Citations sur Le voyage dans le passé (117)
Cependant l’amour ne devient vraiment lui-même qu’à partir du moment où il cesse de flotter, douloureux et sombre, comme un embryon, à l’intérieur du corps, et qu’il ose se nommer, s’avouer du souffle et des lèvres. Un tel sentiment a tant de mal à sortir de sa chrysalide qu’une heure défait toujours d’un coup le cocon emmêlé et qu’ensuite, tombant de tout son haut dans les profonds abîmes il s’abat, avec une force décuplée, sur un coeur terrorisé. C’est ce qui se produisit, assez tard, plus d’un an après son installation dans cette maison
Dès leur première rencontre, il l’avait aimée, mais ce sentiment, qui le submergeait jusque dans ses rêves, avait beau être une passion absolue, il lui manquait néanmoins l’évènement décisif qui viendrait l’ébranler, c’est-à-dire la claire prise de conscience que ce qu’il recouvrait, se dupant lui-même, du nom d’admiration, de respect et d’attachement, était déjà pleinement de l’amour, un amour fanatique, une passion effrénée, absolue.
Elle était là, enfin, la porte, comme arrachée par une explosion, qui devait l'affranchir de la pauvreté où il croupissait, du monde sans lumière de la servitude et de l'obéissance, de l’éternelle échine courbée de l'homme contraint d'agir et de penser avec modestie.
dans son bureau, sa compétence faisait oublier la plaie à vif de sa jeunesse salie, gâchée par la pauvreté et les aumônes : non, aucun salaire au monde ne le ferait renoncer à cette poignée de liberté, ce jardin secret de sa vie.
Le train se mit en branle en cahotant. Le cliquetis des roues étouffait la conversation avocassière et la réduisait à un simple bruit de fond. Mais, ensuite, heurts et à-coups se muèrent peu à peu en un balancement régulier, le berceau d'acier tanguait, incitant à la rêverie.
....ces instants clandestins où ils s'embrassaient, s'enlaçaient en frémissant entre des portes mi-closes, ces instants angoissants, se mirent, comme des Bacchanales, à déborder de plaisir et d'angoisse mêlés.
Inconsciemment, il dut lâcher un gémissement puisqu'elle se retourna : "Qu'as-tu Ludwig ? A quoi penses-tu ?"
Mais il éluda : " Rien ! Rien !" Puis il s'abîma plus profondément encore en lui-même, dans le passé, afin d'entendre si cette voix prémonitoire de son souvenir ne voulait pas lui parler et, une fois encore, lui révéler le présent, grâce au passé.
Elle irradiait depuis une autre sphère où le désir n'était pas de mise, pure et immaculée, et même le plus passionné de ses rêves n'avait pas la hardiesse de la dévêtir.
Dès leur première rencontre, il l’avait aimée, mais ce sentiment, qui le submergeait jusque dans ses rêves, avait beau être une passion absolue, il lui manquait néanmoins l’événement décisif qui viendrait l’ébranler, c'est-à-dire la claire prise de conscience que ce qu’il recouvrait, se dupant lui-même, du nom d’admiration, de respect et d’attachement, était déjà pleinement de l’amour, un amour fanatique, une passion effrénée, absolue.
Et chaque fois qu'un réverbère éclairait leurs silhouettes à l'oblique, leurs ombres se mêlaient, comme si elles s'embrassaient ; elles s'allongeaient, comme aspirées l'une vers l'autre, deux corps formant une même silhouette, se détachaient encore, pour s'étreindre à nouveau, tandis qu'eux-mêmes marchaient, las et distants.