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Critiques de Alain Robbe-Grillet (112)
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La maison de rendez-vous

N°1869– Avril 2024.



La maison de rendez-vous – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.



Kong-Kong dans les années 20, c’est, pour le béotien que je suis l’objet d’idées reçues voire de fantasmes, le jeu, l’argent, les réceptions, les trafics, la drogue, l’espionnage, la prostitution... Le narrateur dont nous ne saurons rien nous raconte une histoire bien étrange qui commence dans une maison de luxe, la Villa Bleue où se donnent de bien singuliers spectacles, gouvernée par la non moins étrange Lady Ava aux précieux chiens noirs. Il nous fait partager son admiration pour la beauté des femmes eurasiennes et leurs robes érotiquement fendues, croise des personnages au comportement bizarre qui pour certains meurent assassinés, le tout dans une ambiance à la fois raffinée de cette maison de rendez-vous et la saleté des rues chinoises, le petit peuple des coolies, les fumeries d’opium, le trafic de filles mineures, les tentatives empoisonnement, les chantages, les policiers véreux, les escroqueries en tout genre, les crimes camouflés en accident qui égarent le lecteur qui finit par le plus rien comprendre. Égaré, le pauvre lecteur l’est en effet puisque dans ce récit labyrinthique et parfois contradictoire, ce même narrateur raconte plusieurs versions d’une même histoire, donnant une explication beaucoup plus terre à terre des faits antérieurement relatés, révélant la vraie nature des gens, transformant les lieux auparavant décrits et détruisant ainsi l’ambiance moite patiemment tissée. Dans les diverses descriptions qu’il fait, notamment des femmes, il sollicite même l’imagination du lecteur, si celui-ci veut bien entrer dans son jeu. Robbe-Grillet tient même à apporter quelques précisions audit lecteur avant qu’il ne lise ce roman.

Je poursuis mon exploration du « nouveau roman ». Je suis de plus en plus perplexe.



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Le voyeur

N°1868– Avril 2024.



Le voyeur – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.



Le titre peut avoir une certaine connotation malsaine, sexuelle voire érotique. Nous sommes cependant dans le « nouveau roman » où tout est inattendu. C’est en effet l’histoire de Mathias, représentant en montres, « voyageur de commerce » comme on disait alors, qui revient dans son île natale avec le projet d’en vendre 99 aux deux mille habitants du lieu en une journée, une gageure. Il sera dénommé « le voyageur » tout au long de ce roman. Durant son bref séjour, il va forcément être reconnu, va rencontrer des gens de sa connaissance, et d’autres qui prétendaient le connaître mais dont il n’avait aucun souvenir. Il va être confronté malgré lui à une mort suspecte, celle de la petite Jacqueline, une petite allumeuse tombée d’une falaise. La nudité du corps retrouvé laisse penser à un crime sexuel. On se sait trop pourquoi, il se met à supposer qu’il en est coupable et se persuade qu’il a semé des preuves derrière lui et ce d’autant plus qu’il croit avoir été vu sur la scène de crime. C’est un peu comme si, devant un tel événement, il se comportait comme un meurtrier qui ne se souviendrait plus de rien et qui voudrait se disculper en s’inventant des preuves de sa culpabilité… et en les faisant disparaître. Cette attitude est d’autant plus mystérieuse et inexplicable qu’aucun soupçon ne pèse sur lui, que les coupables potentiels sont nombreux, qu’on évoque même la légende locale d’un crime rituel remontant à la nuit des temps et surtout que la gendarmerie n’intervient même pas pour ce qui reste un regrettable accident.

C’est le deuxième roman de notre auteur, paru en 1955 et qui, boudé lors de sa publication au point de faire polémique mais qui a reçu le Prix des Critiques. Je poursuis la relecture de ses livres qui s’inscrivent dans le style du « Nouveau roman ». J’ai lu celui-ci, écrit, apparemment’ comme un roman policier classique d’ailleurs bien écrit et agréable à lire, avec certes un luxe de détails superflus, mais dont la touche originale s’impose au fil du texte. Certes Mathias n’est pas un personnage anonyme comme le soldat de « Dans le labyrinthe » mais certaines scènes sont répétées plusieurs fois différemment, avec parfois un décalage dans le temps, des monologues sans suite, obscurs, mais également répétitifs, des épisodes ou l’imagination prend le dessus de sorte qu’on ne sait plus trop ce qui s’est réellement passé et la raison des visions furtives que Mathias a de ce qu’il considère comme un meurtre pour lequel il veut se constituer un alibi.

Robbe-Grillet distille le suspense avec talent mais, le livre refermé, je me demande si j’ai vraiment lu un roman policier puisque je me suis longtemps cru dans un thriller psychologique. Il n’y a en effet ni enquête policière, ni même meurtre, à part dans la tête de Mathias qui s’en accuse dans son for intérieur. Apparemment la disparition de Jacqueline n’a rien de surprenant puisque chacun s’y attendait, seul Mathias s’en sent coupable parce que sans doute il se remémore un fait tragique remontant à son enfance îlienne autour de la mystérieuse Violette, ou qu’il est tout simplement obsédé par les petites filles. C’est sans doute ce qui expliquerait le titre et de « voyageur » il deviendrait « voyeur ». Tout cela n’est pas sans égarer le lecteur et caractérise l’esprit de ce mouvement littéraire qui à l’écriture d’une aventure préfère l’aventure d’une l’écriture selon le mot de Jean Ricardou.



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Dans le Labyrinthe

N°1867– Avril 2024.



Dans le labyrinthe – Alain Robbe-Grillet– Les Éditions de Minuit.



Le décor est celui d’une ville déserte refroidie par la nuit de l’hiver, un théâtre de guerre de défaite et d’armée en déroute. Il n’y a personne dans les rues et les rares habitants se claquemurent chez eux. Seul un café accueille les hommes, majoritairement des civils, et constitue un contraste avec la suite. Un soldat, un conscrit, fatigué, à l‘uniforme sale cherche un endroit inconnu qu’il ne trouve pas, frappe à une porte, interroge les occupants. Il semble avoir une mission à remplir dont il veut s’acquitter, remettre le paquet qu’il porte à son destinataire. Les paroles qu’ils échangent sont rares, la méfiance est de mise à cause des espions potentiel, le soldat veut remplir la mission qui lui a été confiée mais il est comme un zombi dans ce décor froid, glauque et impersonnel. Les dialogues sont économes, les des descriptions techniques précises mais semblent cependant superflues, l’ambiance labyrinthique, comme le texte qui la suscite, les personnages aussi insaisissables que des fantômes et ce soldat, loin d’être le héro de ce texte comme il pourrait l’être dans le roman traditionnel, disparaît derrière une prose écrite sans recherche littéraire, dans un déroulé descriptif où les séquences se croisent et se succèdent sans réel suivi, au détriment d’une intrigue plus soutenue et le lecteur peut facilement s’y perdre. Lui aussi est dans un labyrinthe. Il est difficile de saisir les postures successives de ce soldat qui se trouve dans des situations différentes au fil du texte. Il croise aussi un enfant, une femme et d’autres personnages tout aussi insaisissables et l’épilogue est à la mesure de cette histoire.



Je continue à intéresser au « nouveau roman » qui, lors de sa manifestation dans le paysage littéraire m’avait laissé sur ma faim, parce qu’il a constitué un moment particulier, une expérience d’évolution (de révolution?) de l’écriture et je recherche, à travers les écrivains qui l’ont incarnée, ce sur quoi elle a débouché, l’empreinte qu’elle a laissée dans la culture de l’écriture romanesque actuelle.

Tout cela me semble s’inscrire dans cette expérience littéraire de destructuration du roman classique que Jean Ricardou définit lui-même non comme «  l’écriture d’une aventure mais l’aventure d’une l’écriture ». Pourquoi pas après tout mais, à titre personnel, le livre refermé je suis de plus en plus perplexe.









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La jalousie

N°1865– Avril 2024.



La jalousie – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.



L’auteur choisit de traiter un sentiment très humain où se mêlent l’anxiété, l’insécurité, la peur de perdre une chose ou un être à qui on est attaché. S’y ajoutent de la colère, de la frustration, de la tristesse et on pense inévitablement à un contexte amoureux avec le triangle traditionnel, le mari, la femme, l’amant… Oui, mais, nous sommes dans le « nouveau roman » où rien n’est vraiment comme dans les fictions romanesques habituelles.

Nous sommes dans une plantation de bananes, c’est à dire dans un climat chaud et humide et le titre de ce roman joue d’une part sur l’émotion et d’autre part sur cette sorte de contrevent à lattes, fréquent sous ces latitudes, qui permet d’observer au dehors sans être vu. La rédaction du texte donne à penser que le narrateur observe la scène de loin, comme absent de la pièce et surtout muet, mais sa présence effective est envahissante. Pourtant de lui nous ne saurons absolument rien. De sa femme, A, nous ne savons pratiquement rien non plus, sinon que le narrateur la désire ardemment, la décrit amoureusement en train de se coiffer, admire la beauté de sa chevelure, la soupçonne d’accorder ses faveurs à Franck, un séducteur très présent auprès d’elle et dont elle apprécie la compagnie alors qu’elle s’ennuie avec son mari qui l’épie en permanence et craint surtout qu‘elle ne le quitte. Elle est assez hypocrite pour lui cacher une aventure adultère avec Frank et les dialogues qu’ils ont ensemble, en présence du narrateur, ont quelque chose de convenu où l’on peut voir une volonté de lui cacher une liaison. Franck est marié à Christiane, très inexistante dans ce contexte et qui se préoccupe surtout de la santé fragile de leur fils. Toutes choses égales par ailleurs, elle est un peu le pendant du narrateur, mais elle ne se manifeste pas.

L’attitude de ce couple donne à penser qu’ils ont quelques années de mariage derrière eux, que le temps y a fait son œuvre dévastatrice, y insinuant l’ennui et les soupçons, tuant l’amour, à supposer qu’il ait jamais existé entre eux et y substituant pour le narrateur une jalousie maladive entretenue par le jeu de A dans lequel on peut voir une volonté de séduire Franck, de lui céder ou, à tout le moins, d’en donner l’impression, surtout quand elle émet son opinion sur le roman dont ils partagent la lecture et qu’elle admet l’adultère d’une épouse blanche avec un noir. Quand ils sont ensemble, la scène est souvent vue à travers les irrégularités d’une vitre, ce qui me paraît symbolique de leurs relations floues. Bizarrement le narrateur-mari ne réagit pas face aux absences parfois nocturnes de sa femme, comme s’il ne voyait rien ou ne voulait rien voir pour la garder auprès de lui, tolère qu’elle fasse chambre à part, que Franck soit souvent chez eux et que lui’ dîne souvent seul. On ne sait rien de lui mais il est évident que c’est un homme seul, fataliste, résilient, assurément malheureux, comme quelqu’un qui s’en remet au hasard pour voir cesser une situation dont il est prisonnier. Les rares paroles qu’il échange avec sa femme ont trait au quotidien de la plantation .

A la lecture de ce roman j’ai eu l’impression d’une certaine immobilité du temps, comme s’il s’était arrêté de fuir, comme s’il était à l’image de cette météo, inchangée, comme si cette ambiance malsaine ne devait jamais finir. J’ai été aussi un peu perdu dans le déroulé des évènements, volontairement bouleversés dans leur chronologie.



L’ambiance de cette maison coloniale est pesante notamment du fait de la présence du narrateur devenu voyeur, de son silence mais surtout des soupçons pourtant non exprimés qui l’accompagnent. Je note que la narration de l’auteur recèle un luxe de détails techniques, précis, géométriques, arithmétiques biologiques ou topographiques, c’est à dire scientifiques, pas désagréables à lire mais assez superflus. Était-ce ainsi que l’auteur, avec la technique du narrateur-voyeur, souhaitait révolutionner l’art du roman ? Sur le seul plan de la rédaction, il y a une succession de paragraphes qui, sans aucune transitions, parlent de choses fondamentalement différentes. Quant à la présentation des « tables », elle est originale. Pourtant à l’inverse d’autres œuvres du même auteur, j’ai porté de l’intérêt à cette histoire, peut-être à cause du thème et malgré le peu d’action du roman, mais, le livre refermé, cette lecture m’a laissé assez perplexe, même si je ne suis pas ennemi de l’évolution des choses et de la littérature en particulier.

C’est le quatrième roman de Robbe-Grillet (1922-2008) publié en 1957 qui, contrairement aux œuvres précédentes a bénéficié d’un accueil favorable et à été traduit en 30 langues.





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Les gommes

N°1864– Avril 2024.



Les gommes – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.



Ça commence comme un roman policier classique Daniel Dupond a été assassiné à son domicile la veille, mais on n’a pas retrouvé son corps.Le détective Wallase, un jeune enquêteur parisien, fraîchement muté dans cette ville, est chargé de l’enquête qui s’annonce difficile en l’absence de corps. C’est donc un « meurtre » sans témoin et on s’oriente, grâce à un homme providentiel et lui-même très énigmatique, dans une histoire un peu obscure d’une organisation terroriste à cause des opinions politiques de la « victime ». L’enquêteur rame beaucoup à cause du peu d’indices et il a même l’impression que sa hiérarchie le laisse patauger dans cette mystérieuse affaire en l’abandonnant à ses investigations hasardeuses. Était-ce par dépit ou pour conjurer un mauvais sort qui s’acharnerait sur lui, Wallace achète convulsivement des gommes dont il sait parfaitement qu’elles ne lui serviront à rien (cet achat se reproduit de la part d’un client d’une papeterie). Pour ses supérieurs, il finit lui-même par être une véritable énigme puisque que, notamment, on sait seulement qu’il vient de Paris mais c’est à peu près tout. En effet, il apparaît que Dupond n’a que légèrement touché et, avec la complicité du docteur Juard, il a organise sa disparition physique et a voulu faire croire à un cambriolage qui aurait mal tourné. On apprend que Dupond aurait songé au suicide mais aurait préféré le scénario de l’assassinat avec disparition du corps

J’ai relu ce roman dont la première approche remonte à ma scolarité déjà bien lointaine et que mon professeur de français, à la fois ironique et sceptique, avait présenté, comme appartenant à ce mouvement dont la principale caractéristique était d’être nouveau, sans plus de commentaires. J’ai donc voulu approfondir à travers les écrivains emblématiques qui l’avaient illustré, ce qui pour moi restait une sorte de mystère qui m’avait laissé sur ma faim. J’ai d’abord eu un peu de mal à y entrer dans ce roman et quand finalement, vers la moitié du livre, ma démarche a suscité de l’intérêt et je l’ai lu comme un roman policier. L’originalité de ce parti-pris d’écriture qui consiste à faire se déplacer le narrateur dans la conscience de chaque personnage au point d’emporter peut-être l’adhésion du lecteur qui devient ainsi une sorte d’enquêteur parallèle, est intéressant. Cela se complique par l’arrivée d’autres personnages, dont Marchat, qui, sous couvert d’aider la police va se présenter comme la prochaine victime tout se ne révélant pas tout ce qu’il sait. Le déroulé labyrinthique de l’enquête rapproche ce livre du thriller bien qu’on sache tout depuis le départ, mais les hésitations de Wallace, comme perdu dans un tourbillon sans fin, tisse une ambiance un peu malsaine, accentuée par une unité de lieu qui donne une idée d’enfermement des personnages dans cette histoire. Notre enquêteur en vient même à être lui-même soupçonné à cause d’une vague ressemblance. Malgré mon attention et ma volonté de comprendre, j’ai fini par perdre un peu la notion du temps et même celle des évènements, j’ai ressenti une sorte d’impression de malaise, de doute et d’absurde devant ces investigations qui recherchent un mort qui ne l’est pas encore et des devinettes incertaines d’un pilier de bistrot, mais c’est peut-être un des buts recherchés par l’auteur. Quant aux gommes que Wallace achète sans trouver vraiment ce qu’il cherche, je ne sais pas. Le livre refermé, je suis assez perplexe, pas vraiment emballé. Peut-être suis-je passé à côté de quelque chose?

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Les gommes

Un policier écrit par un grand écrivain et ça se voit. Le sens du temps est un peu déconstruit mais on fini par retrouver son chemin comme le fait le personnage principal. L'intrigue, on peut fort bien s'en passer, par contre le style , les descriptions, le rythme... sont remarquables. Au total, combien de gommes achetées ? Sauriez-vous répondre à cette question une fois le livre refermé ? J'en doute.
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Les gommes

Les Gommes est au roman policier ce que Pastiches et Postiches, d’Umberto Ecco est à la littérature. Une sorte de Meurtre de Roger Ackroyd. Il ne faut pas y chercher un polar, plutôt un jeu, un exercice de style. Toutefois, je ne comprends pas en quoi Les Gommes est exemplaire du nouveau roman. Tout déroutant qu’il soit, cette histoire peut se lire, contrairement à ce qu’a écrit N. Sarraute.
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La jalousie

C’est comme au cinéma, l’écriture est archi visuelle, elle n’est que description de focus, zoom et contre-plongées. Une description bâtie avec des trois-quarts, des plans américains, des arrières plans et des contre-jours. Des descriptions de mouvements, une bouche qui s’arrondit, une boucle qui rebondit. Des mains à dix centimètres l’une de l’autres, des bras posés parallèlement, perpendiculaire au mur. C’est une expérience étrange que cette sorte de lecture. Qui, pour vous le dire franchement, n’a pas été tout à fait de mon goût.



C’est ce qu’on appelle le « nouveau roman ». Est qualifié de « nouveau roman » un récit où l’effort n’est pas dans l’écriture mais dans la vérité. Un rejet de la narration balzacienne et à la fois un attachement à la description des objets, pour un livre composé uniquement d’objectivité, dépouillé..



Et c’est ici réussi, servant tout à fait son propos : la jalousie. Le récit nous installe à la place du voyeur, du mari qui épie chaque mouvements de sa femme et de celui qu’il soupçonne être son amant. Leurs mains à six centimètres l’une de l’autre, son index à elle joue avec une mèche de ses cheveux, lui tient son verre avec trois doigts. Ils se regardent pendant qu’ils se parlent.



Il y a une montée obsessionnelle de l’urgence de voir, d’épier, un stalkage inquiétant dont on est en première loge : que va-t-il faire ?



Cependant, le livre a mal vieilli. Il se déroule en pleine colonisation, en bon blancs en vacances, notre triangle amoureux se fait servir. On est plus que gêné par le racisme et la discrimination ambiante, les natifs sont traités comme des bêtes et des objets, à peine méritent-ils d’appartenir au décor. C’est extrêmement malaisant et désagréable à lire. Je pense que ce n’est d’ailleurs même pas écrit dans une volonté de revendication. C’était seulement la mentalité la plus naturelle des années 50… A vomir, il y a en a des tonnes des bons bouquins qui parlent de jalousie.
Lien : https://barauxlettres.wordpr..
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La jalousie

"La Jalousie" (1957) peut être considéré comme un exploit narratif. Il s’agit du troisième roman de Robbe-Grillet (le quatrième si l’on prend en compte "Un Régicide", son premier récit, qui fut publié plus tard).

Nous sommes très vite plongés dans un état d’incertitude, pour ne pas dire de malaise, en raison de cette caractéristique narrative que je m’interdis de dévoiler pour ne pas divulgâcher… à vrai dire, cet exploit n’est pas la seule perturbation qui vient brouiller notre lecture, il y a aussi la manière dont Robbe-Grillet joue avec le temps : il est en effet quasiment impossible de reconstituer la succession des événements, certains étant d’ailleurs racontés plusieurs fois, avec des variantes…

Cette incertitude contraste avec les descriptions minutieuses des lieux, avec cette stabilité, cette matérialité du monde environnant, lequel apparaît dès lors totalement indépendant de nous, dénué de la moindre connivence avec le narrateur, comme avec le lecteur. C’est une constance, chez Robbe-Grillet, de séparer l’homme et le monde, qui lui est extérieur, étranger. D’où sa critique très pertinente de la célèbre page de "L’Étranger" de Camus, la scène du meurtre (à lire dans « Pour un Nouveau Roman ») …

Les caractéristiques formelles qui apparaissent dans "La Jalousie" pourraient être considérées comme gratuites, comme une volonté du jeune romancier de bousculer les codes du roman traditionnel. Cette volonté est certes réelle, et l’auteur la revendique dans son essai déjà cité. Mais il y a plus que cela : les incertitudes liées à la narration prennent tout leur sens si on les relie au titre du roman dont c’est le thème. Ce sentiment, dont Spinoza aurait probablement dit qu’il s’agit d’une passion triste, plonge un individu dans la perte de soi, ce qu’exprime parfaitement bien l’effacement du narrateur, personnage invisible, dépourvu de nom, qui devient presque inexistant.

La réduction à l’inconsistance, la noyade dans l’incertitude, voilà où nous mène la jalousie…

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Les gommes

Manifeste pour un nombre de mots limités dans les critiques sur Babelio

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Intrigué par le terme "nouveau roman", je me suis décidé (avec un peu de retard...) à lire cet ouvrage bien mystérieux.

Il y est question d'un meurtre (enfin presque) dont l'élucidation va perdre notre enquêteur. En fait Wallas (c'est son nom) va se perdre tout seul dans cette ville, où il multiplie les détours, les aller-retours, les rendez-vous manqués, les visites dans des papeteries... Une narration très étrange pour une histoire qui ne l'est pas moins. Le suspense et la recherche de la vérité laissent vite la place aux déambulations, aux hésitations, aux incertitudes. C'est envoutant.

Le style est assez élaboré, assez beau. Quelques pages de descriptions très précises, chirurgicales (la chair d'une tomate par exemple, un manteau, une photographie...) sont savoureuses.
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Pour un nouveau roman

Ce livre de1963 n'en est toutefois pas démodé dans sa démarche de recherche.

Robbe-Grillet, dont Les gommes m'avait fasciné voici bien longtemps, secoue et bouscule la trame du roman classique... Mieux: Il le dépouille de ses repères qui rassurent pour le projeter dans une autre dimension: celle du temps de l'auteur. La trame du roman se libérera des repères chronologiques, documentaires et descriptions habituels du récit balzacien.

L'auteur se justifie et argumente, face à la critique, souvent inexacte et fourvoyée de ce nouveau roman naissant.

Peut-être Robbe-Grillet est-il juste un peut trop ambitieux, dans sa vision d'un lecteur beaucoup plus acteur de sa lecture... Mais cela n'enlève rien au qualités de cet ouvrage de haute tenue.

De plus, Robbe-Grillet inclue dans son recueil, les Éléments d'une anthologie moderne dans laquelle se succèdent quelques indispensables rappels sur Raymond Roussel, Italo Svevo, Joë Bousquet et Samuel beckett. Rien que ça!

Pour un nouveau roman, même s'il demande une lecture attentive, sait rester abordable et intéressante, sinon passionnante, pour ceux et celles qui souhaitent approfondir le sens et l'éclairage de leurs lectures romanesques modernes.
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Les gommes

Un barbouze maladroit enquête sur un faux meurtre dans une ville portuaire nordique que nous arpentons inlassablement avec lui. Construction et style, très originaux, ne nuisent absolument pas à la fluidité de la lecture, enchantée par un humour constant. C'est beaucoup plus facile à aborder que la Route des Flandres de Claude Simon, autre parangon de ce qu'on a appelé nouveau roman. Et le titre? Le personnage principal entre régulièrement dans un commerce pour demander un type particulier de gomme à effacer qu'il ne trouve jamais. Le rapport avec l'histoire? Aucun (mais peut-être n'ai-je pas compris).
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La jalousie

Ceci n'est pas un roman. Ceci est une histoire qui se résume en une ligne ou deux.

Ou alors on peut appeler ça un roman didascalique.

Ou alors c'est comme si on décidait que les notes de bas de pages prenaient la place de la page et de son contenu conventionnel.

C'est comme certains disent et comme vous pouvez en faire un constat vous-même, vous découpez tout en menu morceaux et que l'objet ou le sujet perd ainsi tout sens, n'existe plus. Déconstruction par la surdescription. Parce que c'est ça, ici, Robby décrit tellement son sujet, qu'il n'y en a plus.

C'est un sacré exercice de style. Mais passé le moment de "surprise", c'est chiant.

Et il n'est absolument pas question de jalousie, si ce n'est celui ou celle du système de volets permettant en principe aux personnes à l'intérieur de voir sans être vues, ce qui est EXACTEMENT l'inverse dans ce roman. "Tout" est "vu" et d-écrit de l'extérieur, avec une froideur parfaite. Aucun sentiment. Les sentiments seront obtenus de surcroît. Selon ce que l'un ou l'autre projettera de sa lecture.

L'ennui peut en être un.

C'est le risque. Pour le lecteur comme pour l'auteur.

Robby, lui, il aime le risque.
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Les Derniers Jours de Corinthe

Perturbant, complexe, décontenançant. Voici les mots qui viennent à l'esprit après la lecture des Derniers jours de Corinthe. Il est parfois ardu d'avancer dans cette lecture, il ne faut pas le cacher. Alain Robbe-Grillet se fond avec le personnage de Corinthe, la fiction se mêle à la réalité et nous perd. Deux "je" s'interpénètrent et ne forment plus qu'un, mais pas vraiment. Il est compliqué de parler de ce livre. La vie d'Alain Robbe-Grillet et ses anecdotes se mélangent à des moments de fiction loufoques, absurdes et extravagantes, et cela devient compliqué de dissocier les deux. Nous commençons avec l'histoire de Corinthe, et tout à coup, sans transition, il s'agit de celle d'Alain Robbe-Grillet et inversement. C'est un livre autobiographique, réellement unique et innovant.
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Les Gommes (suivi de) Clefs pour les Gommes

Perplexité maximale...Depuis que j'ai lu, il ya peu, un passionnant article dans le Monde sur les boites à livre qui analysait les ouvrages déposées dans celles-ci, je regarde lesdites boites d'une autre manière. Ainsi l'article citait le pauvre Henri Troyat comme auteur le plus fréquemment trouvé. Je ne sais pas si c'est un compliment ou si c'est très injuste. Disons que la postérité semble parfois cruelle.

Mais alors que penser de ceci ? Dans ma commune (une petite ville de province ), trois exemplaires du roman les Gommes (que je n'ai pas lu je le précise ) de Robbe-Grillet en même temps le même jour !! ...J'en suis réduit à faire des hypothèses. Un professeur d'université spécialisé sur Robbe-Grillet décédé et sa famille ingrate se dessaisit de ses plus beaux livres, ? Un passionné dudit auteur décidé par pure générosité à en faire don à ses concitoyens ? Ou bien un instant de lucidité de la part de lecteurs qui décident de se séparer de livres imbitables ? Il est bien difficile de se prononcer. Il est certain que ce n'est toutefois pas la meilleure publicité pour cet auteur...
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Le miroir qui revient

Comme un point d’orgue à son œuvre, Alain Robbe-Grillet livre ici un ouvrage où il revient sur son enfance, sa famille, son parcours, sa vie, ses écrits (même s’il a rédigé d’autres livres après celui-ci) développant son style singulier, décortiquant ses romans (la jalousie, le voyeur) où il dit « avoir parfois tendu des pièges au lecteur ».

Ce n’est pas à proprement parler une autobiographie car une part de fiction se mêle au contenu mais il intègre bon nombre de souvenirs personnels, revenant sur ses premiers pas, expliquant comment l’écriture s’est imposée à lui.

Commencé en 1976, poursuivi en 1983, cette « fiction autobiographique » apporte un éclairage nouveau sur cet homme et le mouvement littéraire qu’il a porté, appelé « Nouveau roman », sur ses « fantasmes », ses peurs, ses errances ….

Qu’ils sont torturés ces artistes !

L’écriture est ici comme une peinture magistrale avec ses trompe l’œil (Henri de Corinthes a une part prépondérante dans les pages et on s’interroge sur la véracité des faits évoqués (l’auteur parle lui-même d’approximations)), ses vérités ; ses couleurs plus ou moins vives, ses traits plus ou moins fins …. mais la conclusion est la même : quel tableau ! ou plutôt quel livre !!!!


Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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La jalousie

Un roman froid, clinique, obsessionnel. Chaque phrase est là description parfaitement objective de la situation et la localisation d'objets, de personnes, de la distance entre ceux-ci, du tressaillement de l'un ou de l'autre.



On croirait assister à une séance de chirurgie du cœur, avec moult détails mais aucune émotion.
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Les Gommes (suivi de) Clefs pour les Gommes

Relire "Les gommes" après plus d'un demi-siècle était une gageure. Je me souviens que ce roman, annonciateur d'un courant littéraire qui fit les beaux jours de l'intelligentsia parisienne pendant la seconde moitié du vingtième siècle, m'avait particulièrement ennuyé. Derrière une vague trame politico-policière à la poursuite d'un supposé assassin, le roman décrivait sur une pleine journée l'errance d'un pseudo-policier entre la résidence bourgeoise de la supposée victime, la clinique du docteur Juard, qui avait rédigé l'acte de décès, et le commissariat principal de la ville, où l'on aurait bien aimé se débarrasser au plus vite de cette affaire mettant en cause deux notables. De rue en rue, au sein de cette ville portuaire du Nord embrumée à souhait, où il n'a encore jamais mis les pieds et ne dispose bien entendu d'aucun système de positionnement géographique (époque oblige), Wallas mène son enquête, sans aucun indice. Il essaie de se reconnaître dans cette ville à la géographie si particulière, où l'on revient sans cesse sur ses pas, et au passage demande son chemin ou pose des questions sur les acteurs du drame, prétextant l'achat d'une petite gomme pour le dessin, d'où le titre. Et pourtant, relisant enfin ce livre que j'avais préféré oublier, quelle n'a pas été ma surprise de me trouver en face d'un récit plein de fraîcheur, avec une merveilleuse écriture tout en finesse. L'humour, ou plutôt une tendre ironie, affleure à toutes les pages, avec une attention apportée à maints petits détails de la vie ordinaire, à ce paysage urbain qui imprime sa marque profonde sur les habitants. Comme dans un tableau de Matisse, c'est le décor, soigné, qui envahit la toile et constitue le sujet, les personnages se trouvant relégués à de vagues silhouettes à peine entraperçues. C'est ainsi qu'on se rend compte que le Nouveau Roman, loin d'être cantonné à la sphère universitaire, a imprégné la littérature moderne, et ce bien au-delà de nos frontières, nous habituant petit à petit à ce qui pouvait nous paraître au départ comme un caprice d'intellectuels en manque d'inspiration. Il suffit de lire Paul Auster ou bien encore les auteurs japonais les plus actuels pour retrouver ce souci du détail, cette obsession des distances, de l'orientation, de l'angle sous lequel on perçoit la réalité, mille et une petites choses plaquées en apparence sur la trame romanesque mais constituant l'intérêt principal du récit. Et maintenant, c'est certain, il va falloir relire aussi "La modification" (Michel Butor) et autres Simon ou Sarraute : plaisir du temps retrouvé…

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Les gommes

Relire "Les gommes" après plus d'un demi-siècle était une gageure. Je me souviens que ce roman, annonciateur d'un courant littéraire qui fit les beaux jours de l'intelligentsia parisienne pendant la seconde moitié du vingtième siècle, m'avait particulièrement ennuyé. Derrière une vague trame politico-policière à la poursuite d'un supposé assassin, le roman décrivait sur une pleine journée l'errance d'un pseudo-policier entre la résidence bourgeoise de la supposée victime, la clinique du docteur Juard, qui avait rédigé l'acte de décès, et le commissariat principal de la ville, où l'on aurait bien aimé se débarrasser au plus vite de cette affaire mettant en cause deux notables. De rue en rue, au sein de cette ville portuaire du Nord embrumée à souhait, où il n'a encore jamais mis les pieds et ne dispose bien entendu d'aucun système de positionnement géographique (époque oblige), Wallas mène son enquête, sans aucun indice. Il essaie de se reconnaître dans cette ville à la géographie si particulière, où l'on revient sans cesse sur ses pas, et au passage demande son chemin ou pose des questions sur les acteurs du drame, prétextant l'achat d'une petite gomme pour le dessin, d'où le titre. Et pourtant, relisant enfin ce livre que j'avais préféré oublier, quelle n'a pas été ma surprise de me trouver en face d'un récit plein de fraîcheur, avec une merveilleuse écriture tout en finesse. L'humour, ou plutôt une tendre ironie, affleure à toutes les pages, avec une attention apportée à maints petits détails de la vie ordinaire, à ce paysage urbain qui imprime sa marque profonde sur les habitants. Comme dans un tableau de Matisse, c'est le décor, soigné, qui envahit la toile et constitue le sujet, les personnages se trouvant relégués à de vagues silhouettes à peine entraperçues. C'est ainsi qu'on se rend compte que le Nouveau Roman, loin d'être cantonné à la sphère universitaire, a imprégné la littérature moderne, et ce bien au-delà de nos frontières, nous habituant petit à petit à ce qui pouvait nous paraître au départ comme un caprice d'intellectuels en manque d'inspiration. Il suffit de lire Paul Auster ou bien encore les auteurs japonais les plus actuels pour retrouver ce souci du détail, cette obsession des distances, de l'orientation, de l'angle sous lequel on perçoit la réalité, mille et une petites choses plaquées en apparence sur la trame romanesque mais constituant l'intérêt principal du récit. Et maintenant, c'est certain, il va falloir relire aussi "La modification" (Michel Butor) et autres Simon ou Sarraute : plaisir du temps retrouvé…

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Les gommes

Lecture assez étrange, difficile à suivre. Le cadre est pour le moins grisâtre, les personnages assez peu attachants malgré quelques caractères suffisamment grotesques pour faire sourire. On est dans le registre du roman policier, mais on ne retrouve pas ce qui fait l'intérêt du genre pour le lecteur, à savoir la possibilité de mener l'enquête en parallèle. Il y a cela dit des images, des procédés assez intéressants. Pas mal, mais pas mémorable.
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