Il faut bien l'avouer le Ventre de
Paris est aussi gros et gras que la plume de
Zola est dure et tranchante. Aussi grand que son talent est immense. Les Halles,
Paris.
Paris et son Peuple,
Paris et sont ventre.
Paris vaut bien une oie.
Admirable
Zola, admirables ces tableaux de chairs, de pulpes, d'odeurs, d'écailles qu'il dresse sous nos yeux. C'est un éventail, un opéra, une comédie, un drame, c'est gargantuesque, viscéral, cérébral. Presque inhumain, animal. Les pavillons des halles, leurs souterrains, leurs toits leurs caves. Il faut voir la banlieue monter la nuit sur
Paris, Arcueil, Argenteuil… Ce petit peuple de la terre. Il faut voir Madame François. Il faut voir la marée arrivée de Boulogne..
Le marché et ces boutiques qui s'en nourrissent. Et ça vend et revend. Et ça crève la faim et la misère, et c'est « petite caissière », et « rêve de bourgeoisie ». C'est écu sonnant et trébuchant. C'est « bas de laine » , et c'est vilaines rumeurs et viles trahisons.
Paris, son ventre, son peuple. Et à bien lire
Zola, du moins j'espère ne pas avoir failli à cette noble tâche, à le lire on voit bien que pour
Zola le Peuple ne peur être grand que par la Tête et que c'est son Ventre qui le perdra. Cette panse qui l'alourdit, le contraint, le trahit, le digère… Et ce n'est pas un hasard si le seul, le seul a réchappé de ce cloaque de ventre est Florent, l'intellectuel. le politique passionné, le révolté. Même l'artiste, décrit comme le symbole de la plus grand innocence, restera attaché à ce ventre.
Zola tranche,
Zola mesure sur sa balance. Il en faut beaucoup sous sa plume pour faire le poids.
Oui dure et tranchante, voir un tantinet intransigeante la plume de
Zola. C'est vrai
Zola écrit de son salon, mais..pas de son balcon. Hugo n'était pas non plus un enfant du Peuple et portant il a su l'aimer, le défendre, le comprendre , lui pardonner.
Zola lui ne pardonne pas. Il comprend mais ne pardonne pas. Il accuse. Grands et petits. Ce n'est pas une question de qualité, de quantité chez
Zola c'est une question de nature ! Et ma foi, heureusement qu'il a eu la force et le courage de le faire .
Dans toute bonne caricature se cache tant de vérités…
Zola bouscule, montre, accentue le trait..peut être. La forme est tellement éblouissante et le fond tellement juste.
J'aurai aimé peut être qu'il en sauva un peu plus. Mais quoi !
Paris vaut plus que simple délicatesse !
Zola n'est pas Noé, même si le symbole de
Paris est un bateau... Quel roman ! « Quels gredins que les honnêtes gens » ! Qui écrira , racontera, nos Halles d'aujourd'hui ? Qui sera capable de nous dire tout ce que renferme l'hyper-marché de notre Ventre ? Qui aujourd'hui aura ce talent, cette lucidité, ce regard ? Il n'y a qu'un Hugo par siècle, qu'un
Balzac, qu'un
Zola par siècle…Notre siècle a 19 ans, il serait temps de savoir ce qu'il a dans le Ventre.
Astrid Shriqui Garain