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sur 2398 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Est-ce que vous connaissez la bataille des Gras et des Maigres ?"



Le Ventre de Paris : ce sont les Halles, nouvellement construites (1853 à 1874) que découvre Florent après 8 ans d'absence



Dans ce ventre de Paris convergent toutes les nourritures : légumes et fruits, marée et viandes, volailles, charcuterie, fromages et même fleurs. le roman commence avec l'arrivée du tombereau de Madame François, maraîchère de Nanterre !


Le tombereau heurte Florent, presque mort de faim, d'une maigreur à faire peur, évadé du bagne de Cayenne, déporté après les journées de décembre 1851 arrêté près de la barricade rue Montorgueil. Florent est recueilli par son frère  Quenu, prospère charcutier, gras et bien nourri comme sa femme Lisa, la belle charcutière.

Les descriptions des dentelles et des soieries des toilettes de Renée Saccard dans La Curée, des décors de l'Hôtel de la Plaine Montceau, m'avaient plutôt lassée. J'avais trouvé que  Zola se complaisait dans des longueurs. En revanche, j'ai eu un véritable coup de coeur pour cette exubérance des légumes et des fruits,  surabondance de la nourriture, énumération des victuailles, les descriptions des étalages de la charcuterie . le Ventre de Paris plonge le lecteur dans le monde odorant de l'étal de la marée avec ses poissons, ses moules, ses huitres, dans les paniers remplis de plumes des volaillers, ruisselant des grandes lessives, dégoûtant de sang, d'humeurs et d'excréments.



Et c'est un peintre, Claude Lantier, qui décrit le mieux ces tableaux naturalistes, opposant l'art moderne, le naturalisme. Son art est croquis ou tableau, mais son oeuvre suprême, c'est avec des boudins, des langues de boeuf, des jambons jaunes qu'il l'a construite.  Il cherche ses sujets dans le peuple des Halles

"Cadine et Marjolin s'aimant au milieu des Halles centrales, dans les légumes, dans la marée, dans la viande. Il les aurait assis sur leur lit de nourriture, les bras à la taille, échangeant le baiser idyllique. Et il voyait là un manifeste artistique, le positivisme de l'art, l'art moderne tout expérimental et tout matérialiste ; il y voyait encore une satire"

Le naturalisme revendiqué en peinture par Claude, est aussi le style littéraire de Zola. Claude, plus loin, l'étend à l'architecture




"Je m'imagine que le besoin de l'alignement n'a pas seul mis de cette façon une rosace de Saint-Eustache au beau milieu des Halles centrales. Voyez-vous, il y a là tout un manifeste : c'est l'art moderne, le réalisme, le
naturalisme, comme vous voudrez l'appeler, qui a grandi en face de l'art ancien..."

Dans la bataille des Gras et des Maigres l'auteur met en scène, dans le rôle des Gras : les commerçants des Halles, poissonnières et charcutières, volaillers et cafetiers, toute une société prospère qui se concurrence, se jalouse, s'observe, s'enrichit...

"C'était le ventre boutiquier, le ventre de l'honnêteté moyenne, se ballonnant, heureux, luisant au soleil, trouvant que tout allait pour le mieux, que jamais les gens de moeurs paisibles n'avaient engraissé si bellement."

Bonne conscience de la Belle Lisa et de sa concurrent la Belle Normande, travailleuses, honnêtes, bien nourries....Certains personnages sont plus nuancés comme les jeunes Marjolin et Cadine, les enfants Muche et Pauline qui jouent dans la boue. Deviendront-ils des Gras quand il seront adultes?  Et la vieille Saget la fouineuse avec son cabas, qui surveille les autres de sa fenêtres, s'attarde pour écouter les rumeurs et qui colportera les ragots : une Maigre? 

"mademoiselle Saget avait certainement laissé dans sa vie  passer une occasion d'engraisser car elle détestait les gras tout en gardant dédain pour les Maigres"

déclare Claude Lantier. 

C'est cette dernière qui déclenchera la guerre en convoquant les commères pour dévoiler le secret de Florent. Et cette mauvaise action se déroule dans les odeurs de fromage. Les odeurs contribuent à l'ambiance :
Comme les tomes précédents de la série des Rougon-Macquart, le Ventre de Paris est un roman politique, qui raconte l'histoire du Second Empire : son avènement avec les barricades et les déportations de 1851 et les oppositions clandestines : les conspirations des révolutionnaires dans les arrières salles du café ainsi que la surveillance des espions et des mouchards, les dénonciations des honnêtes gens qui voient dans l'Empire une stabilité et une prospérité qui garantie leur commerce.

"C'est la politique des honnêtes gens... Je suis reconnaissante au gouvernement, quand mon commerce va bien, quand je mange ma soupe tranquille, et que je dors sans être réveillée par des coups de fusil... C'était du propre, n'est-ce pas, en 48 ? L'oncle Gradelle, un digne homme, nous a montré ses livres de ce temps-là. Il a perdu plus de six mille francs... Maintenant que nous avons l'empire, tout marche, tout se vend. Tu ne peux pas dire le contraire... Alors,"

C'est encore Claude qui aura le dernier mot :

Alors, Claude leur montra le poing. Il était exaspéré par cette fête du pavé et du ciel. Il injuriait les Gras, il disait
que les Gras avaient vaincu. Autour de lui, il ne voyait plus que des Gras, s'arrondissant, crevant de santé,

Magistral!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Je continue la série des Rougon-macquart avec le tome 3.

Florent, après avoir purgé, 7 ans au bagne pour un meurtre qu'il n'a pas commis rentre sur Paris. Il y retrouve son demi-frère qui tient une boucherie avec sa femme.

Le ventre de Paris, c'est les halles avec toutes ses denrées et ses odeurs.
Alors que le peuple a faim ici les victuailles débordent des étals.
Le peuple, c'est soit les gras soit les maigres ! Émile Zola décrit avec précision et détail, les étalages de viandes, de charcuteries, de poissons, de fruits, de légumes, de fleurs sans jamais que ce soit ennuyeux ! On imagine très bien la vie active à cet endroit où les commerçants vendent leurs produits.
Et au milieu de ses odeurs des femmes jalousent ou médisantes vont prendre pour cible le pauvre Florent. Il va être victime de ragots, de rumeurs...

C'est la première fois que j'aime un livre avec beaucoup de descriptions...
Excellente lecture même si elle est tragique.
À lire !!
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« On était aux Halles centrales, à ce colosse de fonte, à cette ville nouvelle, si originale. Les imbéciles avaient beau dire, toute l'époque était là. » Les Halles, ce ventre grouillant où se retrouve Florent, après plusieurs années de bagne. Lui si maigre face à cette opulence.
Florent revient de loin, toujours ancré dans ses convictions, lui qui était entré « dans la république comme les filles désespérées entrent au couvent ». (Une république idéalisée qui n'avait tout de même pas hésité à faire tirer sur le peuple lors des journées de juin 1848 ; ce qui expliquera la faible résistance au coup d'État du 2 décembre 1851).
Le maigre voit rapidement les Halles d'un autre oeil que celui des vendeurs et acheteurs qui se pressent chaque jour devant les étals : « Un vaste ossuaire, un lieu de mort ou ne trainait que le cadavre des êtres, un charnier de puanteur et de décomposition. » Toutes ces odeurs entêtantes le perturbent, comme le perturbent les opulentes femmes, dont sa belle-soeur Lisa – une Macquart qui a réussi – et la belle Normande. Car ici, les chairs comestibles se mêlent aux chairs humaines, et les faims se confondent. le Ventre de Paris est un roman olfactif à l'égal du Parfum, de Süskind.
Florent, avec sa « maigreur de martyr », se veut « le justicier des maux qu'il avait vu souffrir ». Il n'est pas de ce monde, défini ainsi par sa belle-soeur, une femme qui pactiserait avec le diable en personne pour vivre en toute tranquillité : « C'est la politique des honnêtes gens... Je suis reconnaissante au gouvernement, quand mon commerce va bien, quand je mange ma soupe tranquille, et que je dors sans être réveillée par des coups de fusil […] Maintenant que nous avons l'empire, tout marche, tout se vend. » Ces mêmes honnêtes gens qui ont, de nos jours, applaudi aux yeux crevés des Gilets jaunes… Passons !
Notons que, même si un peu plus discrètement que dans l'Assommoir, Zola exprime à nouveau ici sa terreur de la pauvreté, dont il brosse à l'occasion un tableau sordide, notamment s'agissant de la marmaille en guenilles qui « pullule au soleil comme une vermine » et dont on subit « les piaillements intolérables ». Nous sommes là loin des voluptés de la Curée…
Dans ce roman règne aussi une réalité toujours vivace à notre époque de réseaux sociaux où s'exprime toute la dégénérescence morale de certains esprits putrides : « les saletés de la médisance », dont le personnage de Mlle Saget est un archétype ; elle dont le goût de nuire excite tous les sens, ses « ardeurs de curiosité » dit le texte. Mlle Saget, c'est un peu la Renommée antique qui avait assez d'yeux et de bouches pour répandre les secrets de l'humanité, dont Brassens disait que ses trompettes étaient « bien mal embouchées »…
Mais elle n'est pas la seule à se vautrer dans le « grossissement des calomnies », le « torrent d'injures » à l'endroit de tel ou tel, et particulièrement Florent, l'évadé du bagne de Cayenne, l'idéaliste trop maigre pour ne pas paraître suspect à « ce milieu gras et trop nourri ». Florent est une anomalie dans ce ventre ; et les anomalies on les corrige…
Ainsi, dans ce roman, peut-être plus que dans aucun autre des Rougon-Macquart, la bassesse règne à travers les apparences qu'on croit sauver tout en commettant le pire. Seules les descriptions impressionnistes de Zola offrent çà et là une élévation qui permet de s'échapper pour un temps de cette fange grouillante.
Exit donc le flamboiement de la lutte sociale de Germinal ; les effroyables pulsions meurtrières de la Bête humaine ; la hauteur spirituelle du Rêve, etc. de la bassesse, rien que de la bassesse, bien plus inexcusable que dans l'Assommoir, où le malheur s'était taillé la part du lion dans les destins de Gervaise (la soeur de Lisa) et Coupeau. On croit lire notre temps et l'on ne peut qu'acquiescer lorsque Claude – appelé à son destin dans l'Oeuvre –, écoeuré finalement devant ce ventre gras, indifférent et repus, s'exclame : « Quels gredins que les honnêtes gens ! »
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la descriptions des halles de la belle époque qui etaient le "ventre de Paris" qui donne le titre au roman la aussi comme toujours chez l'auteur une description precise et reelle de l'univers de ce lieu légendaire de Paris un des meilleurs livres de l'auteur pour moi je le recommande chaudement !
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L'histoire se passe à Paris, en 1859, parmi les marchands des Halles qui prospèrent pour les uns, et périclitent pour d'autres. Florent, jeune révolutionnaire revenu du bagne de Cayenne où il a été envoyé par erreur, retrouve son demi-frère qui tient une charcuterie avec sa femme Lisa. Même s'il retrouve la tranquillité, Florent reste hanté par son désir de Révolution.
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Les commérages, les magouilles, les descriptions sensorielles sont des thèmes chers à Zola qu'il maîtrise parfaitement. Il comprend et manipule à merveille les caractères humains. C'est toujours un plaisir de se plonger dans ses récits, puisqu'on est complètement immergés dans ce Paris du milieu du XIXeme siècle. Cet auteur est devenu pour moi une valeur sûre et une promesse de bonne lecture !

https://www.instagram.com/les_lectures_de_marion/
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Je poursuis ma découverte chronologique des Rougon Macquart, et, ce 3eme tome est pour le moment mon préféré. J'ai vraiment été transportée dans ces Halles, nouvellement installées. le style est riche et très visuel, ainsi j'ai senti, ressenti et même vécu dans ces Halles. La plume de Zola fluidifie le texte et rend les longues descriptions digestes.
J'ai d'ailleurs été impressionnée par cet inventaire naturaliste, toute la nourriture y passe et ce, dans les moindres détails.
Le lecteur est vraiment happé par l'intrigue. Il sait que cela finira mal. Cette ambiguïté créé du stress et une attente qui nous pousse à tourner les pages (encore une fois bien plus dans ce tome que dans les 2 premiers).

Ainsi, nous rencontrons Florent, faible et inanimé au coeur des Halles, nous apprenons très peu de choses sur lui, si ce n'est qu'il s'est évadé de Cayenne. Il finira par trouver un ami, qu'il l'amènera chez son frère Quenu et sa belle soeur Lisa, charcutiers, entourés d'une douceur de vivre et bien corpulents. Arrive alors, un contraste qui n'est pas que physique mais aussi social, économique et politique. D'un côté, Florent et les maigres, des républicains prêts à la révolte, de l'autre Quenu et les gras, des bourgeois qui soutiennent l'Empire de Napoléon.

Ensuite, chacun de ces trois personnages voit son parcours décrit (Florent qui a été comme un père pour son frère, ce dernier est allé retrouver un grand oncle qui lui a légué la charcuterie et un petit trésor...).

Florent est à la fois révolutionnaire et très effacé, notamment avec les femmes, voire même peureux. Il ne voulait pas du poste d'inspecteur aux Halles mais accepte pour faire plaisir à sa belle-soeur, qui en a marre de le trouver oisif. Là, dans cet univers qui l'étouffe, il va à la fois s'émanciper dans son club de révolutionnaires mais aussi se faire avoir par les femmes qu'ils rencontre, toujours en tout bien tout honneur (la belle normande ou la femme de l'inspecteur qu'il remplace...). Petit à petit, Florent va devenir une gêne pour le quartier, un sujet de discussion jamais à cours d'idée, jusqu'au clou final, rondement mené par les 3 commères du quartier.

J'aime beaucoup le naturalisme, ici on retrouve beaucoup de point commun avec certaines histoires d'Hugo, mais pas du côté romantisme donc.

Hâte de poursuivre l'histoire de cette famille!

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« Vous vous rappelez votre querelle avec les poissonnières ; c'était superbe, ces gorges géantes lâchées contre votre poitrine étroite ; et elles agissaient d'instinct, elles chassaient au Maigre, comme les chattes chassent aux souris… En principe, vous entendez, un Gras a l'horreur d'un Maigre, si bien qu'il éprouve le besoin de l'ôter de sa vue, à coups de dents, ou à coups de pied. C'est pourquoi, à votre place, je prendrais mes précautions. Les Quenu sont des Gras, les Méhudin sont des Gras, enfin vous n'avez que des Gras autour de vous. Moi, ça m'inquiéterait. [...] »
> Écouter un extrait : Chapitre 01

..: Voir la page complète de ce livre audio :..
zola pour aller plus loin: http://suzannelebeau.wordpress.com/2012/06/15/emile-zola-1840-1902-et-les-rougon-macquart/
et pour lire tout zola! http://beq.ebooksgratuits.com/vents/zola.htm
Lien : http://www.litteratureaudio...
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Nous sommes en 1871, au coeur de l'immense marché des Halles parisiennes constitué par les pavillons Baltard, récemment construits.

L'auteur nous décrit avec son talent habituel, toute la beauté et la richesse architecturale de ces lieux emblématiques. On se promène à ses côtés dans le brouhaha des allées bruyantes, couvertes par les voix tonitruantes des maraîchers, fromagers, poissonniers, charcutiers, fleuristes, etc… qui appellent les chalands et s'interpellent parfois dans un langage « fleuri ». Tel un artiste peintre, il dévoile devant nos yeux ébahis, toute la palette de couleurs des fruits, des légumes et des fleurs, foisonnant sur les étalages. Les poissons, les volailles, et la charcuterie ne sont pas en reste et se laissent admirer. Les fromages très variés et odorants chatouillent nos narines… Rien n'est laissé au hasard, l'agitation du marché côtoie les secrets d'alcôve, les commérages flirtent avec les discours complotistes, c'est toute une vie trépidante qui se réveille et prend forme, sans jamais nous lasser…

Emile Zola met en exergue l'opulence des braves gens, replets et rondouillards, considérés comme honnête, en opposition à la pauvreté des personnages fluets et mal portants, à la moralité jugée douteuse. Dans ce roman, l'accent est également mis sur la forte influence et l'emprise morale que certaines femmes, au caractère bien trempé, exercent sur les hommes afin de modeler leur comportement et faire plier leur volonté jusqu'au basculement de leur destin.
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Avant de débuter la lecture de cet immense classique, nous devons prévenir les convives allergiques aux descriptions qu'ils devront passer leur chemin, même s'il est de notre devoir de les encourager à changer d'avis, il n'est jamais trop tard ! A-t-on déjà vu des lecteurs réticents au dialogue, à la ponctuation ? Bref… On connait désormais bien la technique de Zola qui consiste, en résumé, à se documenter au maximum, puis à tracer par un plan les grandes lignes de son récit, et enfin de s'atteler à la rédaction du manuscrit. En lisant le Ventre de Paris, on n'ose imaginer à quel point l'écrivain s'est immergé dans le mondes des Halles, ce gigantesque marché, pour à ce point nous transporter avec une telle force, un tel appétit de détails. Car oui, préparez-vous à être littéralement englouti par ces étalages sans fin de légumes, de poissons, de volailles, de viandes, de fleurs, de fruits, de fromages… Chaque regard vers un commerce est un vertige où vous étoufferez sous la variété de formes, de textures, de couleurs et d'odeurs des produits vendus. Alors on avale, on avale, on suffoque, on supplie l'écrivain d'arrêter, mais lui, déchaîné par cet amoncellement infernal de denrées , nous force à engloutir voracement encore et encore, jusqu'à succomber...

(critique complète sur mon site)
Lien : https://murmuredelombre.word..
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« le Ventre de Paris », comme son nom l'indique, se situe au centre de Paris, plus précisément au quartier des Halles, où se concentre « le garde-manger » de la capitale : tout ce qui se mange et se boit fait un passage obligé dans cet endroit mythique qui symbolise d'une part, l'appétit de jouissances matérielles de la plupart des personnages, et d'autre part, la frénésie goulue des vainqueurs du coup d'état de 1851, prêts à se payer « sur la bête ».
Le roman tout entier est bâti sur l'opposition entre les « gras » et les « maigres ». Ou si l'on préfère, des « gras » entre eux, avec les maigres au milieu, comme enjeu, prétexte ou moyen d'attaque ou de défense, vu qu'ils n'ont guère la possibilité de se battre avec les « gras ». Pas de Rougon dans cette histoire, mais deux Macquart : Lisa Macquart, soeur de Gervaise (celle de « L'Assommoir ») et de Jean (celui de « La Terre » et de « La débâcle ») a épousé le charcutier Quenu, dont elle a eu une fille Pauline. L'autre Macquart, c'est Claude Lantier, (celui de « L'Oeuvre », le fils de Gervaise, frère d'Etienne, celui de « Germinal », de Jacques, celui de « La Bête humaine » et de Nana, celle de… « Nana ») Claude est un peintre qui pense trouver dans les Halles un panel de couleurs conforme à son idéal esthétique.
L'histoire débute lorsque Florent, (un « maigre »), le frère de Quenu, débarque sur le carreau des Halles. Déporté à tort après le coup d'état et évadé, il cherche du travail. Il commence à travailler avec l'aide de son frère chez qui il est hébergé. La poissonnière Louise Méhudin, dite la Normande, qui a des vues sur lui, entre en conflit ouvert avec Lisa. Florent qui a trouvé un emploi d'inspecteur à la marée, s'occupe aussi de politique, en animant des soirées révolutionnaires où on envisage des actions d'éclat (grèves, coups de force) destinées à déboulonner le système impérial. Mais les jalousies privées et les jalousies publiques, savamment entretenues par la mère Saget (le Caius Détritus local), finissent par aboutir à une nouvelle dénonciation de Florent (à laquelle a participé Lisa, sa propre belle-soeur). le jeune homme est à nouveau déporté, et le calme revient sur le carreau. Les « gras » ont gagné, une fois de plus, sur le dos des « maigres ».
C'est le premier roman des Rougon-Macquart où Zola porte l'histoire à une dimension épique à la limite de la caricature : on se croirait, avec ces femmes bien en chair, dans des tableaux de Rubens (ou plus tard de Renoir) mais dans un décor beaucoup plus réaliste. C'est sans doute ce que pense Claude Lantier, en artiste qu'il est (pas pour Renoir, peut-être, mais il doit certainement songer à Cézanne, ami personnel de Zola). Pour la première fois, un lieu, un endroit n'est pas seulement un décor : il est le creuset où se crée l'histoire. On verra la même chose avec le jardin du Paradou (« La Faute de l'abbé Mouret »), le bistrot de « L'Assommoir », le grand magasin de « Au bonheur des dames », la mine de « Germinal » ou même la locomotive de « La Bête humaine ». Ces lieux, d'une certaine façon, sont des Molochs qui condamnent les enfants qu'ils ont fait naître.
Dans « Au bon beurre » de Jean Dutourd, on retrouve cette mentalité de contentement petit-bourgeois, qui n'hésite pas à s'adapter aux circonstances, même les plus viles et les plus honteuses, pour assurer leur propre bien-être de « gras » quitte à le faire sur le dos des « maigres ».
Je tiens ici à assurer Gérard, mon charcutier, de toute ma sympathie, et à travers lui toute sa profession, si mal traitée (le comble pour un traiteur) par des écrivains d'un autre temps, lesquels, j'en suis persuadé, n'en aimaient pas moins le jambon, la ventrèche et le boudin… à moins qu'ils ne préférassent la rosette ?.




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