Je t'ai toujours aimée. Sans toi, la terre n'est rien, les citrons n'ont pas d'odeur, la pluie ne mouille pas.
Quand ils entrèrent dans la maison, la pluie redoublait. Dolores les reçut, enveloppée dans une aura d’ambiguïté qui caractérisait aussi cette maison. Il n’était pas facile de savoir si cette femme était triste ou simplement lasse, si elle avait fumé ou si elle feignait de flotter dans sa bulle de musique, de lumières tamisées et de livres. Dans la cheminée, une bûche se consumait lentement, brûlant par intermittence, tels les battements d’un cœur en bois.
— La cheminée en juin ? s’étonna le vieil homme.
Elle haussa les épaules.
— Je ne l’ai pas allumée parce que j’avais froid.
Au milieu des braises, une demi-douzaine de mégots et un paquet de cigarettes froissé, et quelques pages que Dolores avait arrachées à un volume de La Montagne magique.
— Aujourd’hui, ces malades et ce sanatorium me sortent par les yeux ! dit-elle quand le vieillard, haussant un sourcil, lui demanda sans le formuler quelles étaient ces pages jetées au feu.
Elle avait une bonne réserve de classiques à brûler en fonction de ses états d’âme. Elle ouvrit une bouteille de blanc d’albariño et remplit deux verres. Daniel alla fureter dans la bibliothèque. Le vieil homme regarda son petit-fils du coin de l’œil, se tourna vers Dolores et leva son verre à mi-hauteur. Ils trinquèrent en silence, avec la pluie en bruit de fond.
L’eau trouve le chemin le plus simple pour franchir les obstacles”
Ses yeux gris auraient fait d’elle une actrice bouleversante. Le mérite n’est pas de naître avec de beaux yeux, mais de les assortir au visage et de leur offrir le regard adapté. Les yeux d’Ava Gardner n’avaient pas fait d’elle l’animal le plus beau de la terre parce qu’ils étaient verts ou avaient séduit Burt Lancaster dans Les Tueurs, mais parce que son regard avait mis le feu partout.
La plupart des gens ne sont guère plus que ce qu'ils paraissent..../ ... la triste réalité, c'est que nous sommes en général prévisibles et ennuyeux. Le plus souvent, les êtres humains sont décevants. ( p 120 )
— Il y a des caméras de surveillance ?
— On n’est pas dans une prison. Ici, les gens entrent et sortent sans complications.
L’enfer, c’est les autres.
JEAN-PAUL SARTRE,
On ne perçoit plus la subtilité des dialogues d’antan, l’érotisme véritable du regard de Miriam Hopkins, sa façon de se caresser les cheveux, de fumer. C’était une rébellion dans les règles, beaucoup plus subversive que tout ce qu’on veut faire passer maintenant pour moderne et qui n’est que vulgaire.
Il est difficile de trouver poétique ou esthétique ce monde écœurant.
Tout ce que je sais, c’est qu’il y a des venins qui vous détruisent très lentement, des désespoirs auxquels il est impossible d’échapper. (p. 170)
Paola se demanda si ce jeune homme pouvait maintenant comprendre l’amour, le désir, le coup de tête, la folie.
- Il y a des choses auxquelles on ne peut avoir accès par les mots. (p. 124)