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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (534)


Il faudrait avoir des toiles d'araignée, il n'y a rien de meilleur pour arrêter le sang...

163 - [Le Livre de Poche n° 2474, p. 105]
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Il faut bien voir qu'on aime que dans l'éternité, c'est pourquoi il faut prendre soin de se conduire en toute chose comme si ce qu'on fait devait être éternel.
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"Finalement les larmes vinrent, et à mesure qu'elles Venaient plus abondantes et pressées, son orgueil fondait en lui, sa force s'en allait aussi, en sorte qu'il dut se rasseoir, et il ne fut plus rien qu'un pauvre homme qui pleure."

page 120, Berthollet
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On se retourne, on voit qu’on s’est élevé. Et tout à coup on se trouve perché sur une espèce d’avancement en éperon d’où on domine tout l’arrangement désordonné des casiers de vigne sous soi ; le toit de la gare semble posé à plat sur le sol au bord de la voie ; encore un pas ou deux, et la pente faiblit et on est parmi les vergers.

in Retour aux lieux aimés
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C'était le dimanche matin. Qu'est-ce qu'on voit ici en hiver ? on ne voit rien. Le jour était quelque chose de gris et de vague qui se détortillait lentement hors de la nuit de l'autre côté des nuées comme derrière un carreau dépoli.
Qu'est-ce qu'on entend ? rien du tout. Même pas le bruit des pas à cause de la neige, même pas le bruit du vent, parce qu'il n'y a toujours point de vent. De temps en temps une voix, quelquefois un enfant qui pleure, pas un oiseau, pas même la fontaine, parce qu'elle coule dans un chéneau de bois pour éviter qu'elle ne se prenne peu à peu dans la glace, comme il arrive, si on laisse couler librement à l'air.
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Cependant on voyait Brigitte aller, tous les matins, ramasser du bois mort dans un bosquet de mélèzes qui était un peu au-dessus du village. Elle s'était ouvert ainsi, avec ses souliers bien trop grands pour elle, un petit chemin dans la neige ; et, comme elle faisait chaque jour plusieurs voyages, il se trouvait que le chemin durait, pareil à un bout de faux fil qu'on aurait oublié sur un drap de ménage.
Et ainsi le trajet était facile de chez elle jusque dans le bois ; mais c'était sous les mélèzes que commençaient les complications, à cause que les branches mortes se trouvaient prises dans la neige gelée, d'où généralement elles ne sortaient que par le bout ; de sorte qu'il lui fallait creuser tout autour avec ses mains.
On avait commencé par se moquer d'elle :
«Qu'est-ce que vous faites ? Vous manquez de bois ?
— Que non, disait-elle.
— Alors ? disait-on.
— C'est pour le cas où le soleil ne reviendrait pas.»
Toute courbée devant vous sous le poids de son fagot, sa jupe noire frottée d'une espèce de poussière grise, sa figure devenue toute jaune avec des taches de café sur le fond de la pente blanc :
«Et, continuait-elle, bien sûr que j'avais comme toujours ma provision pour jusqu'au printemps, mais s'il n'y a point de printemps, si au lieu de faire plus clair à ce moment-là il se met à faire nuit, si au lieu que la chaleur vienne le froid augmente... Il faut prendre ses précautions.»
Les femmes commençaient à être inquiètes :
«Voyons, est-ce vrai ? Voyons, disaient-elles, est-ce que c'est possible, des choses comme ça ?
— Il a dit que la terre peut parfaitement se mettre à pencher de côté parce qu'elle est en l'air.
— En l'air ?
— Oui, en l'air, supportée par rien, une boule qui tourne en l'air et pas fixe ; et, si on ne la voit pas bouger, nous autres, c'est seulement qu'on bouge avec... Alors, vous comprenez, rien qu'un coup de pouce...
— Comment savez-vous ça ?
— C'est Anzévui qui me l'a dit. Attendez, disait-elle, que j'aille poser mon fagot...»
Elle entrait chez elle, puis reparaissait, parce qu'elle aimait à causer ; il y avait toujours ce même ciel bas, immobile et sombre, sous lequel à présent beaucoup de femmes l'entouraient.
«Il ne parle plus guère, disait Brigitte, mais des fois il parle. Il tourne les pages de son livre, ça fait du bruit. Il est sous ses plantes devant son feu, oh ! disait-elle, c'est qu'il ne va pas tant bien, il s'affaiblit tous les jours un peu plus, il peut à peine se déplacer. Il va de son lit à son fauteuil et de son fauteuil à son lit. Il m'a dit : “Je ne durerai pas plus que le soleil. Quand ce sera sa fin, ce sera la mienne... Vous me trouverez mort en bas et, lui, vous le chercherez dans le ciel, mais il ne bougera pas davantage que moi.” Et je lui ai dit : “Quand est-ce que ce sera ?” et, lui, il m'a dit : “Attendez !” Vous comprenez, il recommence tout le temps ses calculs, avec un bout de crayon sur un bout de papier... Il dit que c'est là le difficile, il m'a dit que ça allait faire encore quinze semaines ; alors, moi, chaque dimanche, j'enfonce un clou et j'en ai déjà planté sept... Et moi, disait-elle, j'ai allumé ma lampe à huile, parce que j'ai encore toute une bonbonne d'huile de colza, pour qu'au cas où la nuit viendrait subitement, j'aie du moins ma lumière à moi.»
Elle avait fait comme elle disait. On voyait toutes les nuits la fenêtre de sa cuisine être éclairée, et toute la nuit elle était éclairée, puis le jour venait, mais elle ne s'éteignait pas. Tout le jour, elle continuait à luire avec persévérance dans la façade de bois noir, où elle continuait à être vue, tellement le jour était sombre, tandis que Brigitte tirait à elle un tabouret.
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Je sentais monter en moi quelque chose de drôle, en même temps que j’avais froid : comme si j’avais été supprimé de dessus la terre, comme si j’étais hors du monde. J’étais seul avec moi-même, comme il arrive à l’heure de la mort […] comme si je n’avais jamais été attaché à rien .
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On sent bien que la peine qu’on se donne ne nous rapportera pas un sou, et que les beaux messieurs et les belles dames qui passent sur la route en automobile n’auront pas un regard pour nous : peu importe, la vigne, c’est comme un enfant qu’on aurait : on a beau se dire qu’il va mourrir, on ne l’abandonne pas.
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Le silence... Le silence de la haute montagne. Le silence de ces déserts d'homme. Où l'homme n'apparaît que temporairement. Alors, pour un peu que par hasard il soit silencieux lui-même... On a beau prêter l'oreille, on entend seulement que l'on entend rien.
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De sorte qu'il y a un grand malentendu dans le monde, dont l'intellectuel est quand même responsable, parce que c'est lui qui devrait «comprendre», c'est-à-dire contenir en lui plus de choses et qu'il ne contient que lui-même, faute d'en être sorti.
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L'histoire, qui est la vie collective, qui n'est donc que l'expression d'une multitude de vies particulières, faites de besoins, de désirs, d'appétits, de passions.
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À la recherche de l’absolu et du beau, de la perfection et de l’AMOUR. Roman triste qui nous fait voyager de Lausanne jusqu’au Bouveret sur un Léman dont Ramuz décrit si bien les couleurs et les mouvements. La Savoie et ses paysages rudes, sauvages et en pente. Les cafés où les hommes boivent leurs maigres paies. Une fiancée délaissée par Joseph en quête d’un rêve, d’une image du bonheur. Écriture typiquement ramuzienne. C’est beau, c’est presque philosophique.
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Il faut comprendre qu’on n’a guère ici pour vivre que le bétail. On n’a point de vignes, par ici ; on vit des bêtes. On n’a point de blé par ici, rien qu’un peu de seigle et pas beaucoup, juste ce qu’il nous en faut pour faire notre pain ; à peine si on a des légumes et des fruits : on vit de lait, on vit de viande; on vit de lait, de petit-lait, de fromage maigre, on vit de beurre; même le petit peu d’argent bon à mettre dans sa poche qu’on peut avoir vient du bétail.
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- Et puis, c'est aussi qu'elle est belle !
Il n'a plus pu se retenir cette fois, ni se corriger :
- Elle est comme du lait, elle est rose comme la rose... Elle n'est ni brune, ni noire, ni jaune de teint comme elles sont chez nous... Rose et blanche, rose et tendre... Et puis elle est grande, dit-il. (p. 23)
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Jean-Daniel



XVIII
extrait 2

Nos derniers jours seront paisibles,
nous aurons fait ce que nous devions faire ;
il y a une tranquillité qui vient,
une grande paix descend sur la terre.

Nous nous parlerons du passé :
te souviens-tu du jour où tu avais pleuré,
te souviens-tu du jour de nos noces ?
on avait sonné les deux cloches
qu’on voyait bouger en haut du clocher.

Te souviens-tu du temps des cerises
et on se faisait avec des boucles d’oreilles,
et du vieux prunier qu’on secouait
pour en faire tomber les prunes ?

Le cadet des garçons arrive alors et dit :
« Grand’mère, la poule chante,
elle a fait l’œuf. »
«Va voir dans la paille, mon ami.»
Et nous sourions de le voir qui court
tant qu’il peut, à travers la cour,
sur ses grosses jambes trop courtes.
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Jean-Daniel



XVII

Un jour je te verrai venir un peu plus lasse
et lourde d’un fardeau que tu n’as pas connu,
tandis que s’épaissit ta taille,
marchant dans le jardin où les roses fleurissent
et je t’aimerai encore un peu plus.

Je songe que tu portes deux vies
et qu’il me faut donc t’aimer doublement
pour toi-même et puis pour celui
qui va naître de tes souffrances.

Je sens que j’ai grandi vers de nouveaux aspects
d’où le monde paraît avec des tristesses,
mais aussi avec des joies accrues en nombre ;

et, quand je sens ta main s’appuyer sur mon bras,
et l’ombre de ton front se poser sur ma joue,
il me semble avancer sûrement avec toi
vers la réalisation d’une promesse.
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Jean-Daniel



IX

Elle est venue un soir pour la première fois.
Il faisait nuit, elle est venue sans bruit.
Je regardais partout, je ne voyais personne
et j’entendais mon cœur battre dans le silence.
Mais, quand je l’ai vue, j’ai eu presque peur
et j’aurais voulu me sauver.

Elle venait entre les saules,
elle allait lentement, est-ce qu’elle avait peur aussi ?
Ou bien est-ce que c’était de l’ombre ?

Je suis allé vers elle, je lui ai dit bonjour.
« Alors, comme ça, ça va bien? »
« Oui, merci. » Nous n’avons plus su que dire.
Il y avait un arbre, l’étang était tout près,
le vent a passé dans les roseaux
et j’ai senti sa main trembler.
« Écoute, est-ce qu’on fait un petit tour? »
« On nous verrait, non, j’aime mieux… »
« On pourrait s’asseoir. » « Ce n’est pas la peine. »
J’ai voulu parler, mais je n’ai pas pu
et elle était déjà partie.
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Jean-Daniel



II

Les amoureux, c’est pour les filles
comme un écureuil dans un arbre;
elles s’amusent à le voir grimper:
sitôt qu’il est loin, il est oublié.
Elles ne pensent qu’à des bagues,
à des chapeaux, à des colliers;
qu’est-ce que ça leur fait qu’on souffre?
sitôt qu’on est loin, on est oublié.

C’est des miroirs à alouettes,
ça brille à distance, mais, quand on est près,
ça n’est plus rien que des morceaux de verre.
Il faut être bien fou pour leur courir après.

Ces filles, c’est comme des poupées
faites avec des ficelles et du carton;
ça a des joues en porcelaine,
ça a le ventre plein de son.

Mais on a beau dire et beau faire,
on n’y peut rien:
quand on est pris, c’est qu’on l’est bien.
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Jean-Daniel



I

Ce jour-là, quand je t’ai vue,
j’étais comme quand on regarde le soleil;
j’avais un grand feu dans la tête,
je ne savais plus ce que je faisais,
j’allais tout de travers comme un qui a trop bu,
et mes mains tremblaient.

Je suis allé tout seul par le sentier des bois,
je croyais te voir marcher devant moi,
et je te parlais,
mais tu ne me répondais pas.

J’avais peur de te voir, j’avais peur de t’entendre,
j’avais peur du bruit de tes pieds dans l’herbe,
j’avais peur de ton rire dans les branches;
Et je me disais: «Tu es fou,
ah! si on te voyait, comme on se moquerait de toi! »
Ça ne servait à rien du tout.

Et, quand je suis rentré, c’était minuit passé,
mais je n’ai pas pu m’endormir.
Et le lendemain, en soignant mes bêtes,
je répétais ton nom, je disais: « Marianne… »
Les bêtes tournaient la tête pour entendre;
je me fâchais, je leur criais: « Ça vous regarde?
allons, tranquilles, eh! Comtesse, eh! la Rousse… »
et je les prenais par les cornes.

Ça a duré ainsi trois jours
et puis je n’ai plus eu la force.
Il a fallu que je la revoie.
Elle est venue, elle a passé,
elle n’a pas pris garde à moi.
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Crépuscule



Les ouvriers des champs rentrent de
faucher, il fait frais, les murs sont tièdes, les
poules viennent de se coucher.

Le jour lutte dans les arbres
avec la nuit ;
un bruit d’ailes, un bruit de voix :
le ciel est rose à l’occident.

La nuit est presque déjà là,
mais la lune s’est levée ;
les arbres s’agitent, l’étang est ridé,
la forêt est toute noire
comme une chaîne de montagnes.

Et les chauves-souris commencent à
tourner autour de la maison
comme des objets mécaniques
faits avec du vieux cuir et des ressorts d’acier.
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