"Vous savez que dans les couples, il y en a toujours un qui pleure et crie et l'autre est calme et raisonnable?" 196
Cette phrase ne reprend pas le propos général de Jeannette
Winterson, mais je la garde en tête car je la trouve très vraie, en tout cas en ce qui me concerne! Je suis celle qui pleure et crie et qui a du mal à gérer ses émotions! Elle dit également que "vivre ses émotions exige du courage". Une autre phrase qui me fait réfléchir. En général, plus on pleure et plus on est à fleur de peau, et moins bien l'entourage le comprend, faisant passer cela pour une sorte de maladie des nerfs, ou un petit dérangement mental!
A travers ce livre,
Winterson retrace le parcours difficile que fut sa vie jusqu'à présent, son adoption par une femme autoritaire, bigote et austère, qui vivait dans son monde apocalyptique terrifiant. Elle se raconte, et fait part de réflexions sur notre monde moderne qui me régalent.
Cette mère acariâtre, qui la laissait enfermée dehors, sur le seuil de sa maison, ou bien qui brûlait les livres que Jeannette avait caché sous son lit, car elle lui interdisait de lire. Pour Madame Winterson, qu'elle ne nomme jamais autrement, Jeannette est née dans le mauvais berceau, et a le diable en elle. Ne va-t-elle pas jusqu'à la faire exorciser pour la remettre dans le droit chemin?
Les livres ont sauvé la petite, ainsi qu'un formidable appétit de vivre, et qu'une volonté à toute épreuve.
"La fiction et la poésie sont des médicaments, des remèdes. Elles guérissent l'entaille pratiquée par la réalité sur l'imagination." (p.55)
"Nous avons tendance à croire que ce dont on a besoin pour tout transformer - le miracle - est ailleurs alors que nous avons la solution sous notre nez. Parfois nous sommes la solution, elle est en nous." (p.43)
Jeannette décide que ce n'est pas parce qu'elle est adoptée, qu'elle vit dans une région minière du Nord de l'Angleterre, qu'elle est lesbienne, qu'elle n'a pas le droit de se cultiver et de rêver. Elle s'inscrit à Oxford, rate l'entrée, alors elle retente, et réussit, et petit à petit se met à écrire, avec en toile de fond inconsciente l'envie que sa vraie mère la reconnaisse si elle est encore vivante.
Et puis il y l'autre Jeanette, la "créature" comme elle l'appelle elle-même, qui la pousse à la dépression, dans la folie. Elle tente le suicide, est à deux doigts d'être emportée par ce double maléfique.
"J'abritais en moi une autre personne - une part de moi - (...) à ce point dévastée qu'elle était prête à me condamner à mort pour trouver la paix." (197)
"Il se pourrait d'ailleurs que nous n'ayons jamais été aussi peu tolérants envers la folie. Elle n'a pas sa place dans nos sociétés. Nous n'avons absolument pas de temps à lui consacrer. Devenir fou prend du temps. Recouvrer une santé mentale prend du temps." (196/197)
Mais...
"La folie est le début d'un processus" (p.197)
"La créativité se tient du côté de la santé - ce n'est pas elle qui vous rend fou; elle est cette force interne qui tente de nous sauver de la folie." (197)
... alors Jeannette s'en sort grâce à l'écriture, ce moyen de sortir de notre temps linéaire et de rejoindre un temps plus absolu comme elle le décrit, où elle peut discuter avec ses angoisses et ses doubles sans presque aucune crainte de mourir et d'être réduite au silence.
Ce livre est une magnifique ode au pouvoir des mots et des livres, et je retrouve dans ce qu'elle dit des choses que j'ai pu éprouver pendant des périodes difficiles. Les livres peuvent sauver, lorsqu'il ne reste presque plus d'espoir.
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