Il ne se lassait pas d'embrasser ce qu'il pouvait saisir de sa présence.
Et il avait le sang encore si obéissant, si assujetti au respect de la bien-aimée si longtemps sanctifiée, qu'il réprima encore une fois ses sens déjà en ébullition et s'écarta d'elle, qui, titubante, se levait en lui cachant son visage. Il resta frémissant et en lutte avec lui-même, contrarié comme elle et si visiblement soumis à la tristesse de sa déception qu'elle sentit à quel point sa tendresse mal récompensée souffrait à cause d'elle. Alors elle s'approcha de lui, de nouveau pleinement maîtresse de ses sentiments, et le consola à voix basse : "Je n'avais pas le droit de le faire ici, pas dans ma maison, dans la sienne. Mais, lorsque tu reviendras, quand tu le voudras."
En vieillissant,on cherche sa propre jeunesse et on éprouve des joies stupides à partir de petits souvenirs.
Temps impuissant,se dit-il,impuissance du temps face à nos sentiments:cela fait neuf ans et pas une inflexion de sa voix n'a changé,pas un nerf de mon corps ne l'écoute différemment.Rien n'est perdu,rien n'est révolu,sa présence est,comme autrefois,un tendre ravissement.
Cependant l'amour ne devient vraiment lui-même qu'à partir du moment où il cesse de flotter,douloureux et sombre, comme un embryon, à l'intérieur du corps,et qu'il ose se nommer,s'avouer du souffle et des lèvres.
Ce n'est pas lui qui l'avait attirée à lui, ni elle à elle, ils étaient tombés dans les bras l'un de l'autre, comme emportés ensemble par une tempête, l'un avec l'autre, l'un dans l'autre plongeant dans un inconnu sans fond, dans lequel sombrer était un évanouissement à la fois suave et brûlant.
Elle irradiait depuis une autre sphère où le désir n'était pas de mise, pure et immaculée, et même le plus passionné de ses rêves n'avait pas la hardiesse de la dévêtir. Troublé comme un enfant, il s'attachait au parfum de sa présence, jouissant de chacun de ses mouvements comme d'une musique, heureux de la confiance qu'elle lui témoignait et constamment effrayé à l'idée de trahir si peu que ce fût quelque chose du sentiment excessif qui l'agitait.
Mais son corps immobile n’avança pas d'un pas, il ne se lassait pas de la contempler sans croire à sa présence.
J'ai été déchiré à l'idée que nous pourrions encore une fois nous manquer.
C'était une sorte de veillée nuptiale, suave et sensuelle et à laquelle pourtant se mêlaient aussi obscurément l'angoisse de l'accomplissement, ce frisson mystique qui vous prend, quand, soudain, ce à quoi on infiniment aspiré devient palpable, s'approche d'un cœur qui n'ose y croire. (p.82-83)