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Portrait d'une femme d'exception, qui porte sur le monde une vue d'ensemble clairvoyante.
Enfance dans un milieu bourgeois, passée au milieu des livres dés le plus jeune âge, avec la complicité d'un père aimant. Son éducation s'est forgée à travers cet homme libre, riche de sa liberté, indépendant et dont la maxime était : "Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille? N'importe où, et aussi : "On n'est bien qu'ailleurs" .
Cet homme, qui résolvait les soucis de sa fille en disant : "Ça ne fait rien, on s'en fout, on n'est pas d'ici, on s'en va demain.", a su insuffler à celle-ci l'élan pour aller toujours de l'avant, le plaisir d'être nomade, le goût du voyage et de l'aventure.
Marguerite Yourcenar se définit comme un esprit libre, à travers laquelle traversent les idées, des courants , des vibrations, qu'elles retranscrit dans ses livres et qui guident aussi sa vie, avec toute l'humilité qui la caractérise; elle n'est que le cristal traversé par ces vibrations.
Comme son père, elle ne s'intéresse pas aux possessions, elle a horreur de l'avidité. Elle préfère la liberté à la sécurité.Elle n'est d'aucun pays, se définissant contre tout particularisme de pays, de religion, d'espèce et de sexe,
Pour elle , les étiquettes et les partis politiques sont dépassés. Ils n'apportent rien de bon. Les petites gens, les gens simples valent bien les grands de ce monde.
Les hommes vivent désormais dans un monde uniforme,dont les guides sont la télévision,la publicité, la mode. Il faudrait revenir à une vie plus saine, dans le respect de la nature et des animaux. Nous partageons cette planète avec tous ces êtres vivants et l'homme n'est pas le plus important d'entre eux.
Il faudrait rééquilibrer ce monde, en passant aussi par l'équilibre des naissances, car rien ne sert de faire autant d'enfants si c'est pour en faire de petits malheureux, sur une planète qui ne pourra plus les nourrir.

Marguerite Yourcenar , à travers son regard aiguisé sur notre monde, nous montre le chemin qu'il nous faudrait prendre si nous ne voulons pas que notre monde aille à sa perte, si nous voulons retrouver notre statut d'homme libre et digne, en faisant de notre vie la simple accumulation de petits bonheurs, dans la contemplation de la nature.
Cela parait utopique et pour l'auteure, il faudra attendre plusieurs générations pour que cela s'accomplisse. Il n'est jamais trop tard d'espérer et de lutter, tant qu'il reste de la vie.

Son témoignage nous apporte aussi ses petits secrets d'auteure, comment les personnages qu'elle crée prennent forme, vivent en elle et font finalement partie de sa vie. Elle parle de son métier comme de celui d'un artisan, d'un boulanger, qui pétrit sa pâte jusqu'à ce qu'elle prenne forme.
Elle donne aussi son avis sur les lecteurs que nous sommes, n'ayant pas toujours une vue globale du livre, mais plutôt à la recherche de ce qui nous ressemble.

Très belle découverte.





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C'est avec une grande émotion que je referme ce livre d'une grande intensité....
L'école ne m'avait pas fait aimer Yourcenar....
Suite à un échange avec un lecteur de babelio, j'ai eu envie de la lire, de découvrir ses pensées et une petite partie de sa riche existence. Ses entretiens introduisent parfaitement son Oeuvre et donnent envie de tout lire. Avoir Les Yeux ouverts, c'est regarder et penser le monde comme il est, se laisser surprendre par la vie sous toutes ses formes....et la RESPECTER.
Les Yeux ouverts ? Un très grand livre.
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En refermant cet ouvrage, j'ai l'impression d'en avoir ingurgité d'innombrables. Les yeux ouverts, c'est une bourrasque de culture. C'est surtout une formidable leçon de sagesse.

Encore faut-il, en écrivant cela, bien prendre garde au choix des mots. Car le terme de leçon comporte une notion de contrainte dont Marguerite Yourcenar se serait, à n'en pas douter, défendue avec force de faire usage. Recommandations de sagesse serait plus approprié. Mais il est vrai que si je crains la réprobation quant à la sélection de mes tournures sémantiques, c'est que je me sais observé depuis le "système sympathique" de l'au-delà dont Marguerite Yourcenar fait désormais partie. M'encouragerait-elle à poursuivre cette contribution sur Babelio ? A n'en pas douter puisqu'il s'agit de parler des livres.

Marguerite Yourcenar nous a laissé au travers de cet ouvrage un recueil de confidences étonnamment copieux pour quelqu'un qui rechigne à parler de soi. J'ai pu y découvrir des facettes de sa personnalité insoupçonnées de ma part. Une lecture plus attentive de ses oeuvres aurait pu me les faire détecter, en particulier par l'entremise de ces deux héros les plus évoqués dans cet ouvrage, je veux parler de Zénon et Hadrien. L'érudition de l'académicienne m'avait certes un peu étourdi, aussi n'y avais-je pas décelé la militante écologiste, amoureuse de la nature, avocate de la cause animale et dénonciatrice de bien d'autres phénomènes et comportements blâmables de notre société moderne que le bon sens récuse. Mais tout cela ne participe-t-il pas finalement de la même sagesse : celle de préserver un monde qui nous a ouvert les bras en même temps que nous ouvrions les yeux. La lecture de cet ouvrage est un grand bénéfice quant à la connaissance de la personnalité, de la vie et de l'oeuvre de cette auteure sublime.

Mon ressenti d'un tel ouvrage, c'est une impression de grande solitude de son auteure. Une solitude certes entourée, mais solitude quand même. Comme celle que notre vie moderne peut engendrer en nous faisant méconnaître notre voisin de palier. Solitude de l'érudite dans un océan d'ignorance. Ne l'a-t-elle pas éprouvée lorsqu'elle enseignait aux étudiants américains, captifs de leur présent, d'un immédiat resserré sur des préoccupations matérielles, quand tout aspire à dépasser le temps. C'est aussi la solitude de la femme désintéressée, face à tant de cupidité. de celle-là même qui fait de l'homme un pourfendeur de son environnement. La solitude encore de celle qui embrasse toutes les religions sans discrimination, reprochant l'imposture de ceux qui se réclament "de ligne directe de Dieu". La solitude toujours de celle qui a conservé son âme d'enfant, se dit sans âge, quand trop d'esprits plaintifs inféodés à leur narcissisme ne font que déplorer la dégradation d'un corps qui subit les outrages du temps.

Mais la solitude est aussi une aubaine. Elle est propice à la contemplation, à la création. Elle permet à Marguerite Yourcenar de s'extraire de l'actualité, "cette couche superficielle des choses", et d'aimer "le passé comme un présent qui a survécu dans sa mémoire". Elle lui permet d'écouter les voix que le tumulte pourrait dissoudre dans la cacophonie ambiante. Les voix de ses propres héros, Zénon et Hadrien, et tous les autres qui ont trouvé au travers de ses ouvrages l'espace et le temps de faire entendre leur vibration. Ce sont ces voix qui lui dictent ce qu'elle couchera sur le papier. La solitude enfin autorise la communion avec ces écrivains innombrables qu'elle a étudiés plus qu'elle ne les aurait seulement lus.

Marguerite Yourcenar ne donne aucun droit à ses semblables. Ils ne savent que trop le mettre en avant. Elle ne leur parle que de devoirs. Au premier rang desquels le devoir d'amour, mais dans l'acception orientale de ce sentiment. Elle seule élève ce transport sensuel au niveau du sacré quand l'éducation chrétienne culpabilise et juge la sensualité grossière. Sa hauteur inspirée lui permet de désigner les calamités dont souffrent ceux de son temps et s'autorise à les mettre en garde : "On n'a pas le droit de combiner les maux de l'âge atomique avec la sauvagerie de l'âge de la pierre."

Avec son humilité légendaire et pour s'exonérer de tout mérite dont d'aucun pourrait la gratifier, Marguerite Yourcenar prend les devants. Elle s'affiche dans son rôle d'écrivain comme un "instrument à travers lequel des courants, des vibrations sont passés…Tout vient de plus loin et va plus loin que nous… tout nous dépasse et on se sent humble d'avoir été ainsi traversé et dépassé."

Et puis comme toute fin qui n'est pas la mort n'est que provisoire, Marguerite Yourcenar voudra clore ces entretiens retranscrits en évoquant cette échéance ultime et inéluctable. Elle seule restitue l'égalité que la naissance a désaccordée. L'état de vie n'étant qu'une parenthèse accidentelle, elle affirme vouloir disposer de sa pleine conscience au moment où la parenthèse se refermera pour ne rien rater de sa sortie. Fût-ce dans la douleur. Elle évoque alors ces mots qu'elle a mis dans la bouche de Zénon et fait en sorte qu'ils soient inscrits en épitaphe sur sa tombe : " Plaise à celui qui est peut-être de dilater le coeur de l'homme à la mesure de toute la vie."

Avec les ouvrages qu'elle nous a légués son esprit sublime plane ainsi encore au-dessus des nôtres, ses lecteurs, grandement moins inspirés, grandement moins instruits de l'héritage des penseurs et philosophes de tous temps. Mais n'est-ce pas le rôle des écrivains que « d'exprimer ce que d'autres ressentent sans pouvoir lui donner forme. »

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J ai beaucoup aimé lire sur la génèse des romans de Mme Yourcenar : elle préfère situer ses romans dans le passé plutôt que dans le présent par un souci constant , non pas de la vérité, puisque il s'agit quand même de roman, mais de vraisemblance. le présent est pour elle trop collé au regard pour que ledit regard puisse être profond... J'aime cette belle préoccupation d'aller au bout des choses, cette rigueur extrême dans l'élaboration de ses personnages, qu'elle peaufine au point de les transformer en entités casi concrètes, dont elle parle comme on parlerait d'une personne réelle.
J'aime aussi l'ouverture d'esprit et la liberté de cet écrivain, car ces belles notions ne riment pas du tout avec laisser aller et esprit bonnasse, comme elles ont si souvent tendance à le faire : quelle belle association qu'une telle culture et rigueur littéraire et profondeur de conscience accompagnant ce libre esprit !
Ce livre révèle donc certains aspects de la vie de cette auteure, qui est par nature humble et discrète, ce qui rend la lecture savoureuse : à chaque page que j'ai lue, j'ai eu le sentiment de détenir une information ou un concept très précieux...
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C'est au milieu des années 70 que j'ai découvert Marguerite Yourcenar, à l'occasion de la réédition par Folio de ses deux principaux romans, Mémoires d'Hadrien (1951) et L'oeuvre au noir (1968). Pour la première fois, je réalisais qu'un grand roman ce n'est pas qu'une histoire mais son alliance avec ce qu'on appelle un style.
Marguerite Yourcenar, née Marguerite Antoinette Jeanne Marie Ghislaine Cleenewerck de Crayencour en 1903 à Bruxelles et décédée en 1987 à Bar Harbor, dans l'État du Maine (États-Unis), est une écrivaine française naturalisée américaine en 1947, auteur de romans et de nouvelles « humanistes », ainsi que de récits autobiographiques. Elle fut aussi poète, traductrice, essayiste et critique littéraire. En 1939 Marguerite Yourcenar, bisexuelle, part pour les États-Unis rejoindre Grace Frick, alors professeur de littérature britannique à New York et sa compagne depuis une rencontre fortuite à Paris en 1937. Les deux femmes vécurent ensemble jusqu'à la mort de Frick d'un cancer en 1979. Elles s'installent à partir de 1950 sur l'île des Monts Déserts (Mount Desert Island, dans le Maine), qu'elles avaient découverte ensemble en 1942, et nomment leur maison Petite-Plaisance. Marguerite Yourcenar y passera le reste de sa vie. Première femme élue à l'Académie française, le 6 mars 1980.
Les Yeux ouverts, paru en 1980, collecte une série d'entretiens avec Matthieu Galey (1934-1986), critique littéraire et chroniqueur à L'Express. Je me dois de préciser que Yourcenar n'aima pas ce livre, en critiquant la couverture donnant l'impression qu'elle l'avait écrit, mais surtout parce qu'elle estima en avoir trop dit sur elle-même et pas assez sur ses véritables préoccupations.
Laissons de côté ce différent, si vous aimez les livres et les écrivains, vous vous devez de lire cet ouvrage. Outre une part biographique relatant son enfance, son père, ses nombreux voyages dans le monde dont il n'est pas obligatoire d'être friand, tout le reste est absolument passionnant. Car le reste aborde l'art d'écrire, la genèse d'une oeuvre littéraire, comment l'écrivain s'attaque à la rédaction d'un roman ; la documentation engrangée, les voyages sur les lieux, l'imprégnation de l'atmosphère de l'époque où vivait son héros. Marguerite Yourcenar qui n'a pas sa langue dans sa poche, nous donne sa vision du rôle de l'écrivain « Il est utile s'il ajoute à la lucidité de lecteur, le débarrasse de timidités ou de préjugés, lui fait voir et sentir ce que ce lecteur n'aurait ni vu ni senti sans lui », lecteur qui en prend pour son grade « Certains lecteurs se cherchent dans ce qu'ils lisent et ne voient rien d'autre qu'eux-mêmes. » Et le monde littéraire n'échappe pas à ses piques acerbes, « Ce qui me frappe néanmoins dans la masse des poèmes et des romans français qui arrivent jusqu'à moi, c'est à quel point ils demeurent étroitement subjectifs, clos dans des rêves, des cauchemars, de molles rêveries souvent, ou parfois d'arides déserts personnels. » Ces propos tenus en 1980 semblent encore d'actualité. Si je n'avais pas emprunté cet ouvrage à la bibliothèque, j'en aurais souligné des lignes et des lignes. J'ai noté aussi un très intéressant passage sur les traductions, exercice auquel elle s'est livrée.
Erudition impressionnante, indépendance d'esprit l'éloignant des dogmes et des théories, écologiste de la première heure, ses réflexions sur le monde comme il va (déjà mal en 1980), ses analyses des sentiments (amour, passion etc.) ne manquent pas de pertinence. Il y aurait tant à dire sur ce bouquin et cette femme éprise d'orientalisme, un peu hippie - « J'ai du respect pour les hippies » - par son rejet du matérialisme, touchée par la grâce de l'humanisme. « Mais voici de longues années qu'il ne se passe pas un matin où, en me levant, je ne songe d'abord à l'état du monde, pour m'unir un instant avec toute cette souffrance. Et on réussit pourtant à être heureux, parfois, malgré cela, mais d'une autre espèce de bonheur. »
A lire absolument, mais je crois l'avoir déjà dit.
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admirables entretiens avec Matthieu Galey : une mine d'une richesse inconcevable (je m'enthousiasme ! pardon mais c'est ainsi je ne puis résister) à lire de toute urgence, laisser tout veaux, vaches, cochons et tout le reste l'urgence est là !!
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Dans ces entretiens, Marguerite Yourcenar retrace sous quelques thèmes (et chapitres) une vie de lectures et de voyages, accompagnée intimement par ses personnages.

Grâce à sa (presque toujours) indépendance financière, elle a pu consolider une indépendance d'esprit et une clairvoyance non moins profonde. Sans en tirer autrement gloire, elle est restée affectée par l'actualité, et solidaire des causes à défendre.
Ces propos sont ceux d'une femme d'une grande intégrité qui s'appuie sur le passé et la patience des choses apprises pour analyser un présent violent et pourtant sans ardeur (p 127).

Lire plus sur http://anne.vacquant.free.fr/av/index.php/2024/03/19/marguerite-yourcenar-les-yeux-ouverts/
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Livre de toute une vie qui ne s'oublie jamais. Livre lu à mon adolescence qui m'a initiée à l'univers de Marguerite Yourcenar. Mon regard sur l'existence a changé ce jour là.
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Livret impressionnant, avec des entretiens de Matthieu Galey avec Yourcenar, dans lequel son érudition apparaît clairement. Tous ses sujets favoris sont éclairés. Une lecture incontournable pour les fans de Yourcenar, surtout parce qu'elle explique comment elle procède à l'écriture de ses livres.
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Marguerite Yourcenar a accordé ces entretiens à Matthieu Galey entre 1971 à 1979. le livre est paru pour la première fois en 1980 et a été traduit en anglais, en néerlandais, en italien et en allemand...
Il a provoqué une discorde durable entre eux.
Le titre du livre est inspiré de la dernière phrase des célèbres "mémoires d'Hadrien" : "Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts". Mais les yeux ouverts c'est aussi l'attitude qu'a eu Marguerite Yourcenar, tout au long de sa vie. Elle a toujours eu en effet, sur le monde qui l'entourait, beaucoup de clairvoyance.
Celle qui a été la première femme à entrer à l'Académie française en 1981, et non sans mal, se livre donc ici à des confidences tant sur ses oeuvres et sa création littéraire, que sur sa vie personnelle sans toutefois entrer, je le précise, dans des détails intimes.
D'origine flamande, née dans une famille bourgeoise, Marguerite Antoinette Jeanne Marie Ghislaine Clenewerck de Crayencour transformera son nom en Marguerite Yourcenar (anagramme de Crayencour avec un C en moins) pour publier ses premiers écrits à compte d'auteur dès 1921. Elle n'a que 18 ans !
Plutôt que d'entretiens, il s'agit en fait de conversations portant sur divers sujets comme son enfance, les personnes qui l'ont influencées dans sa vie, les livres qu'elle a lus ou écrits, son immense besoin de liberté, de découvertes, de voyages, ses passions, l'importance de la religion qui pour elle est "ce qui relie" l'homme à ce qu'il a été... et sera, son avis sur la politique, sur l'amour, et aussi sur sa vision de la mort.
Elle nous raconte ses premiers souvenirs d'enfance. Sa grand-mère est pour elle LA figure féminine marquante puisque c'est elle qui va l'élever. En effet, sa mère meurt dix jours après sa naissance.
Son père est un homme exceptionnel, très cultivé qui voyage beaucoup et qui la considérera très vite comme une adulte et partagera avec elle ses lectures, ses voyages et ses immenses connaissances. Elle se sent son égale. C'est un homme libre et indépendant, qui tient à sa liberté et qui a adopté comme maxime "On n'est bien qu'ailleurs". Il dit aussi très souvent quand elle lui soumet une difficulté passagère "ça ne fait rien, on s'en fout, on n'est pas d'ici, on s'en va demain", sans doute une phrase employée lorsqu'il était sous-officier de cuirassiers.
Il sera cependant un père aimant...et très présent pour elle. Il lui donnera toujours envie d'avancer dans la vie quels que soient les problèmes rencontrés.
Elle ne fréquentera jamais l'école et pourtant possédera elle-aussi une immense culture, mais sera une petite fille plutôt solitaire.
En 1939, après avoir vécu en Italie, elle part s'installer aux Etats-unis avec sa compagne, Grace Frick, qui deviendra la traductrice de son oeuvre, et avec qui elle restera jusqu'à la fin de sa vie. Elles s'installeront dans le Maine sur l'île des Monts-Déserts, en 1942.

Le lecteur est tout de suite invité à entrer dans son oeuvre immense par les personnages, qu'elle a le plus souvent choisi parmi ses proches ou au cours de ses voyages. Elle nous montre comment ils prennent forme et entrent dans sa vie pour ne plus jamais la quitter, ce qui explique aussi qu'elle nous les décrive aussi bien, qu'ils soient tellement présents et vivants pour le lecteur, qu'il nous semble côtoyer des personnes réelles.
Elle nous parle de l'acte d'écrire, des rituels, de la façon dont un auteur se documente et s'imprègne de l'ambiance d'une époque, avant de prendre la plume. Et du silence qu'il faut savoir faire en soi pour écouter ce que les personnages ont à dire...ainsi elle écrit facilement car elle a déjà "tout écrit en pensée."
Dans ce recueil, on découvre à quel point Marguerite Yourcenar est un être et un esprit libre et indépendant. Elle dit qu'elle laisse les pensées la traverser et les retranscrit tout simplement dans ses livres.
Elle fait preuve d'un grand humanisme. Elle est persuadée que tous les êtres sont importants non par leur possession mais bien par leurs actes, qu'ils soient riches ou pauvres, connus ou pas.
Elle a aussi un avis très marqué pour son époque concernant la planète et la nécessité de la préserver, de protéger la nature et la biodiversité (c'est elle qui a prévenu Brigitte Bardot du massacre des bébés phoques qui a fait tant de bruit ensuite dans les médias de l'époque). Je n'avais pas découvert cette facette de sa personnalité en la lisant.
Enfin, elle nous interpelle, en tant que lecteur : Que recherchons nous en lisant ? Et...à quel point nos choix de lectures sont-ils des miroirs qui nous révèlent à nous-même ce que nous sommes ?
Ce sont, vous l'aurez compris, des entretiens très intéressants qui m'ont fait réalisé à quel point Marguerite Yourcenar avait été une femme d'avant-garde, libre, courageuse, parfois seule à afficher des idées novatrices, comme ses préférences sexuelles, dans notre monde si intolérant et effrayé par la différence. Mais de sa vie intime, il n'en sera pas question ici.
Une belle "leçon" de sagesse parfois un peu pessimiste cependant. Je mets ce terme de "leçon" entre parenthèse car de leçons elle ne voulait justement, surtout pas en donner...à personne !
Des entretiens qui donnent envie de (re)parcourir son oeuvre. Pour une fois, mieux connaître l'auteur peut permettre de mieux la comprendre.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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