J'ai lu les tribulations de Tanya sur les plateaux et sur les planches comme un roman feuilleton, décliné en une centaine de courts épisodes. Sa présence dans une bonne soixantaine de films sous la houlette et aux côtés des plus grandes et grands a souvent capté mon regard, j'ignore pourquoi.
Le titre de sa biographie m'a convaincu de renouer avec une ancienne connaissance disparue des écrans aux alentours de la soixantaine, vers l'an 2000, revenue sous les projecteurs dix ans plus tard.
Son enfance solitaire sème les germes d'un ardent désir d'être remarquée, elle que ses parents délaissent, trop occupés à mener la grande vie dès que son père pénètre le gotha d'Hollywood.
Tanya chassera longtemps un grand rôle insaisissable au cinéma, trouvera son bonheur au théâtre en jouant et en montant des pièces. Elle parle de ses rencontres avec de nombreuses têtes d'affiche, lève un coin du voile sur les frasques de ces enfants trop gâtés, la plupart voués à connaître la solitude tôt ou tard.
À seize ans, elle suit les cours de l'Actors' Studio, en cachette de ses parents, son père lui ayant interdit ce métier ; elle devient la grande amie de
Susan Strasberg, la fille du fondateur
Lee Strasberg, un père de substitution pour la timide apprentie comédienne.
L'actrice franco-américaine a rassemblé trente ans de notes éparses, consignées lors de ses nombreux tournages, parfois requise pour une seule réplique. Elle les publie aujourd'hui en historienne de la famille, à l'attention de ses filles et petites-filles.
L'octogénaire écrit bien, raconte avec entrain, assez midinette. Elle reconsidère sa vie avec lucidité et sincérité, désireuse de garder un relatif sens de la mesure dans un monde débridé, qu'elle a aimé fréquenter.
Elle n'élude rien, pas même ses doutes sur son orientation sexuelle, nés probablement d'une difficulté à fonder son identité, à la suite de la blessure originelle d'une enfance sans parents, à l'exception d'une mère de substitution, nurse à plein temps, dont elle retrouve le fils de 80 ans, qui se souvient parfaitement de la petite fille confiée à sa mère jadis.
Sa mémoire revit également plusieurs scènes émouvantes, comme la nuit où elle parla longuement avec
Romy Schneider la veille de sa mort.
Tanya Lopert ne regrette rien, en dépit de longues années à trouver le bien-être. Elle vient de retomber amoureuse. John a son âge, ils se connaissaient depuis trente-cinq ans.
Un cahier photos agrémente un fabuleux récit de vie. Je quitte ces 285 pages avec le sentiment d'éteindre la lumière sur une époque à jamais révolue.
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