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Critiques de Amin Maalouf (1187)
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Léon l'Africain

Je n'ai pas trop le temps de m'attarder par ici, étant en plein travaux et déménagements des enfants.

Je me contenterai de dire qu'après un départ difficile, car l'écriture est riche, pas forcément facile d'accès, et le début ne m'a pas particulièrement accrochée (Toujours mon souci du "rapport" dans les écrits, car au début Hassan nous rapporte en fait les souvenirs de ses parents, et non les siens), après le départ de Grenade j'ai de plus en plus apprécié, pour finir par être si bien accrochée que je n'ai plus lu autre chose (et heureusement car vu ma fatigue le soir, lisant 20 pages et m'endormant les yeux ouverts, j'aurais pas pu le finir avant le 31 août, mdr !).

Ce livre est une ode à l'ouverture d'esprit et au voyage, à prendre la vie comme elle vient et à ne pas s'accrocher au passé. C'est superbement humain. et très condensé, cet homme a fait en 23 ans ce que la plupart d'entre nous ne font pas en 80... hem...

Pour un avis plus circonstancié, allez lire celui de mon ami BazaR, c'est lui qui m'a donné envie de le lire !

A moi Samarcande !!! :)
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Les Echelles du Levant

Un livre superbe, d'une grande sensibilité qui n'est pas loin d'être un coup de coeur. Je le conseille vivement. Très belle plume, histoire poignante, émouvante.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
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Samarcande

Dépaysement et immersion totale en Orient avec ce voyage passionnant et en même temps très instructif en Perse, raconté merveilleusement par Amin Maalouf.



L'auteur choisit pour narrateur un personnage fictif, B. Lesage, sorte de dandy américain, qui nous raconte sa passion pour le fameux Robâiyât, livre de quatrains écrits au XIème siècle par le grand poète perse Omar Khayyâm, mais aussi les expéditions qu'il mena en Perse à la recherche de cet ouvrage légendaire à la fin du XIXème siècle.



Le roman est composé de 4 livres.



Dans les Livres 1 et 2, le narrateur nous présente donc ce personnage historique que j'ignorais complètement : Omar Khayyâm. C'est un grand mathématicien et poète de son époque (le x de nos équations mathématiques, c'est lui !) qui par certaines rencontres et certains ennuis va être amené à rédiger secrètement, dans un magnifique livre vierge, les vers de son Robâiyât. On le suit depuis ses débuts à Samarcande, les rencontres qui vont marquer son parcours. C'est l'occasion aussi pour le lecteur de découvrir la vie en Perse au XIème siècle, avec la domination turque en particulier, les tensions qu'elle engendre et les courants religieux qui s'opposent.

J'y découvre pour ma part l'histoire de deux autres personnages historiques qui marquent l'histoire des iraniens : Hassan Sabbah qui créa la Secte des Assassins et le vizir Nizam-el-Molk, deux personnages qui, chacun à leurs manières, faisaient obstacle à la puissance des sultans turcs.

Cette première moitié du roman m'a beaucoup plu et m'a rappelé par certains aspects le Avicenne de Gilbert Sinoué.



Dans les Livres 3 et 4, on revient à la fin du 19ème siècle, celui du narrateur et sa recherche du livre de Khayyâm. La situation politique y est largement développée, c'est complexe pour moi mais grandement intéressant de découvrir cette domination permanente que subit l'Iran par les grandes puissances et ses vaines tentatives pour s'en libérer.

J'avoue que j'avais un peu peur d'être moins intéressée par cette période de l'histoire, mais ce fut tout aussi passionnant. J'ai été émue par les tentatives menées par les iraniens pour établir une constitution, une démocratie, mais surtout par le passage qui relate l'intervention de l'américain Morgan Shuster en tant que trésorier général de Perse. le pot de terre contre le pot de fer… je trouve cela si tragique et désespérant.

J'ai vu sur le net que Shuster avait, à son retour aux Etats-Unis, écrit un livre The Strangling of Persia qui porte sur son expérience en Iran et en particulier sur l'ingérence des russes et des britanniques dans les affaires perses.



Le Robâiyât de Khayyâm est certes le fil conducteur de ce roman, mais la situation politique de l'Iran et son peuple l'est tout autant.

Quel triste constat d'observer ce pays, constamment sous tutelle de plus puissants (les turcs au 11ème siècle, les russes et anglais au 19 et 20ème siècle), qui n'a cessé de se battre pour tenter de gagner sa propre souveraineté, le droit de se gouverner lui-même. Mille ans plus tard, toujours le même défi.



« Triompher d'un despote ne peut être le but ultime, je me bats pour que les Persans aient conscience d'être des hommes libres, (…), qu'ils aient foi en eux-mêmes, en leur force, qu'ils retrouvent une place dans le monde d'aujourd'hui. »



Je ne connais pas bien l'histoire de l'Orient, j'ai encore beaucoup de choses à apprendre, mais ce livre Samarcande a ouvert une porte. Merci à l'auteur pour cela.



Je note aussi l'écriture que j'ai beaucoup apprécié d'Amin Maalouf. Sa plume est fluide et agréable, et on se laisse facilement emporter par le récit. Très envie donc de découvrir d'autres ouvrages de monsieur Maalouf, comme par exemple Les croisades vues par les Arabes et Léon l'Africain dont plusieurs critiques très positives ont aiguisé ma curiosité.



Challenge Livre Historique 2021
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Samarcande

Beaucoup de contenu pour un livre de si modeste épaisseur. Véritable fresque de l'âge d'or du monde musulman, tout en demeurant sobre et concis. C'est un survol, mais très riche. On suit le cheminement d'Omar Khayyam, polymathe accompli et poète, mais aussi celui du terrible Hassan Sabbah, grand maître des Assassins, ainsi que d'autres grands personnages d'autorité. Ces portraits historiques sont conçus de façon à bien cerner les mentalités. Il y a une dimension romanesque à la fois attrayante et exempte de sensationnalisme. À mi-parcours, grand bond dans le temps, avec un objet comme fil conducteur. Nous vivons les événements qui ont secoué l'Iran au tournant du XXe siècle, totalement inédits pour moi, de même que la cohorte de personnages réels. Fascinant d'un bout à l'autre, je trouve que la francophonie est privilégiée d'avoir Amin Maalouf pour lui présenter ces pans d'histoire méconnue, et de si agréable façon.
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Le rocher de Tanios

Difficile de résumer ce livre (de toute manière je n'aime pas ...cagnardise^^) tant il évoque de thématiques sous une forme si agréable qu'on se laisse dériver sans effort dans les méandres de la vie de Tanios et de ses parents -Lamia et Gérios- tout en suivant leurs rencontres : le cheikh, un muletier ou encore un pasteur. A partir d'un petit fait historique, Amin Maalouf imagine un conte avec de la diplomatie, de l'amour, de la trahison et des luttes de pouvoirs dans une contrée à la frontière de deux mondes, qu'Anglais et Français se disputent. De quoi se faire des cheveux blancs...
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Le premier siècle après Béatrice

Black Friday ! Excellent jour pour déposer cette chronique. Je ne peux m'empêcher d'y voir un lien implacable avec les possibilités variées et nombreuses d'autodestruction activées par l'être humain, dont la plus inattendue ici racontée par Amin Maalouf. Probablement inspiré des effets pervers induits par la politique chinoise de l'enfant unique ayant conduit à une surreprésentation des enfants mâles à qui est transmis par tradition l'héritage, le premier siècle après Béatrice explore les conséquences qu'aurait sur l'humanité la mise à disposition d'une technologie permettant de s'assurer d'un héritier mâle. Hors cette technologie est à portée avec l'avènement des ciseaux moléculaires crispr.





Durant une conférence filmée à Pékin en 2017, Hawking s'était inquiété de la possibilité que nous nous autodétruisions "par avidité et par bêtise". A vous de voir.





Du coup ce récit de 190 pages nous interroge sur l'incapacité extrêmement répandue à renoncer à un intérêt particulier à court terme pour défendre l'intérêt général à moyen et long terme, au point de déclencher des cataclysmes ingérables. A l'heure où l'humanité est en train de s'exclure de son paradis terrestre, ce livre nous invite à méditer et nous ouvrir à l'autre plutôt que nous centrer sur l'assouvissement de nos envies égoïstes.

"Je pense souvent à ces avenirs révolus. [...] et j'essaie d'imaginer les chemins qu'aurait pu suivre l'irritante espèce à laquelle j'appartiens.

Je reconstruit alors, l'espace d'une promenade, un monde différent. Un monde où la liberté et la prospérité se seraient répandus de proche en proche comme des ondes à la surface de l'eau." p.189
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Le Labyrinthe des égarés : L'Occident et ses ad..

Amin Maalouf montre encore une fois son talent pour les passerelles, les perspectives élargies et son sens poussé de la synthèse historique. Au travers de l'exemple de quatre pays, le Japon, la Russie, la Chine et les Etats-Unis, il examine le destin de ces pays qui ont voulu défier l'Europe, sans pour autant proposer un modèle de remplacement pérenne.



Ce qui caractérise ces quatre pays, selon Maalouf, ce serait "l'hubris", une forme particulière d'arrogance.. Le Japon, a connu sous l'ère Meiji au 19ème siècle un fantastique décollage économique. Il a entrepris de se moderniser en s'inspirant de l'Occident. Les succès qu'il a rencontrés face à la Chine en 1895 et face à la Russie en 1905, lui ont donné envie d'aller plus loin, mais cela a entraîné le pays vers des aventures militaires trop ambitieuses (Corée,..) jusqu'à l'attaque de Pearl Harbour contre les Américains en 1941..



Le cas de la Chine est un peu différent puisque son décollage va avoir lieu beaucoup plus tard.. L'expansion économique a été fulgurante pendant les trente dernières années mais les dirigeants se sont quelque peu écartés des sages préceptes de Deng Xiaoping qui disait qu'il fallait rester modeste et garder de bonnes relations avec l'Occident comme avec le Japon.



Le système soviétique, quant à lui, après avoir attiré beaucoup d'enthousiasme, a fini par apparaître comme un repoussoir. De plus Maalouf montre comment des guerres liées à la faillite de l'URSS se propagent et durent.. La guerre est ainsi revenue au coeur de l'Europe.



Ce qui est bien rendu dans ce livre, c'est de montrer la part de responsabilité des pays occidentaux dans l'évolution de la Russie depuis 1989. Ainsi le soutien des Etats-Unis à l'Afghanistan, face à l'URSS, a eu des effets désastreux et qui se prolongent encore aujourd'hui. De même la victoire des USA face à l'Irak correspond en quelque sorte à une "mixed blessing" (une sorte de demi-victoire), avec une devoir de reconstruction du pays qui n'a pu être réalisé. Ce qu'ils ont magnifiquement réalisé en Europe au sortir de la guerre avec le Plan Marshall, n'a pu être reproduit malheureusement, que ce soit dans le cas de la Russie, de l'Afghanistan ou de l'Irak.



J'ai particulièrement apprécié les passages évoquant l'histoire de la Chine: en quelques pages nous voyons défiler des passages essentiels et pas toujours connus de l'Histoire mondiale: ainsi lorsque le prince chinois Zhu Di, aussi appelé Yongle, arrive à dominer les mers vers 1402, grâce à un amiral de génie: l'amiral Zheng He, issu d'une famille de hauts fonctionnaires musulmans de Boukhara.



Les guerres de l'opium en Chine au 19ème siècle sont remarquablement analysées, ainsi que leur impact dans les relations Occident/Asie.. Le rôle de la redoutable impératrice douairière Cixi (Tseu-Hi) qui refuse les réformes et qui joue un rôle dans la révolte des Boxers, est très bien rendu aussi..



Bref ce livre est captivant pour tous ceux et celles qui s'intéressent à la géopolitique et à l'Histoire.

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Samarcande

A l'heure où on assiste à "l'étouffement" de l'Australie dans son indépendance pour des raisons à la fois extérieures et intérieures, lire le "Samarcande d'A. Maalouf prend une dimension "résonante" relativement étonnante, puisque lui nous expose, dans la partie "moderne" l'étouffement progressif de la Perse (Iran), son désir de souveraineté et d'indépendance quitte à en passer par la tyrannie religieuse, et l'écrabouillage dans la douleur de ce désir.



Je parlais des raisons "ressources" du conflit qui se profile à l'horizon, qui sera un conflit, même s'il "n'est qu'économique", à mon mari ce matin.

Il y a de quoi être désabusé devant l'inanité et l'aveuglement de ces dirigeants qui pensent si "perso" sans tenir aucun compte des divers avertissements que nous recevons depuis 2 ans maintenant.

A se demander s'il y a une quelconque intelligence dans ces cerveaux.



Mais je m'égare.



Sur le livre, il est formidable.

Apprendre l'histoire par les romans d'A. Maalouf, c'est juste que du bonheur. J'ai particulièrement apprécié la naissance des "Assassins" et du "Vieux sur la montagne" qu'il nous dépeint de sorte qu'on ne peut que comprendre qu'il y a là les prémices de l'état d'esprit qui sous-tend l'intégrisme religieux musulman actuel.



C'est une fois de plus avec un sentiment de "navrance" qu'on ne peut que constater que l'être humain (en général), n'apprend rien, n'a aucune mémoire et n'a pas grandi d'un iota en conscience depuis 2 millénaires, en particulier les gens qui s'imaginent en droit et/ou en position de dicter aux autres ce qu'ils ont à faire et à penser. Quelle honte. Le destin "en boucle" de l'Iran depuis si longtemps, ça fait poser des questions sur notre "bouchage à l'émeri" collectif, quand même...

Je fais court, je sais. Si vous désirez des avis plus en relation avec le bouquin, lisez ceux de BazaR, FeyGirl, Fifrildi, Srafina, et tous mes autres compagnons de lecture commune. Nous étions fort nombreux ! :)



Bref, côté roman et auteur, c'est formidable.

Côté constat, c'est désespérant.



Mais ne nous laissons pas aller à ce désespoir, cela ne sert à rien. Nous n'y pouvons rien d'autre qu'oeuvrer à notre petit niveau à une ouverture et une pensée plus globale, "unifiée", coopérative, de notre monde, ce à quoi je consacre de plus en plus mon temps ici.







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Les croisades vues par les Arabes

Un document irremplaçable sur cette période et un point de vue privilégié, celui d'un homme réellement au confluent des cultures méditerranéennes qui, avec l'immense sensibilité dont il est capable, fait découvrir quelques-uns des aspects les plus profonds du regard que les peuples arabes portent sur l'Europe depuis lors. A lire absolument, non pas pour condamner ou absoudre, mais pour essayer de comprendre.
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Les Identités meurtrières

Apprivoiser la panthère (pas celle des neiges) mais l’identité. Au cœur des débats actuels et positions extrêmes.

Un thème d’actualité que l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf a traité il y a vingt-cinq ans dans son essai : « Les Identités meurtrières ». Un fond d’expérience personnelle en tant qu'individu ayant grandi au Liban, et ayant ensuite émigré en France.

Un titre qui résonne.

Des cas concrets : par exemple celui d'un homme né en Allemagne de parents turcs. Ni allemand « aux yeux de sa société d'adoption », ni turc à ceux de sa société d’origine. Comment assumer ces appartenances multiples ? Pourquoi faut-il choisir ?

Il explore ces questions complexes liées à l'identité, à l'appartenance culturelle sans occulter les conflits identitaires qui engendrent des violences et des divisions, en raison des appartenances nationales, linguistiques, ethniques, religieuses, sources de préjugés.

Amin Maalouf explore également les possibilités de coexistence, voire d'harmonie, entre les différentes identités et essaie de promouvoir un socle commun à tous, et un dialogue interculturel pour les surmonter.

C’est clair et vraiment accessible.

Un essai réussi qui suscite de la réflexion sur ces sujets majeurs pour vivre ensemble.



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Samarcande

Samarcande, c'est une ville de Perse, où a vécu Omar Khayyam, poète, mathématicien, philosophe, bref, grand esprit de son temps. La première moitié du roman nous montre l'arrivée du poète à Samarcande, sa rencontre avec Nizam el Moulk et Hassan ibn Sabbah, ses amis opposés l'un à l'autre dans une lutte politique sans merci. Puis sa vie, tiraillé entre ses amis, embarqué dans des querelles politiques dont il n'a que faire. La seconde moitié suit Benjamin Omar Lesage, qui doit son second prénom à Khayyam, dans sa quête pour retrouver le manuscrit de Samarcande. Lui aussi va se retrouver mêlé malgré lui à la grande Histoire.

L'intrigue nous plonge dans deux parties importantes de l'histoire de la Perse, et c'est là sa principale qualité. Car on connais finalement assez mal l'histoire de cette région du monde. Le roman se lit facilement, mais j'ai pu le poser pendant plusieurs jours sans éprouver le besoin de le reprendre. J'ai préféré la seconde partie du livre, qui m'a paru plus vivante et immersive, grâce probablement à la narration à la première personne, mais aussi à un style plus énergique. On est vraiment au cœur de l'action.

Quand à la fin, elle laisse un goût d'amertume, pour Benjamin, revenu de l'Orient en aillant perdu beaucoup.

Une lecture intéressante, mais dont je sors intéressée, mais pas emballée outre mesure.
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Nos frères inattendus

Merci à Lecteurs.com et aux éditions Grasset de m'avoir permis la lecture de ce bon roman dans le cadre du Cercle Livresque.Alec,un dessinateur a décidé de vivre le rêve de son père en s'installant sur une île de l'archipel des Chirons pour observer plus sereinement le monde ,seulement ,il n'est pas seul sur l'île ,une écrivaine qui,elle, s'est exilée pour fuir ses semblables habite l'autre maison de l'île.Ils ne se côtoient pas jusqu'à ce qu'une panne de réseau les rassemblent ,persuadés de la fin du monde.

Un très bon roman où l'auteur nous questionne sur l'avenir de notre monde.L'écriture est fluide et les personnages attachants.On aimerait que cette fiction se réalise tant le monde d'aujourd'hui est morose et anxiogène.A lire pour s'évader.
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Le naufrage des civilisations

Encore une fois, et plus que jamais, Amin Maalouf assume sa place de conscience morale de notre époque. Cet essai, avant d'être une sonnette d'alarme prédisant les multiples menaces de naufrage qu'encourt l'humanité avec ses civilisations plurielles, est d'abord un livre d'Histoire du XXe siècle, ou plus exactement des cent dernières années. Il possède une thèse qu'il démontre avec brio : c'est bien la fin du monde levantin, et de ce creuset d'humanisme qu'il a incarné et alimenté, qui nous a précipité dans la tempête ; non que le système politique (ottoman ou en général impérial) fût idéal, mais parce que la situation anthropologique qu'il avait permis contenait des antidotes contre des forces mortifères qui se sont déchaînées depuis. Moi qui ai vécu dans et travaillé sur la levantinité ne peux qu'ajouter un attachement sentimental à mon adhésion intellectuelle à cette approche historico-politique.

Cependant, je reconnais que de l'extérieur l'on puisse se demander – critique qui a déjà été adressée à Maalouf – si ce n'est pas sa propre position, voire sa propre identité, qui lui dicte sa lecture ; si la démonstration et donc ses prédictions sobrement alarmistes ne se voient pas fragilisées par la centralité qu'il accorde, notamment, à l'histoire du monde arabe en particulier depuis Nasser. Je pense en particulier, comme l'auteur qui s'entoure de précautions, à ces deux phrases de la conclusion :

« Je demeure convaincu [...] que si le Levant pluriel avait pu survivre et prospérer et s'épanouir, l'humanité dans son ensemble, toutes civilisations confondues, aurait su éviter la dérive que nous observons de nos jours. C'est à partir de ma terre natale que les ténèbres ont commencé à se répandre sur le monde. » (p. 328)

En effet, le livre s'organise autour de quatre longs chapitres, dont les deux premiers se centrent sur le monde arabo-musulman. Le Ier « Un paradis en flammes » traite des conséquences longues du démembrement de l'Empire ottoman sur la disparition du cosmopolitisme pacifique et humaniste, en particulier en Égypte et ensuite au Liban : une période dont l'auteur n'a pas été témoin mais récepteur du récit familial ; II « Des peuples en perdition » traite de l'avènement de la « haine de soi » chez les Arabo-musulman : il est question à la fois des guerres arabo-israéliennes, avec une centralité tout-à-fait particulière pour celle dite des « Six Jours » de juin 1967, et aussi du débat politique d'arrière-plan qui, parmi les musulmans à l'instar de tout le monde, se caractérisait par la dialectique pour ou contre le marxisme et le tiers-mondisme ; III « L'année du grand retournement », indique comme date emblème l'année 1979 : l'année de la révolution conservatrice de Thatcher et Reagan mais aussi celle de l'ayatollah Khomeiny en Iran, sans oublier (à un an près) celle du Parti communiste chinois de Deng Xiaoping ; année également de l'enterrement du projet du « compromis historique » en Italie suite au meurtre d'Aldo Moro, et du début de la chute de l'Union soviétique par son invasion catastrophique de l'Afghanistan, ayant produit l'apparition du jihadisme moderne globalisé qui a pour acte de naissance l'assaut de la grande mosquée de La Mecque (novembre 79) ; IV « Un monde en décomposition » se limite donc à relater certaines parmi les répercussions de ces événements qui, dans leur synchronicité, ont ouvert l'approche historique sur un angle mondial : conséquences de l'étrange renouveau de la croyance en la mystérieuse « main invisible » en économie, fragmentation des nations et nouvelles solidarités tribales et claniques, diffusion planétaire, par le changement du paradigme économique, de la corruption, de la fraude et de la rapacité, incapacité américaine de succéder à la bipolarité et méfiance mondiale envers toute tentative de gouvernance supra-nationale, tentations orwelliennes de renoncement à la liberté au profit de la sécurité, inaptitude à gérer les défis environnementaux et ceux des nouvelles technologies...

Pour ma part, même si l'on réfutait la thèse du livre, même si l'on contestait la position de l'observateur – journaliste avant de devenir auteur –, même si l'on doutait de ses conclusions au nom du principe « post hoc non est propter hoc », il resterait une analyse historique impeccable, possédant suffisamment de hauteur pour assurer la stature de l'Académicien (successeur de Claude Lévi-Strauss) que Maalouf incarne admirablement. Merci pour ce livre.





Cit.





« Je ne doute pas qu'il se trouve, sous tous les cieux, d'innombrables personnes de bonne volonté qui veulent sincèrement comprendre l'Autre, coexister avec lui, en surmontant leurs préjugés et leurs craintes. Ce qu'on ne rencontre presque jamais, en revanche, et que je n'ai connu moi-même que dans la cité levantine où je suis né, c'est ce côtoiement permanent et intime entre des populations chrétiennes ou juives imprégnées de civilisation arabe, et des populations musulmanes résolument tournées vers l'Occident, sa culture, son mode de vie, ses valeurs.

Cette variété si rare de coexistence entre les religions et entre les cultures était le fruit d'une sagesse instinctive et pragmatique plutôt que d'une doctrine universaliste explicite. Mais je suis persuadé qu'elle aurait mérité d'avoir un grand rayonnement. Il m'arrive même de penser qu'elle aurait pu agir comme un antidote aux poisons de ce siècle. » (p. 78)



« Je me suis souvent demandé s'il n'y avait pas eu, dans l'histoire du communisme, dès l'origine, un énorme sous-entendu, partagé de manière consciente ou inconsciente par les fondateurs, par les adeptes, comme par les détracteurs, et qu'on pourrait formuler comme suit : ce n'est pas seulement aux prolétaires que Marx a promis, en quelque sorte, le salut, mais également aux minoritaires, à tous ceux qui ne pouvaient s'identifier pleinement à la nation qui était censée être la leur. C'est ainsi, en tout cas, que beaucoup de gens ont compris son message. » (p. 98)



« Désormais, c'est le conservatisme qui se proclamerait révolutionnaire, tandis que les tenants du "progressisme" et de la gauche n'auraient plus d'autre but que la conservation des acquis. » (p. 170)



« J'ai dit que les régimes communistes avaient déconsidéré pour longtemps les idées universelles qu'ils étaient censés promouvoir. Je me dois d'ajouter que les puissances occidentales ont, elles aussi, abondamment discrédité leurs propres valeurs. Non parce qu'elles ont combattu avec acharnement leurs adversaires marxistes ou tiers-mondistes – cela, on pourrait difficilement le leur reprocher ; mais parce qu'elles ont instrumentalisé avec cynisme les principes universels les plus nobles, au service de leurs ambitions et de leurs avidités ; et, plus que cela encore, parce qu'elles se sont constamment alliées, particulièrement dans le monde arabe, aux forces les plus rétrogrades, les plus obscurantistes, celles-là mêmes qui allaient un jour leur déclarer la plus pernicieuse des guerres.

Le spectacle affligeant que la planète présente en ce siècle est le produit de toutes ces faillites morales, et de toutes ces trahisons. » (p. 206-207)



« Un monde apeuré, où la surveillance quotidienne de nos faits et gestes serait dictée par notre désir réel et légitime d'être protégés à chaque instant, n'est-il pas, finalement, plus inquiétant encore qu'un monde où cette surveillance serait imposée de force par un tyran paranoïaque et mégalomane ? » (p. 308)
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Léon l'Africain

Fin 15éme / Début 16ème : Amin Maalouf nous livre ici une autobiographie imaginaire d’un personnage au destin exceptionnel, Hassan al-Wazzan, dit Léon l’Africain, diplomate et explorateur de l’Afrique du Nord.L’histoire débute à la prise de Grenade en 1492 par Ferdinand II d’Aragon qui signe la fin de la présence Musulmane en Espagne et l’exode de la famille de d’Hassan al-Wazzan vers le Maroc à Fès. Formé par son oncle, Hassan al-Wazzan s’oriente vers le commerce et les missions politiques au Maroc puis dans tous les pays du Maghreb. Capturé en 1518 lors du retour d’un pèlerinage à la Mecque par des marins Siciliens, il est remis au Pape Léon X qui l’adopte. Hassan al-Wazzan devient Jean Léon de Médicis. Intégré à la Famille Médicis il s’initie à l’italien et au latin et écriera à la demande du Pape un ouvrage de de référence sur l’Afrique. Amin MAALOUF nous livre un roman d’aventure et historique qui devrait contenter les amateurs du genre. Vous découvrirez la prise de Grenade, les us et coutumes dans l'Afrique du XVIe siècle, les caravanes commerciales, l’empire Ottoman, les rivalités entre l’empire de Charles Quint et le royaume de France, l’inquisition… Je n’ai pas été déçu à ce jour par les romans d’Amin MAALOUF, bien construit et documenté, dans un style facile d’accès, empreint de poésie et de philosophie, « Léon l’Africain » offre de bout en bout, un moment agréable de lecture et un formidable voyage, a dévorer !.
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Les désorientés

J'ai préféré les autres livres que j'ai lu de cet auteur.

A la mort d'un des leurs et à la demande de sa veuve, Adam organise des retrouvailles avec les anciens amis de sa jeunesse, avec lesquels les liens s'étaient distendus au fil des années et surtout de la guerre, de la mort et de l'exil.

Sans que ce pays soit jamais nommé, on comprend qu'il s'agit du Liban où toutes les communautés cohabitaient autrefois en bonne entente.

J'ai apprécié encore une fois les réflexions philosophiques de l'auteur mais certains passages m'ont paru un peu longs.

Ce n'est naturellement pas un roman très joyeux.
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Les Identités meurtrières

Essayer de comprendre pourquoi tant de personnes commettent aujourd’hui des crimes au nom de leur identité religieuse, ethnique, nationale ou autre, tel est l’intention d’Amin Maalouf.

(...)

Amin Maalouf garde le content soucis de ne stigmatiser personne, d’apaiser plutôt que d’accuser. À plusieurs reprises, c’est lui même qu’il prend en exemple pour illustrer son propos. Sa volonté de comprendre est animée par un profond désir de paix et une grande sagesse. Ses réflexions dépassionnées pourront alimenter des débats d’autant que beaucoup de ses arguments relèvent du bon sens.



Article complet en suivant le lien.
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Les Echelles du Levant

Un titre qui invite au voyage, un auteur qui me donne à chacune de mes lecture un plaisir différent...la certitude de passer de belles heures de lecture. Il n'en fallait pas plus pour me tenter..

Un jeune homme amoureux d'histoire reconnait sur un trottoir parisien le regard d'un homme dont la photo figurait dans la partie "Libération de Paris"d'un de se livres d'histoire ...L'homme était alors bien plus jeune...il cherche sa voie sur un plan, le jeune homme le renseigne, l'accompagne...

L'homme n'est pas banal : ancien résistant, il cherche à parcourir les trente-neuf rues ou avenues parisiennes qui portent le nom de héros de la Résistance décédés lors de la Libération de Paris...ses amis

L'amoureux d'histoire demande à celui qui a participé à l'Histoire de raconter sa vie. Il s'appelle Ossyane, ce qui veut dire rébellion, insoumission. Un prénom qui le définit si bien.

Réticent, l'homme accepte de raconter son histoire....c'est le début de quelques veillées de souvenirs, il a trois jours à passer à Paris, trois jours d'attente avant un rendez-vous

Je laisse à chacun le plaisir de ce voyage dans l'Orient qui va de la Turquie au Liban en passant par Israël ...Un voyage dans le temps qui va nous transporter du 19ème siècle dans des familles royales turques, au génocide arménien, en passant par les guerres contemporaines du Liban et l'occupation allemande, la difficile construction d'Israël..

Un grand roman d'amours, roman d'amour d'un homme pour son pays, sans aucun doute l'Amour et la nostalgie de l'auteur pour son pays, roman d'amour filial et d'admiration d'un fils pour son père, un fonds autobiographique sans aucun doute, mais aussi roman d'amour entre un homme de culture musulmane et une jeune femme juive, sans la mièvrerie habituelle qu'on trouve souvent dans cette littérature, ...et aussi roman d'un autre homme qui toute sa vie manqua d'amour

Un roman sur l'Amour qui permettrait de résoudre bien des conflits générationnels, familiaux, culturels, ethniques, religieux...l'amour d'un sage pour la paix.

Un message de Paix

Je n'en dirai pas plus.

Chaque lecture d'Amin Maalouf est une découverte; chacune nous interroge, et toutes apportent la certitude de longues heures de plaisir

Je n'ai pas fini de vous en parler ...


Lien : http://mesbelleslectures.com..
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Léon l'Africain

Une splendide fresque historique racontée comme une lettre autobiographique à son fils, du géographe Jean Léon de Médicis, né maure et musulman, voyageur insatiable, aimant les femmes proches de lui (ses femmes, sa demi-soeur et sa mère), ayant des amis de tous horizons toutes religions.

Ce récit foisonne d'anecdotes historiques sur ces 40 années de vie, en pleine Renaissance, en plein conflit de territoires, où toutes les religions se taillent la part du lion.

Un regard acéré, ouvert sur le monde et plein de tolérance envers l'humanité. Ce fut vraiment une expérience de lecture captivante et immersive dans l'Histoire du monde via ce personnage aux 1001 vies en une, aux 1001 voyages de Grenade à Fèz en passant par Alexandrie, Le Caire, Tombouctou, Rome et bien d'autres...

Le style est à la fois romanesque et encyclopédique, on apprend beaucoup de choses sur les coutumes, les traditions de l'époque, les villes sont décrites avec minutie, l'ambiance est différente à chaque voyage. L'évolution de Hassan est très justement narrée tout comme les caractères des personnages, parfois prestigieux qu'il cotoîe.
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Les désorientés

J'ai trouvé ce livre sublime! A travers le retour du personnage d'Adam dans son pays natal, Amin Maalouf nous évoque plein de sujets intéressants, nous livre des moments de réflexion sur l'amitié, le poids de la religion, la perte des idéaux, la fidélité....Tout ça magnifié par l'écriture de l'auteur et la construction originale de son roman: Nous lisons le récit à travers la plume d'Adam et à travers de celle de la voix d'un narrateur.

C'est un roman que j'ai trouvé sensible, pertinent, surprenant.

Une petite merveille!
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Les désorientés

« Quelle est donc la vraie raison de mon retour vers ce pays bien aimé dont je redoute d’écrire le nom comme Tania redoute de prononcer le nom de l’homme dont elle est maintenant la veuve ? »

Adam historien vivant depuis longtemps en France, retourne d’urgence dans le pays du levant qui l’a vu naître, il ne le nommera jamais autrement, afin de revoir un ancien ami resté là- bas et avec lequel il a pris ses distances.

Ce dernier très malade, demande à le rencontrer une dernière fois. Adam arrivera trop tard, mais son voyage deviendra l’occasion pour lui de renouer les liens à ses racines, et surtout aux hommes et aux femmes auxquels il fut le plus attaché, quand ils étaient tous étudiants. Il tentera de les réunir de nouveau.

Certains sont restés, d’autres sont partis comme lui loin de ce qui fait souffrir

Un récit où se mêlent amitié et trahison, exil, religion, politique, nostalgie et espoir.

Une très belle lecture.

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