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4,06

sur 2398 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Émile Zola est un peintre. Il le démontre une fois encore dans ce puissant roman, Le Ventre de Paris, troisième volume de la gigantesque oeuvre des Rougon-Macquart, que jai dévoré et aimé. Il peint la vie telle qu'elle est, certes à grands traits. C'est un peintre tout en muscles, un peu à la façon de Michel-Ange peignant la fresque du Jugement Dernier sur le plafond de la Chapelle Sixtine. C'est un peintre gourmand et généreux qui aime la vie à toutes forces et nous dit de l'aimer, qu'elle soit aimable, rieuse, triste ou injuste. Alors, laissons-nous emporter ou plutôt avaler par ce Ventre de Paris. Les premières pages démarrent dans un tohu-bohu, un ruissellement de choux, de carottes, de navets... Plus loin ce sont les fruits qui viennent avec leurs odeurs enivrantes. Et pour celles et ceux qui ne seraient pas végétariens, on ne vous oublie pas : la volaille, la cochonnaille, la marée, des moutons, des quartiers de boeuf... le sang des cochons sur le trottoir... Enfin des fleurs aussi, des roses, des violettes, des dahlias, des marguerites... et leurs parfums, leurs couleurs. Quand il s'agit d'odeurs puissantes, les aromates ne sont guère loin : le thym, la lavande, l'ail, l'échalote, le laurier viennent agacer nos narines par leurs odeurs puissantes. Sans oublier les fromages évidemment ! Hmm ! Ces premières pages se déroulent comme une vague, un déluge de nourritures terrestres. Voilà ! Le décor est planté et les personnages vont suivre, tout aussi hauts en couleurs. Ce sont les marchands, ceux qui vont mettre vie à ce Ventre de Paris, car nous sommes ici dans Les Halles Centrales ; dans ces premières pages nous voyons ces boutiquiers organiser leurs étalages aux prémices du jour. Et tout l'art de Zola va exceller à mettre en animation les différentes figures de ce petit monde qui s'agite comme une fourmilière, crie, s'invective, travaille à nourrir Paris. Ces figures au caractère bien trempé collent parfaitement avec le décor, ils sont dans leur jus, bien gras et fiers de l'être car c'est un signe de bonne santé, et sans doute de réussite sociale tant qu'à faire ! Il y a le gras tout en sensualité et le gras au bord de l'écoeurement. Presque de l'indigestion. Parmi ces personnages truculents surgissent deux femmes. Il y a tout d'abord la belle Lisa, charcutière de son état, Lisa Macquart. Tiens ! Voilà un nom qui n'est pas sans nous rappeler la fameuse lignée dont nous suivons ici le troisième épisode. Et il y a la belle Normande, poissonnière de son état. Toutes les occasions sont bonnes pour que les deux mégères s'écharpent : la poitrine arrondie et tendue de l'une, la chair blanche et délicate de l'autre, en font deux rivales parfaites prêtes à en découdre. Mais le roman ne peut pas se résumer à ces seules mégères qui se battent pour quelques soles avariées ou du boudin pas bien frais...
Et lorsque survient Florent, accroché à une tristesse lointaine, échappé du bagne de Cayenne, demi-frère de Quenu, mari de la grosse Lisa, elles trouveront en ce personnage qui débarque comme un chien dans un jeu de quille, une occasion supplémentaire de rivaliser entre elles.
Florent n'a que la peau sur les os. Il trouve rapidement un emploi d'inspecteur à l'administration des Halles, mais ce maigre entouré d'un monde de gras, va vite détonner. C'est ainsi que Zola continue d'animer ses pinceaux pour nous brosser les oppositions sociales, plus que de caractères. C'est en effet tout un propos social qui commence à se deviner de manière sous-jacente. Et si cette différence presque naïve entre le gras et le maigre pourrait quelques instants prêter à sourire, Zola vient simplement poser un autre décor avec quelques touches ici et là et surtout tout près de là : c'est le Paris vorace, arrogant, irrespectueux des petites gens, le Paris qu'il faut nourrir, sans cesse, toujours et encore. Florent sait pourquoi il est allé à Cayenne. Il sait pourquoi il s'en est échappé. Il sait pourquoi ce monde de gras n'est pas fait pour lui, lui généreux jusqu'à laisser une grande partie de ses appointements d'inspecteur au profit de celui qu'il a remplacé, suite à son invalidité. La politique n'est jamais bien loin. Peu à peu des amitiés se forment, Florent rencontre d'autres comme lui, maigres d'aspect, mais sans doute le coeur gros de toute cette injustice que laisse sur le bas-côté du chemin ce Second Empire naissant. Dès lors l'insurrection se prépare au fond d'une arrière-boutique...
Ne nous leurrons pas : derrière l'odeur des jambons et des dorades, par delà les cris des gouailleuses et l'agitation incessante de ces fourmis grasses et gloutonnes, Zola continue de poser et dérouler ces deux régions du pouvoir que sont le commerce et la politique. Ce sont aussi ces piliers qui fondent et animent le destin des Rougon-Macquart. Ainsi, le trait de peinture de Zola, que j'ai trouvé ici particulièrement riche et flamboyant de métaphores, n'est que prétexte à dénoncer un ventre mou, avide, opulent, consentant à cet Empire qui le fait vivre, apporte sérénité au commerce et qu'il nourrit en contrepartie. Les querelles et les combats des mégères peuvent alors paraître bien grotesques et dérisoires alors qu'elles sont prêtes à s'entendre pour que ce maigre de Florent ne vienne pas déranger cet ordre social si bien huilé. Et qu'importe si cet Empire ne parvient pas à nourrir tout le monde ! Toutes les mesquineries, les petits arrangements de ces boutiquiers engraissés, leurs lâchetés déplorables, leur servitude volontaire, peuvent alors faire corps pour venir chasser l'intrus, un peu comme des enzymes au fond de l'estomac. Au fond, les personnages de ce théâtre plein de couleurs et d'odeurs ne sont que les marionnettes pitoyables d'une tragédie bien plus grande ailleurs, au-dessus d'eux.
De temps en temps puis vers la fin du roman, il y a aussi ce personnage que je trouve attachant. Il regarde avec tristesse et écoeurement ce monde vaciller dans l'égoïsme, l'égoïsme d'un ventre complice du despotisme au pouvoir. C'est Claude Lantier, neveu de Lisa. Un Macquart lui aussi, mais dont la sagesse et l'humilité semblent démontrer qu'il a échappé au poids de l'hérédité... Étrangement c'est un peintre lui aussi. Ce n'est sans doute pas un hasard... Et dans son propos, ne faut-il pas y voir déjà quelque chose de visionnaire, les prémices de ce que notre société de consommation a fini par produire de plus indigeste...?
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Voici déjà mon cinquième Zola. Bon, une critique dithyrambique d'un Zola ça commence à être banal non ?
L'auteur français nous emmène cette fois-ci du côté des Halles de Paris, leurs étals, la profusion de denrées... Un ancien bagnard est de retour chez son frère qui tient, avec sa femme surnommée "la belle Lisa", une charcuterie. Les tensions ne vont pas tarder à se multiplier dans la famille et même au sein des Halles, où Florent (l'ancien bagnard) est chargé de surveiller la poissonnerie.
Tout d'abord, merci beaucoup à l'éditeur de mon roman de m'avoir dévoilé la fin du livre dès la quatrième de couverture, c'est top, bravo les gars (clap clap clap). Quoi qu'il en soit cela ne m'a pas gâché le plaisir de la lecture, loin s'en faut. Je me répète mais Zola a ce don de me plonger immédiatement dans l'univers choisi, de me faire croire à tout. Je ne vais pas repartir sur le chapitre de son style incroyablement vivant, mais il faut quand même le mentionner. le meilleur chez Emile, c'est l'humain. Il développe une galerie de personnages incroyablement vrais, tout à la fois méprisables et pathétiques, tellement complexes et profonds. Rien que Florent : ce n'est pas un mauvais bougre, plutôt un jeune homme naïf et idéaliste pourtant il peut s'avérer très agaçant et complètement déconnecté des réalités.
Les querelles entre Lisa et la Normande sont épiques, grandioses. Tous ces personnages sont fascinants chacun à leur manière, y compris la Saget, la Lecoeur, la Sariette, incroyablement cupides et détestables, affreuses commères. Il y a également ces gamins des rues : la Cadine, Muche... Faire la rencontre du personnage de Claude, que j'avais beaucoup aimé dans l'Oeuvre, fut aussi très intéressant.
Enfin il y a ces descriptions grandioses, si vivantes et colorées des Halles. Les mers de légumes, les odeurs en tout genre... quel talent de l'écrivain, qui nous transporte immédiatement au milieu des fromages, des poissons, des légumes...
Une fois de plus l'histoire m'a tenue en haleine de bout en bout, je n'ai aucun point négatif à souligner. de plus les romans de Zola sont toujours des témoignages très intéressants des moeurs de son époque. Je ne suis pas prête d'arrêter de lire cet auteur, vous pouvez me croire !
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L'ordre adopté par Zola pour sa généalogie des Rougon Macquart nous fait passer des salons du Second Empire au ventre de Paris, des toilettes chiques aux poissonnières, des parfums envoûtants de Renée à ceux moins raffinés de la cuisson du boudin ou des étalages de fromages odorants.
Le héros ici n'est pas vraiment un Rougon, il est un petit rameau ajouté, c'est sa belle soeur, la belle Lisa, qui est une fille d' Antoine Macquart de Plassans. Il se nomme Florent, il est jeune et beau garçon, sa vie est pourtant déjà bien pleine car il a passé quelques années au bagne. Il n'a pas tué père et mère pour ça, non, il s'est juste trouvé où il ne fallait pas lors d'une émeute, arrêté et jugé de façon expéditive pour un crime dont il est innocent.
Echappé de Cayenne le voilà revenu à Paris où il trouve refuge aux Halles auprès de son frère Quenu, l'époux de Lisa la belle charcutière.
Accueilli comme le frère prodigue, on lui trouve du travail, on l'héberge, on l'habille, c'est que Quenu lui est redevable, Florent l'a élevé, s'est sacrifié pour lui durant des années, devenu un commerçant riche et gras c'est le moment de payer ses dettes.
L'arrivée de Florent va déclencher des réactions en chaîne, objet de toutes les convoitises féminines notre Florent est bien naïf et en plus il a des convictions républicaines, de là à devenir activiste contre le gouvernement il n'y a qu'un pas ....
Après quelques temps ce frère devient gênant, voire dangereux pour la prospérité d'une charcuterie, et puis bien sûr il y a l'héritage de l'oncle de Quenu, héritage qui revient pour moitié à Florent ....dommage qu'il soit rentré......Les langues se délient, la médisance, les commérages, les mensonges, les trahisons, le petit peuple des Halles n'est pas plus beau que celui des salons.
Les vilenies ne sont plus perpétrées pour de l'argent mais par envie, par mesquinerie, par jalousie.
Ce troisième volume de Zola est cru, plein d'odeurs, de couleurs, et de bruit. C'est la version XIXème siècle de la Grande Bouffe.
L'écrivain nous sature de scènes où la nourriture est reine, les devantures, les arrières boutiques, tout regorge de sang, de graillon, d'effluves fortes, les fromages le disputent aux légumes entassés, les poissons aux viandes, les beurres et les fromages dégoulinent, les déchets eux mêmes sont partie du décor. On vit de la bouffe et parfois on en meurt.
Zola décrit à merveille ce marché, les étals, les pavillons, la misère et les vices. Arrivé à la fin du roman on sait que ce n'est pas Florent le héros de cette histoire, ce sont les Halles corps vivant, chaud, violent, qui après avoir tenté de le digéré, aura recraché Florent comme un noyau indigeste.
J'ai aimé ce troisième roman et je suis déjà plongée dans la suite, lire Zola en continuité est une expérience enrichissante et je n'ai qu'une envie : la poursuivre

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Florent a été accusé à tort de meurtre lors des affrontements qui ont marqué la fin de la république en 1848. Évadé du bagne de Cayenne, il retrouve Paris après des années d'absence. Il est accueilli à bras ouverts par son frère Quenu, heureux propriétaire d'une charcuterie prospère et époux de la belle Lisa Macquart, une maîtresse femme débordante de santé grasse. Florent ne leur ressemble pas, lui qui a eu faim toute sa jeunesse pour élever son frère, puis faim lors de son enfermement. « Il était devenu sec, l'estomac rétréci, la peau collée aux os. Et il retrouvait Paris, gras, superbe, débordant de nourriture au fond des ténèbres. » (p. 25) Florent est enragé de république, mais il est contraint de travailler pour l'Empire en devenant inspecteur des marées pour la préfecture. C'est ainsi qu'il se retrouve pris dans la rivalité qui oppose la belle Lisa et la belle Normande, poissonnière aux Halles. Ses idéaux politiques le mèneront à sa perte, alors que Lisa ne veut que prospérer tranquillement, prise dans une attitude bornée et pragmatique qui ne veut rien céder ou perdre.

Contraint d'arpenter les allées saturées de vivres à longueur de journée, le frugal Florent regrette les années où il enseignait et s'étouffe d'écoeurement devant l'abondance obscène des Halles. « Florent souffrit alors de cet entassement de nourriture au milieu duquel il vivait. » (p. 164) le milieu où évoluent les marchands et les épiciers est étouffant. « Les Halles géantes, les nourritures débordantes et fortes, […] lui semblaient la bête satisfaite et digérant, Paris entripaillé, cuvant sa graisse, appuyant sourdement l'Empire. » (p. 168) Dans les nouvelles Halles construites par Baltard s'incarne le mépris pervers et éclatant des pauvres et des opprimés. Tout le roman se construit sur l'opposition entre les gras et les maigres, les premiers attribuant aux seconds les plus vilains caractères et les vices les plus marqués. Pour la charcuterie Quenu-Gradelle, l'apologie de l'épaisseur et du gras est presque une religion, en tout cas une façon de vivre immuable et nécessaire.

Les Halles sont une nouvelle cathédrale dédiée à des libations orgiaques, à un culte païen et dévoyé reposant sur l'abondance de nourriture. Ce bâtiment monstrueux est un ogre de métal et de verre qui engloutit des tonnes de vivres alors que le peuple parisien crève de faim à quelques rues de là. Lisa Macquart observe une stricte dévotion à la chère et au labeur paisible et s'insurge contre la paresse et l'oisiveté. Pour elle et ses pairs, les agapes quotidiennes ne sont pas un abus, mais un devoir. « Elle parut l'âme, la clarté vivante, l'idole saine et solide de la charcuterie. » (p. 77) Mais les Halles sont surtout l'incarnation du progrès. Elles offrent un environnement industriel propre à l'aquarelle et aux descriptions picturales. de la structure métallique aux étals de nourriture, la plume de Zola s'empare du sujet et le sublime dans des déclinaisons de couleurs et de lumières. Ce n'est pas pour rien que l'on croise souvent Claude Lantier dans ce volume des Rougon-Macquart, lui qui sera le peintre au coeur de L'oeuvre.

Merveilleux, puissant, implacable Émile Zola ! Déambuler avec son personnage dans les Halles et les rues voisines est une parfaite façon de s'ouvrir l'appétit, puis de sentir la nausée envahir la page. Mais n'hésitez pas, plongez dans la puanteur des Halles et côtoyez l'esprit mesquin des commerçants âpres au gain !
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Appelé "immense nature morte" ou "poème gastrique" par les critiques de l'époque, le Ventre de Paris est un roman de sens de tous les cinq sens, comme du sens de la vie, et du sens de la marche dans la vie, du sens du gras et celui du maigre.
Du grand Ventre des Halles aux grands ventres des hommes, "l'idée générale", nous dit-Zola "est le ventre, la bourgeoisie digérant, ruminant, la bête broyant le foin au râtelier, la bedaine pleine et heureuse se ballonnant au soleil."
Des odeurs mêlant la fraîcheur des légumes aux parfums des fruits mûrs, le toucher qui aime sentir le gras, la viande saignante ou cuite dans le sang, ou le toucher qui s'en éloigne pour aller chercher le velours de la crème fouettée, papilles sensibles au lait tiré le matin portant encore le collier dentelé de la mousse ; la vue en prend plein les yeux des gros plans des tranches de jambon et de la tranche du couteau s'enfonçant dans le moelleux de la chair tendre de veau ; et il y a les cris de tous les marchands appelant les clients, des cris aigus ou graves, polis, insistants toujours à la recherche d'un nouveau client.
Quel débordement d'appétit, du mauvais appétit, qui va jusqu'à l'indigestion écœurante du gras.
Grand artiste, l'écrivain Zola se dévoile un peintre - cinéaste dans ses descriptions et cadrages : avec des détails minutieux d'un surprenant réalisme il décrit ce qu'il voit et rend symbolique ce qu'il décrit, il met en gros plan, avec une précision époustouflante, le revers de ce qu'on croit voir de loin. Et là Zola est avant tout l'homme engagé qui regarde une époque et ses comportements humains, pour en faire la trame et la charpente de son roman. Le ventre bourgeois qui a peur, se remplit et, rassuré, proscrit celui qui n'a pas peur au ventre.
L'ironie est présente avec sa petite voix, subtile, tranchante et fort mordante et comme l'air de la calomnie elle monte en puissance pour donner la parole à ce que les personnages, les plus beaux et les plus polis cachent à peine : la haine.
Le Ventre de Paris, document d'époque et style prodigieux, est comme une danse à deux où chacun jubile par tout le précieux qu'il apporte à l'ensemble.
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Il faut bien l'avouer le Ventre de Paris est aussi gros et gras que la plume de Zola est dure et tranchante. Aussi grand que son talent est immense. Les Halles, Paris. Paris et son Peuple, Paris et sont ventre. Paris vaut bien une oie.
Admirable Zola, admirables ces tableaux de chairs, de pulpes, d'odeurs, d'écailles qu'il dresse sous nos yeux. C'est un éventail, un opéra, une comédie, un drame, c'est gargantuesque, viscéral, cérébral. Presque inhumain, animal. Les pavillons des halles, leurs souterrains, leurs toits leurs caves. Il faut voir la banlieue monter la nuit sur Paris, Arcueil, Argenteuil… Ce petit peuple de la terre. Il faut voir Madame François. Il faut voir la marée arrivée de Boulogne..
Le marché et ces boutiques qui s'en nourrissent. Et ça vend et revend. Et ça crève la faim et la misère, et c'est « petite caissière », et « rêve de bourgeoisie ». C'est écu sonnant et trébuchant. C'est « bas de laine » , et c'est vilaines rumeurs et viles trahisons. Paris, son ventre, son peuple. Et à bien lire Zola, du moins j'espère ne pas avoir failli à cette noble tâche, à le lire on voit bien que pour Zola le Peuple ne peur être grand que par la Tête et que c'est son Ventre qui le perdra. Cette panse qui l'alourdit, le contraint, le trahit, le digère… Et ce n'est pas un hasard si le seul, le seul a réchappé de ce cloaque de ventre est Florent, l'intellectuel. le politique passionné, le révolté. Même l'artiste, décrit comme le symbole de la plus grand innocence, restera attaché à ce ventre. Zola tranche, Zola mesure sur sa balance. Il en faut beaucoup sous sa plume pour faire le poids.
Oui dure et tranchante, voir un tantinet intransigeante la plume de Zola. C'est vrai Zola écrit de son salon, mais..pas de son balcon. Hugo n'était pas non plus un enfant du Peuple et portant il a su l'aimer, le défendre, le comprendre , lui pardonner. Zola lui ne pardonne pas. Il comprend mais ne pardonne pas. Il accuse. Grands et petits. Ce n'est pas une question de qualité, de quantité chez Zola c'est une question de nature ! Et ma foi, heureusement qu'il a eu la force et le courage de le faire .
Dans toute bonne caricature se cache tant de vérités… Zola bouscule, montre, accentue le trait..peut être. La forme est tellement éblouissante et le fond tellement juste.
J'aurai aimé peut être qu'il en sauva un peu plus. Mais quoi ! Paris vaut plus que simple délicatesse ! Zola n'est pas Noé, même si le symbole de Paris est un bateau... Quel roman ! « Quels gredins que les honnêtes gens » ! Qui écrira , racontera, nos Halles d'aujourd'hui ? Qui sera capable de nous dire tout ce que renferme l'hyper-marché de notre Ventre ? Qui aujourd'hui aura ce talent, cette lucidité, ce regard ? Il n'y a qu'un Hugo par siècle, qu'un Balzac, qu'un Zola par siècle…Notre siècle a 19 ans, il serait temps de savoir ce qu'il a dans le Ventre.

Astrid Shriqui Garain

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Après le faste de la Curée, nous voilà propulsés au sein des Halles centrales de Paris. Temple de la mangeaille, véritable corne d'abondance de la denrée alimentaire , c'est à travers le quotidien des travailleurs de cette gigantesque fourmilière que Zola plante le décor de ce troisième opus des Rougon-Macquart.

Dès les première pages, nous faisons la connaissance de Florent. Arrêté dans la nuit du coup d'état pour un crime qu'il n'a pas commis, il est ensuite déporté au bagne de Cayenne dont il réussit à s'échapper. de retour à Paris, affamé et fatigué, Florent va être secouru par une brave femme qui le conduira aux Halles centrales. Grâce à une rencontre fortuite, il retrouvera son demi-frère, Quenu, marié à la belle Lisa Macquart et propriétaire d'une charcuterie rue Rambuteau. le ménage prospère va vite prendre Florent sous son aile. Notre héros va goûter un temps à la paix familiale jusqu'à ce qu'on lui propose un poste d'inspecteur de la marée au sein de Halles. Refusant d'abord à cause de sa rancoeur envers le gouvernement, il se voit ensuite obligé d'accepter pour ne pas froisser sa belle-soeur, c'est alors que très vite, Florent va devenir la brebis galeuse du troupeau...

Lu en à peine deux jours, j'ai eu un mal fou à lâcher ce roman. On se sent comme pris au piège dans l'atmosphère étouffante de cette communauté de commerçants qui montre un visage trop lisse pour être honnête. Zola n'a pas son pareil pour nous dépeindre la face noire de l'humain et il y réussit une fois encore. Au milieu de ces gens mesquins, cette classe moyenne dont la vie est réglée comme une horloge, Florent, éthéré, presque fantômatique, idéaliste qui a souffert toute sa vie, va être jeté en pâture et montré du doigt. La différence dérange ce petit monde bien gras et borné qui ira inventer les pires horreurs pour détruire ce qu'on pourrait appeler "une tâche dans le paysage".
Les Halles, c'est presque un petit empire dans l'empire, avec ses codes, ses lois, sa hiérarchie. Engraisser ou crever, telle devrait en être la devise!
Dans ce paysage sordide, entre l'amoncellement de nourritures et la saleté ambiante, c'est la pourriture des corps et des esprits qui frappe le plus. Ovation particulière à Mlle Saget, vieille bique particulièrement virulente qui tue à coup de cancans et d'hypocrisie.
Ce roman est une fresque incroyable, je l'ai adoré pour son côté brut de décoffrage. Avec son style à lui, Zola nous démontre que peu importe la classe sociale, la connerie reste universelle.
Un de mes coups de coeurs de cette semaine. A lire !
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Emile Zola ne m'a jamais déçu, je suis encore une fois tombé sous le charme avec la lecture de ce roman. Les descriptions sont son point fort et il s'en est donné à coeur joie Emile dans ces halles de Paris où nous avons parcouru avec lui tous ces pavillons, les légumes, les volailles, le beurre, les fleurs, les fruits, le fromage où les fumets jouent une symphonie olfactive du plus bel effet.
Mais les halles ne sont que l'écrin dans lequel Zola place son intrigue. le principal est ses habitants, personnes du peuple, marchands, commerçants. La vie de ces femmes du pavillon aux poissons avec ces jalousies, ces aigreurs mais également sa bonne humeur et la gouaille de ces commerçantes.
Particularité par rapport au volume précédent des Rougon-Macquart « La curée » où l'on avait une galerie de personnages antipathiques au possible, ici on croise des personnes le plus souvent honnêtes et généreuses, telles madame François la maraîchère au grand coeur, Quenu le charcutier, Marjolin et Cadine, enfants des halles dont ils sont l'incarnation humaine. Et bien sûr, Florent, professeur honnête, envoyé à Cayenne sans raison, idéaliste. C'est par lui que Zola introduit son propos politique sur le régime de l'époque.
Ce volume rend donc hommage à tous ces hommes et ces femmes, au « petit » peuple qui se lève tôt pour nourrir cet ogre qu'est Paris.
Paris que je quitte pour le prochain tome : « La conquête de Plassans ».
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Florent, bagnard échappé de l'Île du Diable, arrive affamé aux halles de Paris, à bord d'un chariot chargé de carottes et navets. le jour se lève. Il découvre une à une les senteurs, les saveurs des étalages: ceux de la marées, de la triperie, des fromages,... Il retrouve son frère et fait la rencontre de sa belle-soeur Lisa qui lui offre sa part de l'héritage de leur oncle charcutier. Il refuse, se contente du logis, accepte du bout des lèvres un poste d'inspecteur remplaçant aux Halles. Vivant de peu, il verse le revenu de sa charge à celui qu'il remplace parce que ce dernier est malade. Florent, le maigre, gêne parmis ces gras qui passent leurs heures de loisir à remplir leurs panses et celles des bourgeois durant leurs heures ouvrées. Tous ces gras le dégoûtent comme le dégôutent les Tuileries et le gouvernement qui y siège. Avec les buveurs d'un café au coin de la rue Rambuteau, il formente une révolte. de chimère, cette révolte commence à prendre consistance. Combien de temps faudra-t-il aux gras des halles pour expectorer ce malhonnête intrus qui dérange leur paisible digestion?

Zola a écrit sur base de cette succinte intrigue une fresque gargantuesque. le Ventre de Paris est un livre dont certaines pages laissent les doigts graisseux et d'autres aux lecteurs un relent aigre de marée. On ne ressort pas indemne d'une lecture de cet acabit-là.
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« le Ventre de Paris » est le troisième tome des Rougon-Macquart. Paru en 1873, il est
particulier ce troisième volume : c'est la première fois que le personnage principal de l'intrigue, Florent, n'est pas un membre direct de la famille Rougon-Macquart, puisqu'il s'agit du beau-frère de Lisa Macquart ; et Zola sort des beaux quartiers et des salons dorés pour côtoyer le peuple, et quel peuple, celui qui donne vie aux Halles de Paris. Plus : l'intrigue secondaire, ici, prend un tour politique ; point d'amourettes adolescentes, ou d'amour impossible comme dans les deux premiers volumes.

Florent, le personnage principal est un idéaliste romantique et naïf. Mieux, il n'a pas de chance et, pire que tout, il fait de mauvais choix : évadé du bagne de Cayenne ou il purgeait une peine de travaux forcés pour s'être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment pendant le coup d'état du 2 décembre, rentré en France et employé comme Contrôleur aux Halles, il « grenouille » dans les milieux républicains…de là à devenir activiste contre le gouvernement....
Le cadre des Halles de Paris donne un environnement idéal à Zola pour nous dresser, autour de Florent, une galerie de portraits saisissants : Quenu, son frère, la plantureuse Lisa la charcutière, Marjolin et Cadine, deux brutes éprises l'une de l'autre qu'aime à peindre Claude, l'artiste. Et pour compléter le tableau, le contrepoint négatif et maigre dans ce monde où l'embonpoint est symbole de réussite : Mlle Saget , médisante petite vieille…

Comme on le verra également, plus tard, dans « Au Bonheur des Dames », Zola prend manifestement plaisir à décrire les amoncellements de marchandises : que ce soit les étalages de légumes, de fruits, de poissons, de viandes, de fleurs, de fromages, sous les Halles de Paris, ou les débordements de tissus, voilages, broderies, guipures du Grand Magasin les descriptions « impressionnistes » ont une grande place dans ce troisième volume…

Sur fond d'activisme politique, ce troisième volume des Rougon-Macquart est un roman puissant, cru et rempli d'odeurs, de couleurs, et de bruit. Bref, du Zola
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