Citations de Alain Badiou (245)
L'immobilité trouverait sa métaphore accomplie dans le cadavre : le "mourir" est la conversion de tout mouvement possible en repos définitif. Mais là encore, l'irréductibilité des fonctions fait que le "mourir" n'est jamis la mort.
C'est l'égoisme qui est l'ennemi de l'amour, non le rival (la jalousie). On pourrait dire: l'ennemi principal de mon amour, celui que je dois vaincre, ce n'est pas l'autre, c'est moi, le "moi" qui veut l'identité contre la différence, qui veut imposer son monde contre le monde filtré et reconstruit dans le prisme et la différence.
L'amour se rapporte à la totalité de l'être de l'autre , et l'abandon du corps est le symbole matériel de cette totalité .
"Parce que, au fond, c'est ça l'amour : une déclaration d'éternité qui doit se réaliser ou se déployer comme elle peut dans le temps (...) Oui, le bonheur amoureux est la preuve que le temps peut accueillir l'éternité."
... mathématiques et poésie nomment les deux extrémités du langage : les mathématiques du côté du formalisme le plus transparent, et la poésie au contraire du côté de la puissance la plus profonde, et souvent la plus opaque.
Ce qui veut dire également que les épidémies ont ceci de commun avec les guerres qu'elles accélèrent la concentration du capital, loi majeure de toute l'histoire du monde moderne.
Or, évidemment, je suis convaincu que l'amour, en tant qu'il un goût collectif, en tant qu'il est, pour quasiment tout le monde, la chose qui donne à la vie l'intensité et signification, je pense que l'amour ne peut être ce don fait à l'existence au régime de l'absence totale de risque
La vraie comédie ne nous divertit pas, elle nous met dans l'inquiétante joie d'avoir à rire de l’obscénité du réel.
Laisser tomber au premier obstacle, à la première divergence sérieuse, aux premiers ennuis n'est qu'une défiguration de l'amour.
(…) le poème est une délicatesse de la langue envers elle-même ; il est un délicat toucher des ressources de la langue.
Le jeunisme, c’est la tendance à se cramponner autant que faire se peut à la jeunesse, en commençant par la jeunesse du corps, au lieu d’assumer comme une supériorité la sagesse de la vieillesse. D’où le fait que « rester en forme » est l’impératif de qui vieillit. Jogging, tennis à tout va, fitness, chirurgie esthétique, tout est bon. Il faut être jeune et rester jeune. Les vieillards en tenue de sport courent dans les bois en mesurant leur tension artérielle. Du coup, il y a un grave problème pour qui vieillit, pour qui, si même il a bien couru dans les bois, doit vieillir, et mourir, c’est-à-dire, à la fin, tout le monde.
La jalousie est un parasite artificiel de l’amour et n’entre aucunement dans sa définition.
Les idées libertaires de 68, la transformation des mœurs, l’individualisme, le goût de la jouissance, trouvent leur réalisation dans le capitalisme post-moderne et son univers bariolé de consommation en tout genre. Finalement, le produit de Mai 68 c’est Sarkozy en personne.
Il faut réinventer le risque et l'aventure, contre la sécurité et le confort.
Je soutiens que la philosophie, loin d'être, comme elle le prétend souvent, une sorte de commencement absolu, n'existe que sous la condition qu'existent des pratiques créatrices indépendantes. Et je pose que les quatre conditions de la philosophie sont : les sciences, les arts, les amours et les politiques. Ce qui veut dire que la philosophie n'est que l'Un du Quatre, du Quatre qu'avec mon goût des mathématiques pures, de la poésie comme langage intense, des femmes aimées et des aventures politiques minoritaires, oui, du Quatre que JE suis, ou est.
P. 112
On dirait que c'est à l'économie qu'est confié le savoir du réel. C'est elle qui sait.
Il semble que nous ayons eu, il n'y a pas longtemps, maintes occasions de constater qu'elle ne savait pas grand chose, l'économie. Elle ne sait même pas prévoir d'imminents désastres dans sa propre sphère. Mais ça n'a quasiment rien changé. C'est encore et toujours elle qui sait le réel et nous l'impose. C'est d'ailleurs un point très intéressant de constater que sa fonction auprès du réel a parfaitement survécu à l'incapacité absolue de l'économie non seulement de prévoir ce qui allait se passer, mais même de comprendre ce qui se passait. Il semble bien que, dans le monde tel qu'il est, le discours économique se présente comme le gardien et le garant du réel. Et tant que les lois du monde du Capital seront ce qu'elles sont, on ne viendra pas à bout de la prévalence intimidante du discours économique.
L'humanité, comme telle, est incolore.
Nous avons aujourd'hui avec la gangrène de la finance~ un capitalisme de
prédation, voué à la crise permanente du fait de sa perpétuelle fuite en avant, portée par des instruments de plus en plus déconnectés du réel et incontrôlables.
(p.92)
Aujourd’hui, le type de comptabilité que nous utilisons n'incorpore pas le travail comme un actif mais comme un coût.
Travailler pour une entreprise, ce n'est pas lui apporter une compétence, mais lui coûter. Cette perspective est tout de même étrangère et passablement choquante ... Le travail peut très bien être considéré comme une valeur !
(p.123)
Il se pourrait que, depuis toujours, le philosophe soit un rival envieux du poète. Ou, pour le dire autrement : le poème est une pensée qui est son acte même, et qui n’a donc pas besoin d’être aussi pensée de la pensée. Or la philosophie s’établit dans le désir de penser la pensée.