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Citations sur Le voyage dans le passé (117)

« Et il sut tout d’un coup que tout ce bavardage placide n’était qu’un mensonge, qu’il y avait encore dans leur relation quelque chose de réfréné et d’irrésolu et que toute cette amitié n’était qu’un masque plaqué sur un visage nerveux, changeant, troublé par l’inquiétude et la passion. » (Page 58)
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« Tout était dit avec simplicité, sans aucune outrance ostentatoire, sans aucun attendrissement sentimental, tout le passé semblait purement et simplement dissous, se perpétuant sous la forme de la sympathie ; La passion semblait placée sous l’éclairage d’une pure amitié » (Page 52)
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Ils sortirent de la gare, mais à peine passée la porte, un grondement les assaillit scandé par des tambours, traversé de sifflements stridents, vacarme imposant, retentissant - une manifestation patriotique d’associations d’anciens combattants et d’étudiants. Mur mouvant orné de drapeaux, se succédant par rangées de quatre, des hommes à l’allure militaire marchaient au pas de parade, en cadence, comme un seul homme, la nuque raide, rejetée en arrière - résolution violente- la bouche grande ouverte, pour chanter, une voix, un pas, une cadence. Aux premiers rangs, des généraux, sommités chenues, couverts de décorations, flanqués d’une organisation de jeunesse, portaient à la verticale, avec une raideur athlétique, des drapeaux gigantesques, têtes de morts, croix gammées, vieilles bannières de l’Empire, flottant au vent, ils bombaient le torse, le front rejeté en avant, comme s’ils avançaient à la rencontre de batteries ennemies. [...] « Folie » balbutia-t-il à part lui, stupéfait, pris de vertige. Que veulent-ils ? Une fois de plus, une fois de plus
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Ces lettres étaient devenues l'eau et le pain du solitaire. Tout à sa passion, il les prenait avec lui lors de ses voyages à travers les steppes et les montagnes ; il s'était fait coudre des poches à sa selle afin de les protéger des averses soudaines et de l'humidité des fleuves qu'il leur fallait traverser pendant les expéditions. Il les avait lues si souvent qu'il les connaissait par coeur, mot pour mot, ouvertes si souvent que les parties pliées étaient devenues transparentes et que certains mots avaient été effacés par les baisers et les larmes. Parfois, quand il était seul et savait qu'il n'y avait personne alentour, il les sortait, pour les prononcer mot à mot avec son intonation à elle et conjurer ainsi l'absence de celle qui était loin. Parfois il se levait soudain dans la nuit, lorsqu'un mot, une phrase, une formule de conclusion lui échappait, il allumait sa lampe pour les retrouver et, pénétrant sa graphie, reconstituer en songe l'image de sa main, et à partir de la main, le bras, l'épaule, la peau, toute sa silhouette transportée jusqu'à lui par-delà les terres et les mers. Et tel un bûcheron dans la forêt vierge, il s'attaqua avec une fureur et une force guerrières au temps qui, sauvage et encore menaçant, impénétrable, lui faisait face, déjà impatient de les voir apparaître, elle, la perspective du retour, les heures de voyage, cette perspective, mille fois imaginée, de leur première étreinte de retrouvailles.
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Et pourtant: alors qu’il s’imaginait encore n’en jamais pouvoir aimer qu’une, les rets de sa passion se défirent peu à peu en lui. Il n’est pas dans la nature humaine de vivre, solitaire, de souvenirs et, de même que les plantes, et tous les produits de la terre, ont besoin de la force nutritive du sol et de la lumière du ciel, qu’ils filtrent sans relâche, afin que leurs couleurs ne pâlissent pas et que leur corolle ne perde pas ses pétales en fanant, ainsi, les rêves eux-mêmes, même ceux qui semblent éthérés, doivent se nourrir un peu de sensualité, être soutenus par de la tendresse et des images, sans quoi leur sang se fige et leur luminosité pâlit. C’est ce qui arriva aussi à cet être passionné, sans qu’il s’en aperçût – quand les semaines, les mois et finalement une année, puis une deuxième, s’écoulèrent sans que lui parvinssent un mot, un signe d’elle; alors son image commença peu à peu à s’estomper. Chaque jour consumé dans le travail déposait quelques petites poussières de cendre sur son souvenir; il rougeoyait encore, comme des braises sous le gril, mais, finalement, la couche grise ne cessait de s’épaissir. Il lui arrivait encore d’exhumer ses lettres, mais leur avait pâli, leurs mots n’atteignaient plus son coeur, et un jour, il fut saisi d’effroi en voyant sa photographie, parce qu’il ne pouvait pas se rappeler la couleur de ses yeux. Et il ne recourait que de plus en plus rarement aux témoignages naguère si précieux, auxquels il prêtait une vie magique, déjà fatigué, sans le savoir, de son silence éternel, de cette discussion absurde avec une ombre qui ne lui donnait aucune réponse
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Et il sut à quel point, depuis des mois déjà, il était fou amoureux d'elle.
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lui, lui, aimé, et aimé d'elle, l'inaccessible - un azur infini s'étirait, zébré de lumière, zénith radieux de sa vie, qui pourtant se délita en éclats tranchants la seconde d'après. En effet, cette épiphanie était aussi un adieu.
Les dix jours qui précédaient le départ, tous deux les passèrent dans un état fanatique de fureur incessante et enivrante. L'explosion soudaine des sentiments qu'ils s'étaient avoués avait fait éclater dans un incroyable relâchement de pression toutes les digues et les inhibitions, toutes les bonnes moeurs et les précautions : à la manière d'animaux, bouillonnants et avides, ils tombaient dans les bras l'un de l'autre, lorsqu'ils se rencontraient dans un corridor sombre, derrière une porte, dans un coin, entre deux minutes volées .....
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Il n'est pas dans la nature humaine de vivre, solitaire, de souvenirs et, de même que les plantes, et tous les produits de la terre, ont besoin de la force nutritive du sol et de la lumière du ciel, qu'ils filtrent sans relâche, afin que leurs couleurs ne pâlissent pas et que leur corolle ne perde pas ses pétales en fanant, ainsi, les rêves eux-mêmes, même ceux qui semble éthérés, doivent se nourrir un peu de sensualité, être soutenus par de la tendresse et des images, sans quoi leur sang se fige et leur luminosité pâlit.
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Et cela éclata soudain,éclair déchirant l'obscurité du souvenir: c'était bien des paroles, un poème qu'un soir elle lui avait lu dans sa chambre.
Un poème, un poème en français, il en connaissait chaque mot et comme apportés par un vent brûlant, ils étaient là tout d'un coup sur ses lèvres, il entendit à une décennie de distance, prononcé par sa voix à elle, ces vers oubliés d'un poème étranger:
"Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres cherchent le passé"

Ces ombres elles étaient là, sur le chemin, les ombres qui avaient touché, réveillé les mots par elle prononcés, oui, mais bien plus encore.
Et dans un frisson, il perçut soudain, effrayé, le sens de cette révélation; ces paroles étaient prémonitoires: n'étaient-ils pas eux mêmes les ombres qui cherchaient le passé et adressaient de sourdes question à un autrefois qui n'existait plus car ni elle ni lui n'étaient plus les mêmes et ils se cherchaient, en vain, se fuyant et s'immobilisant efforts sans consistance et sans vigueur, comme les noirs fantômes devant eux ?
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Lorsqu’il arriva chez elle le lendemain matin, le trouble, l’agitation qui émanaient de lui, son regard fuyant, durent la frapper d’emblée, car la première parole qu’elle prononça fut confuse, et, par la suite, elle ne retrouva plus l’insouciant équilibre de sa conversation. Elle jaillissait, puis retombait, il y avait des pauses et des tensions qu’il fallait chasser dans un sursaut de violence.
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