Nous sommes en 1976.
Teddy a 15 ans, vit dans le Bronx, élevé conjointement par sa mère et ... son ordinateur, sur lequel il développe le futur célèbre jeu Snake pour un certain Lane.
Cet autiste tendance geek ne conçoit son quotidien que comme ultra ritualisé, ultra minuté et ultra protégé : de fait, jamais il n'est sorti de l'appartement et sa survie est assurée par sa mère, elle-même passablement barrée.
Sauf qu'un matin, sa chère maman ne vient pas le réveiller comme chaque jour à 7h07. le premier grain de sable dans une machine infernale ...
À partir de là, attendez-vous à flotter à mi-chemin entre une narration à la
David Lynch (les lieux se télescopent hors des lois communes de la physique et du temps) et une esthétique - et un propos - proche d'Orange Mécanique par Kubrick : dans ce monde de l'au-delà (de l'ascenseur), la violence est là, exacerbée. La télé fait le buzz avec des émissions interactives où l'Homme est un loup pour l'Homme. Les femmes, les Noirs (et autres "Colorés"), les pauvres sont les victimes toutes trouvées d'un système qui, cyniquement, rappelle furieusement le nôtre, en plus trash -quoique-.
Bref, on est ailleurs et d'un autre temps, tout en étant ici et maintenant.
Si je n'ai pas "marché" dans tout ce que ce "pop roman" propose (la torture par le rire... mouais, là, je suis retombée...), je salue l'audace d'une structure carrément psychédélique, et d'une narration portée par des références musicales dont je craignais qu'elles ne soient que gadgets. Il n'en est rien : la musique, naturellement, habille cette fiction d'un decor sonore très seventies. Les paroles, elles, intégrées dans le récit, participent de l'histoire.
Quant aux avertissements (de l'éditeur et de l'auteur) répétés en début de livre pour prévenir que certains propos pourront heurter les lecteurs, rassurez-vous : si vous avez vu/lu sans en faire (trop) de cauchemars "Orange Mécanique", "Américain psycho", "Le Festin Nu" ou "Réservoir Dogs", vous supporterez de garder les yeux ouverts sur les images esclavagistes de "
1m976". À la lecture de ces avant-propos, j'en avais presque hésité à lire le roman. Seules les âmes particulièrement sensibles devraient s'arrêter à cela. D'ailleurs, soyons honnêtes, on voit bien pire sur BFM, et ce n'est pas de la fiction.
Et puis, j'ai trouvé à cette écriture une forme d'humour bien à elle, un maniement du comique de répétition qui donne à l'ensemble la légèreté qu'il lui fallait. Un roman "pop" ne pouvait pas se prendre trop au sérieux !
Enfin, si effectivement on ne trouve pas couramment ce genre de dystopie à lire, je trouve le roman moralement moins subversif qu'il n'y paraît d'abord : à mes yeux, Ted, le personnage central, manie trop explicitement la parole moralisatrice pour que le lecteur soit durablement ébranlé. Ironique, d'ailleurs : c'est l'autiste qui incarne le plus moralement conventionnel des personnages ...
C'est encore une fois davantage dans la construction de l'intrigue que le roman est à la fois psyché et rock n' roll. Et ça fait toujours du bien d'être bousculé, je trouve ... avec en cadeau Bonux une bande-son pour accompagner le voyage (à ceci près que je suis nettement plus "Riders on the Storm" que "Dancing Queen" mais bon ... les goûts et les couleurs ...)
This is the end,
beautiful friend
(aussi de cette trop longue chronique)
------------
Je n'écris pas que des chroniques !
Découvrez mes deux romans :
"Le soleil ne brille pas pour tout le monde" et
"Les Naufragés" .
Deux visages bien différents de Marseille, qui en a mille.