Le voyage dans le passé

Un coup d'aile l'avait sorti des profondeurs jusqu'à la sphère étincelante de la satisfaction: son sang grondait encore d'une ascension si brusque, pendant un moment il eut besoin de fermer les yeux. Il les ferma, comme on prend une profonde respiration, seul, pour être tout à soi-même, pour jouir plus exclusivement, plus puissamment de son moi intérieur. (p.34-35)

Il se sentait à nouveau minable, méprisé, vaincu par le poids de ce monde de l'argent plein de morgue et d'ostentation, larbin, valet, pique-assiette, meuble humain qu'on vend et qu'on prête, comme dérobé à lui-même. (p.22)

Cependant, l’amour devient vraiment lui –même qu’à partir du moment où il cesse de flotter, douloureux et sombre, comme un embryon, à l’intérieur du corps, et qu’il ose se nommer, s’avouer du souffle et des lèvres. Un tel sentiment a tant de mal à sortir de sa chrysalide, qu’une heure défait toujours d’un coup le cocon emmêlé et qu’ensuite, tombant de tout on haut dans les plus profonds abîmes, il s’abat, avec une force décuplée, sur un cœur terrorisé

p.27:"Le Faust de Rembrandt"
A voir ici:
http://expositions.bnf.fr/rembrandt/grand/093.htm

p.100:Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres cherchent le passé.

Citation fausse du "Colloque sentimental" de Verlaine qui dit en fait:

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.


Tout le poème ici:

http://poesie.webnet.fr/poemes/France/verlaine/10.html

Elevé dans la pauvreté, pénétrant pour la première fois chez elle, ces mots décrivent le luxe de la demeure ’’des portes sculptées aux lourdes poignées de bronzes, qui, à l’évidence, n’étaient pas faites pour être ouverte par sa main’’

Et dans un frisson, il perçut soudain, effrayé, le sens de cette révélation ; ces paroles étaient prémonitoires : n'étaient-ils pas eux mêmes ces ombres qui cherchaient leur passé et adressaient de sourdes questions à un autrefois qui n'existait plus, des ombres, des ombres qui voulaient devenir vivantes et n'y parvenaient plus, car ni elle ni lui n'étaient plus les mêmes et ils se cherchaient pourtant, en vain, se fuyant et s'immobilisant, efforts sans consistance et sans vigueur, comme ces noirs fantômes, devant eux ?

Et, tout comme il l'avait pressenti, comme il l'avait redouté, elle se tenait pétrifiée dans son cache-poussière gris, les bras ballants, comme cassés, au milieu de la pièce, comme une chose qui n'avait rien à faire ici et que seul un violent hasard, une méprise, avait conduite dans cette pièce répugnante. Elle avait ôté ses gants, manifestement pour les poser, mais il n'y avait aucun endroit de cette chambre où cela ne la dégoûtât pas de le faire : aussi se balançaient-ils, écorces vides, dans ses mains.
Ses yeux étaient figés, comme derrière un voile : au moment où il se retourna, un flot de larmes s'en échappa. Il comprit.
"Et si" - Sa voix trébucha, son souffle avait été trop longtemps réprimé - "et si nous allions nous promener encore un peu? ... On étouffe ici !". "Oui... oui." Le mot jaillit d'elle comme une délivrance - dénouement de cette angoisse.

«  Je n’avais pas le droit de le faire ici, pas dans ma maison, dans la sienne. Mais, lorsque tu reviendras, quand tu le voudras. « 

Ils ne croisaient personne, seules leurs ombres glissaient en silence devant eux. Et chaque fois qu'un réverbère éclairait leurs silhouettes à l'oblique, leurs ombres se mêlaient, comme si elles s'embrassaient ; elles s'allongeaient, comme aspirées l'une vers l'autre, deux corps formant une même silhouette, se détachaient encore, pour s'étreindre à nouveau, tandis qu'eux-mêmes marchaient, las et distants.