J'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de cette chronique d'un pèlerinage-mendiant d'un mois au travers du Massif Central sur les chemins de l'estive ( le GR4 principalement).
L'auteur et son compère Parsac, prêtre, sortaient tous deux du noviciat des jésuites, qui est couronné ( si on ose dire ! ) par un mois d'un parcours à la grâce de Dieu : pas d'argent, pas d'hébergement prévu ou suscité de par son statut, pas d'internet, de téléphone portable, et à pieds strictement !
Le style est à la fois simple, et soutenu, le ton agréable avec une bonne dose d'humour et pas de chichi. C'est aussi une magnifique leçon de géographie, de géologie, d'histoire du massif central et de chacun de ses pays.
Charles Wright qui possède de grand talents de journaliste, d'écrivain et un grand sens de la synthèse nous le résume ainsi : « Tout le Massif Central est un incendie éteint. Ici le blé pousse sur la pierre ponce, le foin germe sur le basalte, et nous marchons sur de la lave pétrifiée. »
Bien entendu, les rencontres sont décrites avec soin et les personnes dont certaines dotées de très fort caractère forment une galerie de portraits intéressants souvent parfaitement reliés à leurs lieux de vie, certaines anecdotes sont surprenantes, émouvantes, croustillantes, ami babeliote, rien que pour cette partie non méditative ou rêveuse du récit vaut le détour !
Charles Wright, nous fait partager ses marottes : les vaches, la forêt, et sa passion pour Raimbaud, j'ai beaucoup appris sur sa vie , pour
Charles de Foucauld, leur saint mentor pour ce pèlerinage..Les références littéraires foisonnent de
Cioran, en passant par la Bible,
Baudelaire, et bien d'autres ! « l'imitation de Jésus Christ » attribué à un obscur moine du X V eme siècle Thomas a Kempis leur fournira quelques leitmotivs de méditation en collant à la réalité de ce qu'ils vivent au long de leur cheminement.
Ce petit livre pose vraiment les bonnes questions : À quoi tenons nous le plus ? Comment se fait-il que nous ayons perdu à ce point le secret de l'alliance de la terre et des saisons, ce savoir de nos (récents ) aïeux ?
Comment se fait-il que les français, notamment dans le rural « profond » soit aussi épuisés ?
Je partage totalement le constat bien illustré dans cette chronique sur la laideur de périphéries, des entrées de villes uniformisées par les enseignes mondialisées, l'état pitoyable et inquiétant de l'Eglise en France qui continue à vouloir quadriller le territoire au prix d'épuiser ses curés ( la plupart africains) et s'avère incapable de voir la déchristianisation massive, galopante comme l'écrit l'auteur.
La vie de pèlerin mendiant est très dure, l'hospitalité dans les villes est catastrophique, chaque soir c'est une forte inquiétude qui prend nos deux pèlerins pour trouver le gîte et l'alimentation .
ils ne ne sont jamais assurés, la précarité ainsi vécue est douloureuse et pourtant ainsi que souligné, une solution finit toujours par être trouvée, en contrepartie souvent nos « clochards » devront écouter patiemment leurs hôtes,
tant il est vrai que tout être cherche à dire ce qu'il souffre et puis souvent le vin aidant, les barrières tomberont .. En conclusion, se mettre sur les pas du Christ, dans le sens où Dieu n'est pas dans les nuages, mais en nous, et dans le visage de l'autre, reste une immense aventure très enrichissante, et le dénuement y contribue, le dénuement incluant la dépose des oripeaux qui nous entravent trop ; internet , l'info en continu…
A ce prix, la marche est un grand dispensateur d'émerveillement. Nos deux jésuites novices retiennent l'enseignement principal de leur démarche : « les choses arrivent quand on ne les cherche plus. Lorsqu'on se détend, qu'on ouvre la main, tout s'ouvre et on reçoit en abondance ! »
Allez, faites vous du bien avec ce livre ! Il réhabilite aussi la notion de canton, l'auteur utilise souvent ce mot tombé en désuétude alors que c'est la bonne échelle pour vivifier nos territoires par des liens de proximité, de solidarité, contre-poison à l'enfermement de chacun dans le cadre de la guerre économique, du pouvoir exorbitants des écrans, de l'argent-roi, de la virtualisation de nos vies. Et comme l'écrit avec humour
Charles Wright : « Dans la France contemporaine, croiser deux jésuites, c'est aussi exotique que rencontrer des guerriers d'une tribu masaï »
!
Par contre en écho, croiser des clochard, des vrais, nos invisibles ?? A méditer pour réinventer notre potentiel d'hospitalité !