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Critiques de Aristophane (93)
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La Paix

Voici une pièce édifiante. On y voit Trygée, un citoyen soucieux du bien public, prendre le taureau par les cornes (en l'occurrence un scarabée bousier géant) afin de se rendre sur cette improbable monture dans les sphères célestes afin de réclamer aux dieux le retour de la Paix.



Ce faisant, Trygée rencontre Hermès et lui indique sa requête de vouloir libérer la paix, incarnée sous forme d'une déesse. Le messager des dieux lui indique qu'elle est enfermée dans une grotte avec la déesse des bonnes récoltes et la déesse de l'esprit festif.



Une pièce édifiante, donc, car c'est un appel à la paix vieux de bientôt vingt-cinq siècles. Une dénonciation des magouilles, des lobbys, des allégeances aux dieux et des démagogues qui, sous couvert de défendre un supposé honneur supposément outragé, poussent de toutes leurs forces à la guerre. Incroyable, on se croirait au XXIème siècle !



Peut-être bien qu'il y a quelque chose d'intimement, de viscéralement humain dans le désir de combattre et d'écraser l'autre. Guerre économique ou guerre au sens physique du terme, cela reste un désir de combattre et d'écraser l'autre, de lui faire rendre gorge en ayant joui au préalable du plaisir de le voir ramper devant nous en réclamant grâce, histoire de se croire grand et fort.



Aristophane montre aussi magnifiquement l'art des dirigeants, habiles à crier fort et à attiser la haine tout en envoyant des pauvres bougres au casse-pipe, des gens qui n'ont rien demandé mais qui sont obligés de combattre sous peine de sanction pour désertion. Les marchands d'armes ont des sourires jusqu'aux oreilles et prennent leurs petites commissions au passage. Les politiques cherchent un prétexte, le trouvent toujours et c'est parti pour la baston entre pauvres bougres. Bref, rien n'a changé.



Aristophane, comme à son habitude, a le verbe mordant, le ton satyrique, et l'humour gras, très gras, qui tape souvent en dessous de la ceinture. C'est en quelque sorte le Jean-Marie Bigard de la comédie antique. Je vous avoue que ce n'est pas ce que j'affectionne le plus, mais sur le fond, c'est d'une clairvoyance, c'est d'une vérité saisissante.



C'est également dans cette pièce qu'Aristophane nous laisse le mieux entendre son athéisme, ridiculisant, décrédibilisant et critiquant ouvertement l'usage qui est fait des dieux où le rôle trouble que ceux-ci jouent dans les conflits. Pour lui, un dieu ne peut pas être intéressant si de près ou de loin il est lié à un conflit ou, ce qui est pire, s'il est partie prenante d'une manière de business aux offrandes pour s'attirer ses grâces, sa protection ou son soutien. Ça ne vous rappelle rien ?



Chaque fois que je lis Aristophane, au départ ça me fait sourire puis, très vite ça me rend triste. Triste d'une tristesse absolue, car je me rend compte que rien n'a changé et que c'est donc probablement sans espoir. C'est l'homme qui est comme ça, incurable dans ses vices, tout au moins dans ses grandes lignes. Et l'on peut mettre tout le vernis de culture et de bonnes manières que l'on voudra dessus, chassez le naturel… il revient au galop. Satanée humanité, cupide, sordide, mesquine alors qu'elle pourrait être tellement autre chose. Merci Aristophane, tu m'as encore fichu le blues pour la journée. Mais je vais vous laisser en paix maintenant car ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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Lysistrata

Lysistrata est une comédie antique, certes, mais c’est aussi et surtout un manifeste politique, quelque peu désespéré du dramaturge Aristophane pour réclamer l’arrêt des hostilités intestines et désastreuses qui déchiraient la Grèce de son temps. À ce propos, on peut évidemment se reporter à l'HIstoire De La Guerre Du Péloponnèse de Thucydide.



(Il faut bien sûr s’imaginer tout autre chose que la Grèce « unie » que nous connaissons aujourd’hui. Comme bon nombre de territoires de par le monde, même avec une communauté de langue, de croyances et de culture, cela n’était pas suffisant pour obtenir une unité politique donc le territoire était constellé d’une mosaïque de cités-états qui se crêpaient le chignon constamment.)



Je ne sais pas s’il s’agit vraiment d’un compliment adressé aux femmes par Aristophane, je croirais même plutôt le contraire lorsqu’on lit à quel point il décrit la gent féminine comme bardée de défauts, et notamment assoiffée de sexe et de vin de Thasos — d’ailleurs peut-être plus assoiffée encore de vin que de sexe car les femmes prêtent serment sur ce qu’elles ont de plus sacré, une coupe de ce fameux vin ! — mais outre les diverses marques de misogynie flagrante qui émaillent le texte, il faut saluer la tentative d’un homme à rallier les partisans de la paix et à reconnaître aux femmes le rôle d’acteurs déterminants dans ce processus.



Le moyen imaginé par Aristophane a fait long feu et porte désormais le nom fort peu poétique de « grève du sexe » mais qui a le mérite d’être très explicite. Ce procédé est régulièrement utilisé à divers endroits du monde, récemment on l'a vu mis en application par les femmes togolaises fin août 2012 pour contraindre leurs maris à des changements politiques ou plus récemment encore en octobre 2014 au sud Soudan sous la houlette de Pricilla Nanyang.



Ici, c’est Lysistrata qui mène la fronde et qui parvient (tant bien que mal) à rallier les femmes des différentes communautés afin qu’elles fassent pression sur leurs époux et qu’ils signent entre eux la paix.



C’est l’occasion pour Aristophane de produire nombre de situations ou de répliques salaces pas forcément d’un goût excellent ni toujours très drôles mais dans l’ensemble, la pièce bénéficie d’une assez bonne efficacité et la simplicité du message cache en réalité plus qu’il n’y paraît, notamment sur la représentativité des femmes dans la vie politique et citoyenne, tout comme sur leur rôle économique ou démographique.



Tous comptes faits, par le biais de cette trouvaille, il y a beaucoup de dérision sur la question du sexe et même d’autodérision dans cette comédie que je vous recommande pourtant plus pour son caractère de critique sociale que pour la finesse de son propos ou un quelconque talent de formule, mais ceci n’est, bien évidemment que mon avis, c’est-à-dire, pas grand-chose.
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Les Guêpes

Voici une petite comédie antique qui justifie quelques explications pour être pleinement savourée et comprise.

Il n'est sans doute pas vain de rappeler que dans l'Athènes d'Aristophane, il n'y a pas ou quasiment pas de juges professionnels. Cette fonction échoit naturellement à des jurés populaires (il suffit pour cela d'être un homme et d'être âgé d'au moins trente ans.)

Jusqu'ici, tout va bien, cela paraît un fonctionnement exemplaire de démocratie. Cependant, si l'on précise qu'ils étaient environ 6 000 jurés pour une population totale à l'époque d'environ 20 000 hommes, cela devient déjà un peu plus problématique, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement de la vie économique de chacun.

Voilà pourquoi Périclès eut l'idée de dédommager d'une obole les personnes qui feraient office de jurés lors d'un procès. Mais là encore, l'enfer est pavé de bonnes intentions ! Ce système eut l'inconvénient de faire converger toute la population pauvre à ce poste, sachant que les personnes dont les revenus étaient supérieurs se désintéressèrent totalement de l'exercice de la justice.

Cette perte de diversité sociale dans l'établissement des jugements ne fut pas sans être perçue et utilisée par les démagogues, dont l'un deux, à dessein, tripla la rémunération (trois oboles pour un procès, sans limitation du nombre de procès où l'on peut être jurés).

L'intérêt politique est alors évident et serait probablement l'objet d'une discussion passionnante mais ce n'est pas le propos ici avec Les Guêpes.

Les Guêpes, qui sont-elles ? Ces juges à la petite semaine, bien évidemment. Aristophane utilise cette image car les jurés étaient munis d'un stylet ou simplement de leur ongle pour imprimer dans la cire la longueur de la peine. Ainsi, cet essaim de juges qui courent les procès pour se faire quelque argent avec leurs stylets sont-ils comparés aux hyménoptères bien connus de celles et ceux qui font des confitures l'été.

Ainsi, Aristophane nous présente-t-il l'un de ces jurés, un vieillard répondant au nom de Philocléon (C'est-à-dire, en grec, " qui aime Cléon "), devenu addict à cela, pas même pour l'argent, mais pour la jouissance d'exercer son pouvoir sur autrui.

En outre, son fils, Bdélycléon (c'est-à-dire " qui exècre Cléon, sachant qu'Aristophane lui-même exècre Cléon, le démagogue successeur de Périclès impliqué dans les Guerres du Péloponnèse), cherche à s'opposer par tous les moyens à cet hobby de son père et lui en explique les raisons.

La principale est qu'il est la dupe du démagogue pour qui il rend les jugements car, pendant que la bande des vieillards courent les procès pour une rétribution ridicule, l'autre s'en met plein les poches sans aucun risque d'être ennuyé par la justice.

L'argument fait mouche dans l'esprit du vieux mais la passion de juger est trop grande pour qu'il puisse s'en sevrer. Aussi, Bdélycléon, lui propose-t-il de subvenir à tous ses besoins et de le faire exercer son art du jugement au sein même de la maison.

C'est l'occasion d'une scène de jugement de deux chiens pour un vol de fromage absolument cocasse et très drôle. Mais Aristophane a pris au préalable le soin d'affubler les chiens de noms qui rappellent aux contemporains deux personnalités de l'époque, démagogues tous les deux qui se crêpèrent le chignon, tout simplement parce que l'un n'avait pu profiter des détournements de l'autre.

Ensuite, la pièce part un peu en sucette et je ne sais pas trop où il a voulu en venir. Peut-être au fait qu'on ne change pas facilement les habitudes de quelqu'un ? Peut-être sur le conflit générationnel ?

Toujours est-il que malgré toute la bonne volonté du fils à fournir à son vieux père une existence douce et confortable, le vieux en profite pour se pochetronner et faire toutes les aberrations possibles et imaginables...

Cette seconde partie de la pièce m'a beaucoup moins accrochée que le début et la réflexion sur le lien entre justice et politique.

Aristophane sait encore avoir beaucoup de fraîcheur par moment mais à d'autres, le poids des siècles se fait tout de même un peu sentir. À vous de juger, mesdames et messieurs les jurés, car ceci n'est que mon jugement, qui ne vaut pas beaucoup plus qu'une obole, c'est-à-dire, pas grand-chose.

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Comédies, tome 2 : Les Guêpes - La Paix

Voici un recueil de deux pièces engagées d'Aristophane (remarque de peu d'envergure car tout Aristophane est très engagé) dénonçant deux dysfonctionnements sociaux ou sociétaux.



1) Tout d'abord LES GUÊPES. Il s'agit d'une petite comédie antique qui justifie peut-être quelques explications préalables pour être pleinement savourée et comprise. Dans l'Athènes d'Aristophane, il n'y a pas, ou quasiment pas, de juges professionnels. Cette fonction échoit naturellement à des jurés populaires (il suffit pour cela d'être un homme et d'être âgé d'au moins trente ans.)



Jusqu'ici, tout va bien, cela paraît un fonctionnement exemplaire de démocratie. Cependant, si l'on précise qu'ils étaient environ 6 000 jurés pour une population totale à l'époque d'environ 20 000 hommes, cela devient déjà un peu plus problématique, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement de la vie économique de chacun.



Voilà pourquoi Périclès eut l'idée de dédommager d'une obole les personnes qui feraient office de jurés lors d'un procès. Mais là encore, l'enfer est pavé de bonnes intentions ! Ce système eut l'inconvénient de faire converger toute la population pauvre à ce poste, sachant que les personnes dont les revenus étaient supérieurs se désintéressèrent totalement de l'exercice de la justice.

Cette perte de diversité sociale dans l'établissement des jugements ne fut pas sans être perçue et utilisée par les démagogues, dont l'un deux, à dessein, tripla la rémunération (trois oboles pour un procès, sans limitation du nombre de procès où l'on peut être jurés).



L'intérêt politique est alors évident et serait probablement l'objet d'une discussion passionnante mais ce n'est pas le propos ici avec Les Guêpes.

Les Guêpes, qui sont-elles ? Ces juges à la petite semaine, bien évidemment. Aristophane utilise cette image car les jurés étaient munis d'un stylet ou simplement de leur ongle pour imprimer dans la cire la longueur de la peine. Ainsi, cet essaim de juges qui courent les procès pour se faire quelque argent avec leurs stylets sont-ils comparés aux hyménoptères bien connus de celles et ceux qui font des confitures l'été.



Ainsi, Aristophane nous présente-t-il l'un de ces jurés, un vieillard répondant au nom de Philocléon (C'est-à-dire, en grec, " qui aime Cléon "), devenu addict à cela, pas même pour l'argent, mais pour la jouissance d'exercer son pouvoir sur autrui.



En outre, son fils, Bdélycléon (c'est-à-dire " qui exècre Cléon, sachant qu'Aristophane lui-même exècre Cléon, le démagogue successeur de Périclès impliqué dans les Guerres du Péloponnèse), cherche à s'opposer par tous les moyens à ce hobby de son père et lui en explique les raisons.



La principale est qu'il est la dupe du démagogue pour qui il rend les jugements car, pendant que la bande des vieillards courent les procès pour une rétribution ridicule, l'autre s'en met plein les poches sans aucun risque d'être ennuyé par la justice.



L'argument fait mouche dans l'esprit du vieux mais la passion de juger est trop grande pour qu'il puisse s'en sevrer. Aussi, Bdélycléon, lui propose-t-il de subvenir à tous ses besoins et de le faire exercer son art du jugement au sein même de la maison.



C'est l'occasion d'une scène de jugement de deux chiens pour un vol de fromage absolument cocasse et très drôle. Mais Aristophane a pris au préalable le soin d'affubler les chiens de noms qui rappellent aux contemporains deux personnalités de l'époque, démagogues tous les deux qui se crêpèrent le chignon, tout simplement parce que l'un n'avait pu profiter des détournements de l'autre.



Ensuite, la pièce part un peu en sucette et je ne sais pas trop où il a voulu en venir. Peut-être au fait qu'on ne change pas facilement les habitudes de quelqu'un ? Peut-être sur le conflit générationnel ?



Toujours est-il que malgré toute la bonne volonté du fils à fournir à son vieux père une existence douce et confortable, le vieux en profite pour se pochetronner et faire toutes les aberrations possibles et imaginables...

Cette seconde partie de la pièce m'a beaucoup moins accrochée que le début et la réflexion sur le lien entre justice et politique.



2) Ensuite, nous abordons LA PAIX. On y voit Trygée, un citoyen soucieux du bien public, prendre le taureau par les cornes (en l'occurrence un scarabée bousier géant) afin de se rendre sur cette improbable monture dans les sphères célestes afin de réclamer aux dieux le retour de la Paix.



Ce faisant, Trygée rencontre Hermès et lui indique sa requête de vouloir libérer la paix, incarnée sous forme d'une déesse. Le messager des dieux lui indique qu'elle est enfermée dans une grotte avec la déesse des bonnes récoltes et la déesse de l'esprit festif.



Voici une pièce édifiante. Un appel à la paix vieux de bientôt vingt-cinq siècles. Une dénonciation des magouilles, des lobbys, des allégeances aux dieux et des démagogues qui, sous couvert de défendre un supposé honneur supposément outragé, poussent de toutes leurs forces à la guerre. Incroyable, on se croirait au XXIème siècle !



Peut-être bien qu'il y a quelque chose d'intimement, de viscéralement humain dans le désir de combattre et d'écraser l'autre. Guerre économique ou guerre au sens physique du terme, cela reste un désir de combattre et d'écraser l'autre, de lui faire rendre gorge en ayant joui au préalable du plaisir de le voir ramper devant nous en réclamant grâce, histoire de se croire grand et fort.



Aristophane montre aussi magnifiquement l'art des dirigeants, habiles à crier fort et à attiser la haine tout en envoyant des pauvres bougres au casse-pipe, des gens qui n'ont rien demandé mais qui sont obligés de combattre sous peine de sanction pour désertion. Les marchands d'armes ont des sourires jusqu'aux oreilles et prennent leurs petites commissions au passage. Les politiques cherchent un prétexte, le trouvent toujours et c'est parti pour la baston entre pauvres bougres. Bref, rien n'a changé.



Aristophane, comme à son habitude, a le verbe mordant, le ton satyrique, et l'humour gras, très gras, qui tape souvent en dessous de la ceinture. C'est en quelque sorte le Jean-Marie Bigard de la comédie antique. Je vous avoue que ce n'est pas ce que j'affectionne le plus, mais sur le fond, c'est d'une clairvoyance, c'est d'une vérité saisissante.



C'est également dans cette pièce qu'Aristophane nous laisse le mieux entendre son athéisme, ridiculisant, décrédibilisant et critiquant ouvertement l'usage qui est fait des dieux où le rôle trouble que ceux-ci jouent dans les conflits. Pour lui, un dieu ne peut pas être intéressant si de près ou de loin il est lié à un conflit ou, ce qui est pire, s'il est partie prenante d'une manière de business aux offrandes pour s'attirer ses grâces, sa protection ou son soutien. Ça ne vous rappelle rien ?



Certes, on peut toujours reprocher aux pièces d'Aristophane d'avoir un peu vieilli (mais on le pardonnerait à moins, à vingt-cinq siècles de distance !), mais à chaque fois que je le lis, au départ ça me fait sourire puis, très vite ça me rend triste. Triste d'une tristesse absolue, car je me rend compte que rien n'a changé et que c'est donc probablement sans espoir. C'est l'homme qui est comme ça, incurable dans ses vices, tout au moins dans ses grandes lignes. Et l'on peut mettre tout le vernis de culture et de bonnes manières que l'on voudra dessus, chassez le naturel… il revient au galop. Satanée humanité, cupide, sordide, orgueilleuse, mesquine alors qu'elle pourrait être tellement autre chose.



Ceci dit, je vous laisse en paix, soyez-en juge (et non guêpe) car, tout bien pesé ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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Lysistrata

Je commenterais Lysistrata plus tard , ce long commentaire a pour but d’essayer d’aider le lecteur a ressentir le décalage culturel et historique avec ce texte ainsi que de lui permettre , je l’espère , de nourrir aussi quelques affinités avec lui .



Il est un grand prodige en vérité , c’est que environ les trois quart des productions d’Aristophane ont traversé les écueils du temps et donc , ils nous sont parvenus .

Ces textes gourmands parlent à un très large public à mon humble avis et si vous aimez les guignols de l’info , par exemple , et bien jetez-vous sur Aristophane !

La comédie antique c’est Aristophane , car rien d’autre n’a filtré de ces temps reculés sur les berges du grand fleuve du temps ....



Aristophane raille tout ce qui bouge , les dieux , les sophistes , le peuple , les femmes et les éphèbes et les philosophes , le clergé les entrepreneurs , les maris et les femmes , sans oublier les magistrats et les orateurs ...

Lisez le et vous découvrirez qu’il se moque aussi de vous , j’en suis certain ... , sourires ...



Voici par exemple des propos qu’il prête à Socrate sur le tonnerre dans : Les nuées , « Considère , donc que, avec ton petit ventre, tu as fait un pet résonnant : n'est-il pas naturel alors que l'air qui est immense produise un bruit détonant ? « . Il va sans dire que notre futur stagiaire , vas vouloir se précipiter dans le « philosophoire « pour connaître ce que les nuées et Socrate et ses disciples ont à lui enseigner , sur le tonnerre et sur tous les vents d’en haut et d’en bas ... : !



Aristophane le misanthrope ? , non pas vraiment !

Ses flèches , sont aussi efficaces que celles d’Apollon . Elles harcellent en toute impunité , les pauvres grecs d’Athènes , en leur parlant d’invraisemblables vérités douteuses qui les font bien rire ici , alors qu’elles les inquiète sérieusement d’habitude , tellement que souvent il vaut d’ailleurs mieux les taire .



Alors , à part le fait qu’il ne valait pas mieux l’avoir comme voisin ? que dire de notre compère ?

Un homme marié qui eut deux fils , qui firent de la comédie comme papa ... Que dire d’autres ?



Pourquoi Socrate fut condamné pour les propos qu’il tenait sur les dieux ? Et pourquoi pas Aristophane , qui fit pire .. ?

Les tragédies et les comédies des grecs ? étaient du théâtre certes . Et , pour les comédies la liberté de ton allait extrêmement loin . Alors pourquoi ? question de droit de l’homme ?

Non , ce n’est pas une question de liberté seulement ? c’est une question de culte principalement ...



Le théâtre grec nait dans le contexte du culte dionysiaque . Pendant les cérémonies le monde est sans dessus dessous et les femmes sortent de chez elles pour s’arracher les cheveux et se livrer en compagnie du dieux aux comportements les plus aberrants . Dans le mythe elles ( les ménades ) déchireront littéralement le corps du dieux et elles le disperseront dans les prés ( Diasparagmos ) . L’orgie et l’ivresse sont un devoir sacré pendant leS Dyonisies ... Pendant ce culte la rue est occupée par les femmes .



Les comiques viennent dans ce cadre , des représentations théâtrales , servir les dieux et l’état aussi , en donnant leurs textes qui sont lus et joués devant le peuple ( Démos ) , en plein théâtre et même dans l’agora , pendant les grandes Dyonisies , qui sert à l’assemblée du peuple en temps normal .



Il n’est pas interdit aux citoyens de découvrir un sens politique dans ces paroles quasiment sacrée , et d’en tirer également des considérations civiques destinées à impacter le réel profane ...

Les textes d’Aristophane sont donc des choses sérieuses à prendre très sérieusement même s’il faut en rire abondement pour pouvoir en profiter en toute bonne conscience .

Notre compère est bien au-delà du registre de l’opinion , il est avant tout dans une sorte de folie aussi profitable que civique et il exerce un art aussi sérieux que la divination par exemple .

Cependant les auteurs ne sont pas à l’abris de poursuites judiciaires de l’état ou de particuliers . Mais pour l’état comme pour les particuliers , il vaut mieux qu’ils soient prudents car gare aux dieux et au démos qui peuvent être en colère contre les auteurs de poursuites .



Aristophane qui nous fait beaucoup rire et très souvent réfléchir aussi , vit dans une vallée de larmes . En effet le destin a voulu qu’il naisse en 445 avant l’ère commune et qu’il traverse les heures les plus noires de l’histoire de la Grèce Propre et qu’il connaisse également les épreuves terribles des athéniens coincés dans leur cité et coupés de leur korè .



Il est d’une famille qui fut Clérouque à Egine ( au large d’Athènes ) . Donc la famille d’un colon militaire , d’une force d’occupation athénienne installée à demeure dans un territoire sous l’emprise d’Athènes . Il vécut l’intégralité de la guerre du Péloponnèse . L’auteur est originaire de la Korè , de la campagne d’Athènes . Du fait de la guerre il est passé derrière les murs . Il est donc un réfugié en ville et il est comme des milliers de citoyens ruraux , un de ceux qui subissent de plein les affres de la guerre , et qui sont loin des autels de leurs temples familiers .



Il a vu le parti démocratique soutenir l’idée du conflit et l’aventurisme militaire le plus éhonté et le plus destructeur . Il a vu la peste emporter aveuglement la population de sa cité dans des proportions presque vitales . Il a vu des foules de jeunes gens s’embarquer sur le Styx et donc rejoindre les morts pour ne plus revoir jamais leur famille ....

Il a vu la guerre séparer les pères de leurs enfants , les femmes de leur époux . Il a vu pourrir les récoltes ...



Il est grossier et en colère , mais il n’est pas misanthrope , car il aime le plus souvent ceux qu’il tourne en dérision . Il anime d’ailleurs ses personnages d’une salutaire naïveté qui les rend aussi attachants que ridicules .



Il prit donc des risques pour convaincre ses concitoyens de faire la paix , de cesser la guerre . C’est pour cette pour cette raison que les femmes menacent de se retrancher sur l’acropole et de se lancer dans la greve du sexe .



Tout cela pour remettre les hommes à leur place , dans leur foyer et dans leur lit , car Aristophane avait dans l’idée que la patrie et la Grèce était en danger du fait même de la guerre ..



Si vous en doutez lisez Thucydide et tirez en les conséquences , Aristophane le savait intimement et dans sa vie personnelle d’enfant de clérouque et comme habitant de la Korè d’Athènes , refugié entre les longs murs , il le savait aussi ..

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Théâtre complet, tome 2 : Les Oiseaux - Lysis..

L'assemblée des femmes:

Voici une pièces présenté à l'occasion de cérémonies dédiées à Dyonisios , les Lénéennes , assez semblables aux Dyonisies mais plus ioniennes et pour Athènes plus poliades que impériales , donc réservées au sol d'Athènes (Polis et korê).

Très anciennement avec des tragédies , des satires et des comédies ces fêtes étaient célébrées au temple même de Dionysos . Plus tard au théâtre quand la religion civique acquis des bases participatives plus populaires et plus institutionnalisées .

Ce texte permet de comprendre pourquoi cette liberté de parole et ce renversement social de fiction théâtrale

Tout est religieux .Comme les ménades entrent en transe , les femmes d'Athènes entrent en politique. les mots du poètes sont sacrés et inspirés

Une pièce passionnante car très drôle ( sincèrement ) , Elle montre l'effronterie de la comédie grecque car elle est libre de refaire le monde et les institutions comme l'autorise le culte dionysiaque qui dérègle tout sur son passage .

Les femmes de la cité déguisées en hommes se réunissent sur l'agora et se mettent à légiférer allègrement . Elles accordent , entre autres , aux femmes les plus laides , le droit de se choisir un compagnon . le soir un banquet à la tonalité très dionysiaque célèbre toutes ces lois qui refondent quasiment la cité .

Les intérêts particuliers dominent dans ces lois qui se soucient assez peu de l'intérêt collectif ( ironie de l'auteur ) .

La pièce fut donnée pendant la guerre de Corinthe , époque de crise pour la démocratie à Athènes , avec beaucoup de revers militaires alors que Sparte , oligarchique prend le dessus sur la coalition athéniennes ( Thèbes , Corinthe , Argos, Athènes ) . Pour l'essentiel les institutions athéniennes souffrent de l'absentéisme des citoyens en politique. C'est pourquoi Aristophane fait entrer les femmes ( exaspérées par les hommes ) en politique pour prendre les choses en mains .

Les femmes sont très compétentes car elles gèrent déjà à merveille les Maisons Athéniennes qui sont clairement de petites entreprises domestiques prospères .Aristophane va assez loin car il fait le reproche à ses concitoyens de préférer choisir des dirigeants corrompus plutôt que des citoyens intègres et sincèrement dévoués aux intérêts de la cité. Notamment les stratèges , qui parmi les plus riches citoyens dirigent l'armée et la flotte , la cité et payent de leur deniers la construction de navires de guerre .Plus de pauvres décident ces nouvelles citoyennes : « Personne ne fera plus rien par pauvreté, tous auront tout : pain, salaison, gâteaux, manteaux, vin, couronnes, pois chiches. »

Mais attention voici des citations extraites du serment des femmes à la clôture de leur session : Pas de mari : « Ne m'approchera en érection. » , « Et ne lèverai point mes jambes au plafond », « Je ne prendrai pas une pose de lionne sur une râpe à fromage »

Voici en partie, le serment de ces dames enfermées sur l'acropole et qui commencent après avoir « repeint « la Polis , la grève de l'amour , tant que la guerre de Corinthe ne cessera pas.

Et vive la paix .

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Comédies, tome 5 : L'Assemblée des Femmes - Plo..

WOMEN POWA...?



L'Assemblée des femmes » est écrite et représentée en 392 avant Jésus-Christ, à une époque où le siècle de Périclès n'est plus qu'un souvenir. C'est une des dernières pièces d'Aristophane, probablement inférieure à Lysistrata, et la deuxième pièce dite « féministe » du poète grec qui nous soit restée.



L'idée de la pièce est simple, elle nous est très vite dévoilée par Gaillardine (alias Proxagora dans le texte grec non "modernisé") : « [...] C'est aux mains des femmes, vous m'entendez, qu'il nous faut confier l'État» Et la raison, elle la confie dans la foulée : « Après tout, c'est bien à elles que nous donnons l'emploi, dans nos ménages, d'avoir la haute main sur la gestion !»



Il est difficile de savoir, ne vivant plus à l'époque des Grecs anciens, si le but d'Aristophane est de se moquer des femmes, ou au contraire de les louer. La vérité, comme souvent, surtout avec un auteur maniant l'humour, le sous-entendu et le sarcasme comme Aristophane, est probablement entre les deux. Comme Molière qui s'en inspire vaguement dans L'Ecole des femmes, Aristophane veut probablement se moquer de la société en délitement qui l'entoure (déjà !), se moquer des institutions politiques (de nombreux "indices" viennent à l'appui de cette hypothèse tout au long des dialogues), et louer les femmes (sans doute parce que, bien que les grandes oubliées de l'Athènes antique, elles sont bel et bien les maîtresses de la maisonnée) tout en les moquant (on ne se débarrasse jamais tout à fait de ses a priori d'époque). Et puis, ce serait un tragique contresens que d'oublier que le génial grec est auteur de comédies (dont il est, pour ainsi dire, l'inventeur) faites pour rire, non de tragédies graves et désespérées...



Ce qui frappe avant tout, et comme toujours, c'est la modernité d'Aristophane. Que l'on aime ou que l'on n'aime pas, la simplicité du langage, l'absence de longs monologues, la vivacité des dialogues, parsemés de blagues, d'allusions obscènes, font que la pièce se lit toute seule, et préfigure les farces du Moyen-Âge, et même celles qui survivent de nos jours comme les pièces dites "de Boulevard" ou encore au cinéma comme "Les visiteurs" et autres comédies burlesques, parfois grossières. Mais chez Aristophane se trouve ce qu'on qualifierait de "supplément d'âme" car derrière le rire, souvent facile, se cache - à peine - la critique sociale, politique, de moeurs.



Ainsi en est-il de la scène où un jeune homme est pressé, selon les nouvelles lois en vigueur, de satisfaire les envies de trois horribles mégères avant d'avoir le droit de coucher avec sa dulcinée, a sûrement suscité les rires de l'audience exclusivement mâle de l'époque de même qu'elle susciterait les mêmes rires aujourd'hui si elle était adaptée au goût du jour. Mais qui pose toutefois la question de la place des femmes d'âge "mûr" (les fameuses "couguar") voire de "troisième" ou quatrième âge dans nos sociétés qui ont fait de la jeunesse éternelle une sorte de critère universel de référence, sans même évoquer la place faite à l'amour, à l'érotisme et à la sexualité relativement aux femmes supposées ne reflétant plus les "attraits" et "qualités" de la jeunesse dans nos sociétés post-modernes. Leur situation est sans doute moins excluante que dans la société grec antique mais le moins qu'on puisse en dire c'est que nous sommes encore très loin du compte ! Les idées progressistes parsèment d'ailleurs « L'assemblée des femmes ». Ainsi, vingt cinq siècles avant Marthe Richard, Praxagora recommande la suppression des filles publiques.



Les critiques d'Aristophane diront que c'est un réactionnaire qui se moque des réformateurs. Alors étonnant progressiste ou infâme réactionnaire ? Est-ce si simple ? Ce qui frappe aussi dans la lecture d'Aristophane, c'est que l'on y comprend la non-linéarité de l'histoire. Les idées et les mœurs n'évoluent pas de façon linéaire, progressive, comme voudraient nous le faire croire les idéologies de gauche, mais malheureusement ce qui semble acquis ne l'est jamais, et les retours en arrière, la répétition des erreurs, les déclins et les âges d'or sont ce qui font la trame de l'histoire des hommes, pas l'inexorable avancée du progrès. On peut en rêver à l'échelle d'une vie d'homme ; pourtant il n'y a pas de marche inexorable du progrès. C'est en l'admettant que l'on se protégera contre les retours périodiques de la barbarie.



Un autre aspect fort intéressant de « L'Assemblée des femmes », c'est le système social qui y est préconisé, dont Aristophane se moque par la manière extrême que les protagonistes féminines ont de les présenter mais qu'il évoque tout de même, probablement inspiré par certaines théories de l'époque.



Ainsi Gaillardine avance-t-elle : «[...] Il faut donner part à tous de toutes choses, en communauté ; égalité de ressources pour vivre, au lieu que l'un soit très riche et l'autre pauvre, que l'un ait de vastes terres à cultiver, et l'autre pas même de quoi se faire ensevelir, l'un une foule d'esclaves à son service, et l'autre pas même un valet. Je pose une seule condition de vie, commune à tous, la même pour tous.» Un peu plus loin, elle expose même les moyens de sa politique - toute ressemblance avec des théories politico-économiques connues aujourd'hui ne seraient pas que fortuites ! - : «pour commencer, communauté de terres, de l'argent et de tous les avoirs personnels. Sur ce fonds commun, c'est nous qui vous nourrirons : à nous la gestion, le contrôle des dépenses, et la mise au point du Plan.» Deux mille trois-cents ans avant un certain Karl Marx... nous avons ici un exemple marquant de prémisse des idées communistes. Gaillardine décrète un peu plus loin la fin du paupérisme, du vol légalisé par la mise en commun de tous les biens sous l'égide d'un gouvernement central.



Alors, Aristophane ? Réactionnaire, conservateur, progressiste, communiste, vulgaire, grossier, obscène, bouffon, outrancier, licencieux, patriote, poujadiste, utopiste ? Sans doute à la fois tout cela et rien de cela ! Mais pas étonnant que la gauche et la droite le détestent, que les prudes comme les dépravés s'en écartent. Que les moralistes l'évitent et que les cyniques s'en méfient.



Impossible de demeurer totalement insensible à cette oeuvre (cela vaut pour la plupart des textes du grec), qu'on l'aime ou qu'on la déteste, qu'elle fasse rire ou qu'elle provoque dégoût, rejet. C'est sans doute cela, une oeuvre éternelle.



NB : La traduction de ce petit volume des édition "folio sagesses" est celle de Victor-Henry Debidour et que l'on peut retrouver dans le tome II du Théâtre complet d'Aristophane aux éditions Gallimard. Marque des temps (elle date de 1966), les noms des principaux protagonistes ont été "modernisés" et donc transposés à la sauce contemporaine de l'époque. Ainsi, Praxagora devient-elle Gaillardine. Blépyros, son vieil époux, devient Miravoine, etc. Cela "rapproche" le texte de notre perception moderne immédiate tout en lui enlevant de cet ineffable des patronymes grecs de l'antiquité. Quoi qu'il en soit, cela n'ôte en rien l'impératif des notes de bas de page afin d'en saisir toutes les subtilités. Personnellement, j'aime tout aussi bien ces noms antiques et intangibles à ceux, forcément incertains et prenant le risque d'être vite datés, d'une transposition plus ou moins récente. Cette précision mise à part, cette traduction est d'une grande fluidité et les annotations en juste suffisance et d'une grande intelligence pour la compréhension d'un texte tellement ancien, malgré sa globale modernité.
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Théâtre complet

Les oeuvres complètes d'Aristophane ( en deux tomes ,dans cette collection ) sont un bonheur que l'histoire a daigné nous offrir.



Les flèches D'Aristophane , sont aussi efficaces que celles d'Apollon . Elles harcellent en toute impunité , les pauvres grecs d'Athènes , en leur parlant d'invraisemblables vérités douteuses qui les font bien rire ici , alors qu'elles les inquiètent sérieusement d'habitude dans l'Agora . Elles les inquiètent tellement que souvent il vaut d'ailleurs mieux les taire .



Alors , à part le fait qu'il ne valait pas mieux l'avoir comme voisin ? que dire de notre compère ? : Un homme marié qui eut deux fils , qui firent de la comédie comme papa ... Que dire d'autres ?



Pourquoi Socrate fut condamné pour les propos qu'il tenait sur les dieux ? Et pourquoi pas notre comique qui fit bien pire .. ?

Les tragédies et les comédies des grecs étaient du théâtre certes . Et , pour les comédies la liberté de ton allait extrêmement loin . Alors pourquoi ? question de droit de l'homme ?

Non , ce n'est pas une question de liberté seulement . c'est une question de culte principalement ...



Le théâtre grec nait dans le contexte du culte dionysiaque . Pendant les cérémonies le monde est sens dessus dessous et les femmes sortent de chez elles pour s'arracher les cheveux et se livrer en compagnie du dieux aux comportements les plus aberrants . Dans le mythe elles ( les ménades ) déchireront littéralement le corps du dieux et elles le disperseront dans les prés ( Diasparagmos ) . L'orgie et l'ivresse et la parole débridée sont un devoir sacré pendant les Dyonisies .Pendant ce culte la rue est occupée par les femmes .



Les comiques viennent dans ce cadre , les représentations théâtrales , servent les dieux et l'état aussi . Ils le font en donnant leurs textes qui sont lus et joués devant le peuple ( Démos ) , en plein théâtre et même dans l'agora , pendant les grandes Dyonisies , qui sert à l'assemblée du peuple en temps normal .



Il n'est pas interdit aux citoyens de découvrir un sens politique dans ces paroles quasiment sacrée car inspirée finalement . le grec peux en tirer également des considérations civiques destinées à impacter le réel profane .

Les textes d'Aristophane sont donc des choses sérieuses à prendre très sérieusement même s'il faut en rire abondement pour pouvoir en profiter naturellement et en toute bonne conscience .

Notre compère est bien au-delà du registre de l'opinion , il est avant tout dans une sorte de folie aussi profitable que civique et il exerce un art aussi sérieux que la divination par exemple .

Cependant les auteurs ne sont pas à l'abris de poursuites judiciaires de l'état ou de particuliers . Mais pour l'état comme pour les particuliers , il vaut mieux qu'ils soient prudents car gare aux dieux et au démos qui peuvent être en colère contre les auteurs de poursuites .



L'auteur qui nous fait beaucoup rire et très souvent réfléchir aussi , vit dans une vallée de larmes . En effet le destin a voulu qu'il naisse en 445 avant l'ère commune et qu'il traverse les heures les plus noires de l'histoire de la Grèce Propre ( continentale ) et qu'il connaisse également les épreuves terribles des athéniens coincés dans leur cité et coupés de leur korè pendant le siège d'Athènes pendant la guerre du Péloponnèse subissant la « peste « .



Il est d'une famille dont les membres furent Clérouques ( colons) à Egine ( au large d'Athènes ) . Donc une famille de colons militaires , d'une force d'occupation athénienne installée à demeure dans un territoire sous l'emprise d'Athènes . Il vécut l'intégralité de la guerre du Péloponnèse . L'auteur est originaire de la Korè , de la campagne d'Athènes . du fait de la guerre il est passé derrière les murs . Il est donc un réfugié en ville et il est comme des milliers de citoyens ruraux , un de ceux qui subissent de plein fouet les affres de la guerre , et qui sont loin des autels de leurs temples familiers , alors que leurs champs sont en friche et que leurs maisons brulent.



Il a vu le parti démocratique soutenir l'idée du conflit et l'aventurisme militaire le plus éhonté et le plus destructeur . Il a vu la peste emporter aveuglement la population de sa cité dans des proportions ou se sont posées des questions vitales pour la ville -patrie . Il a vu des foules de jeunes gens s'embarquer sur le Styx (fleuve des défunts ) et donc rejoindre les morts pour ne plus revoir jamais leur famille . Il a vu la guerre séparer les pères de leurs enfants , les femmes de leur époux . Il a vu pourrir les récoltes .



Il est grossier et en colère , mais il n'est pas misanthrope , car il aime le plus souvent ceux qu'il tourne en dérision . Il anime d'ailleurs ses personnages d'une salutaire naïveté qui les rend aussi attachants que ridicules .



Il prit donc des risques pour convaincre ses concitoyens de faire La Paix , de cesser la guerre . C'est pour cette pour cette raison que les femmes , dans l'assemblée des femmes , menacent de se retrancher sur l'acropole et de se lancer dans la grève du sexe pour que les hommes consentent à faire la paix .

Tout ce bruit pour remettre les hommes à leur place , c'est-à-dire : dans leur foyer et dans leur lit .



Aristophane avait dans l'idée que la patrie hellénique et la Grèce dans toute son étendue ( des colonnes d'Hercule à la Crimée ) était en danger du fait même de la guerre .

Si vous en doutez lisez La guerre du Péloponnèse et tirez en les conséquences , Aristophane savait intimement tout cela car cela faisait sens dans sa vie personnelle d'enfant de clérouques et comme habitant de la Korè d'Athènes .

Refugié entre les longs murs (ceux qui reliaient la Polis au port du Piré) , il le savait aussi et devait s'en souvenir chaque jour .

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Lysistrata

Je ne vais pas me lancer dans une longue exégèse "professorale" sur cette pièce "comique" en un acte d'Aristophane.

Dire simplement, pour ceux qui l'ignorent, que l'action se situe à Athènes en 411av JC, durant la guerre du Péloponnèse qui vit s'affronter pendant 27 longues années Sparte à la capitale grecque.

Lysistrata, jeune femme belle, forte et charismatique, va entraîner à sa suite Athéniennes et Spartiates dans une grève du sexe ( " ne faites pas l'amour, ça arrêtera la guerre."), et obtenir des hommes privés de leur "principale fonction vitale ", qu'ils cessent définitivement les hostilités et que la paix l'emporte... grâce à l'amour retrouvé.

Un clin d'oeil en passant à l'un de mes Maîtres, le sieur Woody Allen : " Mon cerveau ? C'est mon second organe préféré."

On trouve dans cette pièce tous les mécanismes, les rituels du théâtre Antique : choeurs, échanges avec le public, utilisation de l'espace et de la scène etc

Certains, j'ai lu quelques critiques, ont qualifié les dialogues de "vulgaires"... Ce n'est pas ma façon de voir les choses... Rabelais il y a longtemps s'en est donné à coeur joie, et lisez quelques poèmes bien troussés de "Mallarmé", de "Verlaine", de "Gautier" ou "d'Apollinaire"... et on en reparle !

Il y a des jeux de mots, des expressions et des néologismes " crus ", mais qui devaient correspondre à une vision de la sexualité des Hellènes il y a 2500 ans, très naturelle, sans rien de pervers, et qui ne devait choquer aucun spectateur de l'époque.

Alors pourquoi jouer les "bégueules" 25 siècles plus tard ? !...

Une réplique de Lysistrata :

-Bonjour, très cher. Ton nom ne nous est pas inconnu, ta femme l'a sans cesse à la bouche. Chaque fois qu'elle mange une carotte ou une banane, elle soupire : " Ah, si c'était Niquelas..."

Rien de scabreux, vous voyez !

Il me faut ajouter deux choses qui ont leur importance.

La première, c'est qu'Aristophane se sert du comique pour lancer un message pacifiste ; il souffrait de cette guerre.

Enfin, on fait grief à cet auteur, qui met souvent au premier plan les femmes, d'être misogyne. Là encore, je suis scotché par ces procès anachroniques intentés par des moralisateurs qui ont fait de la sociologie, de l'anthropologie, de la psychologie... par correspondance.

PS : l'édition est naturellement traduite de manière à être accessible à tous les lecteurs du XXIe siècle après JC.

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Les Oiseaux

Pisthétairos( Fidèle-Ami) et Evelpidès ( Bel-Espoir) ont décidé de fuir Athènes et toutes ses tracasseries . Amenés par un choucas et une corneille, ils découvrent le monde des oiseaux.

Très vite, proposition est faite aux habitants des lieux : Construire une ville dans les nuées entre les Dieux et les hommes et faire payer un droit de passage aux Dieux, tout en s'imposant aux hommes comme les nouveaux maitres.

Si les oiseaux ne sont pas très chaud, les arguments les touchent.



Quel bon moment de lecture que cette comédie où Aristophane semble dézinguer tout ce qui fait la société athénienne de -414.

La ville, les Dieux , la justice, les hommes, les dirigeants, la corruption. ..Et encore ma connaissance de la culture hellénique ayant quelques failles :), j'ai dû rater foule de bons mots.

Ce que je n'ai pas raté c'est la liberté de ton : On peut se projeter à tâter les testicules du voisin ou à écarter des cuisses à l'apparence avenante.

C'est une pièce très rythmée, facile à suivre même sans repère historique , l'action ne faisant pas référence à une quelconque guerre ou à un fait de société . On y retrouve quelques stars de l'Olympe et notamment Herakles dont la volatilité d'opinion se joue à la promesse d'une belle agape !



Ce fut donc avec grand plaisir que je me suis replongé dans ce texte résolument moderne que j'avais côtoyé dans ma scolarité et qui m’avait déjà laissé un excellent souvenir.
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Lysistrata

Habitante d'Athènes (mais non citoyenne, car les femmes n'accédaient pas à ce statut à l'époque d'Aristophane), Lysistrata s'est fixé pour but d'arrêter la guerre entre Athènes et Sparte. Pour ce faire, elle compte sur la solidarité des femmes des autres cités impliquées dans le conflit, ainsi que sur deux tactiques exploitées conjointement : le refus desdites femmes de coucher avec leurs maris et, ce qui est sans doute au moins aussi important, la prise de la citadelle de l'Acropole et du trésor public, que convoitent naturellement les hommes pour financer la guerre. S'ensuivent inévitablement des conflits entre les hommes qui se trouvent à Athènes (pour la plupart des vieillards) et les femmes qui tiennent le siège, conflits envenimés par la frustration sexuelle des unes et des autres, jusqu'au jour où la solution diplomatique s'impose enfin.



Ce n'est probablement pas le choix de pièce le plus judicieux pour aborder Aristophane, en supposant qu'Aristophane soit encore suffisamment compréhensible de nos jours. Auteur porté sur la satire sociale et politique, qui a beaucoup écrit sur le sujet de la guerre et de la paix (du moins d'après ce qui nous reste de lui), il convient d'être, sinon un helléniste distingué, du moins bien renseigné sur le monde grec du Vème siècle avant notre ère pour, au moins, saisir le contexte et l'objectif du dramaturge. Ce qui n'est déjà pas gagné pour quelqu'un tel que moi, peu au fait de l'histoire de la Grèce ancienne. Alors bon, j'ai révisé un tant soit peu, mais je dois dire que ça ne m'a pas vraiment aidé à apprécier Lysistrata. Il faut préciser que le comique d'Aristophane ne s'y limite pas à des répliques et à des situations graveleuses (lourdes, oui, mais marrantes tout de même, tout comme les Monthy Python peuvent être lourds et drôles). Il utilise des expressions surprenantes... pour son public, certes, mais incompréhensibles pour nous autres lecteurs du XXIème siècle. Alors oui, on peut lire les annotations des différentes éditions, mais le rire ne suit pas. de même, il imite le style d'Euripide ou d'Eschyle (que, personnellement, je suis bien incapable de reconnaître, ni en français, ni en grec ancien, que je ne lis pas, croyez-le ou pas), et utilise moult références qui, pour moi, n'ont aucun sens. La faute à mon inculture ? À un texte qui n'était pas conçu pour passer les siècles et les civilisations ?



Il me paraît en tout cas à peu près certain que, Aristophane ayant déjà écrit plusieurs fois auparavant sur la nécessité de la paix, ce n'était peut-être pas une bonne idée de choisir Lysistrata pour découvrir le sujet avec son auteur. Pour autant, est-ce qu'un lecteur lambda ne peut rien tirer de Lysistrata ? Bon, soyons clairs, on ne rit pas des masses. Mais on peut au moins comprendre qu'Aristophane a choisi de mettre en scène une situation absurde : les femmes au pouvoir. Absurde, parce que là n'est pas et ne sera jamais, selon les lois de la société athénienne, leur fonction, mais pas plus absurde, selon Aristophane, qu'une guerre du Péloponnèse qui dure depuis vingt ans (la pièce a été écrite en -411), d'autant qu'Athènes a récemment subi une défaite cuisante et que la cité est plus ou moins ruinée par ce conflit qui s'éternise avec Sparte pour la domination sur la région. Les femmes au pouvoir, c'est toute la société qui marche sur la tête, et les situations de grand renversement, nous savons bien que c'est depuis longtemps un motif utilisé pour susciter le comique. Pour le reste, on a évidemment aucun mal à saisir les saillies scabreuses et autres joyeusetés du même genre. Je regrette pour le coup de ne pas avoir eu en main une édition illustrée par les dessins d'Aubrey Beardsley (mais je ne crois pas que ça existe en français). Pour dire le vrai, ce sont ses œuvres, présentées au cours d'une expo au musée d'Orsay, mais soigneusement cachées dans un coin par le commissaire d'exposition, qui m'avaient donné envie de lire la pièce. Je vous conseille d'y jeter un œil sur le Net !





Challenge Théâtre 2017-2018
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Théâtre complet, tome 2 : Les Oiseaux - Lysis..

C'est géant, 400 ans avant notre ère, des femmes qui se retranchent et se mettent en grève pour que cessent les guerres, et comme sont risibles et pitoyables les soldats frustrés!



Géant aussi cette pièce où Euripide infiltre dans le conseil des femmes son oncle rasé et déguisé! Une délicieuse version hellène de la cage aux folles! Ils devaient être morts de rire!



Pas en reste les femmes qui à leur tour se travestissent et, majoritaires à l'assemblée, décrètent non seulement les femmes au pouvoir mais aussi le communisme le plus total!



Une dizaine d'autres pièces moins accessibles et où je peinais parfois à saisir toutes les finesses.

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Lysistrata

J'interromps un temps mes lectures personnelles (et ce fut dur de lâcher le grand Victor) sous l'injonction du programme du concours de l'agrégation 2015 que je dois préparer pour septembre, avec donc entre autres, Lysistrata.



Je connaissais Aristophane depuis le lycée, m'étant bien marré et ayant pas mal halluciné sur un passage des Nuées lors d'un cours de grec... C'est un peu l'ancêtre de Rabelais, bon vivant, pétomane, scabreux, lubrique, et seul dramaturge comique de l'antiquité grecque. Dévorateur de toute littérature lascive (notamment dans le polar, Ellroy powa... Oui, j'achèterai tout Sade un jour), je m'empare avec joie de Lysistrata, qui traite de la grève du sexe des femmes à Athènes pour obtenir la paix des hommes.



L'écriture est assez aride, de par l'épreuve périlleuse de la traduction héllénistique, celle de mon édition datant en outre de plusieurs décennies. Si les tragédies de Sophocle demeurent encore aujourd'hui un régal, ici, dans ce registre, c'est plus délicat. Les innombrables références trop précises à l'histoire des grecs et à leur culture dans les dialogues peuvent aussi gêner.



Le personnage de Lysistrata, figure de proue du mouvement, de la pièce, est certes sublimé de façon assez louable et étonnante pour l'époque, faisant sans doute d'elle le premier personnage féminin central et fort, Mirandoline, Corinne avant l'heure sous certains aspects. Toutefois, elle conserve une certaine ambiguité, et au début de la pièce, on est porté à croire que sa grève du sexe pour faire cesser la guerre est surtout motivée par sa propre libido, non par une réelle volonté pacifique. Elle se retrouve ensuite quelque peu désexualisée par rapport à ses camarades toujours en manque, de façon assez intéressante.



Bref, si cette pièce m'a fait rire par le sujet et l'audace pour son temps, la conclusion est quand même assez abrupte, et niveau écriture, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent.
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Comédies, tome 5 : L'Assemblée des Femmes - Plo..

Succulente pièce de théâtre, petit bijou de grossièretés, de grivoiseries et de persiflages ou manifeste satyrique en faveur d'un régime collectiviste ?



La lecture de l'Assemblée des femmes, comédie grecque antique écrite par Aristophane en 392 avant Jésus Christ, est réjouissante et absurdement drôle. Les Athéniennes, constatant la mauvaise gestion de l'État et une conduite politique délétère, considèrent qu'elles sont la solution. Elles entreprennent donc un coup : déguisées en homme, elles vont sur l'agora et au matin, lorsque se rassemble l'Assemblée, elles font remettre l'État et le pouvoir aux femmes. C'est le premier tiers de la pièce : à partir de là se réalise une truculente inversion des genres. Désormais, les hommes sont de perpétuels mineurs dans un état régi par les Athéniennes.

D'autres réformes sont mises en place comme la communauté des biens à l'échelle de toute la société athénienne ou quelques contraintes en cas de "trombonage", on en verra un exemple ensuite. Cette satyre est intéressante à plusieurs titres : derrière cette idée sûrement très disruptive pour l'époque, se cachent les critiques acerbes d'Aristophane contre le système politique en place. Déçu par les politiciens, conspuant les bellicistes et raillant démagos et absurdités de son temps, il écrit une séquence très drôle où on entend Gaillardine pourfendre les hommes pour leurs responsabilités.



Là où Miravoine rappelle l'omniprésence des procès dans la vie quotidienne athénienne, Aristophane fait dire à Gaillardine que "des procès, il n'y en aura plus". Il crache sur l'avarice de ses contemporains, comme quand Crachignol, suivant les nouvelles lois, décide d'apporter sa fortune et que son voisin argumente dans le sens contraire. Ce deuxième tiers ne fait que mettre en exergue les interrogations, les contradictions et les contournements auxquels doivent faire face tout nouveau régime. Aristophane livre ainsi de croustillants échanges entre Miravoine et Crachignol, puis avec Gaillardine, qui rentre de l'Assemblée. Je n'ai pas vraiment pris l'auteur au pied de la lettre, il m'a semblé avoir pris ce simulacre d'inversion des rôles pour mieux s'en moquer.



Justement, la troisième partie est le témoin de ces absurdités. Un jeune homme souhaite coucher avec une jeune femme. Pour cela, il doit céder aux avances des femmes plus âgées qui se présenteraient. D'ailleurs, Gaillardine avait dit à son mari que la même chose valait pour les femmes. C'est croustillant, c'est drôle, ça s'apprécie sans forcément trop contextualiser le tout.



On sent les désillusions d'Aristophane quant à l'évolution du système politique athénien qu'on peut lier aux évènements de la Guerre du Péloponnèse (Aristophane est carrément pacifiste), à un premier effondrement démocratique avec l'installation du Conseil des Quatre-Cents (dictature oligarchique) puis au réeffondrement démocratique par les Trente (dictature oligarchique... on ne change pas une équipe qui gagne).



Cette pure satyre des mœurs cohabite avec un profond désenchantement, un déclassement intellectuel et géopolitique. Aristophane, pacifiste, vit la défaite d'Athènes dans la Guerre du Péloponnèse, la déchéance de la Cité, la destruction de son empire et la fin de l'âge d'or de la Grèce Antique.



Allez, sur ces joyeux mots, bonne journée !
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Les Cavaliers - L'Assemblée des femmes

Ouh, la jolie couverture ! Ça donne envie, non?

La préface est intéressante (j’aime souvent bien les éditions scolaires, c’est carré et didactique, ça me convient bien).

Oui, mais tout se gâte à la lecture de la première pièce. Entièrement dédiée à Cléon, homme politique qu’Aristophane agonit d’injures, elle se lit difficilement. Les allusions qui devaient faire se tordre de rire les Athéniens de l’époque ont du mal à se faire comprendre et le va-et-vient entre texte et notes n’aide pas à se laisser emporter par l’histoire. Exemple: « Il le séduit avec des rognures de cuir. » dit le premier serviteur. « Cléon possédait une tannerie » dit la note. « Ça va être long » pense la lectrice.

Et je ne vous dis même pas comment la lectrice se sent flouée lorsque 3 pages plus loin elle apprend, toujours grâce aux notes, que l’anodine réplique suivante: « Tu feras la noce au Prytanée. » est en réalité une insulte sexuelle que d’aucuns formuleraient plutôt sous la forme « Tu suceras au Prytanée. »

Ce texte est au programme de futurs ingénieurs. On s’imagine quoi? Qu’ils seront plus performants si on leur donne un enseignement purement turel, sans le cul qui devrait précéder? Quelques pages plus loin, je suis tombée sur le mot « inverti ». « Inverti »? Mais QUI peut bien encore utiliser un vocabulaire pareil? Et encore plus loin, je lis « vesser ». « Vesser »??? Je me précipite sur mon dico: « vesser » signifie tout simplement « péter »...

Bref, mon ami Google m’apprend que le traducteur de ce livre imprimé en juillet 2019 est un professeur de grec en poste à Casablanca en 1930. Ah ah. Elle est piquante, sa traduction, à ce malheureux Marc-Jean Alfonsi, qu’on imagine se tordre les mains de désespoir en se demandant comment il allait rendre totalement inodore le texte d’Aristophane. Je ne sais pas s’il faut l’en féliciter, mais il a admirablement rempli la tâche qu’il s’était fixée.

Dionysos merci, même Marc-Jean n’a pu totalement policer la seconde pièce. Les Grecques viennent au secours d’un gouvernement totalement dépassé et décident d’établir une société communiste: chacun mange selon ses besoins et passe ses nuits avec qui il veut. Et puisque les plus vieux/vieilles ont droit eux aussi aux joies du sexe, ils/elles deviennent prioritaires au grand dam des plus jeunes forcés d’honorer tout ce qu’Athènes compte de ridés et d’édentés avant de compter fleurette à qui les intéresse. C’est parfaitement scabreux et hilarant et tout en gloussant on ne peut se défendre de réfléchir aux paradoxes d’une démocratie idéale.

Sinon, j’ai appris depuis que la traduction de référence était celle de la Pléiade. C’est pas donné, tant pis: Duralex sed lex.
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Lysistrata

Décidément, j'aime beaucoup le théâtre comique de l'antiquité, avec sa fraîcheur, son rythme, son inventivité. C'est pourtant un théâtre loin d'être facile à apprivoiser : farcesque, grotesque, presque outrancier ( a priori tout ce que je déteste ! ). Et pourtant, le charme opère. L'humour n'est certes pas fin, mais il y a là tant de qualités dramaturgiques, et l'humour et si bien amené. Et si l'humour est peu fin, la satire de moeurs l'est, elle...
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Lysistrata

Juste un petit mot: Finitysend et Nastasia-B ont tout dit, et tellement bien: c'est la pièce la plus connue, la plus provocatrice et la plus jouée actuellement d'Aristophane...



Les rapports hommes-femmes, la grève du sexe, l'amour , pas la guerre...on comprend son actualité : cela me fait un plaisir immense de voir à quel point cette pièce ancienne a du succès.



Qu'il me soit permis cependant d'apporter un petit bémol: ce n'est pas la meilleure à mon humble avis, et je lui préfère largement Les Oiseaux...
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Lysistrata

Lysistrata ou "celle qui termine la guerre" est une femme qui appelle les autres femmes à la désobéissance civile, à la "guerre psychologique". Mais la "guerre froide" qu'elles mènent au détriment des hommes, c'est une non-guerre, une guerre sans violence. En effet, leurs revendications, c'est de mettre fin à la guerre ; il serait donc absurde de faire la guerre pour mettre fin à la guerre, la violence n'entraînant que la violence. Leur arme, c'est la parole ; Lysistrata est une oratrice oeuvrant pour la paix. Mais conscientes que les hommes n'écoutent pas les femmes, elles entament une grève non de la faim mais du sexe ce qui entraîne pas mal de scènes cocasses. En effet, les femmes sont elles aussi les victimes de cette grève de la faim et Lystistrata peine à fédérer les troupes (surtout au début) et à canaliser les forces. Le moment où il y a le plus de tension entre les sexes, c'est quand les hommes en peine débarquent dans la pièce mais n'oublions pas que c'est une comédie et non une tragédie aussi quand je dis qu'il y a une "tension", je veux dire par là que les hommes n'en peuvent plus. Il faut dire que Lysistrata fait de l'effet.
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Théâtre complet

Le théatre d'Aristophane demeure un pur régal et reste d'actualité,dois-je dire hélas ? Que ce soit "les grenouilles",

"les guêpes"ou "les oiseaux". j'avoue un faible pour "Lysistrata" ("Avec ces pestes,rien;rien non plus sans ces pestes" ).Et dire que d'aucuns (d'aucunes ? )veulent supprimer l'enseignement du grec !
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Les Oiseaux

L'expédition de Sicile vient de s'achever par la catastrophe que l'on sait: navires arraisonnés ou détruits, Grecs emprisonnés dans les terribles Latomies, cette prison à ciel ouvert, stratèges morts....



En effet, le bel Alcibiade, compromis dans un scandale de profanation de statues (déjà...les profanateurs de lieux saints ont des précédents célèbres..), a dû fuir Athènes (et la mort qui l'attendait ) en toute hâte...Mais pas fuir n'importe où: chez l'ennemi, à Sparte..il a obligeamment été cafter ses petits copains, en route pour la Sicile sous la houlette de Nicias,...Inutile de dire si l'accueil de Nicias par les Lacédémoniens a été chaleureux...



C'est dans ce contexte terrible que ce vieux réac' sympa d'Aristophane, grand pourfendeur de démocratie déliquescente, écrit les Oiseaux.



Pas un mot ici contre Nicias, son expédition calamiteuse, ni même contre ce petit salopard d'Alcibiade: comme les autres Athéniens, Aristophane sait que cela sent la fin, que la guerre est perdue : on ne tire pas sur une ambulance...



Alors il fait appel à toute son imagination, à toute sa fantaisie,à toute sa créativité et il écrit Les Oiseaux. Une utopie. Où il rêve d'un monde meilleur, d'une cité idéale à créer avec un peu d'astuce et de culot.



Du culot et de l'astuce, ils en ont à revendre, Pisthétairos( Bon-Pote) et Evelpidès ( Bel-Espoir), deux Athéniens qui fuient les tracasseries administratives d'Athènes en suivant les criailleries d'un choucas et d'une corneille achetés au marché aux oiseaux et qui sont censés les emmener au royaume des Oiseaux.



Mais quelle déception, ce royaume est un vrai...miroir aux alouettes: rien de sérieux, d’organisé..ça volette par-ci, ça caquète par-là...



Alors ils se muent en consultants et proposent aux oiseaux quelques idées géniales pour instaurer un royaume digne de ce nom, entre ciel et terre, et, pour s'assurer à la fois la maîtrise de l'une et de l'autre, ils érigent un Mur( ça, ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd...) où les hommes et les dieux devront acquitter un péage (décidément, quelle mine d'idées nouvelles...) si les hommes, d'un côté, veulent faire monter vers les dieux les fumées de leurs sacrifices ou si les dieux, de leur côté, veulent descendre en érection forniquer avec les mortelles (Aristophane est quelqu'un d'assez direct..)



Reste à persuader les Oiseaux eux-mêmes, qui sont un peuple assez ...volage et tête en l'air, de leur propre importance... Bon-Pote se lance alors dans une parodie -géniale- des théogonies à la manière d'Hésiode, et imagine ex abrupto une Ornithogénèse sublime, et à mourir de rire!!



Les Oiseaux sont convaincus... Sitôt la ville érigée, commencent à affluer les pique-assiette de tout...poil, les renégats et damnés de la terre qui demandent asile. Comme un certain Rocard, les oiseaux pensent qu'ils ne peuvent pas accueillir toute la misère du monde...



Les Dieux non plus ne l'entendent pas de cette oreille et dépêchent illico Heraklès -qui est mort de faim- , Poséidon qui ne plaisante pas avec le polythéisme, et un dieu Barbare qui parle un grec à coucher dehors et ne comprend rien à ce qu'on lui raconte...



Je vous laisse découvrir comment tout cela se termine...Si la traduction est bonne, vous rirez à gorge déployée, et si vous êtes un peu férus d’histoire et de culture grecques, vous boirez du petit lait (de poule)!



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