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4,15

sur 1552 notes
Voici un ouvrage de référence qu'il faut pourtant réserver à un public averti et motivé.
Zénon, le protagoniste, multiplie les casquettes comme à l'envie. le voilà lancé sur les routes de Flandre et de la future – et encore lointaine – Allemagne. Est-il besoin de dire qu'il s'agit d'un véritable roman historique et que celui-ci se déroule entre ce qui semble être un Moyen-âge couchant et l'orée d'une timide Renaissance qui s'ignore encore ? Oui, car le personnage n'interviendra que de manière marginale dans l'histoire de son temps.
Écrit au fil de sa vie d'intellectuelle, Marguerite Yourcenar écrit ici une geste voltairienne de la Tolérance. Car par alchimie, il faut comprendre initiation à la philosophie, réflexion relative à la place de l'homme et au dépassement de soi. Par bien des égards, la lecture m'a fait penser à certains passages du Parfum de Patrick Süskind (la non exploitation d'un thème central, ici la science occulte pour les meurtres en série là-bas).
L'auteure milite pour une humanité qui s'oublie : qu'il s'agisse du XVIè ou du XXè (voir du XXIè) siècle, le constat est toujours le même. Si le destin du protagoniste est bien vite scellé, le lecteur ne peut que condamner une conception, fort heureusement datée et passée de la justice.
(Pour la version complète c'est pas ici-bas...)
Lien : http://kriticon.over-blog.co..
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Marguerite Yourcenar a entrepris très jeune ce roman et l'a repris en pleine maturité, passant ainsi de l'érudition à la création. Avec l'histoire du médecin et alchimiste Zénon, elle donne à voir l'Europe du XVIème à partir de la Flandre, sa région d'origine.
Dans la première partie, Henri-Maximilien Ligre quitte Bruges et sa riche famille pour s'engager dans l'armée. Il rencontre son cousin Zénon qui a choisi lui les aventures spirituelles. Les 2 hommes ne se verront que 20 ans plus tard à Innsbruck.
Zénon comprend vite les limites de la théologie, il quitte son pays, parcourt le monde et étudie les sciences, la médecine et l'alchimie. Partout il décrit une Europe dévastée par les épidémies ( la peste) et les guerres qui opposent les peuples et les religions.
Lui-même, toujours en lutte contre les institutions, est recherché et doit continuellement fuir.
Lassé, il va regagner Bruges sous une autre identité où il sera condamné pour athéisme et hérésie.
J'ai beaucoup apprécié de relire ce roman qui a marqué la littérature française.

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Nous sommes au XVIème siècle. La vie semble se diviser : les traditions anciennes du Moyen Age (des rituels païens, un catholicisme dévot, des remèdes de plantes et des croyances bien ancrées dans les moeurs) contre la modernité de la Renaissance (les pensées de Calvin et de Luther, l'étude du corps humain et de son fonctionnement, la mécanisation du travail avec les métiers à tisser, la sophistication des armes avec le feu grégeois).
Zénon, médecin, est à la croisée de ces deux mondes. Né à Bruges il est le fruit d'un métissage : une belge Hilzonde et un italien Alberico de Numi, qui abandonne sa mère avant la naissance.
Très vite il quitte Bruges pour un tour de l'Europe (Allemagne, Italie, Pologne, Suède, France, …) où il apprendra, enrichira ses connaissances en alchimie (d'où le titre du roman) mais également en médecine, en théologie. Mais c'est dans la discrétion et le secret que Zénon voyage : on est pendu à l'époque pour calvinisme, brûlé pour hérésie, emprisonné pour idées dissidentes …
Mais il est finalement rattrapé par ses idées et arrêté en 1569.
Un roman dense, érudit que je n'ai pas trouvé très facile d'accès. Une découverte de l'autrice toutefois.
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Bon, il faut du temps pour lire cette oeuvre dense et touffue, avoir un minimum de connaissances sur - notamment - les guerres de religions du XVIe siècle en Europe, et surtout être bien motivée, car même si l'histoire en elle - même est interessante, l'histoire est éclatée, et surtout Zenon m'a quelque peu découragée, trop cérébral pour le suivre plus de 450 pages sans faiblir. Certes Marguerite Yourcenar nous parle de ses desillusions et tristesses, mais à quel moment ce chirurgien - philosophe - alchimiste a- t- il éprouvé de l'amour, de la joie, riait- il ? on ne le saura pas, et c'est bien dommage, ça l'aurait rendu plus humain.
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Un roman splendide qui se déroule au seizième siècle, entre le Moyen-Âge finissant et les débuts de la Renaissance. Marguerite Yourcenar dresse le portrait d'un médecin et alchimiste. Zénon, décidé à agir en homme libre saura le rester jusqu'au bout, même au plus fort de la tourmente. La grande Marguerite parvient à nous plonger dans une époque où se dessinent les prémisses du monde moderne mais où les superstitions et traditions médiévales sont encore vivaces. le style est d'une rare beauté mais la lecture n'en est guère aisée. Il faut quand même quelques connaissances historiques sur cette période ainsi qu'une maîtrise solide de la langue littéraire parce que la romancière a une écriture exigeante. Merci, madame Yourcenar, pour ce plaidoyer pour la liberté et le savoir contre la superstition et les dogmes.
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Difficile de critiquer un tel ouvrage...
Une lecture exigeante, riche, compliquée, pas évidente, concentrée mais savoureuse qui vous fait aimer le français... et le latin !
Le personnage principal Zénon (qui est aussi le nom du père du stoïcisme) alchimiste, médecin, éduqué par le chanoine Bartholommé Campanus est un homme tiraillé par son époque. Ses faiblesses et sa force sont symboliques d'une époque charnière prête à exploser et à évoluer.
Faiblesses avec un obscurantisme qui mine, qui tue, qui détruit au nom de la religion ; un catholicisme, un calvinisme , un lutheranisme et un anabaptisme qui se confrontent et se déchirent.
La force qui émane de ce personnage est juste remarquable de par ses choix de vie. Sa soit-distante errance lui permet d'appréhender le monde, de s'instruire et d'affiner sa vision sur ses semblables, il ose même imprimer ses idées et laisser ainsi une trace qui lui portera préjudice. Cet homme sera assez fort pour garder sa liberté de choix jusque dans la mort.
Un livre qui marque, à lire et à relire...
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Lourd, très lourd. Marguerite Yourcenar jongle avec un vocabulaire si riche qu'il faut s'accrocher pour la comprendre. Mais le message est là, il faut le conquérir comme les personnages du roman. Éclectique.
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L'Oeuvre au Noir est un roman qui ne peut se résumer et se critiquer facilement tant les thèmes abordés par l'auteur à travers la vie de Zénon, alchimiste, clerc, philosophe et médecin du XVIème siècle sont riches et montrent l'étendue de la culture de Marguerite Yourcenar sur la Renaissance.

A la lecture de ce roman, j'ai trouvé quelques similitudes avec "Les mémoires d'Hadrien" puisque Zénon comme ce dernier n'hésite pas à faire part au lecteur de ses réflexions sur son époque et les maux qui traversent la société. Cependant, sa position de clerc errant épris de vérité et de liberté est plus vulnérable que ne le fut la position d'empereur d'Hadrien.

Par ses multiples voyages sur le pourtour de la Méditerranée, Zénon s'initie à différentes conceptions de la médecine, de la philosophie ou de l'alchimie mais surtout apprend la tolérance et le respect de l'Autre qui peut avoir un point de vue différent du sien. Or, la période voit se développer des courants religieux dissidents, semeurs de troubles, qui n'incitent pas les pouvoirs religieux et politiques en place à voir d'un bon oeil les libres penseurs. L'esprit critique de Zénon et ses publications jugées hérétiques par l'Eglise le condamnent inévitablement à la peine de mort. Cependant, il arrive à échapper à toute acte d'accusation pendant plusieurs années grâce à cette période troublée par des guerres et à sa prudence jusqu'à son arrestation à Bruges. Réfugié sous un faux nom et exerçant comme médecin à l'hospice de Saint-Cosme, il y passe une dizaine d'années avant d'être arrêté pour sorcellerie et homosexualité. Emprisonné, son procès décrit avec habilité l'infranchissable abîme qu'il existe entre Zénon refusant de se rétracter et une autorité religieuse corrompue et sourde aux changements. La fin de Zénon est probablement le moment littéraire le plus fort du roman où la mort qui s'empare peu à peu de cet esprit intelligent dispute une course de vitesse avec la vigilance des gardiens.
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Chaque phrase s'aborde (j'imagine) comme la face nord du Mont Blanc : avec un courage intrépide - et s'achève avec le même sentiment de contemplation.

Mais personnellement, je préfère, de la pyramide du Louvre, que l'on m'offre d'apprécier l'effet d'ensemble qu'offre sa construction plutôt qu'on me prouve en détail la régularité parfaite de chaque carreau qui la compose...
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L'oeuvre au noir. Marguerite Yourcenar

Vivant au tout début de la Renaissance, Zénon est un chercheur, voyageur, philosophe alchimiste et médecin dispensant électuaires et juleps, qui en quête de la vérité veut la faire connaître, mais reste le plus souvent incompris.
Nous sommes à l'époque de Galilée- quelques dizaines d'années plus tard- (qui se rétractera pour échapper au bûcher) et de Giordano Bruno, lequel payera de sa vie ses idées nouvelles heurtant les esprits de son époque. Tous ces savants, penseurs et chercheurs, hommes sans pouvoir, sont en danger permanent en prônant la liberté de pensée et d'expression. Tous ces êtres d'exception à toutes les époques qui par leur quête savante ont ébranlé l'importance de l'homme telle que la définit l'Église ont été menacés d'être mis au pilori, que ce soit Copernic, Démocrite, Averroès, Origène, Pythagore ou Épicure. Et tous ceux qui leur accordèrent un semblant de crédibilité furent mis en prisons ou exécutés. Être en avance sur son temps fut souvent fatal à cette époque encore obscure où la défiance et la méfiance règnent de façon omniprésente dans la société. le chapitre « L'acte d'accusation » est essentiel pour bien comprendre l'ambiance d'alors.
Zénon ne se pose pas la même question que Philibert, son cousin : « A quoi sert de publier des opinions qui déplaisent à la Sorbonne et au Saint-Père ? » Cela lui coûtera la liberté bien qu'au chanoine, il avoue : « Je ne commettrai plus l'indécence qui consiste à essayer de montrer les choses comme elles sont. » Mais il est déjà alors trop tard. L'esprit tors de l'Église est passé et a sévi. Dans le même chapitre clef, Zénon s'explique avec une clairvoyance jugée coupable par l'Église : « Je ne vous dis pas que je crois, je dis que le simple non a cessé de me paraître une réponse, ce qui ne signifie pas que je sois prêt à prononcer un simple oui. Enfermer l'inaccessible principe des choses à l'intérieur d'une personne taillée sur l'humain modèle me paraît encore un blasphème, et cependant je sens malgré moi je ne sais quel dieu présent dans cette chair qui demain sera fumée. Oserai-je dire que c'est ce dieu qui m'oblige à vous dire non ? » Prémonitoire sentence ? Toute la page 425 est magnifique.
le roman de M. Yourcenar d'emblée séduit par son style léché et saisissant. Des phrases bien charpentées avec des mots justes et parfois rares, et de nombreux qualificatifs puissants. Un vocabulaire réellement d'une richesse inouïe. Un amour des mots. de la littérature, de la vraie, avec non seulement une petite touche style XVIII ème siècle me semble-il, mais encore des accents rabelaisiens et même de Molière. Seulement, le revers de la médaille, c'est qu'il faut avoir un dictionnaire à portée de mains. Mais quel enrichissement ! de magnifiques dialogues ponctuent cette histoire, entre Henri-Maximilien Ligré son cousin et Zénon dans le chapitre « La conversation à Innsbrück », et entre le prieur Jean-Louis de Berlaimont et Zénon encore dans le chapitre « La maladie du Prieur ». Magnifique récit dont voici quelques lignes en guise de florilège :
« Fille qui montre ses formes fait assavoir à chacun qu'elle a faim d'autre chose que de brioches. »
« Science et contemplation ne sont point assez si elles ne se transmutent en puissance. »
« Entre le Oui et le Non, entre le Pour et le Contre, il y a ainsi d'immenses espaces souterrains où le plus menacé des hommes pourrait vivre en paix. »
« Vaut-il la peine de s'évertuer durant vingt ans pour arriver au doute qui pousse de lui-même dans toutes les têtes bien faites ? »
« Pendant combien de nuits ai-je repoussé l'idée que Dieu n'est au-dessus de nous qu'un tyran ou qu'un monarque incapable, et que l'athée qui le nie est le seul homme qui ne blasphème pas… » Il est évident qu'avec de tels mots en bouche ou écrits, Zénon ne pouvait que finir au pilori, ou à tout le moins en geôle. Jusqu'au dernier moment de sa vie, Zénon aura su rester libre, même au fond de sa geôle. J'ai ressenti ce récit comme un hymne à la liberté en une époque où il n'y en avait pas.
Dans les Carnets qui suivent le roman, une phrase de l'auteur résume toute la complexité et la richesse du personnage « fictif » de Zénon :
« L'esprit domine davantage chez Zénon, mais l'esprit est en quelque sorte activé par l'élan continu et presque furieux de l'âme, et ne se développerait pas non plus sans les expériences et le contrôle du corps. »
J'ai dit fictif car la ressemblance avec certains aspects du personnage de Giordano Bruno est frappante, jusqu'à la date du 17 février, date fatidique. D'ailleurs, l'auteur dans ses Carnets encore compare les deux hommes et cite leur « ardeur » commune, encore que celle de Zénon soit plus « sèche », Bruno étant poète au fond de lui, Zénon pas du tout. Il est probable que Paracelse ait aussi inspiré le personnage de Zénon à M. Yourcenar.
En conclusion, un chef d'oeuvre inoubliable et universel.
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