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4,06

sur 2398 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est toujours le même plaisir que celui de retrouver un épisode de la saga des Rougon-Macquart, le troisième ici en l'espèce ... Celui-ci est consacré à l'histoire de Lisa, fille d'Antoine Macquart et Joséphine (voir la Fortune des Rougon), soeur de Gervaise (voir l'histoire si émouvante de l'Assomoir), et à celle, plus en discrétion, de Claude Lantier, fils de Gervaise, neveu de la belle Lisa, demi-frère de Nana, frère de l'Étienne du célèbre Germinal. le drame se noue aux Halles, c'est génial, émouvant, exotique, comme on écrit plus, vivement le prochain, bref... pub !!!
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Et c'est ainsi que plusieurs années après avoir lu ce roman, j'entends encore ronfler et gargouiller le ventre de Paris.
Je sens les relents nauséabonds du poisson avarié et l'odeur âcre des Parisiens lentement digérés au coeur des halles.
Paris, personnage principal du roman, broie inexorablement tout ce qui se trouve en son sein.
Oeuvre à lire et à relire.
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VENTRE et PARIS. Ces deux mots résument parfaitement ce roman : d'un côté le ventre, la nourriture, qui semble déborder de ces halles gavées, regorgeant de marchandises, de ripailles, de sang, d'odeurs, d'étals, de bouffe, quoi ! ; de l'autre, Paris, son peuple en pleine évolution, avec l'étalage de la bourgeoisie, le commerce en plein essor, les rentiers, le combat des "gras" et des "maigres" et une sourde révolution qui couve dans les arrière-salles des cafés... Avec ces deux aspects, Zola construit un roman forcément brillant !

Le premier chapitre est saisissant par sa surenchère marchande : provisions et vendeurs affluent aux halles, ce début de roman subjugue par ses descriptions grandioses et délicieusement interminables des légumes qui s'étalent et semblent s'épanouir sous nos yeux. Ensuite, on découvre le noeud de l'intrigue, la vie de ce quartier, ce microcosme marchand et petit-bourgeois, dans lequel débarque l'ex-bagnard Florent... Et là, les portraits humains le disputent aux portraits potagers ! Les personnages aussi semblent déborder de leurs étals, pleins de couleurs, avec des rouges et des verts éclatants...

L'histoire se tisse presque toute seule, la tension monte mine de rien, et encore des descriptions, de petites gens, de mauvaises personnes, ou bien pas si mauvaises que cela, juste humaines en somme... Et toujours cette bouffe, partout, tout le temps...

Au final, un roman que l'on lit comme on dévorerait l'étal des yeux, avec le léger écoeurement des odeurs de charcuterie, mais aussi la fascination pour le trop-plein, le gras, l'abondance.

Après cette lecture, je me dis que décidément, Zola c'est quelque chose ! le (re)lire, c'est comme se glisser sous un édredon chaud chez les grands-parents, quelque chose de connu, d'immuable et de toujours surprenant de perfection. Des moments où je me dis qu'il faudra vraiment que je les lise tous, ces Rougon-Macquart, dans ma vie !
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Voici donc le 3eme tome ! Alors, dans celui-ci nous suivons Florent (Beau-frère de Lisa Macquart). Après son évasion du bagne de Cayenne, il rejoint son frère (Quenu) à Paris, aux Halles. Ce roman est très connu pour ses descriptions des halles qui n'existent plus aujourd'hui. Ces montagnes de nourritures, Zola nous en fait des représentations magnifiques (ou pas) mais très justes ! Quand il parle des légumes, on imagine toutes les nuances de verts différents sur les étals ! Quand il explique les fromages, il y a tellement de détails que les odeurs nous montent au nez ... Zola c'est de l'Art ! Tous nos sens sont éveillés !!! Tout le chapitre 4 (càd +/- 50 pages) est une citation a lui tout seul ! J'ai adooooooré ce livre ... Les comparaisons que Claude fait entre les maigres et les gros sont intéressantes ... Florent, "maigre" a faim mais faim de justice ... Quenu et lisa, "gros" n'ont pas faim et veulent leur tranquilité ! C'est dans leur charcuterie que nous suivrons leur "combat" respectif ... Si les relents de poissons, de viandes mortes, de fromages bien coulants ne vous écoeurent pas, lisez ce livre magnifique car vous y retrouverez aussi le parfum des fleurs, les couleurs des épices et tant d'autres choses encore ... Difficile de choisir entre la fortune des rougon (tome1) et celui-ci pour mon top 1 des rougon-macquart ! Mais je dirais en numéro 1: la fortune, numéro 2: le ventre de paris et numéro 3: la curée ... On verra si mon classement change par la suite ^^
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Partons à la découverte d'une autre partie de l'arbre généalogique : Lisa Macquart, épouse Quenu, tient une belle charcuterie. Nous sommes à Paris, au coeur des Halles.
Zola très poétiquement décrit la multitude et la diversité des produits vendus (les fromages dont les odeurs deviennent une chanson ou les poissons et fleurs qui composent des tableaux). Ce n'est donc pas surprenant de voir apparaître un peintre, Claude Lantier!
C'est l'abondance donc qui envahit tout : les "Gras" dominent.
Alors quand un "Maigre" Florent, demi-frère de Quenu, revient du bagne et se trouve confronté à cette opulence, il ne peut que se sentir oppressé. Un brin révolutionnaire et utopiste, le voilà rêvant à une société plus égalitaire.
Je continue ma lecture des Rougon-Macquart, chaque fois confortée dans mon admiration pour Zola. Des tableaux si vivants, des personnages bien trempés (la confrontation entre la belle Lisa et la Normande vaut le détour!) et toujours un contexte historique bien présenté.
Bref j'adore.
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Pour la première fois dans les Rougon-Macquart, Emile Zola ne donne pas le premier rôle à la descendance d'Adélaïde. C'est aux pas de Florent Quenu qu'il s'attache dans ce troisième volet. Florent, envoyé injustement au bagne après les événements de 1852, s'est évadé de Guyane et revient à Paris, chez son frère le charcutier. On lui trouve un emploi aux halles, le Ventre de Paris, une "bête satisfaite et digérant".

Ce n'est pas par hasard que le romancier installe ici son roman du gras contre le maigre. Florent croit en effet "avoir à venger sa maigreur contre cette ville engraissée". Il va contrarier l'équilibre des halles, réveillant les rivalités d'une charcutière et d'une poissonnière. Il va comploter contre l'empereur avec une bande de pieds-nickelés dont le plus silencieux paraît à tous le plus intelligent. "Un homme maigre, c'est capable de tout", prévient la vieille Mehudin.

C'est pourtant le gras qui triomphera du maigre, car c'est Claude Lantier (le peintre de l'Oeuvre) qui a raison : "depuis le premier meurtre, ce sont toujours les grosses faims qui ont sucé le sang des petits mangeurs". Et Paris, après avoir absorbé Florent, le crachera tel un noyau gênant.

Le ventre de Paris est aussi le roman très ironique de la rumeur, (Zola est beaucoup plus drôle que certains le croient) avec les commérages constants de la médisante Mademoiselle Saget. le livre déborde par ailleurs de portraits savoureux et s'avère un excellent tome qui vous donnera envie de vous lancer dans la conquête de Plassans pour peu que les longues descriptions vous plaisent ou pour autant que vous soyez capable de les survoler.
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Je poursuis ma découverte dans l'ordre des Rougon-Macquart avec ce troisième tome, et après avoir quitté les beaux hôtels particuliers de l'ouest Parisien, nous voilà transporté en plein centre de la capitale au milieu des célèbre Halles.
Troisième tome et troisième ambiance différente où Zola nous plonge avec une acuité et un talent intarissable.

Cette fois-ci on va faire la connaissance de Florent, un jeune homme qui a traversé l'océan pour revenir à Paris, après avoir été arrêté par erreur lors du coup d'Etat de 51 et incarcéré en Guyane pendant plusieurs années. Mais Florent, on le remarque vite, n'est ni un Rougon, ni un Macquart, ni un Mouret. En fait c'est le premier où roman le personnage principal n'est pas directement un membre de la famille, mais il y est lié : le frère de Florent, Quenu est l'époux de Lisa Macquart ; fille de Fine et Antoine, soeur de Gervaise et de Jean.
Le couple tient une boucherie juste en face des Halles, et Florent habitera chez eux le temps de trouver de quoi vivre. Mais plus le jeune homme passera de temps à leurs côtés plus le décalage entre eux se fera de plus en plus grand. Lui est maigre, pensif, rêveur, idéaliste, eux sont gras, pragmatiques, débordés, travailleurs. Des tempérament opposés, exacerbés par l'abondance alentour, qui semblent ne pouvoir se mélanger.
La plongée dans les Halles, ce gigantesque ventre de Paris est pour le moins hypnotisante, Zola nous balade de pavillon en pavillon, on plonge tantôt dans les étals de légumes, tantôt dans ceux des fromages, des viandes, poissons, bref on fera le tour complet de ce gigantesque marché sans que cela ne cause, en tout cas pour ma part, aucun écoeurement. Bien au contraire, cet amas de vie et de nourriture était presque envoutant. Mais il est surtout passionnant comme un reportage maintenant que ces Halles n'existent plus, c'est donc grâce à Zola un héritage précieux.

Florent m'a ému par son innocence et sa naïveté. Il aime beaucoup son frère et tente de renouer un lien fraternel avec lui, mais il aura beaucoup de mal à trouver sa place dans cet univers singulier baigné d'hypocrisie. Mais il va subir tout un tas d'erreurs de jugement de la part de personnes pour qui seuls comptent les rumeurs et la réputation... Et son frère Quenu, par sa faiblesse d'esprit et sa soumission à sa femme Lisa, n'aidera pas, ou peu, son grand frère comme il l'aurait mérité. C'est d'ailleurs pour cette raison que le personnage de Lisa m'a dès le départ agacé. Son caractère, sous couvert de convenance et de discrétion, recèle des aspects sournois et vicieux qui nous rappelle qu'elle est une Macquart.
On fait aussi la connaissance de Claude, fils de Gervaise donc neveu de Lisa, que j'ai bien apprécié, un des seuls amis de Florent. Il est peu présent mais se trouve avoir compris et percé à jour les esprits avides aux multiples facettes que composent Les Halles, ce gros ventre nourrissant autant les estomacs que toutes les vilénies.

J'ai encore passé un excellent moment de lecture, Zola m'a plongé dans un univers pour le moins singulier, décrit de main de maître, une formidable peinture d'un monde disparu.
Maintenant direction Plassans !
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C'est la vie des halles de Paris, le grand marché couvert qui dessert toute cette grande ville ; un roman plein de bruits, de couleurs, d'odeurs, c'est le roman de la vie... et de la mort. C'est la vie qui ruisselle des fruits, des légumes, des volailles, des fleurs ; c'est la mort qui suinte des cancans, des rancoeurs, des cruautés d'enfants, des jalousies.

L'empire nourrit ses gens et exige en retour la reconnaissance du ventre... Apologie des gros et gare aux maigres qui se posent des questions !
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(Reproduction d'une critique de Barbey d'Aurevilly, simplement pour rire, j'aime bien Zola)
Est-ce là un roman personnel ?… L'auteur de ce livre de haute graisse, car il est de haute graisse, aurait-il été, il faut bien le dire, charcutier ?… Aurait-il aimé une charcutière ?… Ou, non moins sérieux mais plus impersonnel, croirait-il que la Charcuterie est l'idéal des temps modernes, et l'aurait-il seulement peinte avec l'amour d'un grand artiste pour une grande chose ? Ma foi ! Je le croirais plutôt.

Toujours est-il (voici la nouveauté !) Que nulle part et dans aucun livre la charcuterie n'a été traitée avec cette importance, et décrite avec autant de science technique et de connaissance du métier. Assurément, il y autre chose que de la charcuterie et des charcutiers dans le livre de M. Zola, dans ce Ventre de Paris qui est la Halle, sans métaphore. Tous les genres de comestibles, toutes les choses du ventre, légumes, poissons, volailles, viandes de boucherie, fruits et fromages, y sont traités à fond et peints avec un détail infini et une passion qu'on dirait famélique, tant elle est intense ! Mais, il faut bien le reconnaître, c'est la charcuterie, cette spécialité de la charcuterie, qui trône sur toutes les autres mangeailles étalées ici avec un luxe de couleurs qui fait venir vraiment par trop d'eau à la bouche… Oui ! C'est la charcuterie, c'est la cochonnaille, qui, entre toutes les victuailles de la terre, est la chose sacrée pour M. Zola.
Rabelais, ce grand rieur qui se permettait tout, cet Homère-Priape sans feuille de vigne ; Rabelais, l'auteur de Gargantua, a un jour raconté la bataille des Cervelas et des Andouilles, mais il riait au-dessus de sa plantureuse et folle Epopée. M. Emile Zola ne rit point, lui. « Il ne rigoile pas », comme disait précisément Rabelais. Non pas ! Il est grave et convaincu dans sa charcuterie. Pour Rabelais, en ses bacchanales de bouffon, les andouilles, les cervelas, les triples, le piot, ne sont que de la ripaille et de la goinfrerie. Mais pour M. Zola, toute cette cochonnaille, qu'il nous étale et dont il nous repait, et dont il finit par nous donner le mal de coeur, c'est de l'art.
Il croit dire le dernier mot de l'art en faisant du boudin, M. Zola !
(…)

Son Ventre de Paris est l'oeuvre à présent la plus avancée (et vous pouvez l'entendre comme il vous plaira !) dans le sens de vulgarité et de matière qui nous emporte de plus en plus… Mais ce ne sera pas la dernière ! Il y a plus bas que le ventre. Il y a ce qu'on y met et il y a a ce qui en sort. Aujourd'hui on nous donne de la charcuterie. Demain, ce sera de la vidange. Et ce sera peut-être M. Zola qui nous décrira cette nouvelle chose, avec cette plume qui n'oublie rien.
Délicieuse perspective ! Si le charmant mouvement intellectuel continue, la Littérature française aura la chance de mourir asphyxiée derrière la porte infecte du cabinet d'Héliogabale.

Eh bien, M. Zola me semble bâti pour aller aussi loin que possible dans cette voie descendante qui nous conduit… j'ai déjà dit où… Il est jeune, je crois, et il a malheureusement de l'avenir. Il a débuté par des bégaiements dont je me suis un peu moqué (La Confession de Claude), mais la voix qui manquait de justesse et de force, lui est venue. Il a fini par bien poser, et d'aplomb, son archet sur les cordes de son violon, et il nous a joué cet air horrible de Thérèse Raquin qui fait saigner le coeur et l'oreille, et que nous allons entendre au théâtre pour qu'il les y fasse saigner mieux.
(…)
Il était encore, en ce temps de Thérèse Raquin, M. Zola, dans le milieu bas où il se vautrait, un reste d'âme, un lambeau de vie spirituelle ; mais il a fini par tuer tout cela avec les couteaux de cuisine — avec les couteaux à boudin — de sa littérature. du temps de Thérèse Raquin, il voyait rouge comme le chourineur et il charcutait dans le crime et la chair humaine.
Mais, à présent, il est plus calme et moins terrible, parce qu'il est plus mort encore aux choses de l'âme, et il ne charcute plus que un comme un simple charcutier.
Là est tombé son talent, — dans un saloir qui ne le salera pas ! Cet homme, à qui on put croire du tempérament littéraire, qui peignit dans sa Thérèse Raquin — un livre qu'il ne recommncera pas ! — les épouvantables remords des natures physiques, plus forts que leur abrutissement, n'est plus capable que de faire l'étalage, comme un garçon, chez les charcutiers qu'il adore. Il n'est plus capable que de décrire, de décrire sans cesse et toujours, les viandes et leurs couleurs, et leurs nuances, et leurs oppositions.
Que dis-je ? Tout charcutier qu'il soit de préférence (Dans son Ventre de Paris, la seule femme un peu intéressante qu'il y ait est une charcutière), il ne peint cependant pas que de la charcuterie. Il peint tout, dans cette Halle qu'il a choisie comme sujet de peinture intéressante, dans cette Halle qui est bien plus le sujet de son livre que les personnages qui s'y agitent, et il peint avec une telle absorption de lui-même dans l'objet, qu'il n'est plus une main conduite par une pensée, mais une espèce de palette mécanique, un pinceau qui va par l'effet d'un ressort, un procédé.

(…)

L'auteur du Ventre de Paris, dont la chair, pour parler comme lui, est faite des chairs mêlées de Victor Hugo, Théophile Gautier et Flaubert, malgré son amour monstrueux des choses basses, des couleurs criantes jusqu'à vociférer, et son cynique mépris des inspirations morales et des beautés intellectuelles dans les oeuvres, a du talent encore. Mais cela ne sera pas long, s'il ne se retourne pas !… Il est à la limite extrême. Et, puisque la charcuterie, et le porc, qui en est la base, tienne tant de place dans son livre et les contemplations de sa pensée, il n'aura pas peur de mon image : il est sur le rebord de l'auge à cochon du réalisme, dans laquelle il peut se noyer tout entier. Malheureusement, je le sais, il est attiré magnifiquement vers cette auge. le cochon l'excite. (…)

Du reste, il n'y a pas que l'art du porc salé qui ait ses hommages. Les fromages, qu'il comprend et peint aussi bien que les côtelettes froides en pyramide et les gelées, tremblantes et immobiles, dans leurs transparences de topazes, sur le marbre blanc des comptoirs. Je voudrais vous faire voir et flairer ces fromages pour vous donner une idée de la manière violente, inouïe, emphatique, musicale, et, ma foi ! Sublime, dont M. Zola les aborde à leur tour, avec ce pinceau qui se met dans tout, pour peindre tout :

« Autour d'elles, les fromages puaient… (Quelle solennité de début !) A coté des pains de beurre à la livre, dans des feuille de poirée, s'élargissait un cantal géant, comme fendu à coups hache ; puis venaient un chester, couleur d'or, un gruyère, pareil à une roue tombée de quelque char barbare (c'est beau et glorieux pour un fromage !), des hollande, ronds comme des têtes coupées (détail qui doit les faire aimer !), barbouillées de sang séché, avec cette dureté de crânes vides qui les fait nommer têtes de mort (c'est complet !). Un parmesan, au milieu de cette lourdeur de pâte cuite, ajoutait sa pointe d'odeur aromatique (bon, pour celui-là !) Trois brie, sur des planches rondes, avaient (touchant !) Des mélancolies de lunes éteintes : deux, très secs, étaient dans leur plein ; le troisième, dans son 2ème quartier, coulait, se vidait d'une crème blanche, étalée en lac, ravageant les minces planchettes, à l'aide desquelles on avait vainement essayé de le contenir… »

« Les roquefort, eux aussi, sous des cloches de cristal, prenaient des mines princières, des faces marbrées et grasses, veinées de bleu et de jaune, comme attaqués d'une maladie honteuse de gens riches qui ont trop mangé de truffes (encore un détail friand et affriolant !) ; tandis que, dans un plat, à côté des fromages de chèvre, gros comme un poing d'enfant, durs et grisâtres, rappelaient les cailloux que les boucs, menant leur troupeau, font rouler aux coudes des sentiers pierreux. (Rêverie par les fromages !) »

« Alors, commençaient les puanteurs (quel déroulement superbe !) : les monts-d'or, jaune clair, puant une odeur douceâtre ; les Troyes très épais, meurtris sur les bords, d'âpreté plus forte, ajoutant une fétidité de cave humide ; les camembert, d'un fumet de gibier trop faisandé ; les neufchâtel, les Limbourg, les marolles, les pont-l'évèque, carrés, mettant chacun leur note aiguë (la musique annoncée !)… »

Seulement, il faut bien pourtant que vous le sachiez ! C'est dans cette atmosphère de fromages épiques que se trame le complot contre l'Icarien de Cayenne, entre des commères qui veulent le livrer à la police. Toute la scène y est ; mais, moi, je ne veux vous exposer que ces fromages, qui deviennent terribles à leur tour autant que ces commères endiablées…

« Elles restaient debout… - Dit M. Zola dans le bouquet final des fromages… - C'était une cacophonie de souffles infects, depuis les lourdeurs molles des pâtes cuites, du gruyère et du hollande, jusqu'aux pointes alcalines de l'olivet. Il y avait des ronflements sourds du cantal, du chester, des fromages de chèvre, pareils à un large chant de basse (ô nez de Beethoven, pourquoi donc ne respire-tu plus ?…)
Cela s'étendait, se soutenait, au milieu du virement général, n'ayant plus de parfums distincts (il appelle cela des parfums !), d'un vertige continu de nausées et d'une force terrible d'asphyxie.
Et cependant, — ajoute-t-il, ce prodigieux peintre de fromages ! — il semblait que c'étaient les paroles mauvaises de Mme Lecoeur et de Mlle Saget qui puaient si fort ! »

C'est ainsi qu'il mêle le drame aux fromages. Mais la frénésie puante de ces fromages, qui se mettent à puer avec cette furie d'infection, l'emporte sur la scène où ces coquines puent à leur tour, de leurs becs infects, sur l'innocence de l'Icarien.
(…)

(Barbey d'Aurevilly, des oeuvres et des hommes, le roman contemporain)
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» Troisième roman des Rougon-Macquart ,il n'intègre que de façon marginale les membres de la famille éponyme : Lisa Macquart, la charcutière ; et Claude Lantier. le principal personnage , écrasant , ce sont les Halles de Paris . l'intrigue humaine tourne autour de Florent , un sacré malchanceux , déporté par erreur,évadé , recasé mais pris dans une rivalité de femmes qui le fera replonger. C'est sociologiquement la lutte des « Gras » et des « Maigres et surtout pour l'auteur la possibilité dans des descriptions épiques de nourriture qui sont déjà un plaidoyer contre la société de consommation.
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