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Critiques de Bernard Maris (77)
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Marx, ô Marx, pourquoi m'as-tu abandonné ?

J’ai adoré ce titre, ce qui m’a donné très envie d’emprunter ce livre. En l’ouvrant, il est impossible d’oublier que son auteur a été assassiné lors de la tuerie de Charlie. Mais ma motivation principale était d’étudier (d’une manière pas trop rebutante) la pensée de Marx; en effet, Bernard Maris était un économiste assez réputé. Et moi, je suis ignare dans ce domaine et généralement peu enclin à travailler là-dessus.



Ce livre est formé de courts paragraphes assez faciles à lire et parfois plaisants. On est loin d’un exposé lourd et abscons. C’est plutôt une juxtaposition de petites facettes dont le poids théorique n’est pas écrasant. Ce parti-pris conduit à des lacunes dans l’exposé, certains concepts n’étant pas bien définis (selon moi). Après avoir bien confronté la théorie marxiste aux théories économiques "bourgeoises", B. Maris en arrive à la question posée dans le titre. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris les explications qu'il donne. J’ai noté (p. 119): « Marx n’a commis aucune erreur sur le fonctionnement de la société capitaliste. Mais là où il nous abandonne, nous laisse en plan au bord du chemin, c’est aujourd’hui, au moment où la paupérisation et le saccage du monde ne débouchent sur absolument rien, sauf sur plus de saccage et d’inhumanité. Le développement des forces productives entraîne le développement des forces productives, dans une spirale infernale ». En somme, l'exacerbation des contradictions du capitalisme et l'avènement de la dictature du prolétariat sont des prédictions "scientifiques" mises en échec par l'évolution propre à notre XXIème siècle, avec cet emballement incessant de la production au mépris de l'environnement global. Mais ceci ne me satisfait pas.



Je suppose que l’erreur de Marx peut être mieux compris par une analyse plus convaincante et plus précise. Au final, j’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup progressé sur ces questions. Peut-être parce qu'elles ne m'intéressent pas vraiment...
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L'homme dans la guerre : Maurice Genevoix f..

« Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l'heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure ».



Pour ce 11 novembre, j'ai fait sortir des tranchées un petit livre caché dans les profondeurs du magasin de la médiathèque.

J'aurais préféré qu'il s'intitule « La gomme dans l'air », histoire d'effacer à jamais les horreurs des conflits. Mais la réalité actuelle ne permet pas d'oublier ce que vit « L'homme dans la guerre ». Une contrepèterie dérisoire ne nourrit pas l'espoir, elle suscite juste un devoir de mémoire.

Verlaine avant Verdun, quelques vers qui me prennent à revers, le rythme de la versification résonne dans ma tête, 4-4-3, 4-4-3, les deux 4 claquent comme des coups de fusil, la vie explose, le 3 apaise car il tombe, sonne la mort.

Les Eparges, 1915, ne devrait-on pas appeler le sol où s'arrêta la vie de Louis Pergaud, « La terre des bougons », car l'opposition entre les deux bandes rivales de gamins qui se dépouillent de leurs boutons est prémonitoire, bouton-bougon, terre-guerre, l'homme devenu adulte est resté l'enfant frondeur de la jeunesse, incapable de régler un conflit sans bataille.

Alain-Fournier était déjà disparu depuis quelques mois, en 1914, peut-être sous « le grand aulne », domaine mystérieux qui le rendra célèbre avec un seul roman.

Mais deux autres écrivains ont pu résister à la mort pendant la guerre en Meuse, deux jeunes officiers d'une vingtaine d'années, l'un français, l'autre allemand, Maurice Genevoix et Ernst Jünger. Ils ont écrit pour témoigner sur ce conflit, la grande guerre, face à face, deux combattants qui ne se sont jamais rencontrés.

Compagnon de Sylvie dans sa fin de vie, la fille de l'écrivain de la Loire, Bernard Maris lui dédie cet essai un an après sa mort, et deux ans avant la sienne, cruel destin quand on sait ce qui arriva à la bande de Charlie.

Il n'a pas tardé à narrer les souvenirs de ces deux combattants reporters de guerre, en 2013, bien lui en a pris.

Le livre, paru il y a dix ans, n'a eu qu'une édition, les quelques mots de la quatrième de couverture consacrés à la vie de Bernard Maris sont écrits au présent. Il reste vivant, son association « Je me souviens de Ceux de 14 » aura permis, il y a trois ans, l'entrée au Panthéon de son beau-père avec qui il aurait aimé parler littérature. Cette lecture croisée des livres des deux écrivains « ennemis » témoigne du comportement humain face à la guerre, un regard vécu de chaque côté de la ligne de front, par deux protagonistes de terrain, admirablement relatée par le talent du conteur.



Faire la critique d'une critique d'un écrivain qui écrit sur l'oeuvre de deux autres écrivains, c'est un défi inaccessible. Je peux juste rendre compte, avec des citations, des recherches de Bernard Maris.

Son étude de textes est fouillée, la mise en relation des comportements des deux adversaires est permanente. Ils ne se sont jamais vus ni parlés, même lors de commémorations. Il organise cette rencontre, par l'écriture, entrecroise leurs récits en pointant leurs convergences et leurs différences. du grand art, comme si les deux se répondaient dans un dialogue imaginaire.

Mais tout est vrai. Ces deux-là ont tout vécu, tout transcrit, les citations sont intégrées avec fluidité dans le récit de Bernard Maris.

Connu pour ses écrits sur l'économie, il n'a pas hésité à consommer, mais en prenant le soin de ne garder que l'essentiel, avec énergie, mais sans gaspiller, comme un moteur hybride qui change de système, en douceur, tout en gardant sa vitesse de croisière, il nous balade de l'un à l'autre, avec juste des guillemets pour savoir lequel avance ses pions.

C'est un essai philosophique autant qu'un témoignage sur la guerre et les humains, où se mêlent histoire, psychologie et littérature. La référence à l'Iliade d'Homère montre combien les affinités sont évidentes entre les héros antiques et les soldats de la grande guerre.

Mais la période actuelle n'est pas en reste. Une phrase d'un chef terroriste entendue dans un reportage alors que Bernard Maris préparait ce livre :



« Jamais vous n'aimerez la vie comme nous aimons la mort ! »



Pouvait-elle être prononcée par le lieutenant Jünger ? Elle était destinée aux opérateurs des attentats-suicides, qui auront lieu à divers endroits, comme le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo.

Dans son texte, à un moment, il raconte ce que subit Genevoix :



« Soudain, la mitraille devient trop forte et il faut se coucher. C'est le moment qui décide de tout, de sa vie d'homme et d'écrivain. Il se retourne, ressentant quelque chose dans son dos. »



En effet miroir, j'y revois la même scène quand les compères sont réunis pour la réunion du comité de rédaction du journal. Genevoix/Maris, même combat, le premier s'en est sorti, le second n'aura pas eu le temps de penser à cette scène qu'il avait écrite trois ans auparavant.



« Les pulsions de mort et de vie se livrent un combat sans merci au coeur de l'humain. L'humanité vient précisément du refus de la pulsion. L'humanité commence quand la pulsion s'arrête ».



Ce jour-là, l'humanité ne s'était pas montrée. Et les pulsions battent en différents lieux à différents moments. Cette histoire est un éternel recommencement. Nous vivons une époque formidable.



Genevoix et Jünger n'ont pas fait la même guerre. « Ceux de 14 » et « Orages d'acier » parlent du même conflit, mais pas avec les mêmes mots. Pourtant y sont décrits les mêmes actions, les mêmes horreurs, les mêmes regards.

Genevoix, témoin que la guerre a fait écrivain, est dans le concret. Il est sensible à tous les humains. Jünger, est un écrivain-né, un penseur qui analyse, juge, prévoit.

L'un affirme son devoir de solidarité avec ses hommes, ainsi que son attachement à la terre.

L'autre dit la surhumanité des soldats allemands, glorifiant l'armée et la nation.



« La guerre nous apparaissait comme une action virile, comme un joyeux combat de tirailleurs dans des prairies pleines de fleurs, mouillées d'une rosée de sang ».



Bernard Maris est dans l'exaltation. « Vivent les passions et les pulsions enfin libérées, sorties comme de mauvais génies des corps nus ». (…)

« La guerre déchire la communauté de cette Europe matérialiste, et l'homme redevient ce qu'il est, primitif. Enfin la pulsion triomphe de la raison. L'homme redevient ce criminel-né que la culture étouffe. Il renaît ».



Et Jünger insiste :



« Il y a la guerre parce que le meurtre est en chacun de nous. La guerre révèle l'essence de l'humain ».



Maris explique alors la rédemption.



« Après les Eparges, cette guerre va changer les deux hommes. Elle enseigne la compassion à Genevoix qui, bouleversé par la mort de son ami, cesse de l'aimer pour «aimer la vie jusqu'aux plantes et aux arbres». Jünger au contraire, pour qui la guerre exprime la vie dans toute sa violence, se durcit alors que la défaite se profile, s'acharnant à la rendre belle.



Et il faudra attendre le second conflit mondial pour que l'officier de la Wehrmacht - qui dès ses débuts refusa de cautionner le régime nazi, claquant ostensiblement des talons pour saluer les Juifs porteurs de l'étoile jaune - n'aime plus la guerre. Pour que, bouleversé à son tour par la mort de son fils et les bombardements souillant sa terre, il se montre enfin accessible à la pitié.



Genevoix a vu de ses yeux ce dont était capable l'homme : de surhumanité dans l'horreur. Il va témoigner à son tour contre la mort, en la regardant d'un regard tranquille, car elle fait aimer la vie. Il le fera dans « La mort de près », ouvrage absolument pacificateur, serein. L'homme ne doit pas nier sa grandeur ».



Et la nature, dans tout ça ? Genevoix la remet en piste dans « Trente mille jours » :

« Il y a des signes partout… à croire qu'au fil des siècles, la race des humains ait laissé s'en aller d'elle les dons, les mots, les humbles et merveilleux secrets qui l'unissaient à l'universelle création ».



Et Bernard Maris le confirme :

« Innombrables sont les descriptions de la nature chez les deux auteurs dans leurs récits de guerre.

Genevoix est un écrivain achevé. Tous ses romans parleront des bêtes et des fougères, de jonchées de feuilles mortes et de mousses humides où l'eau laisse la trace des pas, et des ciels, pétillants d'étoiles ou bleu-écru, en lambeaux ou guenilleux, floconneux, poudrés.

Lire Jünger est aussi une promenade en forêt. Voici le trèfle fleurissant en lourds coussins d'un rouge sombre dans les prairies bordées de primaltiers blancs.

Non seulement Genevoix et Jünger ont trouvé leur style par le miracle de la guerre, mais ils n'en changeront plus. Jünger est abstrait, philosophique, rigoureux, Genevoix est hyperréaliste, orné, détaillé, compliqué presque. Les deux sont des poètes. L'écrivain est celui qui cherche ses mots : quelle gourmandises des mots , chez l'un comme l'autre ! »



J'aurais pu vous écrire aussi la description qu'ils font des animaux, spécialement des chevaux, éléments importants de cette grande guerre. Mais non, il vous faut la découvrir vous-mêmes en lisant ce petit livre, qui est bien plus qu'un essai, en tout cas pour moi un chef d'oeuvre.

Les analyses de Bernard Maris sont le témoignage de ce qu'une époque peut offrir de meilleur et de pire. On en fait le triste constat chaque jour.

Laissons-le conclure à sa façon :



« En fait, deux lieux échappent à la foule, aux hommes et à leur progrès : la forêt et la bibliothèque ».



Je dédie à « Deux de 14 » cet essai de Bernard Maris.

L'un est né le 28 juin de cette année-là, jour de l'assassinat de François-Ferdinand, l'autre est décédé en septembre, pendant la bataille de la Marne.

Ils n'ont pas eu le temps de faire connaissance.

J'ai su du premier qu'il a passé cinq années dans les Stalag.

Du deuxième, je n'ai vu qu'une photo, en noir et blanc. Au dos, un prénom, Emile. C'est son fils qui me l'a montrée. de ce Maurice, je ne vois que le souvenir d'un être meurtri.

L'homme dans la guerre, celui-ci était le mien, mon père, qui n'avait pas eu la chance de connaître le sien.
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Marx, ô Marx, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Ce livre fait le récit amer d'une désillusion. En suivant la brève leçon de marxisme de Bernard Maris, on comprend avec lui que la révolution communiste a moins pour ambition de mettre fin à l'exploitation de l'homme par l'homme que d'anéantir le péché qui ronge son coeur. Ce n'est pas le capital que veut défaire Karl Marx mais la mort en tant qu'elle est un scandale métaphysique. Le communisme ne serait alors pas tant une situation économico-politique mais une situation spirituelle et métaphysique située hors de toute temporalité historique : en un mot, le communisme se confond avec la béatitude chrétienne. Or, c'est précisément parce que l'ambition et la finalité du projet communiste sont de nature extra-physiques que les moyens purement matériels (économiques et politiques) qu'il se propose de mettre en oeuvre pour y parvenir sont condamnés à l'échec le plus cuisant et à la Terreur.



Quel salut reste-t-il alors ?

Bernard Maris étant matérialiste, il ne peut en envisager d'autres que politiques ; inapte à penser la grâce, il achève son texte sur l'aveu d'une défaite et l'expression d'un profond découragement : il n'existe pas de solution politique au problème du mal. Face aux limites et aux contradictions internes du marxisme qui était pourtant notre seul espoir, il ne nous reste plus qu'à inaugurer le triomphe définitif de la mort qui marquera le début d'une ère nouvelle, celle d'un âge sombre d'où l'espérance serait bannie.



Les lamentations de Bernard Maris ne sont pas sans rappeler celles d'Albert Caraco : on y retrouve la même certitude que le pire adviendra nécessairement (soit par l'annihilation totale de l'humanité soit par sa domestication technicienne) ainsi que la même fascination pour la figure idéelle de la Femme qui serait à la fois imperméable au péché et source de vie entièrement étrangère aux forces de mort (ben voyons). On y retrouve également la même conscience écologique teintée de misanthropie, le même désir inavoué de sauvegarder le règne animal par l'anéantissement de l'humanité comparée ici et là à une anomalie contre-nature ou à un parasite dont il faudrait se débarrasser. On comprend aisément que le carburant psychique du communisme authentique est ou bien génocidaire ou bien suicidaire car faute de discernement, l'horreur bien légitime qu'inspire le péché est reporté sur l'homme lui-même. Dès lors, l'humanité n'est plus regardée comme en proie au problème du mal mais comme le mal lui-même, une erreur que les penseurs gnostiques commettaient déjà.



Pour pallier ce travers, on se tournera utilement vers les enseignements d'Albert Camus et du penseur catholique Nicolás Gómez Dávila qui écrivait que « face au marxisme il y a deux attitudes également erronées : dédaigner ce qu'il enseigne, croire ce qu'il promet. » tandis que le premier avertissait :



« La révolte bute inlassablement contre le mal, à partir duquel il ne lui reste qu'à prendre un nouvel élan. L'homme peut maîtriser en lui tout ce qui doit l'être. Il doit réparer dans la création tout ce qui peut l'être. Après quoi, les enfants mourront toujours injustement, même dans la société parfaite. Dans son plus grand effort, l'homme ne peut que se proposer de diminuer arithmétiquement la douleur du monde. Mais l'injustice et la souffrance demeureront et, si limitées soient-elles, elles ne cesseront pas d'être le scandale. [...] Il y a donc, pour l'homme, une action et une pensée possibles au niveau moyen qui est le sien. Toute entreprise plus ambitieuse se révèle contradictoire. L'absolu ne s'atteint ni ne se crée à travers l'histoire. La politique n'est pas la religion, ou alors elle est inquisition. »
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Charlie Hebdo, 50 ans de liberté d'expression

Bouquin impressionnant, format géant. Comment résister devant CHARLIE HEBDO, 50 ans de Liberté d’expression, préfacé par Riss ?

Fidèle abonné à cet hebdomadaire écrit, réalisé par ces hommes et ces femmes qui ont toujours refusé d’abdiquer pour exercer leur liberté d’expression, je me devais de plonger dans cette histoire débutée le 2 février 1969 avec Hara-Kiri.

Je ne vais pas récapituler tous les événements qui jalonnent un parcours plein de courage et d’humour ; de tragédie aussi, hélas, avec ce 7 janvier 2015 où les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, la psychanalyste Elsa Cayat, l’économiste Bernard Maris, le correcteur Mustapha Ourrad et le policier Franck Brinsolaro ont été lâchement assassinés.

Le mouvement « Je suis CHARLIE » a été puissant, impressionnant et ce journal, symbole de la liberté d’expression, continue et vivra encore longtemps, j’espère.

Chaque grande partie de ce livre unique débute par une pleine page sur fond jaune, avec un titre et un texte court et explicite, pour chaque étape de la vie de Charlie Hebdo.

Depuis la censure du 9 novembre 1970 jusqu’à « CHARLIE toujours vivant ! », l’histoire se déroule et révèle une adéquation troublante avec celle de notre pays. Le tout inclut une quantité d’articles, de dessins démontrant toute la vie passionnante d’un journal complètement indépendant de la publicité. Les débats au sein d’une équipe qui évolue ont toujours été acharnés, sans concession, comme le démontrent certains épisodes.

Dans CHARLIE HEBDO, 50 ans de Liberté d’expression, il y a énormément à lire, à relire. J’ai donc pris mon temps, lu partiellement, revenant parfois en arrière ou passant plus rapidement sur certaines étapes. Le tout est bien mis en page et cela facilite grandement mon parcours de lecteur.

Évidemment, le livre retraçant l’historique de Charlie Hebdo, je peux relire Cavanna, son style direct, sans fioritures et c’est un immense plaisir de retrouver un homme que j’ai beaucoup apprécié aussi en tant qu’écrivain. Un texte comme celui intitulé « Feminos, cocos, socialos, gauchos, démocrates, progressistes… vous déconnez ! Laissez les lois fascistes aux fascistes » est extraordinaire d’indignation mais surtout doté d’une argumentation imparable, ne ménageant personne, surtout les politiques. Les pages suivantes rappellent alors que, du 26 novembre 1980 au 4 mars 1981, Charlie Hebdo fut le journal officiel soutenant la candidature de Coluche aux élections présidentielles avec son supplément : Coluche Hebdo…

Hélas, quand la gauche arrive au pouvoir, la censure bouge encore… Relations avec la presse, le soutien de Libération, critique des religions, principalement les cathos intégristes, bien avant les islamistes, innombrables procès, la plupart gagnés, que d’énergie déployée !

CHARLIE HEBDO, 50 ans de liberté d’expression déploie tous ces événements auxquels se sont ajoutées trois années supplémentaire avec un journal qui ne se contente pas de dessins humoristiques mais va bien au-delà avec des enquêtes sur le terrain toujours passionnantes et instructives.

Charlie Hebdo doit vivre et vit toujours grâce à de très nombreux lecteurs, une quantité impressionnante d’abonnés et ce livre fait la démonstration de la nécessité, de l’importance primordiale d’une pareille publication qui étonne, questionne, dans beaucoup d’autres pays, forçant l’admiration.

Le livre se termine avec une impressionnante double page, montrant la 1276e réunion de rédac, le 4 janvier 2017 ! Réjouissant et particulièrement encourageant car, depuis, il y en a eu et il y en aura encore beaucoup d’autres…

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Souriez, vous êtes Français !

Pas rancunier, Dominique Seux, l'éditorialiste bien-pensant des Échos - et qui fut souvent gentiment brocardé par Bernard Maris -, a préfacé ce petit livre posthume de chroniques radiophoniques.



Car Bernard Maris adorait la radio, et il faut dire qu'il en maîtrisait les codes. Capable d'ironie, toujours lucide, grand vulgarisateur, et surtout, ennemi des idées reçues qu'il adorait démonter, avec clarté et simplicité.



Dans ces chroniques, il oscille en permanence entre colère et affection pour toutes ces catégories de français qui passent leur temps à gémir. Tiens, s'ils passaient seulement quelques mois dans la plupart des autres pays, cela les aiderait probablement à relativiser. En effet, contrairement à ce que l'on pense, la France est plus libérale que les Etats-Unis - très protectionnistes en pratique, le Japon, la Corée du Sud, le Royaume-Uni ou l'Allemagne, sans parler évidemment de la Chine. La France est le pays européen qui exporte le plus de capitaux, et qui en reçoit le plus de l'étranger.



Alors, il y a les patrons qui se plaignent des lourdeurs bureaucratiques... mais qui se gavent de subventions. On apprend ainsi que le CICE, le crédit d'impôt recherche supposé favoriser l'innovation, a surtout profité... à la finance, aux banques et aux assurances! Avez-vous remarqué récemment que votre banquier ou votre assureur vous ait proposé un service révolutionnaire? Pas moi, le dernier c'était la carte à puce, dans les années 80...



Pire, cet argent ne profite qu'aux grandes entreprises, celles-là même qui ne créent pas d'emploi, qui "optimisent" si bien leur fiscalité, alors qu'elles ont les moyens de financer leurs propres recherches. 65 milliards d'aide annuelle, et pour quel résultat?



Comment notre société traite-t'elle les jeunes? Un budget énorme pour l'éducation, mais 18% d'entre eux quittent l'école sans aucun diplôme. Avec des "contrats jeune", qui ne font que les stigmatiser davantage: ils n'ont donc pas droit à un contrat normal? Ben oui, les jeunes ne sont pas normaux, c'est bien connu. Égoïsme des adultes, qui veulent protéger leur emploi (l'égalité c'est bien, mais en commençant par soi-même). Ou alors, absence de dialogue social entre des élites cooptées et des syndicats bureaucratisés? Tiens, ces syndicats: que proposent-ils en termes d'actions de reclassement?



Et les hommes, les messieurs, qui touchent de belles retraites essentiellement grâce... au travail des femmes... lesquelles continuent à faire soit la double journée, soit sont condamnées au temps partiel, quand ce n'est pas les deux à la fois?



Les politiques et autres hauts fonctionnaires, eux, sont les produits d'un système éducatif qui n'a plus rien de méritocratique. Les concours ne font que les préparer trop vite au seuil d'incompétence: comment cela pourrait-il les rendre courageux?



Une lecture aussi instructive que jouissive.
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Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui ..

Bernard Marris a un grand mépris pour les experts en économie et on ne peut que lui donner raison. Il suffit de lire un journal économique vieux de 6 mois et de regarder à quel point les prévisions des experts étaient erronées. Lisez avec 6 mois de retard les papiers des analyses financiers spécialistes de la bourse, c'est ce qu'on fait de pire.

Donc les économistes se trompent sans arrêt et on continue de les écouter. Bernard Marris nous explique que c'est le cas même au plus haut niveau, les directeurs du FMI, de la Banque Mondiale, les prix Nobel d'économie et autres ne sont pas plus fiables que les autres.

Mais avoir raison ne suffit pas pour faire un bon livre. Une grande partie est très difficile à appréhender pour les non-économistes, trop technique et trop de références à des personnes ou des théories inconnues du grand public.

Et puis ce livre exprime la haine de son auteur pour le système économique qui régit notre monde. Qu'il ait raison ou non est un autre problème, mais le ton est difficile à supporter. Ce n'est plus une critique, même pas un réquisitoire, c'est une descente au lance-flamme du libéralisme, bien trop méchante pour qu'on ait envie d'adhérer, même si on est tenté de partager les idées de l'auteur.
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L'Enfant qui voulait être muet

Excellent roman lu d'une seule traite. Récit captivant d'une destinée hors du commun, violente et belle à la fois, qui met en exergue les différences de classes sociales et la résilience suite à un traumatisme. Une écriture riche et érudite, agréable à suivre, une réussite littéraire. Je recommande!
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Houellebecq économiste

Je découvre, malheureusement trop tard, la plume et l'esprit de Bertrand Maris dans cet essai consacré à notre société libérale mondialisée vue au travers de l'oeuvre de Michel Houellebecq.



L'auteur y fait référence à de nombreux économistes prestigieux et à leurs concepts dans une structure facile d'accès : l'individualisme, l'entreprise, les consommateurs, le travail et la fin de l'espèce.



Même si cet essai pourtant rédigé par un économiste n'a pas eu pour moi la même force qu'un essai de Jean-Claude Michéa avec lequel il partage pourtant quelques convergences au niveau des analyses tout en ayant une qualité d'écriture supérieure, il permet pourtant de redécouvrir certains romans de Houellebecq sous un angle nouveau et invite à s'aventurer dans la bibliographie de l'économiste.
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Souriez, vous êtes Français !

Un livre posthume édité en 2016 par ses enfants, Gabrielle et Raphael, qui inclut une préface de Dominique Seux. Sa voix très caractéristique était en direct sur France Inter chaque vendredi et samedi. J’ai raté un grand nombre de ses chroniques car elles étaient trop matinales pour moi, et je le regrette, mais chacun son horloge biologique ! Donc, un petit livre de 132 pages qui récapitulent ce qu’est la France « ce magnifique pays d’assistés ». C’est grinçant, parfois drôle, et surtout très juste dans l’analyse. Les Français et leur rapport au travail, aux loisirs, à la culture, à l’éducation, à l’ascenseur social, à l’injustice, à l’équité ; les syndicats, les vacances, le logement, la propriété, bref, la lutte des classes… on y revient avec le mouvement des « Gilets jaunes » de 2018.

Dans un livre : « La reproduction », Pierre Bourdieu a écrit cette phrase qui peut absolument s’appliquer aux chroniques de BM. : « La reproduction des inégalités sociales par l'école vient de la mise en œuvre d'un égalitarisme formel, à savoir que l'école traite comme "égaux en droits" des individus "inégaux en fait" c'est-à-dire inégalement préparés par leur culture familiale à assimiler un message pédagogique ». CQFD !


Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Antimanuel d'économie, tome 2 : Les cigales

C'est le premier ouvrage d'économie que je lis, étant un total profane en la matière mais un profane qui s'intéresse depuis quelque temps aux tenants et aboutissants de ce qu'on nomme le "libéralisme", "le capitalisme", seule religion économique désormais de la mondialisation.

D'autre part, j'avais depuis longtemps entendu Bernard Maris sur France Inter et me situais résolument dans son camp face à M. Sylvestre le vendredi matin. Par ailleurs peut-on être autrement que contre M.Sylvestre? (c'est vraiment son nom, j'en ris encore!)

Bref me voilà donc plongé dans cet ouvrage que j'ai absorbé à doses homéopathiques.

D'abord la chose est abondamment illustrée tant par des photos, dessins, gravures de toutes sortes que par des textes d'auteur reprenant les propos de M. Bernard. Tout concourt à démontrer l'absurdité du "toujours plus" (je pense pas que ce soit dans le sens de M. de Closet!), à prôner la gratuité, la non-productivité comme la conversation, le plaisir de faire comme éminemment productifs. B. Maris s'interroge sur l'utilisation faite des brevets d'inventions, comme freins à la créativité de la découverte, souvent fruit du hasard et surtout de la collectivité des chercheurs.



"Toutes ces notions - la recherche qui interdit d'exclure autrui de ce que l'on cherche; l'imitation,la copie; l'apprentissage; la création qui n'existerait pas sans l'imitation, sans le plaisir, sans l'esprit de don et beaucoup d'autres choses - toutes ces notions donc, échappent au marché qui déteste ce que pourrait, peu ou prou, s'approcher de l'abondance." (147)



Il n'en reste pas moins vigilant sur les réactions humaines et montre comment le capitalisme a tué tout ce qui l'homme pouvait avoir à partager, en éliminant sa propension à avoir besoin de l'autre tout en le servant.Car le capistalisme s'ingénie à créer des besoins que les gens n'ont pas à la base et à les conditionner de sorte que nombre d'entre nous ne peuvent plus se passer de certaines technologies (portables, automobiles,etc...)

Les exemples de certains peuples dits "primitifs" qui cultivent et récoltent juste pour leurs besoins, ceux du partage sur le net de fichiers "peer to peer" ainsi que le fameux logiciel "Linux" sont quelques pistes d'économie raisonnable.



"Les marchands, eux, n'inventent rien de scientifique. Ils inventent des marques, des modèles, des standards." (150)



Autour de ce libéralisme ambiant gravitent bien sûr d'autres sphères dont les religions ne sont pas les moindres. B. Maris convoque aussi la psychanalyse pour expliquer les enjeux du capitalisme et des textes de Freud viennent émailler ses propos.

Voilà donc un ouvrage qui se lit comme un roman, dans lequel on pourrait citer moult phrases qui auraient valeur de proverbe et qui rassure quant aux idées toutes faites que cultivent les radios et TV sur l'économie d'un pays qui semblerait en faillite, le dernier du monde et peuplé de paresseux qui ne pensent qu'à leurs loisirs alors que certains "modèles" d'économie libérale avancée proposent à une partie de leur population de vivre comme dans un pays "en voie de développement".

Et puis c'est d'une telle richesse, ce bouquin, d'une telle intelligence, d'une telle réflexion que je pourrais remplir des pages mais à quoi bon. Lisible par les néophytes aussi bien que par les spécialistes, voilà un ouvrage essentiel. Reste à me tourner vers les fourmis m'étant reconnu dans les cigales.

Choisissez votre camp camarades!



"L'épargnant, l'actionnaire, haute figure des libéraux, est un être méprisable pour Keynes. le taux d'intérêt n'est pas la récompense de sa vertu, mais l'indice de sa peur." (253)



Dire que j'étais keynésien sans le savoir!

Je fus très affecté quand j'ai appris qu'il faisait partie des morts de Charlie Hebdo.

Reposez en paix Bernard Maris, Oncle Bernard...

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Antimanuel d'économie : Tome 1

Ce livre discute des principes de l'économie et discute du fait que les lois économiques sont tout sauf des lois scientifiques car ne se prêtant pas à l'observation. L'auteur prône un enseignement de l'économie qui raconte et explique les faits plutôt que de prétendre pouvoir prédire l'évolution de telle ou telle tendance. Il critique aussi la théorie dominante qui ne s'intéresse qu'à l'argent et à la production sans prendre en compte les ressources non renouvelables.

J'ai trouvé ce livre intéressant et accessible, même s'il allait un peu vite pour moi qui n'y connait rien dans l'enchaînement qui lui semble évident entre certaines causes et certains effets.
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Houellebecq économiste

Je ne sais pas ce qui m’a pris de lire ce petit ouvrage alors que je n’ai lu qu’un roman de Michel Houellebecq. Peut-être pour mieux comprendre Houellebecq ?

Il est évident qu’un romancier qui situe ses romans dans la période contemporaine va plonger ses personnages dans les grands courants de son temps. Mais il est aussi vrai que par rapport à nombre d’auteurs Houellebecq s’attache assez fortement à tout ce qui y phénomène de société pour nous peindre le mal-être, la dépression, le désespoir des individus. Du coup, comme chez Balzac ou Zola le contexte économique ne peut qu’être très présent. En tout cas la plume de Bernard Maris est agréable à lire et ouvre un angle intéressant sur l’univers anxiogène de Houellebecq. Je pense que ce n’est qu’une clé de lecture parmi d’autres, et que si Houellebecq est antilibéral, il est aussi très nettement anti-libertaire, ce qui ne relève absolument pas de la grille de lecture proposée ici. On peut aussi prendre cet ouvrage dans l’autre sens, c’est à dire pour expliquer l’économie à la lumière des personnages des romans de Houellebecq. De ce point de vue, c’est un peu faible, Bernard Maris explique bien moins ses propos que dans son anti-manuel d’économie où il illustre ses dires par de larges extraits de textes de théoriciens économiques.
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L'avenir du capitalisme

Se lit en 45 minutes.

Maris y déploie ses amples ailes perlées de références. En déployant il détruit les cloisons entre les disciplines. Littérature ? Économie ? Histoire ? Philosophie ? Tout s'intègre pour parler du capitalisme, de ses contradictions et de son avenir.



Les citations sont des citations à comparaître. Elles imposent une croyance du lecteur ou sinon une vérification. Elles alourdissent le livre, lui mettent du plomb dans l'aile car il est difficile de digérer Marx, Keynes, Schumpeter, Lévi Strauss et bien d'autres. Elles sont également des lits de fuite. Une fuite avec Max Weber nuancé mais en roue libre car c'est un esprit libre, Max.



Un bon Maris.
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Houellebecq économiste

Houellebecq saisit le malaise économique, le désenchantement contemporain, l'individualisme, le monde de l'entreprise, du marché de l'art, la consommation insatiable, l'organisation du travail mieux que les économistes selon Bernard Maris. La littérature qui s'inscrit dans la durée a souvent mieux traité les thèmes économiques, sociologiques, psychologiques que les spécialistes de ces mêmes disciplines.

Bernard Maris retrouve dans l'oeuvre de Houellebecq des thèmes analysés par de grands économistes : Marshall, Shumpeter, Keynes, Marx, Fourier, Malthus si ce n'est que les économistes restent froids, abstraits, campés sur une vision théorique tandis que l'oeuvre de Houellebecq sait que l'homme n'est pas rationnel, n'obéit pas à des modélisations et que l'application de théories libérales atomise la société, la déshumanise, détruit le collectif, crée de l'incertitude, de l'anxiété, de la violence, de l'angoisse.
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Houellebecq économiste

Etant données les circonstances tragiques liant l'auteur et le sujet de ce petit livre - l’assassinat du premier le jour de la sortie du roman du second le 7 janvier 2015 -, sa lecture ne peut que provoquer un petit quelque chose au niveau de la poitrine chez quiconque a plus d’humanité que de cynisme. Mais bien sûr tout cela n’est pas une raison pour ne pas en faire une (saine) critique.



Houellebecq économiste est un essai séduisant dans son principe, bien écrit et plutôt bien documenté pour un pamphlet. Mais qui m’a laissé sur ma faim sur l’essentiel : le fond de l’analyse économique de l’oeuvre houellebecquienne.



Le vrai souci ici est que Maris se fait plus royaliste que le roi en appuyant le propos antilibéral de Houellebecq, qui est chez lui, au sens du libéralisme économique - l'aspect qui intéresse ici Bernard Maris -, sans doute moins central que la critique de la pensée libertaire, et de la libération des moeurs et des normes sociales de manière générale. Cette pensée libertaire, si elle est implicitement évoquée au passage de la critique du consumérisme, n’est jamais distinguée en tant que telle dans cet essai. . Sans doute parce que Maris souscrit à la libération des moeurs... et donc “oublie” la critique du libéralisme sexuel chez Houellebecq, qui est pourtant centrale dans son oeuvre, dès Extension... et qui est clairement l’un des fils rouges de l’ensemble de ses romans. Alors vous allez me dire que le bouquin parle d'économie et pas de social... Ce à quoi je vous répondrai "Certes, mais le libéralisme au sens économique n'est jamais abordé séparément, comme un objet critiqué chez Houellebecq".



Bref, Bernard Maris fait une interprétation hémiplégique, de gauche, marxiste, donc économisante, de l’oeuvre de Houellebecq : sans doute de la même façon qu’un réactionnaire pourrait faire une interprétation hémiplégique de droite de son oeuvre en négligeant par exemple toute sa description du monde du travail, mais en insistant sur le fait religieux et une certaine vision conservatrice de la société.



On sent donc bien que Maris, au delà de Houellebecq, a en son agenda caché la volonté d’en découdre sur un mode quasi marxiste avec le capitalisme et le libéralisme. Alors même, rappelons-le, que Houellebecq est loin, malgré le titre de son premier roman, de défendre de près ou de loin des positions marxistes... ou des positions politiques quelles qu’elles soient ! Et si l'opinion de l'auteur lui-même est de plus en plus difficile à cerner au fil des romans, les opinions exprimées par ses personnages en matière d'économie deviennent aussi de plus en plus variées. Et j'ai bien du mal à voir dans les derniers romans de Houellebecq le marxisme sous-jacent relevé par Maris.



Au fil des pages apparait donc l’impression un peu gênante que l’oeuvre de Houellebecq se fait manipuler par Maris.



Nous ne sommes donc clairement pas face à un essai littéraire, mais "juste" économique, et surtout: économique-de-gauche-anticapitaliste. On aurait donc aimé, quitte à conserver ce parti pris - qui me parait comme vu plus haut au moins discutable - plus d’éléments soutenant l’affirmation que l’économie n’est pas une science, que tous les économistes dits libéraux (j’imagine qu’il entend par là “classiques”, “autrichiens”, etc.) sont des charlatans, qu’il n’y a pas de vérité en économie... Façon déguisée, évidemment, de considérer que l’économie ne peut être une discipline rationnelle, mais qui se fonde sur des valeurs, et se doit donc d’être soumise à la "volonté générale"... donc à l’Etat.



Apprécions tout de même la jolie plume de Bernard Maris, qui fait de la lecture de ce petit livre un assez bon moment. Et d’ailleurs, n’est-ce pas là principalement ce que l’on peut attendre a minima d’un pamphlet dont on n’approuve pas la thèse ?
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Houellebecq économiste

Une attaque justifiée de la bullshit économique. Donne le goût de relire Houellebecq.
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L'avenir du capitalisme

Opus court mais dense et parfois ardu surtout la première partie.

Une définition du capitalisme suivie de son avenir, de ses issues optimistes ou plus probablement selon l'auteur, pessimistes.

Le capitalisme a rationalisé l'économie, le travail (devenu marchand, organisé), l'argent avec le recours au crédit, la connaissance, la technique, la science devenues utilitaristes et même le temps linéaire quand la nature est restée cyclique.

Son succès est important en Chine car il s'appuie sur les masses, y bénéficie d'un énorme marché intérieur prouvant ainsi qu'il a besoin d'individus-consommateurs mais pas citoyens (prophétie de Tocqueville évoquant un despotisme bienveillant reposant sur des masses recherchant le plaisir).

Il se présente comme un système où tout le monde est gagnant : plus de croissance, plus de production mais il comporte en lui une puissance de mort.

Il crée de la frustration par des besoins sans cesse renouvelés et inassouvis, une "servitude volontaire" par le désir d'accumulation des individus, il creuse les inégalités porteuses de révoltes et enfin il détruit la nature, crée des désastres écologiques.
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Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui ..

Vous vous demandez quel lien entre les émeutes en Argentine, les coups de feu sur la population paupérisée en Asie du Sud-Est, le pillage des ressources par les oligarques de la mafia russe d'une part et les cures d'austérité et prêts en blanc du FMI d'autre part ?



« L'esclave est-il plus productif que « l'enfant libre » travaillant pour Nike ? » : équation ou « crime économique » ?



Bernard Maris, économiste reconnu, assassiné lors des attentats terroristes de Charlie Hebdo, revue à laquelle il participait, nous entraine, dans ce petit opus pamphlétaire et sociologique paru en 2003, dans les coulisses de la « science » économique…



Qu'est-ce que le libéralisme ? En économie, Maris, nous dit que c'est un système où le marché s'autorégule en toute transparence. Or, avec le paradoxe de Stiglitz, largement partagé par les chercheurs, qui nous dit que, livré à lui-même le marché ne peut améliorer son fonctionnement, Maris s'interroge, pourquoi les économistes continuent-ils de faire semblant ?



***



Dans sa « Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui nous prennent pour des imbéciles », Maris analyse ses collègues économistes, met en garde contre les jeux intellectuels pour mathématiciens de laboratoire lorsque ceux-ci deviennent d'application concrète dans la vraie vie. Dans les colloques d'entre soi on fait de mal à personne mais on jouit simplement de la blancheur immaculée d'une équation à la craie sur un tableau noir. Equation également réfutable car les sophismes d'experts en mal de télévision peuvent défendre l'inflation, la déflation, la hausse des taxes et la baisse des impôts, l'austérité et l'Etat providence au gré des crises cycliques venues les désavouer…



« Les profits d'aujourd'hui sont les emplois de demain » ! Ce à quoi Maris répond que depuis 20 ans les profits augmentent et le chômage aussi. Les gourous de l'économie n'ont qu'une obsession, un pouvoir, convoité et monnayé par les politiques : la prévision. Maris citant Attali pour qui un économiste est celui capable « d'expliquer le lendemain pourquoi la veille il disait le contraire de ce qui s'est produit aujourd'hui » … l'économie ne connait pas la contradiction.



La loi parfaite de l'offre et de la demande est teintée d'un contenu normatif : c'est-à-dire d'un encouragement à la concurrence, car c'est elle qui optimise le « bien-être ». Interprétation erronée de l'optimum de Pareto qui se contentait de noter que l'équilibre du marché (efficient, autorégulé) ne peut accroitre le bien-être de l'un sans diminuer celui d'un autre !



Mais alors… les économistes savent qu'un s'agit d'une chimère, d'une idéologie, d'une prescription politique mais pour autant, s'étonne Maris, personne n'ose encore aller « cracher sur la tombe ».



Au contraire, les économistes se défendent, à l'image de Friedman pour qui une théorie ne doit pas être testée par le réalisme de ses hypothèses mais par celui de ses conséquences, et Maris d'ajouter que peu importe que la Terre soit plate tant qu'on peut faire du vélo !



Du déni. de même que chacun reconnait que le communisme est un « idéal » au sens d'idéologie, et que si les pays marxistes ont tendu vers le communisme, on ne peut pas dire que le communisme était pur et parfait au sens de ce que Marx pouvait théoriser, Maris encourage les libéraux à reconnaitre leur idéologie.



Le libéralisme pur n'existe pas, pour Maris « on ne va pas vers la concurrence pas à pas » soit il y a concurrence et équilibre pur et parfait… soit rien. Or, actuellement c'est surtout rien (douanes, monopoles, dumping, lobbying, ententes, aides d'Etat, cartels, concentrations etc) donc, pour reprendre la théorie démontée plus haut : aucune garantie de « bien-être » … même théorique.



Donc, après avoir décanillé la statue de la concurrence, Maris s'attaque à la théorie du jeu pour laquelle les acteurs du marché sont rationnels et ne visent qu'à maximiser leurs profits : problème, le paradoxe d'Allais, dès qu'un aléa ou une incertitude s'introduit dans les paramètres, c'est l'irrationnalité qui guette.



Pas d'aléa lui rétorqueront les experts des chaines d'info en continue, sans être contredits par des journalistes découragés par un jargon d'autorité que Maris appelle « la fonction terroriste des maths », puisque le marché est transparent.



Faux répond Maris, déboulonnant le totem de la transparence : « si tout se savait sur tout, personne ne ferait de profit ». Il n'y aurait plus de raison à gérer les risques, il n'y aurait pas de bruits de couloirs, d'initiés, de hors bilan, de comptabilité truquée, d'argent noir, de paradis fiscaux, de blanchiment d'argent liés au trafic de drogues et d'êtres humains.



En bourse c'est la même chose « les profits n'existent que parce que l'on ne sait pas ce que vont faire les autres, on anticipe ce qui n'est pas pareil ». Maris s'arrête prudemment sur la « confiance » notion qu'il laisse plus volontiers à Freud qu'aux économistes…



***



Ainsi dans un monde où la concurrence est faussée, l'équilibre absent et la transparence opaque, le FMI salue l'augmentation du PIB et Milton constate que plus les marchés sont risqués, plus les spéculateurs sont excités.



Le patron d'alors du FMI est particulièrement visé par Bernard Maris, notamment sa rhétorique sur la taxe Tobin (sur les transactions boursières) qu'on ne pourrait pas appliquer car il faudrait l'appliquer partout or il y a bien « trop de paradis fiscaux » … A quoi bon lutter contre le crime s'il y a trop de criminels rétorque par l'absurde Maris.



Méfiance enfin vis-à-vis des sempiternelles batailles de chiffres, qui sont avant tout des batailles de formules, de point de vue, à l'image du CERC, fermé après avoir calculé 11 millions de français dans la fragilité sociale…loin des 12% de chômage qui laisse croire à 88% de privilégiés…



La « main invisible » n'est pas si propre… Maris, connu pour son engagement écologiste, ne veut pas d'un monde qui « plus il est empoisonné plus il devient riche, par simple effet de rareté. »



On comprend désormais sa colère, tous les dogmes, tous les théorèmes sont erronés et pourtant les gourous de l'économie continuent leur « danse macabre » dans les médias, auprès des politiques, sans jamais avoir à rendre des comptes.



Au détour des figures de l'expert « le raté ou le paresseux de la profession » uniquement là pour « justifier celui qui le paye », de l'oracle, du penseur ou du journaliste, Maris croque le portrait quasi-sociologique d'un système interdépendant d'acteurs réunis autour du dogme capitaliste et dont la principale fonction, vis-à-vis de l'opinion, communicants à l'appui, est de produire du discours.



Pour Maris, citant Pierre Bourdieu, les économistes peuvent « produire des discours formellement corrects mais sémantiquement vides. »



Comme disait Cioran, « l'homme se raccroche à l'espoir d'une conflagration définitive dans le dessein de se débarrasser une fois pour toutes de l'histoire. »



Les fidèles du capitalisme aimeraient bien que la messe soit dite une bonne fois pour toute surtout, comme le souligne, non sans ironie, Maris : « la fin de l'Histoire, c'est bien si je suis en haut ». Pour l'auteur, le « capitalisme sauvage ne peut exister sans transcendance ». C'est l'idée que l'effort des pauvres sera un jour récompensé dans une vie éternelle pleine de croissance, et que les riches sont élus de Dieu sur terre « la preuve : ils font de la charité ».



***



A travers des références théoriques de Walras à Keynes, des exemples concrets de Merton à Camdessus, et le tout avec un effort de pédagogie très appréciable, Maris opère un rapide décryptage critique, drôle et citoyen.



Il nous permet de mieux comprendre le discours économique, béquille du discours politique (ou l'inverse), non pas dans le détail des formules et théorèmes, mais dans l'intentionnalité.



Peut-être pourrait-on repenser l'économie comme un rapport de force, un conflit d'intérêts plus ou moins rationnels qui doit être justifié par un discours, celui des experts et des oracles, et également perpétré via la coercition, les prêts du FMI sous condition d'austérité : véritables « stratégies du choc » pour reprendre la journaliste canadienne Naomi Klein, entrainant violences, répressions, précarité et remous politiques ; ou encore les monopoles européens dans la planification de la politique agricole commune (interdiction jusqu'à récemment de posséder ses propres semences de graines, sentiment de dépossession des agriculteurs et manque d'adaptabilité vis-à-vis de la permaculture etc).



Rapport de force illustré par cette citation rapportée d'Alain Minc, raillé par Bernard Maris « je ne sais pas si les marchés pensent justes, mais je sais qu'on ne peut pas penser contre les marchés. »



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Houellebecq économiste

Cette mise en perspective économique de l’œuvre de Houellebecq est intéressante bien que je n'ai pas lu tous les romans cités. Bernard Maris tragiquement disparu convoque de grands noms de la pseudo science économique pour présenter une critique du libéralisme omniprésente dans le discours et de l'auteur et de son sujet...Cet essai très accessible se lit d'une traite en moins de deux heures...
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Antimanuel d'économie : Tome 1

Comme je le regrette Bernard Maris ! Sa parole tranchait avec les jacassements des thuriféraires du marché -dieu qui squattent les médias . j’ai beaucoup appris en lisant cet ouvrage qui combine articles et anthologie de citations.
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