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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Le monde haïrait-il tant les filles ?"
Celui dirigé par les émissaires d'un dieu, assurément. Les religieux n'ont jamais été très détendus de l'entrejambe (pour les autres).
Aujourd'hui chez les islamistes - l'actualité en Afghanistan en est un sinistre exemple -, il y a moins d'un siècle en France, quelques décennies en Irlande (Magdalene Sisters). J'en passe.
Exorcisme, lapidation, procès en sorcellerie & bûcher. Combien de filles/femmes victimes ?
Parenthèse : ce monde-là hait ouvertement les homosexuels aussi. Mais les voit-il comme des hommes ?
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Anicette a eu l'honneur et le bonheur de découvrir les délices onanistes dès douze ans. Un voisin l'a surprise et s'est amusé à raconter à tous cet événement intime. Pauvre c** !
Horreur, malheur, salsa du démon !
Ce doux geste jette l'opprobre sur sa famille de quincailliers prospère et bien en vue. Tant pis si le grand-père fréquente les bordels, ça n'a rien à voir. Les hommes ont des besoins irrépressibles.
Anicette, elle, est une 'fille perdue', une 'vicieuse', certainement 'folle à lier', cette 'insanité morale' en est la preuve criante. Nous sommes à la fin du XIXe siècle.
La 'jolie poupée' innocente jusqu'alors exhibée près du comptoir de la boutique pour attendrir les clients sera mise à l'écart. Au grenier, dans un premier temps, où son arrière grand-mère va la choyer en douce, puis dans un pensionnat de 'seconde zone' où elle côtoie des filles de prostituées. On est affamées et on prie, prie, prie, même avant le petit déjeuner. Il lui en faut, à ce dieu des bonnes soeurs et autres gens d'église, pour pardonner un truc pareil.
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Le ton est elliptique, s'apprivoise. On se concentre pour suivre les méandres de la pensée de la jeune fille, ses souvenirs, et son présent entre brimades et moments de répit.
L'effort en vaut la peine.
Cette douloureuse histoire montre que la société occidentale a progressé sur la sexualité féminine. Mais l'on sait, l'on voit, que nous ne sommes jamais à l'abri de retours en arrière brutaux et radicaux.
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Un récit poignant et révoltant qui témoigne du sort de nos aïeules corsetées, (f)rigidifiées - sort qui nous a laissé des stigmates et me fait rejeter de plus en plus cette institution-là, pour tous ses dégâts sur les femmes, de son emprise morale culpabilisatrice à d'autres violences, directes, physiques, sur enfants et autres personnes non consentantes...
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• Merci au libraire des FdO pour l'idée.
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« La petite monte les trois marches de pierre du bureau de la quincaillerie. »
Poignant, « Fille perdue » est une page arrachée du cahier des désespérances. Ce roman social, engagé, lève le voile sur un XIXème siècle encerclé par les aprioris, les conventions. Les femmes dans ces années austères avaient par obligation la posture du silence, les désirs renfloués, le corps effacé. Ne jamais frôler des yeux l'annonce d'une gestuelle déplacée dans cette époque muselière. Mais voilà Anicette (prénom de l'enfant) ressent les prémices d'un printemps en son corps. Elle est vue, montrée du doigt, dénoncée à son père. L'enfance vole en éclat. Anicette est la seule fille dans une fratrie masculine. La quincaillerie familiale est gérée d'une main de fer par son père. Gâtée, heureuse, choyée, Anicette est jusqu'alors bercée par ses peintures, ses dessins, les loisirs d'une fillette épanouie. La famille est aisée, mais la parole des femmes est enfouie sous terre. Mutisme.
« Dans la maison Bru, toutes les voix ont changé. -Ainsi soit-il. Une voiture te conduira demain à l'institution des soeurs. Adieu. »
Son arrière-grand-mère, pour le dernier soir lui implore un ultime dessin. L'enfant ressent l'ombre à venir subrepticement. le dessin est exutoire, cendres retenues par une arrière-grand-mère avant-gardiste et brillante. Aimante et féministe, le mystère caché dans cette maisonnée pétrie de faux-semblants.
« Et il y a la terrifiante découverte, ceux qui aimaient haïssent. Ceux qui aiment mènent à l'échafaud. Elle avait lu ça dans les livres d'histoire. Des familles soudain déchirées. Fauchées par on ne sait quoi. Par la faute de l'un. La poupée et la vicieuse. »
Anicette et les écritures, la lecture, la peinture, bandeau sur sa mémoire. La voici dans l'antre des Soeurs, vingt fillettes auprès d'elle. La rigueur, la froideur, le spartiate, l'abolition de la libre-pensée, son corps en arrêt de vie. Elle va se lier avec Vinciane. Affronter les affres, l'institution muraille.
« Jure-moi de ne pas m'abandonner. -Je te l'ai juré déjà, Vinciane. -Quoi que tu découvres, jures-moi. »
Vinciane, sa fidèle, cache aussi un lourd secret. Comment ces deux enfants grandissantes peuvent-elles se métamorphoser ? Devenir des femmes, lorsque les aspirations sont reflouées, boue sale devenue. Les religiosités, les mesquines croyances et les tabous trop prégnants effacent tout espoir. « Fille perdue » est un témoignage. Superbement écrit par Adeline Yzac, son olympien apaise les drames. Ces femmes mutilées dans leur chair, le corps caché, linge sale. Anicette est un symbole. Lisez ce grand livre qui rend hommage aux femmes meurtrissures. Mémoriel, douloureux car véridique. La morale bien-pensante, la science aux abois, les femmes au fronton de la parole brisée en mille morceaux. « Fille perdue » est une urgence de lecture. Publié par les majeures Éditions La Manufacture des livres.
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Anicette est la petite dernière de sa fratrie, choyée par les siens et passionnée de lecture, rêverie, dessin et couleurs. Elle vit dans la quincaillerie familiale à Montpellier à la fin du XIXe siècle dans un milieu « respectable » où la parole des femmes est tue par la religion dont la morale dirige tout.
Un jour, un des employés la surprend en train de se caresser, portant désormais honte et surnom de « vicieuse ». Perdue pour sa famille, elle est alors envoyée dans une institution où les religieuses devront la «redresser » et purifier son âme… Là-bas, les soeurs sont maltraitantes et Anicette vit la rigueur, la froideur, l'abolition de sa pensée et la négation de son corps. Avec Vinciane sa seule amie qui cache un lourd secret, elles sont victimes de brimades de la part des autres filles et une ultime crise les conduit à Paris, entre les mains de médecins tout puissants et suffisants de certitudes.
Ce roman historique dresse un constat poignant sur la condition des femmes à l'aube du XXième siècle, destinées à rester à leur place dans une société paternaliste régentée par la morale et sommées d'étouffer leurs envies et leurs désirs. Quand la religion se révèle impuissante, c'est la médecine balbutiante et barbare qui prend le relais et mutile les femmes pour éradiquer vice et hystérie.
L'écriture de ce texte est superbe dans un style tout en ellipses et retenue mais qui décrit les faits bruts et la sidération de l'enfant, arrachée à son milieu sans explications. Des flashbacks permettent au lecteur de reconstituer le fil du récit, évoquer les souvenirs de la petite et mesurer l'étroitesse de son milieu familial petit bourgeois, sans états d'âme ni recul sur la brutalité de leurs actes.
Ce roman intense nous éclaire sur l'histoire méconnue de l'excision en France et bouscule avec certains passages, très durs à soutenir. Cet hommage singulier aux femmes suscite des émotions et nous apprend beaucoup sur l'évolution de la prise en compte de la sexualité féminine.
Très fort, à découvrir absolument !
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"Naître fille serait-ce être irrémédiablement perdue?"
Anicette est une jeune fille de 12 ans qui vit dans une famille bourgeoise à la fin du 19ème siècle. Anicette est curieuse des changements qui s'opèrent en elle et commet un jour le pêché ultime pour une fille de son époque : elle explore son corps.
Sa famille, couverte de honte la rejette et l'envoie dans un couvent de redressement pour faire sortir le mal en elle. Les religieuses l'envoie ensuite à Paris auprès d'un professeur qui prêche l'excision pour extraire l'immoralité des femmes hystériques.
Adeline Yzac livre ici un texte superbe, brut, brutal et nécessaire.
L'impression qu'il a été écrit d'une traite montre à la fois la poésie, l'urgence et la justesse de chaque mot de ce récit.
L'histoire de ces femmes dont le corps a été mutilé pour mieux les asservir est à mettre en de nombreuses mains.
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Fille perdue d'Adeline Yzac

Chronique de Bruno Delaroque

« Fille perdue » raconte l'histoire d'Anicette, fillette innocente de 12 ans, prise la main dans la culotte en train de se caresser « la chose ». Et faut vous dire que chez ces gens là, les Bru, une famille catholique, pleine aux as, quincailliers de Pères en Fils depuis plusieurs générations, faut vous dire M'sieurs Dames, que chez ces gens là ça ne se fait pas !

Fin du 19ème siècle dans la région de Montpellier, on est encore dans des temps obscurs, notre Anicette va être chassée de chez elle, bannie et envoyée chez les bonnes soeurs, des spécialistes du redressement.

Dans cette institution, « arrière-cour des bordels », la petite « pleine de sous » n'est même pas bien acceptée de ses copines de châtiments dans cette sombre époque où les servantes de Dieu ressemblent plus à des mères fouettardes qu'à des « bonnes » soeurs !

Et puis si cela ne suffit pas, si les soeurs ne comprennent plus, on se débarrasse des « paquets ». On les envoie sur Paris chez des hommes de science, des médecins. Paris a l'habitude après tout d'accueillir saletés, vices et immondices, alors une ou deux de plus, fille ou garçon, où est le problème ? Les voix du seigneurs sont impénétrables et c'est sans doute sa volonté.

Immonde est ce scénario qui dépeint un temps pas si ancien où tout ce qui touchait au corps était tabou, surtout celui des petites filles précoces, dans une société patriarcale où il ne faut pas sortir du cadre et où nombreux sont les sujets tabous.

Si le constat amer est bien dressé de la part d' Adeline Yzac, j'ai été un peu embêté par les chapitres longs et les incessants retours en arrière. Mais « Fille perdue » est un texte fort et un roman poignant condensé sur les 220 pages que nous livre la romancière.

Récit noir et grave, « Fille perdue » possède même quelques touches d'humour noir. le grand nettoyage à l'arrivée chez les toubibs où les soeurs en prennent pour leur grade est assez délicieux. le lecteur se doute que tant de soins et de bienveillance cache certainement quelques abominations à venir.

Sous couvert de médecine et d'hygiène qui font foi se prépare l'horreur ! Telles des « Jeanne » conduites au bûcher, ou plutôt au boucher, on découvre des chirurgiens sûrs de leur art sous couvert de la science ; en réalité des barbares plus que des docteurs, bien loin du serment d'Hippocrate !

A la fois historique et romancé, « Fille perdue » est un témoignage qui nous replonge dans la médecine douteuse de la fin du 19ème, début 20ème siècle et sur des pratiques méconnues en France. C'est fort, c'est dur, c'est édifiant et effrayant. Vous pouvez me croire c'est un homme de 56 ans qui vous le dit !

Une fois de plus La Manufacture de Livres nous apporte un texte différent, celui d'Adeline Yzac, un récit osé et sans tabou, comme une sorte de vérité à rétablir, celui de ces filles perdues livrées au mieux à certaines institutions religieuses, au pire à la médecine monstrueuse. GLACANT !

Lien : https://www.whoozone.com
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