Citations de Clifford D. Simak (332)
Une machine fantomatique prenait forme sur le terrain corrodé, dur et glacé… une folle machine au miroitement inquiétant, sous la faible lueur des étoiles. C'était une machine aux angles déroutants, avec des prismes scintillants et une carcasse diaphane, un squelette de machine, qui se dressait dans l'espace.
Tandis qu'il préparait ses affaires, la pièce se mit à discuter avec lui, à lui tenir ce langage muet qu'utilisent les objets inanimés familiers pour s'adresser à l'homme.
« Tu ne peux pas y aller, dit la chambre. Tu ne peux pas t'en aller comme ça et me laisser. »
[…] Il allait devoir partir, et pourtant il s'en sentait incapable. Mais quand l'appareil serait là, quand le moment serait venu, il savait qu'il sortirait de la maison et s'embarquerait.
Il tendit son esprit dans cette direction, s'efforçant de chasser toute autre pensée que celle de son départ.
Mais les objets qui se trouvaient dans la pièce s'imposaient à son cerveau, comme s'ils avaient tous participé à une conspiration destinée à le retenir. […]
Il les contempla, d'abord malgré lui, puis avec un intérêt passionné, laissant leur image envahir son cerveau. Il les voyait comme les divers éléments d'une pièce qu'il considérait depuis des années comme un tout fini, sans jamais se rendre compte de la multitude d'objets qui entraient dans la composition de ce tout.
LA TANIÈRE.
Il parcourait les montagnes et savait ce que les montagnes avaient vu au cours des ères géologiques. Il écoutait les étoiles et comprenait ce que les étoiles disaient.
(p.37)
Il buvait son alcool à petites gorgées, le savourant d'une langue experte. Encore trop d'eau. Mais cela ne servirait à rien d'en faire l'observations à Jenkins. Ah, ce médecin ! Dire qu'il était allé ordonner à Jenkins de mettre un peu plus d'eau. Comment pouvait-on ainsi priver un homme de boire des whiskies à l'eau convenablement dosés pour le peu d'années qui lui restaient à vivre...
Et le lointain souvenir des mots prononcés par son père lui revint en mémoire :
Le cerveau et la mémoire t'induiront en erreur car la mémoire oublie les choses et les déforme. Mais le mot écrit demeure à jamais tel qu'au premier jour. Il n'oublie pas son sens et ne le change pas. Tu peux te fier au mot écrit.
(La génération finale).
Jon leva la tête et regarda sa femme, pris de l'envie subite de tout lui raconter. Mais il repoussa cette idée, craignant que, poussé par le désir de trouver un être qui le comprenne, il ne soit trop bavard. Non...Il fallait prendre garde.
Car parler serait se proclamer hérétique, nier l'Histoire, le Mythe et la Légende. Alors, Mary ferait comme les autres : elle reculerait et il lirait la haine dans ses yeux.
(La génération finale).
- C'est à cela que je veux en venir. Combien de temps avez-vous l'intention de me laisser dans le futur ? Une heure ? Une semaine ?
- C'est vraiment difficile à déterminer, Jim.
- Qu'est-ce que cela veut dire ?
- Nous avons seulement envoyé des lapins et compagnie, tu sais. Ils sont revenus en bon état, cela paraît acquis...
- C'est sûr. Ils mâchonnent encore de la laitue quand ils ont faim et ils ne font pas de nœud à leurs oreilles avant de bondir. Donc on présume qu'ils sont normaux.
(Retour).
Plus d'hypocrisie. Finies les nuits d'insomnie où il se demandait quoi faire, alors qu'il savait que la cité était morte, que le travail qu'il accomplissait était inutile, alors qu'il se sentait honteux de toucher un salaire qu'il était conscient de ne pas mériter. Fini l'étrange et lancinant malaise du travailleur qui sait qu'il fait œuvre improductive.
LA CITÉ.
- L’occasion s’est présentée jadis, dit Webster, presque comme s’il se parlait à lui-même. L’occasion de découvrir de nouveaux points de vue, qui auraient évité quatre mille ans de tâtonnements à la pensée humaine. Un homme a détruit cette occasion.
Grant se tortilla dans son fauteuil, puis s’assit très droit, craignant que Webster ne l’ait vu bouger.
- Cet homme, dit Webster, était mon grand-père. Grant savait qu’il devait dire quelque chose, qu’il ne pouvait pas rester assis là, muet.
- Juwain se trompait peut-être, dit-il. Il n’avait peut-être pas découvert une nouvelle philosophie.
- C’est une pensée à quoi nous avons recours pour nous consoler, dit Webster. Mais elle n’est guère convaincante. Juwain était un grand philosophe martien, le plus grand peut-être que Mars ait connu. S’il avait vécu, je suis absolument certain qu’il aurait mis au point cette nouvelle philosophie. Mais il n’a pas vécu. Il n’a pas vécu parce que mon grand-père a été incapable d’aller sur Mars.
- Ce n’était pas la faute de votre grand-père, dit Grant. Il a essayé. L’agoraphobie est une chose contre laquelle l’homme ne peut rien…
La cité est un anachronisme. Elle ne sert plus à rien maintenant.
Qui suis-je ? se demanda Enoch avec de la terreur et de la pitié tout à la fois. Une sorte d'hybride insolite ? Un métis galactique ?
Au début, c'était un citadin rassis, tout ce qu'il y avait de solennel et de guindé. Parfois, à l'occasion d'une promenade, il se laissait aller à pourchasser un oiseau. Notre arrivée ici l'a transformé. Il est devenu un vrai trimardeur, obsédé par les marmottes. Il n'a qu'une idée : les faire sortir de leurs trous.
La nuit, le monde est différent de ce qu'il est le jour. Il a une odeur différente. Douce, fraîche et propre, comme s'il venait d'être lavé. Dans le calme du soir on entend des choses que l'on n'entend pas le jour. On marche et on a l'impression d'être seul sur la terre et la terre vous appartient.
- Allez-y, fit Sutton. Criblez-moi de balles. Vous n'en vivrez pas une minute de plus.
Elle a répondu "amie" quand je lui ai demandé "amie ou ennemie", mais un mot, c'est facile. N'importe qui peut prononcer un mot et il n'y a aucun moyen de savoir s'il est sincère ou non.
Le tic-tac de la pendule était rassurant.
C'était banal et réconfortant après le murmure des voix fantomales venues du fin fond de l'espace.
Tout le monde peut s’entendre, si on a bon cœur.
J'ai lu, p. 149
« Peu à peu, au fur et à mesure du déroulement de la légende, le lecteur se fait une idée plus exacte de la race humaine.
[...]
Les preuves abondent jusqu'ici de son manque de stabilité.
L'intérêt qu'elle porte à une civilisation mécanique, son ignorance de conceptions de la vie plus saine, plus valable, soulignent chez elle l'absence d'une base solide.
Dans ce conte, nous apprenons combien limités étaient les moyens de communication dont disposaient les humains, et c'est là un lourd handicap.
L'incapacité de l'Homme à comprendre et à apprécier la pensée et le point de vue de ses proches semble un obstacle que tous les trésors d'ingéniosité mécanique ne permettent pas de franchir. »
Aussi maintenant les gens avaient recours à la drogue de l'illusion, s'identifiant avec une autre vie, un autre lieu, une autre époque, au cinéma ou devant leur télévision ou dans le mouvement des "Irréalistes".
Tant que vous êtes quelqu'un d'autre, vous n'avez pas besoin d'être vous-même.
Cette illusion de souvenir glissait comme l’aile de la nuit sur l’ombre de la pensée.