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sur 11970 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce midi, sur la plage au soleil (eh oui, ça a des avantages de vivre dans le sud) j'étais plongée pas dans la mer, mais dans cette nouvelle de Zweig. Plus que quelques pages, zut il fallait absolument que je parte, quand je reçois un message de mon fils disant qu'il a du retard. Chouette, me dis-je, je vais pouvoir finir ma partie. Quel lapsus révélateur, je voulais dire mon livre, évidemment. Je reconnais bien là le talent de Stephan Zweig pour nous immerger complètement dans son univers, même si je joue très peu aux échecs.

Parlons déjà de la forme. Je suis impressionnée par la façon dont l'auteur parvient en peu de pages à créer des univers. En une cinquantaine de pages à peine, il nous entraine du décor d'un paquebot reliant New-York à Buenos Aires au presbytère d'un pauvre village du Danube, puis dans une chambre du tristement célèbre Hôtel Metropole à Vienne. Chaque fois, je visualise parfaitement les scènes tant l'auteur excelle à nous les faire vivre. Ses mots sont parfaitement évocateurs et les images se forment dans ma tête.
Sur le fond, que rajouter après plus de 600 critiques sur ce sujet, dont quelques-unes m'ont décidée à découvrir cette nouvelle (Merci Paul (El_Camaleon_Barbudo), Chrystèle (Horde ducontrevent) et Nicola (nicolak) entre autres).
Il y est bien entendu question du nazisme, que l'auteur a fui, et dont il sera une victime dans les semaines qui suivront l'écriture de cette histoire, qui sera publié de façon posthume après le suicide de son auteur. Il y est bien sur question de la violence subie par les victimes de ce régime, violence qui reste terrible, inhumaine, même si dans ce cas, elle est seulement psychologique.
Il y est question aussi de l'addiction au jeu, et d'un homme qui pour échapper à la torture du néant, va devenir grâce à un petit livre dérobé dans la poche d'un imperméable accro à ce jeu, au point de mettre son équilibre intérieur en péril, qui échappera à son enfer pour risquer en une seule partie la rechute. Cet homme m'a rappelé un autre joueur compulsif rencontré dans « 24 heures de la vie d'une femme ».
Tout cela incarné dans des personnages qui acquièrent en peu de pages une profondeur que certains auteurs ont du mal à atteindre dans de gros pavés. La bêtise du champion, la fragilité de la victime des nazis, l'arrogance de ce riche américain qui pense que l'argent peut tout acheter, relatées avec beaucoup de finesse par le narrateur, témoin et acteur ce cette quasi tragédie.
Et dire que je pensais encore il y a quelques années que la nouvelle est un art mineur.

PS : Zweig pour une cinq centième : le hasard fait bien les choses, ou était-ce un rendez-vous :-)
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Quand du néant ne subsiste que la folie.
Quand le coeur ébène des hommes peut détruire l'âme.
Sur ce grand plateau dichromatique où le besoin d'espace vital devient oppressant, étouffant.

Où les cases qui te hantent sont semblables aux barreaux d'une prison de verre et d'ivoire,
Comme une ouverture factice sur la liberté, d'où l'on ne s'enfuit pas.

Tu pensais être solide comme un Roque, Monsieur B., mais ils sont parvenus à te briser.

Tu n'étais qu'un pion pour eux. Tour à Tour, ils se sont relayés pour te faire parler, t'on mis à nu, seul au milieu de cet océan de silence, sans repères, sans Défense.
Puis ils t'ont porté l'Attaque. Tu as essayé de les contrer, cherché à maintenir un coup d'avance sur eux, à les mettre en échec, pour ne pas craquer, pour ne pas t'enfoncer dans cette nuit noire et blanche, fiévreuse, schizophrène.

Es-tu devenu Fou, Monsieur B. ?

A ton réveil, c'est une Dame blanche qui t'apportera le salut...

Mais l'esprit est complexe. La torture intérieure y a fait son oeuvre.
Telle une graine semée dans un cheval de Troie et qui s'en échapperait.
Telles des termites qui rongeraient inexorablement le Cavalier de bois de ta mémoire.

Gagneras-tu cette partie, Monsieur B. ?
Deviendras-tu Roi à la place du Roi ?
Ou n'en seras-tu que son Fou ?


Un coup digne d'un Grand Maître, cette nouvelle ! Stefan Zweig nous conduit dans les méandres de l'esprit humain, avec force et élégance. Il nous parle de la torture psychologique jusqu'à la folie, où un moi blanc et un moi noir s'affrontent sur ces soixante-quatre petites cases exiguës, détruisant peu à peu cette architecture complexe de l'âme.

Un coup digne d'un Grand Maître, disais-je.
Sa dernière nouvelle, publiée à titre posthume.
Le Roi est mort. Vive le Roi !
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Imaginez une rencontre improbable, sur les hauteurs de la ville brésilienne de Petropolis, entre un génie de la peinture et un homme de lettres. Imaginez Léonard de Vinci et Stefan Zweig dans une même pièce, l'un préparant sa palette de couleurs tandis que l'autre rédigeant sa lettre testament, assis à son bureau. L'écrivain autrichien aurait relevé la tête, le regard vidé par la violence du monde, reposant définitivement son stylo. Un imperceptible rictus nerveux serait apparut sur ses lèvres et c'est cet instant précis que Leonardo aurait choisi pour tirer l'ultime portrait de Stefan Zweig. On y verrait un homme au bout de sa vie ainsi qu'un manuscrit intitulé le joueur d'échecs sur le coin d'une table. Des années plus tard, le tableau aurait trouvé acquéreur chez Christie's pour la modique somme d'un milliard d'euros.

Dois-je confirmer par ces quelques-mots que cette ébauche d'histoire n'est que pure invention de ma part ? En revanche, le joueur d'échecs est une nouvelle bien réelle qui a marqué le XXème siècle de son empreinte. Elle est considérée comme l'un des écrits majeurs de Stefan Zweig. Comme à l'accoutumé, je vous propose ici une analyse personnelle, un peu en dehors des sentiers battus, d'un livre qui est considéré pour beaucoup comme un chef-d'oeuvre de la littérature mondiale.

L'histoire est connue, le narrateur se retrouve sur un paquebot reliant New-York à Buenos Aires. Il assistera au match improbable, mais au sommet, entre un champion du monde d'échecs et un illustre inconnu ayant connu la montée du nazisme. Ce dernier aura passé une partie de sa vie entre quatre murs à la merci des interrogatoires psychologiquement destructeurs de la Gestapo. La seule lueur viendra d'un livre dérobé à un officier. L'objet de ce livre ? Les plus grandes parties d'échecs de l'Histoire.

Avec ce thème, Stefan Zweig fait un clin d'oeil au roman le joueur de Dostoïevski. Un auteur qu'il connaît sur le bout des doigts puisqu'il l'a étudié au point d'en faire une biographie. Même si les contextes et les parcours des personnages des deux livres prennent des directions opposées, on y trouve des similitudes dans le rapport au jeu. Cette surexcitation à fleur de peau qui rend le jeu obsessionnel, abolissant toute réalité environnante. Ainsi, comment ne pas penser à Alexeï Ivanovitch (le joueur de Dostoïevski) quand l'auteur autrichien écrit:

“En tout cas, McConnor était méconnaissable. le visage écarlate jusqu'à la racine des cheveux, les narines dilatées comme sous forte pression, il transpirait visiblement, et depuis ses lèvres serrées un pli coupait en deux son menton tendu en avant, l'air agressif. Je reconnus avec inquiétude dans ses yeux l'éclair de la passion incontrôlée qui d'ordinaire ne s'empare que des joueurs à la roulette, quand pour la sixième ou septième fois ils ont doublé leur mise et ne voient pas sortir la bonne couleur. En cette minute, je compris que dans son délire d'arrogance il allait vouloir jouer, jouer, jouer encore et encore contre Czentovic, en simple ou en double, dût-il y laisser toute sa fortune.”

Outre ce clin d'oeil, Zweig a mis en place une architecture narrative qui prend sa place dans un huis-clos généralisé. Tout d'abord, en faisant démarrer son récit sur un paquebot, l'écrivain réduit la taille du monde à celle d'un bateau. Cette astuce littéraire permet au lecteur d'être embarqué, d'emblée, dans un endroit aux contours nettement définis et de se voir mêlé à l'histoire comme si il était un des passagers.

De manière progressive, le huis-clos continue de se refermer jusqu'à la table où se déroule une partie d'échecs, on ne distingue plus que le narrateur, Czentovic, McConnor et M.B. Tel un effet de zoom progressif, ce mécanisme permet aux quatre personnages d'être dépeints de manière subtile tout en les différenciant avec force.

Enfin, le sentiment d'être le témoin privilégié d'une scène trouve son paroxysme quand M.B. décrit comment il vécu avec … lui-même, enfermé dans une chambre, surveillé jour et nuit par les nazis. Grâce à cette technique du huis-clos, Zweig donne une place de choix aux lecteurs: celle d'être au plus proche de l'action.

Au niveau des personnages, Czentovic, le champion du monde d'échecs, a une psychologie ambivalente. D'un côté du fil tendu par Zweig, il est un maître dans l'art des échecs, activité cérébrale au demeurant, et au bout de l'autre extrémité il se révèle être un personnage arriéré et lourdaud. Cette profonde dichotomie donne une place spéciale au personnage de Czentovic. Un champion bête ou plutôt une bête championne:

“Car à la seconde où il se levait de l'échiquier, devant lequel il était un incomparable maître, Czentovic devenait inéluctablement un personnage grotesque et presque risible ; malgré son cérémonieux costume noir, sa splendide cravate piquée d'un perle un peu trop voyante et ses doigts manucurés à grand-peine, il restait par ses attitudes et son comportement un fils de paysan borné qui autrefois, dans son village, balayait la salle, chez le curé. Malhabile, mais avec une brutalité presque impudente, plein d'une avidité mesquine et souvent même odieudse, il s'appliquait à tirer tout l'argent possible de son talent et de sa gloire, ce qui déclenchait ricanements et fureur chez ses confrères aux échecs.”

Le personnage de Czentovic n'est pas le seul à voir son caractère fendu en deux parties distinctes. A un autre degré de lecture celui de M.B. possède aussi deux aspects diamétralement opposés. Côté face nous avons l'homme rationnel qui revient avec précision sur sa malheureuse détention par les nazis. Côté pile, il est cet homme sombrant dans la folie, qui n'arrive plus à distinguer la réalité environnante.

Une des explications quant aux caractéristiques psychologiques de ces deux personnage est peut-être à chercher du côté de Freud. Et ce n'est pas peu dire d'y faire référence puisque Stefan Zweig avait comme ami un certain Sigmund Freud. Il est donc possible que les théories du psychanalyste aient influencé Zweig lors de la création de ces personnages? J'en veux pour preuve, l'extrait suivant qui semble être une allégorie de la topique freudienne du ça, du moi et du surmoi:

“Mais à partir du moment où j'essayais de jouer contre moi-même, je commençai à me lancer inconsciemment des défis. Chacun de mes deux moi, celui des blancs et celui des noirs voulait surpasser l'autre, et il se laissait chaque fois envahir par une ambition et une impatience de vaincre, de gagner ; après chaque coup, mon moi noir attendait fébrilement de voir ce qu'allait faire mon moi blanc. Chacun de mes deux moi triomphait quand l'autre commettait une erreur, et en même temps il se reprochait amèrement sa propre maladresse.”

En conclusion, le joueur d'échecs est une nouvelle d'une précision chirurgicale tout en évitant l'écueil des détails parasites. Stefan Zweig utilise à merveille son style direct et contemporain pour nous emporter dans l'histoire de ses personnages. Au fil des pages, on peut y lire, en filigrane, le propre vécu de l'écrivain autrichien. Enfin, La puissance du récit tient aussi dans l'universalité de son propos. le nazisme dont il est question ici pourrait être remplacé par n'importe quelle puissance qui utiliserait la pression psychologique pour asservir une personne.

C'est peut-être cette sombre perspective qui poussa définitivement Zweig, l'humaniste, vers le suicide, un 22 février 1942. Soit quelques-mois à peine après la rédaction de cette nouvelle.
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Le Joueur d'échecs est un roman court.
Sa forme brève, presque de la dimension d'une nouvelle, s'expliquerait-elle par une sorte d'empressement, d'impatience de son auteur, Stefan Zweig, comme s'il lui fallait brusquement se dépêcher d'écrire à l'approche du grand malheur du monde ?
Pourtant il est des textes de quelques dizaines de pages qui peuvent être bien plus intenses dans le poids des phrases, dans la révélation des sens, dans la profondeur abyssale des émotions, qu'un pavé de plusieurs centaines de pages... Stefan Zweig est un orfèvre en la matière.
Le texte comporte précisément cinquante pages dans l'édition de la Pochothèque, recueil de romans et de nouvelles que j'ai acheté un jour à un étal de livres d'occasion sur un marché de la Rochelle, livre respectant l'ordre chronologique, d'ailleurs le Joueur d'échecs en est le dernier texte, et pour cause...
Le narrateur nous confie un récit de voyage, nous montons à bord d'un paquebot qui relie New-York à Buenos Aire, douze jours de navigation seront nécessaires pour relier les deux ports. Douze jours pour toucher des doigts l'océan éperdu, le vide et l'ennui, peut-être plus tard l'abîme et le désastre de l'humanité.
Un passager pas comme les autres est présent, Mirko Czentovic, champion mondial du jeu d'échecs...
Dès les premières pages, j'ai retrouvé avec jubilation ce procédé narratif cher à Stefan Zweig, déjà magnifiquement mis en oeuvre dans Vingt-quatre heures de la vie d'une femme... et je crois me rappeler aussi dans Amok ou le fou de Malaisie, où d'ailleurs il était question là encore d'une confidence, un secret révélé comme quelque chose d'essentiel par un passager à un narrateur sur le pont-promenade d'un paquebot.
Voici tout l'art en subtilité de Stefan Zweig qui nous amène ici au bord de l'enfance de ce Mirko Czentovic, découvrir son histoire, somme toute originale pour ne pas dire touchante, un enfant orphelin fils d'un batelier du Danube, solitaire, mutique, cancre à l'école, recueilli par un curé amateur de parties d'échecs... Ce personnage, qui embarque parmi les autres passagers et que des journalistes bombardent de leurs flashs au moment de l'embarquement, ne manque pas en effet de contrastes : le jeune champion déjà célèbre est certes doué dans sa discipline, mais totalement stupide, borné, rustre, arrogant... En bref, il a tout pour plaire !
Mais est-ce vraiment là que l'auteur veut nous amener... ? Un pas de côté en forme de longue digression et nous voici brusquement saisi au col, entraîné dans les méandres d'une autre histoire bien plus poignante et vertigineuse... Un autre personnage s'invite dans le récit contre toute attente...
Cet homme raconte alors son histoire, sa vie d'avant, son arrestation à Vienne au moment de l'annexion de l'Autriche par Hitler, la Gestapo, l'enfermement dans une chambre dépouillée de tout, le vide et l'ennui comme une torture supplémentaire, un geste furtif inouï lorsqu'il vole un jour un manuel de pratique des échecs dans la veste d'un officier nazi, le couvre-lit dont les images brodées invitent brusquement au territoire d'un échiquier... La suite de son histoire, ce sera son esprit qui s'en emparera.
Livre en trompe-l'oeil, que faut-il voir dans le Joueur d'échecs ? Un simple huis-clos de la taille du pont-promenade d'un paquebot, ou bien quelque chose de plus vaste, quelque chose qui prendrait l'allure d'un échiquier, soixante-quatre cases, préfiguration d'un monde en lutte, déjà prêt à être emporté dans la barbarie ? Ou bien alors, quelque chose de plus vaste encore qui convoquerait trente-deux personnages supplémentaires en quête d'histoire sur le pont de cet échiquier - pardon de ce paquebot, ou peut-être simplement dans l'esprit d'un homme captif, prêt à tout jusqu'à la folie pour fuir ses geôliers nazis ? Tente-deux personnages, des pions, des cavaliers, des tours, tiens il y a même des fous... Cela fait tout d'un coup beaucoup de monde pour un seul huis-clos... Ou pour un seul cerveau...
Il y a quelque chose dans ce récit qui ne délivre pas immédiatement son sens et je me suis laissé prendre à ce suspense envoûtant... L'art de Stefan Zweig, c'est l'art du mystère et du rebond.
De simples parties d'échecs pour tuer le temps durant ces douze jours de navigation... et voilà que se dessine peu à peu l'allégorie d'une effroyable barbarie en marche...
Derrière ce drame poignant, comment ne pas penser alors à la propre histoire douloureuse de Stefan Zweig ? Elle ressemble à la silhouette d'un personnage qui se retirerait avant la fin d'une partie d'échecs, la fin d'une partie dans laquelle celui-ci n'a plus la force d'avancer ses dernières pièces, se retire alors du jeu comme pour sauver son âme à défaut de sauver sa peau, annonce peut-être déjà comme un mauvais présage à venir, une prémonition...
Récit actuel, auteur actuel...
Comme je comprends le nombre de lecteurs, et de jeunes notamment, qui sont aujourd'hui plus que jamais tentés par l'oeuvre de ce très grand auteur qu'est Stefan Zweig ! On peut lire le Joueur d'échecs en se détachant du contexte historique de l'époque, on peut lire ce texte aussi avec nos yeux ahuris qui contemplent notre époque, là où parfois encore des tacticiens éprouvés dans leur art, réussissent dans leur dessein - parfois peu scrupuleux - en dépit d'une personnalité stupide, cupide, inculte... tandis que le monde continue de vouloir broyer les rêves des enfants rebelles...
Ah ! Je rêve d'un monde meilleur, à défaut qu'il soit idéal, où nous pourrions anticiper des douzaines de coups à l'avance le malheur qui aurait l'arrogance de venir s'abattre sur ce reste d'humanité fragile.
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Ça y est, je me suis enfin décidée à lire ce Joueur d'échecs qui m'a tant été vanté, mais dont je redoutais la centaine de pages que j'imaginais trop ardues à lire pour moi. Il faut dire que les échecs et moi... en gros, je n'y connais absolument rien, hormis le nom des pièces, reine, roi, tour, fou, il y a un cheval aussi, je crois (oups, c'est un cavalier, me susurre Éric), qui se déplacent selon certaines règles qui me sont complètement inconnues, selon leur "grade". Bref, ce n'est pas demain que je vais essayer d'y jouer. Ce qui n'a en rien dérangé ma lecture, donc si vous êtes comme moi, que cela ne vous pose aucun problème.
Hier soir donc, j'ouvre mon ebook et ça démarre par une préface écrite par une gentille dame qui explique plein de trucs qui ne m'intéressent pas. Mais ladite préface n'avait rien à voir avec le récit de Zweig, donc tout à l'heure en début de soirée, à l'abri des regards indiscrets et même pas honteuse, paf, je saute la préface pour m'attaquer directement à la nouvelle proprement dite, m'apprêtant à en lire un passage... et là, le choc ! Je n'ai pas pu reposer ma liseuse avant d'avoir terminé le livre.
Cette nouvelle est donc le tout dernier écrit de l'auteur avant son décès et elle a été publiée à titre posthume. Stefan Zweig nous raconte l'histoire de Czentowic, un peu l'idiot du village qui n'a jamais pu apprendre à lire ni à écrire, pas vraiment sociable, un peu rejeté de tout le monde. J'aurais tendance à penser qu'en fait c'était un génie, peut-être autiste, mais à l'époque n'est-ce pas, quand on ne servait à rien on était vite catalogué. Maintenant aussi du reste, mais là n'est pas la question. Et donc, ce gamin observait des parties d'échecs se déroulant devant ses yeux et il s'est avéré qu'il était plus que fort dans ce domaine. Au point qu'il est devenu champion du monde.
Lors d'un voyage sur un paquebot, des passagers, dont le narrateur, se mettent à jouer un peu aux échecs, le champion passe à côté d'eux et les snobe.
Le narrateur apprend à un type imbuvable, mais riche, qu'il s'agit du champion du monde d'échecs. Ni une ni deux, le type friqué, blessé dans son ego, veut absolument disputer une partie avec Czentowic. Celui-ci refuse dans un premier temps, mais le nabab ne saurait admettre qu'on lui résiste. Il lui propose alors une forte somme d'argent, et le champion finit par accepter.
Lors de l'une des parties disputées, un inconnu survient, jette l'oeil sur l'échiquier et dit aux "amateurs" quels coups jouer pour remporter la partie en 8 coups... et effectivement, le champion est mis à mal.
Il veut sa revanche, mais l'inconnu a disparu. Notre narrateur le retrouve sur le pont, et monsieur B. lui raconte comment au cours de la Seconde Guerre mondiale, capturé et emprisonné par les nazis, il a été amené à se mettre à jouer aux échecs.. Sauf qu'il ignore même s'il sait effectivement jouer...
C'est là que j'arrête de vous raconter l'histoire, parce qu'il faut que vous la lisiez. C'est une nouvelle psychologiquement très forte, qui montre comment notre cerveau dispose de capacités aussi bien de s'adapter que de se détruire. Comment on peut être torturé sans même être touché. À quel point l'enfermement et la solitude peuvent nous amener à dériver d'une manière qu'on n'imaginerait peut-être même pas.
Un récit magistral sur lequel j'ai bien du mal à mettre des mots mais qui m'a vraiment bouleversée. Je lirai probablement d'autres livres de cet auteur parce que vraiment, quel génie !
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Le joueur d'échecs est le dernier récit écrit par Stefan Zweig.

Au-delà du face-à-face haletant pour une partie d'échecs, Zweig semble régler ses comptes avec ses propres démons, tout en méditant sur sa situation d'exilés et sur la monstruosité nazie qui a réduit à néant son idéal humaniste, pendant que ses ouvrages étaient détruits dans sa chère Vienne natale.

Voici une histoire aussi brève que bouleversante, car c'est comme un requiem où l'échiquier devient le miroir d'un monde dans lequel le monde a perdu la partie,  face à la barbarie.
Lien : http://justelire.fr/le-joueu..
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C'est à travers les histoires de 2 joueurs d'échec que Stefan Zweig déroule cette petite nouvelle savoureuse.
Deux hommes que tout oppose en dehors de leur brio sur l'échiquier vont finir par s'affronter.
C'est là que Zweig déployant son talent de conteur va nous tenir en haleine pendant toute l'histoire.
Les portraits des joueurs sont très intéressants, très bien construits et tout en opposition quant à la caractérisation morale, l'un est rude, vaniteux, taciturne, cupide, s'enorgueillit de ses réussites tandis que l'autre est tout en finesse, en modestie, délicatesse et vélocité d'esprit.
Alors qui sera le vainqueur ? Qui sera le joueur d'échec éponyme dans cette guerre des nerfs ?
Ils s'affrontent dans une partie qui nous tient en haleine, l'enjeu va bien au-delà du jeu d'échec et des talents respectifs. le suspense et la tension psychologique montent crescendo au fur et à mesure de la lecture jusqu'à la révélation finale.
C'est aussi une fois de plus pour Zweig de fouiller dans les tréfonds de l'âme humaine, ils sondent plus les souffrances psychiques et les difficultés que l'intelligence et les stratégies même si elles son t d'un grand secours et présentes dans cette histoire.
La ténacité, la pugnacité, la volonté le dépassement de soi dans des situations extrêmes, comment puiser au fond de soi pour se sortir de situations inextricables, comment échapper à la folie des hommes et ne pas devenir fou à son tour ?
Outre les états intérieurs, le narrateur s'ingénie à observer les émotions qui sont à fleur de peau, les tremblements comme dans la confusion des sentiments, les jeux de mains fébriles comme dans vingt-quatre heures de la vie d'une femme trahissant l'indicible.
Ce livre est aussi pour l'auteur, à travers l'un des personnages une occasion de dénoncer les persécutions et les violences psychologiques perpétrées par les nazis sur une certaine frange de la population tout en rendant cette partie de l'histoire extrêmement intéressante, on s'accroche au récit sans le lâcher.
C'est aussi une analyse de naissance de vocations dans des conditions étranges.
C'est à nouveau, à mon avis, comme pour beaucoup d'autres récits de Zweig, un livre remarquable.

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Sur un bateau en partance de New York, un champion du monde d'échecs pense avoir une traversée tranquille jusqu'au Brésil où il doit se rendre pour un championnat. Mais deux hommes, joueurs amateurs, le reconnaisse et sollicitent une joute moyennant contribution monétaire. le match s'organise. Et les amateurs perdent, et perdent encore. Jusqu'à un match, où un homme, discret, timide, vient leur souffler à l'oreille un coup à jouer pour faire match nul. Il n'en fallait pas plus que cette phrase à voix basse pour attiser la curiosité du narrateur. Qui est cet homme mystérieux qui met le trouble dans l'esprit du champion ?
Un monologue s'installe alors… L'homme raconte les horreurs du nazisme, en marge des camps de concentration ; une histoire de violence psychologique insoutenable. L'homme fût arrêté et confiné dans une chambre d'hôtel, isolé, coupé du monde, seul avec son esprit, sollicité par rien d'autre que le néant, le vide. Les échecs lui sauveront la vie. Zweig nous livre alors, avec philosophie et métaphore, le combat du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres, de l'Homme sur l'horreur. Une écriture sensible, à fleur de peau. Une lecture qui dérange, mais qui fait du bien. Un court récit, mais dense à souhait, plein de constats et d'humanité. J'ai adoré ma première lecture à vie de Zweig et je ne peux que me dire que cet homme est un grand homme de lettres !
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Glaçant.... C'est l'adjectif qui me vient à l'esprit pour qualifier ce court roman de S. Zweig.
Ce grand auteur étant dans la liste du Challenge Solidaire, je n'ai pas hésité, j'avais bcp aimé "Destruction d'un coeur" mais n'avais jamais lu ce "Joueur d'échecs".
Très court roman sur la folie ou plutôt comment y échapper, quand prisonnier des nazis, le héros est soumis à une torture mentale. Il découvre un livre sur les plus grandes parties d'échecs.... Jouer aux échecs pour échapper à la folie.... au risque de voir les échecs mener à la folie....

Ce livre est d'autant plus glaçant qu'il sera édité après le suicide de l'auteur en 1942. Roman du pessimisme, qui voit et subit la victoire nazie (car si le joueur d'échecs a pu s'échapper il paie le prix de cette torture, tjrs à la limite de la folie).

Challenge solidaire 2020
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Quel art de la concision dans ce bref récit de cent dix pages !
Stefan Zweig s'y révèle un maître !

le narrateur navigue sur un paquebot à destination de Buenos Aires, une célébrité fait aussi partie du voyage, Czentovic, champion du monde des échecs, un homme inculte et désagréable.
Nous le verrons se faire défier par un passager et le battre facilement. Arrivera cependant un compatriote du narrateur, l'Autrichien Monsieur B. qui arrivera à lui tenir tête…

Tout se passe durant la seconde guerre mondiale, Hitler a pris le pouvoir et son emprise sur ses opposants est grande. Monsieur B. en fut victime..

Nous découvrons dans ce livre de nombreux aspects, un portrait psychologique surprenant des personnages principaux, la monomanie et la froideur de Czenkovic, la suffisance et l'arrogance d'un ingénieur écossais, et enfin Monsieur B,, qui a trouvé dans les échecs un exutoire à son enfermement mais qui le mène à la folie.

Il m'est difficile de ne pas croire à une allégorie sur l'époque nazie. Hitler n'était-il pas semblable à Czencovic ?
Mais quoiqu'il en soit, le récit peut s'apprécier sans en chercher les sous-entendus tant la description psychologique est profonde.

C'est un livre qui m'a marqué, que j'avais lu il y a longtemps sans jamais l'oublier, et que je viens de relire avec la même passion.

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