle du recouvrement d'un monde d'avant la chute qu'il opère inlassablement, comme un prophète mineur, il n'a pas encore la parole travaillée d'Isaïe ou de Daniel, mais elle ne lui servirait à rien, sa geste est pure description volontariste d'avant la conscience d'un monde envahissant, comme s'il n'en faisait pas vraiment cas, mais c'est sa fixation pré-natale qui l'intéresse ; et c'est toujours déjà une naissance, d'une nature différente des naissances historiales qui s'opèrent depuis le commencement, une naissance au sein d'un temps différent, un temps d'avant le temps. Si on parle de en plus de temps apocalyptique qui est le temps d'après la résolution, un temps d'infini, le cas Walser est un cas plus rare de temps apocalyptique d'avant le temps où l'orgueil démesuré de l'auteur vient se confronter aux prétentions de devenir de n'importe quelle entité qui est alors perçue comme barbare. Mais cette démesure apparait avant tout comme salutaire car elle empêche de penser la nature de l'envahisseur comme apprivoisable ; elle empêche de l'oublier tout court, et de succomber à l'hubris rationnelle. Tomzack apparait à l'horizon comme la puissance pauvre d'une promesse d'avenir réticulé. Il n'a pas besoin de parler, on sait bien qu'il ne va pas le faire, mais simplement passer à côté. Il a le dialogue interne de la catastrophe en lui, il dévisage qui veut l'entendre. Il a la primauté du premier pas parce qu'il n'y a que lui qui veut le faire pour chuter tout de suite après. Mais il offre la sensation incomparable de la chute, le train vertigineux de la compréhension interne des causes et des effets du seul pas surnuméraire qu'il a été choisi de faire à travers lui. Tomzack est un on massifié qui représente la délégation totale des puissances rationnelles du temps. C'est en personne la promesse de la modernité. Il va à l'encontre du promeneur sans rien fixer en tant qu'immense désinhibition de la volonté de modernité dont Walser refuse d'acter la naissance. Il la réduit à une remarque.
Lien : https://lecorpsmystiqueduliv..
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
(...) je voudrais proclamer que je considère la nature et la vie humaine comme une enfilade, tout aussi bien grave que séduisante, d'emprunts successifs; et cela me semble être un phénomène dont je crois qu'il est beau et bénéfique.
Je suis fort conscient qu'en bien des endroits il existe des gobeurs de nouveautés, avides de sensations, que de multiples stimulations ont pervertis et qui sont malheureux s'ils ne peuvent, à chaque minute ou presque, satisfaire leur concupiscence de jouissances jamais vues.
Dans l'ensemble, le besoin permanent de goûter à des choses toujours complètement nouvelles et d'en jouir me paraît dénoter la mesquinerie, le manque de vie intérieure, la coupure d'avec la vraie nature, et un intellect médiocre ou défectueux. Ce sont les petits enfants, à qui sans cesse il faut montrer quelque chose d'autre et de nouveau, n'importe quoi, pour qu'ils ne soient pas mécontents. L'écrivain sérieux ne saurait en aucune façon se sentir la vocation d'accumuler la matière, d'être le serviteur empressé d'une avidité inquiète; en bonne logique, il ne redoute absolument pas quelques répétitions, quoique naturellement il s'efforce toujours avec diligence de pallier attentivement les ressemblances fréquentes.
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Les plumes, les rubans, les fleurs et fruits artificiels, sur ces drôles de chapeaux jolis, étaient pour moi presque aussi attirants que la douillette nature elle-même, qui encadrait gentiment de sa verdure et de ses autres couleurs chaudes les couleurs artificielles et les formes sorties de l'imagination, comme si cette boutique de modiste n'avait été qu'un ravissant tableau.
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Monsieur et très respectable correspondant,
En m'adressant à vous en ces termes insolites, je pense vous donner la certitude que l'expéditeur de ces lignes n'éprouve à votre égard qu'une parfaite froideur. Je sais que vous et vos semblables n'ont à attendre de moi nul respect, et ce parce que vous et vos semblables ont d'eux-mêmes une trop haute opinion pour avoir, pour les choses et les gens, un vrai regard ni le moindre égard [...]
Pardonnez-moi si je me permets de considérer que vous êtes foncièrement faible, et, avec l'assurance sincère qu'à l'avenir je jugerai opportun d'entretenir avec vous les relations les moins étroites possibles, veuillez agréer la quantité malgré tout exigible et le degré absolument fixé de respect de la part de quelqu'un qui connut la faveur insigne et eut le plaisir à vrai dire modéré de faire votre connaissance.
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Les notes retentissaient comme le bonheur lui-même, le jeune et innocent bonheur de vivre et d'aimer ; elles s'élançaient, comme des figures d'anges aux ailes allègres immaculées comme la neige, vers le ciel bleu, d'où elles paraissaient ensuite retomber pour mourir en souriant. Cela ressemblait à une mort de chagrin, à une mort causée peut-être par une joie trop grande, à un excès de bonheur dans l'amour et la vie, à une impossibilité de vivre à force de se représenter la vie avec trop de richesse, de beauté et de délicatesse, si bien qu'en quelque sorte l'idée subtile et débordante d'amour et de bonheur qui venait envahir l'existence avec exubérance semblait trébucher, basculer et s'effondrer sur elle-même.
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Les enfants sont célestes parce qu'ils sont toujours comme dans une sorte de ciel. Quand ils grandissent, le ciel se dérobe à eux. Ils se retrouvent alors comme s'ils étaient tombés de l'enfance pour attérir dans la condition sèche, fastidieuse et calculatrice des adultes, et dans leurs idées utilitaires et extrêmement convenables. (p. 28)
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Vidéo de Robert Walser
Marion Graf présente le premier roman de Thilo Krause, "Presque étranger pourtant", qu'elle a traduit de l'allemand. Parution le 6 janvier 2022.
Un homme hanté par son enfance rentre au pays. Il y retrouve ses souvenirs intacts, les meilleurs comme les pires. Les allées de pommiers. le ciel immense. Les falaises de grès. Et Vito, l'ami d'enfance qui fut, dans un système asphyxiant, son compagnon d'apesanteur. Mais avec lui ressurgit le spectre de l'accident originel. Bientôt, la présence aimante de sa femme et de sa petite fille ne suffit plus à chasser le vertige. Des néo-nazis rôdent, une sourde menace plane, diffuse mais persistante. La nature échappe, se déchaîne. Quelle force pourra lever la chape de silence et d'hostilité ? le suspense subtil de ce roman place le lecteur au plus près du narrateur.
Thilo Krause est né à Dresde, en ex-Allemagne de l'Est, en 1977. Il est l'auteur de trois recueils de poèmes, tous primés. Presque étranger pourtant est son premier roman, lauréat du prix Robert Walser. Thilo Krause a l'art de traduire physiquement les émotions avec une précision et des images à couper le souffle.
https://editionszoe.ch/livre/presque-etranger-pourtant
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