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Citations de Akira Mizubayashi (490)


La musique m'accompagnera toujours, me disais-je, tant que je ne sortirai pas de cette langue, tant que je ne cesserai pas de respirer dans cette langue et par cette langue. C'était là une certitude. Le français était un instrument de musique - et il l'est toujours - que j'essayais de faire chanter et résonner au gré de mes émotions quotidiennes.
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la musique est tellement incarnée qu'elle possède la puissance de rappeler les âmes du royaume des morts...
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"Tu es rouge mais d'un rouge écarlate!" A l'instant où il a prononcé ces mots, sur un ton haineux, le sergent major Ashibé m'a asséné une paire de claques magistrale. Je suis tombé, il m'a relevé, il m'a donné des coups de poing à la figure et dans le ventre.
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Yanfen baissa le son de sa voix.
- Franchement, je suis indignée contre l'expansionnisme colonial de l'Empire japonais, mais je ne confonds pas pour autant les individus et l'État qui les incorpore. Dans le monde d'aujourd'hui, nous sommes inévitablement soumis à l'État. Chacun devrait pourtant se définir d'abord et avant tout comme un individu au-dessus de toute appartenance. Je suis chinoise, je parle chinois, mais je ne voudrais pas que l'on me réduise à cela... Mon individualité est tout de même autre chose que ce qui est défini par le hasard de ma naissance.
Absorbé par les propos de ses amis, Yu avait oublié son thé. Lorsqu'il vida sa tasse d'une traite, le thé était froid. En reposant sa tasse, il s'adressa à tous les trois, en caressant la main de son fils qu'il sentait sur son épaule.
- Je suis profondément touché parce que vous dites. Je préfère avoir des amis comme vous dans un pays ennemi plutôt qu'avoir une patrie détestable et des compatriotes rampants qui ne jurent que par leur appartenance à cette patrie. Je serai avec vous, je resterai avec vous, même si l'on m'accuse d'être un «mauvais sujet japonais», un «traître à la nation», un hikokumin.
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Jacques, à son tour, parla de son admiration pour les grands maîtres luthiers depuis Amati qui ont fixé une fois pour toutes le choix des bois utilisés pour la création des instruments à cordes : l'épicéa pour la table, l'érable pour le fond, le manche, les éclisses, le chevalet, l'ébène pour la touche, le cordier... Comme Hélène, il travaillait des bois qui sortaient d'une longue période de séchage naturel ; et il était fasciné, de même qu'Hélène l'était par la beauté de la courbe des archets, par l'élégance gracieuse des voûtes qu'il fallait réaliser sur le dos ainsi que sur la table d'harmonie afin de donner à l'instrument une capacité de vibration surnaturelle. Il fallait arriver à une parfaite maîtrise de l'outil approprié à chaque geste jusqu'à ce qu'il devînt une partie intégrante de ses deux mains. Cela demandait un effort constant et une patience infinie. Mais il ne se décourageait pas. Bien au contraire, il redoublait d'efforts en se persuadant que la somptuosité et la splendeur des sons l'attendaient au terme de tout ce long chemin.
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Le silence persiste. Je rouvre les yeux à moitié. Il se penche alors lentement, très lentement, comme s'il hésitait, comme s'il n'était pas sûr de ce qu'il faisait. Une tête d'homme, coiffée d'un képi de la même couleur que l'uniforme, apparaît devant mes yeux. À contre-jour, elle est voilée d'une ombre épaisse. Du bord du képi descend par derrière jussu'aux épaules une pièce d'étoffe également kaki. Les yeux seuls brillent comme ceux d'une chatte qui guette dans les ténèbres.
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Jacques Maillard, ou Rei Mizusawa, était un homme sans religion. Il ne croyait à aucune après-vie. Qu'est-ce qui resterait à l'extrême fin, à la fin de tout, de la civilisation, de l'humanité, de la planète, du système solaire ? Tout serait englouti, oublié, perdu. La vie ne serait-elle pas au bout du compte une gigantesque hécatombe ? Pourquoi alors en ajouter d'autres ? Pourquoi commettre la bêtise abyssale d'en fabriquer d'autres, celles, innombrables, que les guerres engendrent impitoyablement, celle des tranchées, celle des camps d'extermination, celle causée par les bombes qui pleuvent et qui vous déchiquettent, celle provoquée par les armes de destruction massive allant jusqu'à la bombe atomique brûlant et calcinant toute une ville dans la seconde, érigeant dans le ciel un hideux et diabolique champignon précédé de l'apparition soudaine, aveuglante, déflagrante de la lumière luciférienne ? Pourquoi tant de cruautés ? Pourquoi tant d'actes meurtriers atroces ? Mais, précisément, à cause de ces violences inouïes, de ces tueries irrémissibles qui empêchent brutalement de vivre et qui, par là même, génèrent un interminable défilé de fantômes, l'édification d'un autel était absolument pour Rei Mizusawa, un autel qui rendait d'abord et surtout son père assassiné et, ensuite tous les disparus qui l'accompagnaient de près ou de loin. Dès lors, son art de luthier, celui de rendre les sons de l'âme, de la vie intérieure, de la plus noire mélancolie comme de la joie la plus profonde - grâce aux compositeurs du passé et du présent et par la médiation des interprètes hors pair - à travers les instruments qu'il fabriquait après tant d'années d'apprentissage, de tâtonnement, d'hésitation, de recherche, après tant d'efforts déployés dans l'étude patiente et passionnée des grands modèles des maîtres anciens, après surtout une vie entière passée, en compagnie du violon de son père au demeurant assez ordinaire, à réparer, à restaurer et à soigner... son art, donc, entièrement dévoué au service des émotions humaines, n'était rien d'autre que la tentative d'apaisement de la douleur traumatique issue de la destruction foudroyante de ce qui vous attache le plus intensément au monde et à la vie.
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Yanfen dormait encore lorsque Rei ouvrit timidement la porte. Le luthier s'assit sur la chaise à côté du lit sans faire de bruit. Il regarda la vieille dame allongée. Il scruta son visage lézardé de rides, sa bouche entrebâillée, les joues pâles et creuses. Il se souvint de l'émotion qui l'avait secoué, ce dimanche-là, à la vue de son visage d'une éclatante beauté et de son corps frêle et élancé. C'était la première fois, pensa-t-il, qu'il sentait son coeur renversé par une force obscure montant de ses entrailles...
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L’État tel que les Japonais l'appréhendent et le vivent ne ressemblent d'aucune manière à celui du « Contrat social », ni à celui de la Déclaration (de 1789) en tant que résultat d'un acte d'« association politique » pour la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'« homme ». Leur Etat, c'est CELUI qui s'impose, en deçà et au-delà de la volonté de chacun, comme une sorte de données millénaires ethnico-géographiques qu'on ne saurait mettre en doute sous peine d'exclusion ou même de mise à mort comme en témoigne le sort réservé aux résistants, libéraux ou communistes des années sombres et fanatiques de l’avant-guerre. C'est CELUI qui fait sentir aux Japonais qui reviennent de l'étranger une douce chaleur et une force enveloppante propres à la communauté familiale à travers ce petit énoncé magique qu'est « Okaerinasaï ».

2420 - [Folio n° 5821, p. 66]
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"_Tu ne verras pas ton grand frère pendant un certain temps, dit le père d'une voix sombre et résignée, comme s'il essayait de se persuader qu'il lui fallait supporter en silence son triste sort. Il va devenir soldat dans trois jours et il sera loin de la maison, même très loin de la maison...
_Mais il reviendra, quand la guerre sera finie...N'est-ce pas ?
La mère tourna le visage
pour ne pas montrer à sa fille les larmes qu'elle ne pouvait retenir.
_Oui, cette guerre finira tôt ou tard, plus tôt qu'on ne le croit...Le pays est à bout. Ca ne peut plus durer. C'est ce que papa pense...Alors Ken reviendra aussitôt que la guerre sera terminée.
_Et à l'école, on ne te rabattra plus les oreilles avec des fadaises sur le Pays divin, murmura le père."
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Chacun arrive au monde en compagnie de sa seule solitude, portant au fond de soi l'empreinte d'un passé plus ou moins lourd à porter. C'est aussi en compagnie de sa seule solitude que chacun quitte le monde. Entre ces deux solitudes s'étend l'espace de la vie où il est peut-être possible de partager joies et peines de l'existence.
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Les amis de Yu étaient de nationalité chinoise. (...)
Les trois jeunes musiciens amateurs faisaient partie des rares étudiants chinois qui ne s’étaient pas laissés enfermer dans l’étroite vision d’un nationalisme exacerbé face à l’animosité réciproque sans cesse croissante depuis l’incident de Mandchourie en 1931 entre leur pays du Milieu envahi et l’Empire nippon gagné par l’expansionnisme colonial.
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Chacun devrait pourtant se définir d'abord et avant tout comme un individu au-dessus de toute appartenance. Je suis certes chinoise, je parle chinois, mais je ne voudrais pas qu'on me réduise à cela... Mon individualité est tout de même autre chose que ce qui est défini par le hasard de ma naissance.
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Mais -parler- , cette étrange manie de l'homme, que ce soit dans votre propre langue ou dans celle qui vient d'ailleurs, n'est-ce pas au fond un acte qui défie la pudeur ? Parler, c'est exposer sa voix nue, dévoiler par sa voix sa manière absolument singulière d'exister, donc s'exposer à nu, une dénudation, d'une certaine façon. (...) Parler, c'est quelque part résister à la pudeur. [p. 248, Folio, 2021 ]
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«  ——- La mélancolie est un mode de résistance , déclara Yu.
Comment rester lucide dans un monde où l’on a perdu la raison et qui se laisse entraîner par le démon de la dépression individuelle ?
Schubert est avec nous, ici et maintenant .Il est notre contemporain .
C’est ce que je ressens profondément . »
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[...] la langue, en l'occurrence le français, est un bien commun que ses usagers partagent équitablement. Les relations sociales de supériorité et d'infériorité ne sont pas encastrées dans la langue... comme c'est le cas du japonais.
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Le thème que je vais jouer est d'après moi l'expression de la nostalgie pour le monde d'autrefois qui se confond avec l'enfance peut-être, un monde en tout cas paisible et serein, plus harmonieux que celui d’aujourd’hui dans sa laideur et sa violence.
En revanche, j'entends le motif présenté par l'alto et le violoncelle 'tâ...takatakata....., tâ...takatakata......" comme la présence obstinée de la menace prête à envahir la vie apparemment sans trouble.
La mélodie introduite par Kang-san traduit l'angoissante tristesse qui gît au fond de notre coeur...
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La société japonaise de 2013, vautrée dans l'indifférence massive et l'ignorance de la culture délibérative, est toujours une société prête à succomber à la tentation conformiste de la majorité.
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En passant d'une langue à une autre, certains interdits tombent : un espace de liberté s'ouvre subitement.
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Dans les boulangeries, les bureaux de tabac ou d’autres petits commerces, je fus frappé par le fait que des hommes (et, moins souvent, des femmes) entraient dans la boutique en disant à la cantonade, « Bonjour, messieurs-dames », ou tout simplement « bonjour » ou encore succinctement : « Messieurs-dames ». Saluer des personnes inconnues ? Et oui, cela est fréquent France ; il suffit de se promener dans les rues de Paris ou de prendre le métro, d’être attentif aux spectacles qui s’offrent çà et là dans les lieux publics. Tandis que dans mon pays, un tel geste, potentiellement créateur de liens, serait perçu comme une violence inacceptable tout au moins comme une incongruité suspecte. La vie sociale s’organise de telle manière qu’un individu (pas un groupe constitué comme militants politiques ou syndicalistes…) n’ait pas à s’adresser, autant que faire se peut, à un inconnu, c’est-à-dire à quelqu’un qui n’appartient pas aux mêmes groupes communautaires que lui. Les inconnus sont par définition suspects. 
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