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Critiques de Dermot Bolger (144)
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Une arche de lumière

Effroyable de voir qu'il y a à peine sept décennies l'Irlande était encore un pays peuplé de gens d'une mentalité archaïque sans logique, sans compassion, sans humanité. C'est à cette époque en avril 1949 qu'Eva Fitzgerald ( Goold-Verschoyles de son nom de jeune fille) décide de quitter son mari et son foyer au conté de Mayo pour partir à Dublin. Avec le peu d'héritage qui lui reste de sa mère elle y achète une maison et ouvre un studio d'Art pour enfants, afin de subsister et de faire quelque chose d'utile pour les enfants dans une société où la créativité est considérée marginale et l'expression de soi mal vu. Elle est déjà proche de la cinquantaine , des enfants majeurs, un âge où la femme pour l'époque et le pays est déjà considérée « hors d'usage » . Même si au début elle manque encore de confiance en elle, l'idée que sa vraie vie commence peut-être que maintenant et le cadeau d'un ami de son mari va l'encourager pour y avancer.

Pourtant la société irlandaise est non seulement sujet au ségrégationnisme religieux, machiste et homophobe mais elle lui reproche même d'être végétarienne , sans parler de sa situation de femme séparée, le divorce étant impossible à obtenir, et que la permission de son mari étant nécessaire pour qu'elle puisse ouvrir un compte en banque et obtenir un passeport . Certains de ces qualificatifs désavantageant aussi ses deux enfants s'y ajoutera son obsession à les protéger, malgré leurs âges adultes.



Un livre sociologiquement intéressant, où on peut admirer cette femme très réceptive à la vie et ses possibilités , luttant pour préserver son indépendance , son respect à elle-même malgré les sérieuses difficultés financières et morales et les tragédies auxquelles elle sera obligée de faire face. Dotée aussi d'une notion d'empathie ancrée, celle-ci lui sera plus souvent un fardeau qu'une bénédiction, que la société finira quand même par reconnaître et apprécier.



Première rencontre interessante avec Bolger avec ce roman inspiré librement de la vraie histoire de Sheila Fitzgerald , que l'auteur mettra treize ans à écrire. Il la croise à 18 ans dans sa caravane dans le conté de Mayo alors qu'elle a déjà 73 ans, et ils resteront amis jusqu'à sa mort en 2000.Une femme courageuse pour son époque qui a la chance d'être ressuscitée sous la plume magique de Bolger. Un livre émouvant, éprouvant, aux personnages masculins décevants mais féminins attachants qui se posent beaucoup de questions existentielles,

Qu'est-ce-qu'une vie ?

Qu'elle est la définition d'une bonne mère ?

Quel est la définition du bonheur que chacun cherche comme l'épée de Graal , est-elle primordiale pour une vie réussie, satisfaisante ?

« Le bonheur est un cadeau rare, saisit-le quand tu le peux* »,en dira Hazel, la fille d'Eva. Ce qu'elle fera.

Histoire d'une vie , où les livres aussi auront un rôle déterminant à certaines étapes de la vie d'Eva, Gurdjieff, “Rencontres avec des hommes remarquables”, Herman Hesse , “Le jeu des perles de verre”……étrangement des livres et auteurs qui m'ont aussi influencée .

Une femme qui malgré toutes les tragédies de sa vie décida de vivre dans le présent et de chercher et saisir la joie et le bonheur au coeur de la vie, jusqu'à la fin, “…..no bomb that ever burst shatters the crystal spirit.”

( George Orwell )





* ‘Happiness is a rare gift, Grasp it when you can.'





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Une seconde vie





Je poursuis mon tour du monde littéraire avec une escale cette fois-ci en Irlande - terre natale du poète, dramaturge et écrivain Dermot Bolger, qui signe ici un roman intimiste absolument bouleversant. Que d'émotions à sa lecture! 



Toutefois pour l'apprécier, il vous faudra composer avec sa narration méandreuse, éclatée, non linéaire et quelque peu disgressive mais au final parfaitement maîtrisée. Il faudra également accepter de se perdre dans le dédale des souvenirs composant une vie en passe de se reconstruire et que certaines interrogations parfois, ne trouvent pas réponse.



*



Quartiers nord de Dublin, décembre 1991. 



Victime d'un terrible accident de voiture, Sean Blake est déclaré cliniquement mort durant quelques secondes avant que son cœur ne se remette à battre. Un laps de temps au cours duquel il se souvient avoir assisté avec détachement à toute la scène, vue d'en haut. À son réveil, fortement éprouvé par l'expérience qu'il vient de vivre, le jeune homme - marié et père de deux enfants, ne se sent plus le même. C'est un miraculé certes mais devenu étranger au monde qui l'entoure et aux siens.



"Comment pouvais-je expliquer que j’étais revenu à la vie différent de celui que j’avais été, désormais incapable de me focaliser sur la petite république d’amour que nous avions soigneusement construite?" 



Alors qu'il essaie de réinvestir le quotidien, notre protagoniste semble de plus en plus perdre pied. Ses nuits peuplées de rêves énigmatiques laissent place le jour à des réminiscences qui s'imposent à lui et le ramènent aux zones d'ombres de son passé.  



"Comment lui dire que je lui mens depuis des années, qu’elle (sa femme) ne sait pas réellement qui je suis car je ne le sais pas réellement moi-même?"



Enfant adopté à l'âge de six semaines, il ignore (presque) tout des premiers chapitres de son histoire. Frôler la mort a réveillé ce vide identitaire, aujourd'hui béant, et Sean Blake réalise que pour renaître à la vie, à cette seconde vie,  il doit percer le mystère de ses origines en partant sur les traces de sa mère biologique. Quarante ans plus tôt, celle-ci lui a donné naissance dans l'un des sinistres couvents de la Madeleine.



"Étais-je né d'un viol ou de l'inceste? Avait-elle vu les yeux d'un homme qu'elle haïssait chaque fois qu'elle plongeait son regard dans le mien? Ou avait-elle secrètement célébré mon anniversaire chaque année, enfermée à clé, seule dans une salle de bains, mangeant furtivement un morceau de gâteau tandis que sa famille s'agitait autour d'elle, sans rien connaître de ses larmes et de son secret?"



*



De rencontres en aveux troublants,  cette quête existentielle nous confrontera au puritanisme ravageur d'une société vouant un culte à la "respectabilité" ainsi qu'aux exactions de l'église catholique trop longtemps passées sous silence. Rien qu'à l'écrire,  j'en frémis encore.



"Dieu était souvent évoqué, mais pas à propos de l'amour qu'il fallait ressentir pour son prochain ni de l'éternelle damnation : la vie tournait uniquement autour de ce que tes voisins pensaient de toi, de secrets à garder, du scandale à éviter, il ne fallait donner à personne l'occasion de te mépriser (...)."



Mêlant pudeur et sensibilité désarmantes, l'auteur s'empare avec justesse d'une thématique explorée au cinéma à travers le film intitulé The Magdalene Sisters ou encore plus récemment Philomena. Au cours du siècle dernier, plusieurs milliers de filles-mères  irlandaises aux moeurs jugées dissolues, se sont vues internées de force au sein d'institutions religieuses et réduites en esclavage comme blanchisseuse pour expier leurs fautes - certaines toute leur vie durant. L'enfant à venir, marqué lui aussi du sceau de la honte, leur était arraché puis offert à l'adoption. 



Un pardon est-il possible? Sans prendre parti, l'auteur multiplie les points de vue: celui des proches, des religieuses, d'un prêtre mais aussi celui de la mère contrainte à abandonner sa chaire. Des pages d'une beauté tragique lui sont consacrées. Ses mots cognent encore dans mon cœur et ma tête. Un cri déchirant…





Un livre terriblement marquant!



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Une arche de lumière

Je fais la connaissance de l'auteur irlandais Dermot Bolger avec ce livre traduit par Marie-Hélène Dumas qui vient d'être publié en France.



Ce livre m'a tout de suite séduite par son rythme lent et le sens de l'observation comme si je regardais un tableau, attirée par la peinture mélancolique d'une époque en train de disparaitre. Cette magnifique composition d'un temps perdu m'a fait penser au roman cet été là de William Trévor qui m'avait beaucoup marquée également.



Au centre de ce récit, Eva, le portrait révolutionnaire d'une femme irlandaise en voie d'émancipation, une artiste dans l'âme qui a fait de sa vie une oeuvre en création.



Eva, c'est Sheila Goold Verschoyle que Dermot Boger avait rencontré lorsqu'il était étudiant et l'avait encouragé comme personne dans ses premiers pas d'écrivain.

Eva comme l'appelle l'auteur dans son roman, est un personnage féminin inoubliable. Entêtée à vivre sa vie affranchie des conventions, à mener des combats pour des idées et des valeurs qu'elle partage avec convictions.



Une vie marquée par des manques et des tragédies qui n'ont pas altéré sa croyance en quelque chose de supérieur qui n'a rien à voir avec la religion.

Et c'est cette foi, cette énergie qui rendent Eva si solaire et accueillante.



Ce roman est l'hommage personnel de Dermot Bolger à partir des confidences enregistrées de Sheila dans sa petite caravane de fortune appelée L Arche, plantée dans les bois de l'ancienne demeure en ruine de son mari à Turlough dans le comté de Mayo.



Cette maison ancienne de Glanmire House hantée dans ses caves par la légende du fantôme du majordome et les cendres du parterre de jonquilles sont les derniers vestiges d'un passé révolu.

Ce sont les traces des lieux immortels, le lieu de départ et d'arrivée des nombreux chemins parcourus à travers le monde par Eva.



Le premier chapitre par son ton élégiaque fait naître une émotion qui m'a beaucoup marquée et la toute fin qui est une réalité sombre serre le coeur. Les derniers instants d'une vieille dame excentrique aux vêtements colorés entourée de ses derniers chats et de son fidèle colley racontés pour moi de deux manières différentes.



Entre temps, nous remontons le passé d'Eva. le roman se déploie à grandes enjambées comme la grande fresque d'un incroyable parcours d'émancipation féminine sociale et politique des années 50 jusqu'à l'aube du 21 ième siècle.

Que ce soit à Dublin, à Londres, au Maroc ou au Kenya, Eva a laissé quelque chose d'elle-même dans ses rencontres en laissant pousser la graine de la création chez ses interlocuteurs.

A Dublin, par exemple Eva a été la première à ouvrir des ateliers de peinture pour enfants. Sa caravane de bohème, son dernier chez-elle, u dans les années 70-80 a été le refuge d'étudiants en arts du monde entier qui venaient la voir pour discuter avec elle.



Une arche de lumière est à la fois un beau roman lumineux et enténébré des bonheurs envolés comme est la vie qui lui a valu plusieurs années d'écriture à l'auteur. Il est le deuxième volet d'un premier roman centré celui-ci sur l'enfance d'Eva à Manor House dans le comté du Donegal « Toute la famille sur la jetée du paradis » qui aborde les tensions politiques de la vieille famille aristocratique Goold Verschoyle dans une Irlande déchirée.



J'aimerais aussi voir les croquis dessinés par Sheila Fitzgerald (son nom d'épouse) lorsqu'elle était enfant dans le livre « A Donegal summer » qui n'est pas encore publié en France.

Encore de belles lectures à découvrir.



Je remercie Babelio et les Editions Joëlle Losfeld pour m'avoir fait découvrir ce roman dans le cadre de la Masse Critiques Littératures.

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Une seconde vie

Comment ne pas se sentir concerné par ce roman bouleversant, où le héros, adopté à 6 semaines, part en quête de sa mère biologique lorsqu’il a une trentaine d’années ?

Comment ne pas vibrer devant « l’expérience de la mort imminente » où Sean Blake est plongé juste après son accident de voiture ?

Comment ne pas frémir devant l’atroce destin que l’on destinait aux jeunes filles-mères dans cette Irlande ultra-catholique, dans ces années 50 ?

Comment ne pas trembler devant cette hypocrisie, cette « respectabilité » à sauver à tout prix ?



Non, je n’aurais pas aimé vivre en Irlande en 1950 ! La femme, cadenassée par l’Eglise dont les geôliers étaient les bonnes sœurs et les prêtres, n’avait qu’un rôle à jouer : celui de bonne épouse et bonne mère de famille - nombreuse cela va de soi, puisque les contraceptifs étaient les instruments du diable -. La femme stérile était suspectée de tous les maux et ne devait son salut qu’à l’adoption. Ce fut le cas de la mère adoptive de Sean Blake, qui l’éleva avec amour, en compagnie de son mari tout aussi attentif. Comment aurait-elle pu se douter que Lizzy Sweeney, sa mère biologique, s’enfonçait alors dans un lent déchirement jusqu’aux tréfonds de son être, dans l’attente perpétuelle de son « bébé bleu », que les « bonnes » sœurs l’avait forcée à abandonner ?



Oui, je suis révoltée par ce système d’adoption qui interdisait à tout jamais aux enfants nés d’une mère fautive, considérée comme une prostituée, une moins que rien, une trainée, de nouer ce lien essentiel. Sean l’a expérimenté, lui, ce système inhumain. Et il veut à tout prix retrouver sa maman.



Mais pourquoi si tard, alors que lui-même a une femme et 2 enfants en bas-âge, alors qu’il est aimé et qu’il aime de toutes ses forces sa petite famille ? Eh bien...parce qu’il connait une expérience tout à fait bizarre, il est déclaré cliniquement mort pendant quelques secondes lors d’un accident de voiture et « sort de son corps ». Les visages rencontrés à ce moment le hantent et le conduisent même à des flashes d’une autre vie, une vie qu’il aurait vécue dans les années 1860...(seule chose me paraissant hors de propos). Tout ceci le bouleverse, le retourne, le met « hors de lui », au sens littéral du terme. La recherche de ses racines, de son passé est vital pour lui, quelque soit son passé, proche ou lointain...



Dermot Bolger ne prend pas de parti-pris, il nous fait voir avec honnêteté tous les points de vue. Les sœurs, le prêtre, la famille qui rejette, qu’on voudrait haïr, ne sont qu’humains, et même si leurs actes ont été redoutables, on ne peut que se dire que l’être humain fait ce qu’il peut, attaché qu’il est à son époque, à ses traditions, à ses croyances, à la société toute-puissante. Mais c’est dans la description de la souffrance intolérable de la mère et de l’enfant qu’il s’est surpassé. Et là, je vous assure, la pudeur de son style vaut toutes les larmes du monde.

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Tentation

Tous les ans, à Pâques, Alison et Peadar s’offrent cinq jours de vacances dans le luxueux hôtel Fitzgerald. Cela ne va pas sans sacrifices et cette année, Alison devra faire une croix sur sa nouvelle cuisine. Tel est le prix à payer pour bénéficier du service et des équipements de cet hôtel où se croisent les habitués et qui fait le bonheur de leurs trois enfants. Entre routine et plaisir de respecter une tradition, la famille quitte Dublin pour la côte et ses plaisirs. Mais cette année, Peadar a du mal à se déconnecter. Principal d’une école, il supervise la construction d’une annexe qui lui cause bien des soucis. Quand, à peine installé au Fitzgerald, il est rappelé à Dublin, Alison se sent perdue. Seule avec trois enfants, saura-t-elle résister à la présence magnétique de Chris Conway, un amour de jeunesse -non consommé- qui la ramène à une époque où elle n’avait ni mari ni enfants…



Ennui d’une vie de couple trop bien réglée, ennui de vacances sans surprises, ennui de la routine, des habitudes et ennui à la lecture d’une histoire où le bonheur semble absent. La joie des vacances est gâchée par les préparatifs, la longue route en voiture et cet hôtel avec ses habitués, toujours les mêmes visages, ses parties de golf, son buffet, sa piscine et les rancœurs d’une mère de famille qui dit d’elle-même qu’elle a sacrifié son bonheur au profit de son mari. L’intérêt pourrait venir du deuxième homme, amour de jeunesse, amant potentiel mais il vient de vivre un drame épouvantable qui noircit une atmosphère déjà plombée par une Alison amorphe et un Peadar incapable de s’investir dans ces vacances.

Le seul point fort de Dermot Bolger, c’est qu’il a su se mettre dans la peau de cette femme qui aborde la quarantaine avec quelques regrets, ravivés par la présence d’un homme qu’elle a connu à l’époque de tous les possibles. Alors élève infirmière, Alison vivait en colocation à Dublin et passait ses nuits à fumer et à boire, le cœur partagé entre le charismatique Peadar et le timide Chris. Mais ce dernier s’était effacé, laissant la place à son rival. Des années plus tard, le couple qu’elle forme avec Peadar est solide et pourtant Chris réussit à la troubler, peut-être parce qu’il représente ce qui n’a pas eu lieu, ce qui aurait pu être.

Dans l’ensemble, les personnages sont peu attachants, agaçants même et l’histoire ne donne envie ni de se marier, ni de faire des enfants, ni de passer cinq jours dans un palace. Une lecture plombante.

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Une seconde vie

Avant de me lancer dans cette lecture, je connaissais Dermot Bolger de nom, mais je ne m’attendais pas à cela !

Oui, je l’avoue, je ressors vraiment marquée par cette lecture qui m’a énormément émue.

Car oui, une seconde vie est vraiment un livre magnifique qui m’a bouleversée.

Comment ne pas être touchée par cette histoire ?

Le début du livre nous met immédiatement dans l’ambiance : un jeune photographe, Sean Blake a un grave accident de voiture et échappe de justesse à la mort. Il en ressort profondément changé car il a eu une expérience de mort imminente.

Suite à cet accident, Sean n’a de cesse de se mettre à la recherche de ses véritables racines. En effet, il a été adopté à l’âge de six semaines. Avec le peu d’informations dont il dispose, il va se mettre à la recherche de sa mère biologique.

Cette dernière, qui, on va le découvrir, a vécu le destin de beaucoup de jeunes irlandaises qui avaient le malheur de tomber enceintes au milieu du vingtième siècle. Pour échapper à l’opprobre populaire, leurs familles les faisaient disparaitre en les plaçant dans des couvents et les mettaient entre les mains de religieuses qui étaient pour la plupart maltraitantes avec ces jeunes femmes… je n’ai pas pu m’empêcher de faire le lien avec l’excellent film « The Magdalenes Sisters « de Peter Mullan.

La quête de Sean évolue sur un fond un peu mystique (normal, me direz-vous, après ce qu’il a vécu), mais ceci ne m’a pas empêché d’apprécier cette histoire ou les personnages sont tout en nuances.

L’écriture de Dermot Bolger est riche et agréable à lire et je n’ai eu de cesse d’avancer dans cette lecture dont j’ai savouré chaque ligne.





En conclusion : une très belle découverte d’un auteur dont je sais déjà que je vais continuer à découvrir son œuvre…

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Une illusion passagère

« Peut-être avait-elle alors compris que toute réalité est essentiellement fabriquée. »



Un très beau moment d'introspection. Que reste-t-il de nos vies ? Qu'avons nous fait pendant toutes ces années ? A cinquante-cinq ans Martin, seul dans un hôtel chinois, regarde son reflet dans la vitre, un verre à la main, et refait le cours du temps. Loin le temps de sa jeunesse, loin le temps de son premier grand amour, Rachel, loin le temps où il protégeait ses bébés en les portant dans ses bras. Maintenant, Rachel est à la retraite, sa femme depuis des décennies s'isole de lui, ses bébés sont devenues trois adolescentes bientôt femmes et lui, que lui reste-t-il de ses envies et de sa fougue de sa jeunesse ? Il est devenu un fonctionnaire lambda, malléable au point d'être invisible de tous, qui s'est illusionné pendant trente ans...

Le retour sur les années avec Rachel est superbement décrit, la chute du couple se fait étape par étape mais rien n'y manque.

« Il ne saurait jamais ce qu'elle pensait véritablement, car il ne l'avait jamais vraiment vue. »

Il est seul. Dès lors, une main chaud sur son corps devient une obsession car on ne l'a plus touché depuis si longtemps. Pendant cette visite en Chine, alors qu'il accompagne le sous-sous-sous-secrétaire d'État, il dispose d'une soirée pour se retrouver seul. La journée il doit être dans son rôle : amabilités, respect des convenances, sourires imposés, thés verts pour accompagner toutes les réunions qui permettront au retour en Irlande de la délégation gouvernementale, de dire que le pays a conclu de nombreux échanges fructueux avec l'Empire Céleste. Mais ce soir, il peut enfin être seul, vidé de toute l'énergie dépensée la journée à être dans son rôle. Seul il va, à l'occasion d'une envie – cette main chaude qui lui apporte le massage qu'il n'osait demander- pouvoir revoir son passé, sa vie réelle et se demander si tout n'était pas qu'illusion.



« Il se demanda si la mort serait aussi peu mémorable, un pétard mouillé sous le mystère du symbolisme dans lesquels les gens se drapaient, bien qu'ils passent leur vie entière à s'y préparer. »
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Une seconde vie

" Vous ne devez pas éprouver d'amertume, Sean. Vous n'étiez pas là, vous ne pouvez pas comprendre cette époque. […] Nous sommes tous piégés par le passé. Cela suffit maintenant. […] Vous avez le droit de comprendre, Sean. "



Quel magnifique roman ! Que d'émotions !



C'est grâce aux " Carnets de route " que j'ai découvert cet auteur , et je n'ai pas fait que passé un bon moment de lecture, j'ai la sensation d'être tombée sur une pépite.

Il faut quand même avouer que j'ai eu du mal à rentrer dans ce roman , à cause de l'écriture un peu vaporeuse de Bolger et de l'aspect temporel qui n'est pas linéaire ici, mais plutôt comme le cercle de la croix celtique : le passé et le présent, le rêve et la réalité, les morts et les vivants sont liés et l'on passe d'un personnage à un autre sans en avoir été averti.

Une fois que je me suis faite à cet aspect "mystique" du roman, je l'ai tout simplement dévoré !



Une seconde vie donne une voix et un visage à des gens qui ont subi une période peu glorieuse de l'Histoire irlandaise. Dermot Bolger rend très palpable la violence morale exercée sur ces femmes qui avaient le malheur d'être enceinte hors mariage et l'attitude faussement prude et extrêmement hypocrite de l'Eglise catholique avec son culte de la culpabilité. ( fait particulièrement ironique quand on sait qu'avant la Grande famine, le taux de fécondité en Irlande était l'un des plus élevé d'Europe !) Le tout sans aller dans une vision manichéiste avec les victimes d'un côté et les bourreaux sans coeur de l'autre.



Et pourtant, ce roman a une résonance bien plus universelle car Dermot Bolger nous parle de notre rapport au passé et de la peur que nous avons de nous confronter à nous-mêmes et aux secrets du passé - que ce soit au niveau individuel ou "national".

A travers Sean Blake/Francis Sweeney, l'auteur parle de cette tendance que nous avons à nous accrocher au passé sans en tirer les leçons au lieu de lui accorder sa juste place dans nos vies afin qu'il nous aide à nous construire et non à nous "détruire" .

Durant son "pèlerinage" à la recherche de lui-même, le personnage est mis face au fait que contrairement à notre esprit, le temps et les lieux ne sont pas figés dans le passé.

L'autre aspect universel du roman, qui m'a beaucoup touchée, c'est la thématique du lien de parenté et du sacrifice d'une mère pour son enfant - quelles qu'en soient les conséquences pour elle.



Un magnifique voyage qui donne envie de découvrir plus d'oeuvres de cet auteur.
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Le ruisseau de cristal

Le ruisseau de cristal a été une lecture assez difficile, si ce n'est carrément éprouvante, tant sur la forme que sur le fond.

Le texte, en trois grandes parties qui se font écho, est très déstructuré, avec des changements de points de vue et même d'époques d'un paragraphe à l'autre sans aucune transition. Je me suis sentie perdue en lisant les première pages et je me suis demandée dans quoi j'avais bien pu m'embarquer. Mais il suffit de faire confiance à l'auteur et se laisser porter par le texte, et petit à petit les éléments prennent place et tout devient compréhensible (ou presque...).

Quant à l'histoire en elle-même, ou plutôt les histoires car on suit plusieurs récits ayant tous eu lieu au même endroit (au bord du fameux ruisseau du titre) mais pas tout à fait à la même époque, ces histoires sont toutes marquées par une atmosphère dérangeante, des relations amoureuses malsaines qui ne font que souligner la solitude profonde des personnages qui semblent hantés par des fantômes plus présents que les vivants.

Malgré la difficulté du texte et son âpreté, j'ai beaucoup aimé le ruisseau de cristal qui m'a beaucoup touchée.
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Une seconde vie

Toute fin d’année 1991, Dublin.

Sean se sent libéré des soucis de son quotidien, il se regarde sereinement dans l’ambulance qui emmène son corps et n’en éprouve aucune peine. Il remarque les infinis détails de cette scène qui fait suite à son accident, des ballons de fête à une fenêtre, le crâne dégarni d’un gardien du Jardin botanique. S’éloignant de ce lieu, il se sent happé par une lumière, une chaleur réconfortante, des visages bienveillants si longtemps perdus. Seul un visage inamical détonne parmi eux, un jeune homme dont la physionomie échappe à ses souvenirs. Et puis c’est la dégringolade vers son corps qui reprend vie, le cœur reprenant soudainement ses battements.

Dans les rêves qui suivent, des évènements de sa vie se bousculent et l’envie de connaître sa mère biologique surgit, comme un appel.



A Coventry, Elisabeth, se réveille en sursaut, persuadée d’avoir entendu le bruit d’un accident. Sa raison la quitte peu à peu, ses trois filles s’inquiètent de ses errances en pleine nuit car c’est dehors qu’elle sait qu’elle le rencontrera, dans une rue, une nuit, comme dans les rêves qui viennent la prévenir depuis une dizaine d’années. Le trou béant laissé par son premier-né abandonné sous la contrainte, son petit garçon aux yeux bleus, crie l’urgence d’être enfin comblé par cette rencontre tant désirée. Pour elle, le temps n’est pas toujours un allié pour guérir les peines.



Pourquoi Sean, photographe, ne veut-il être que d’un côté de l’objectif d’un appareil photo ? Est-ce dû au fait d’avoir été un enfant adopté ? Cette adoption, révélée le jour de ses onze ans, a-t-elle été ressentie inconsciemment comme un vol d’identité ?

Depuis son accident, il peine à reprendre sa vie, cette vie qu’il ne ressent plus sienne, tant au niveau familial que professionnel. Désormais, pour continuer à mener sa propre existence, il a besoin de connaître les réponses aux interrogations qui le perdent aujourd’hui alors qu’il a trente-cinq ans, est marié et a deux enfants. Cette recherche pour définir son identité le mène vers cette jeune fille qui avait dix-neuf ans, une Irlandaise parmi tant d’autres, envoyée par sa famille dans un couvent pour y cacher sa honte et surtout pour murer son péché et éviter qu’il ne salisse la respectabilité de la famille. Dans cette Irlande des années cinquante, catholique et puritaine, les religieuses recueillaient ces futures mères tout en les considérant comme de vulgaires traînées. En les forçant à faire adopter leurs enfants, elles se targuaient d’offrir à ces derniers la chance de vivre dans une famille de bons catholiques, dans un foyer décent. Les mères pécheresses aussi pouvaient alors avoir une seconde vie.



Les secondes vies se dédoublent dans ce roman terriblement déchirant.



Les paroles des religieuses, celles de Mrs Lacey de l’agence catholique de protection, les monstrueuses attitudes de la famille sont autant de coups de poignard qui lacèrent la sensibilité d’une mère. Dermot Bolger écrit admirablement la souffrance, le déchirement, l’écho incessant de l’ignorance d’Elisabeth en ce qui concerne le devenir de son enfant.

Du côté de l’enfant, devenu père, c’est l’ignorance des raisons de l’abandon qui le tenaille et la peur du rejet, de l’oubli. La négation de son existence.

Interrogeant régulièrement le passé qui vient morceler le difficile présent de Sean, cette lecture qui tourne autour de l’identité et de l’adoption insère des sensations troublantes, peut-être liées à une vie antérieure. Sean est obnubilé par ce visage inamical entrevu lors de son expérience de mort clinique et un lieu, le Jardin botanique de Dublin, exerce de déroutantes réminiscences.

Cette quête creuse chez les parents adoptifs et ceux biologiques. Quelle est leur place, quelles sont leurs motivations, leurs douleurs, leurs culpabilités ? Sous quel jour peuvent naître des liens de filiation ?

Que de vies gâchées, sacrifiés, au nom de Dieu, du qu’en dira-t-on, du scandale à éviter malgré la cruauté des décisions. Et pourtant, l’auteur ne condamne rien, ni personne, accompagnant intelligemment le lecteur vers les différentes facettes de cette période, montrant les points condamnables ou défendables, ou tout simplement excusables.

L’Irlande, comme tant d’autres pays, a évolué. Cependant toutes les portes ne se sont pas ouvertes pour faciliter la recherche d’une mère, d’une fille, d’un fils.



Un roman riche et complexe, à la plume captivante, qui m’a happée dès le début dans son bouleversant tumulte identitaire.

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Une seconde vie

Une seconde vie...pour qui et à quel prix?



Un accident de voiture dont il réchappe par miracle est aussi un électrochoc pour Sean Blake, un questionnement d'identité pour l'enfant adopté qu'il a été, sans connaissance de ses racines biologiques.

La pérennité de sa propre famille peut elle se construire sur ce chainon manquant? La recherche s'impose pour Sean le photographe, comme une facétie du destin pour voir sa vie sous deux focales.



La thématique des orphelins élevés pour l'adoption dans les institutions catholiques d'Irlande a été déjà abordée par des romans ou des films (les Magdalene Sisters ou le récent et magnifique Philomena). Une forme d'industrie subventionnée [sic] pour gérer les enfants de la honte ou de l'abandon volontaire ou contraint. Ces récits romancés décrivent tous une emprise totale de l'Eglise sur les individus, intolérante et manipulatrice, sur fond de respectabilité, maitre-mot de la société irlandaise justifiant tous les abus.



Si ont été déjà racontées la vie de filles-mères dans les couvents de maternité ou leurs recherches courageuses du "bébé abandonné", c'est ici un angle de vue différent qui donne la parole à l'adulte, l'adopté malgré lui. Colère, impuissance, perte, déni de soi, honte et valeur du pardon, toute une palette de sentiments pour une identité volée.



Un livre profond, élégant, intelligent, qui s'attache à comprendre l'éducation et l'apprentissage d'un enfant différent, avec une réflexion ouverte sur l'incidence de l'abandon dans le psychisme. S'y glisse une insolite histoire de décalage temporel, nébuleuse de signes interpellant l'inconscient, liens invisibles d'âmes qui se cherchent. Le récit reste néanmoins au plus près d'une réalité sociale, sans pathos et jugement, et introduit parfaitement la notion de résilience.



Une première version de ce livre était déjà sortie en 1994 et l'auteur s'explique sur la distance qu'il a du prendre lui-même dans un avant propos de la nouvelle édition.

L'Irlande y reste présente entre modernité et traditions, toujours fascinante dans toute la force de sa culture fait de rudesse, de violence, d'âpreté et d'éthique spirituelle.



La rencontre avec un livre de Dermot Bolger est toujours un plaisir.

J'avais déjà beaucoup aimé "Toute la famille sur la jetée du Paradis". Je resterai fidèle aux prochaines traductions.



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Une seconde vie

"ça doit être étrange, dit-il, d'essayer des noms pour voir s'ils vous vont."

Supprimer le nom d'origine pour le remplacer par le nom de la famille adoptive.... Supprimer la faute (l'enfant illégitime) par le déni.... priver des mères de leurs enfants et des enfants de leur vraie mère, voilà ce qu'a fait l'Irlande pendant des décennies au nom de la respectabilité, par l'intermédiaire des couvents catholiques où les jeunes femmes accouchaient avant de voir leur enfant leur être enlevé. Dermot Bolger démonte avec brio dans ce livre tous les mécanismes de ces sombres histoires à travers la rédemption d'un homme miraculé après un accident de voiture et pressentant une autre réalité que celle où il est ramené qui part à la recherche de sa vraie mère. Dans une écriture dense il décrit avec acuité les drames psychologiques qui ont résulté de l'abandon le plus souvent forcé des enfants par leur (trop) jeunes mères. Il faudra toute cette recherche pour que le héros puisse, réconcilié avec lui-même, vivre en paix avec sa propre famille, Puissant, dense, un peu confus par moments, ce roman à deux voix étrangères l'une à l'autre (celle de la mère et celle du fils, tour à tour) nous touche et nous en dit long sur le climat victorien d'une epoque particulièrement hypocrite. Mensonges et dissimulations crèvent peu à peu comme une poche de pus et révèlent une vérité qui n'est pas jolie jolie.
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Une illusion passagère



Je lis aussi la nuit et je crois que ce récit d’un petit fonctionnaire falot a induit un de mes rêves à l'opposé de sa vie.

Tandis que l’échec de Martin nous est conté par Dermot Bolger dans “Une illusion passagère” : sa femme lui annonce qu’ils ont convenu de ne plus dormir ensemble alors qu’il ne se rappelle plus avoir participé à un tel accord, j’ai fait un rêve positif comme jamais, réalisant au delà de toutes mes aspirations, en une sorte d’illusion, un projet professionnel brillant. (De l’utilité de la lecture !)



Dans le genre huis clos en chambre d'hôtel en Asie, le film “Lost in translation” avait cette sorte de langueur, mais c’était au Japon.

Nous sommes en Chine et Martin fait un retour pessimiste sur sa vie de telle manière que le massage par une femme qui ne parle pas sa langue va être une révélation.



Je ressors de la lecture de ce roman avec une indicible sensation à l'écoute de ce quinqua qui se penche avec amertume sur sa vie à l’approche de la retraite.

Je garde une sorte de mélange d’impressions que j’avais ressenties lors de la lecture de “L’étranger” et de “La métamorphose” qui m’avaient mis mal à l’aise comme je l’ai été dans cette “illusion passagère” produite par un massage avant la plongée dans la fin de la vie active.

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La ville des ténèbres

J'ai eu la chance de passer quelques jours à Dublin il y a quelques années. Si je me rappelle assez bien sa vie nocturne, j'ai aussi gardé un souvenir fort vivant et très sympathique de cette ville.

Cependant, en lisant ce livre de Dermot Bolger, alors que Dublin sert de décor à cette histoire, j'ai eu clairement la sensation que son Dublin ne ressemble pas, mais alors pas du tout à celui que j'ai cru entrapercevoir à l'époque… Son Dublin à lui a des relents sombres, tristes et plutôt glauques…

Dermot Bolger, je l'ai découvert il y a près d'une année avec la lecture de « Une seconde vie », un livre qui m'avait beaucoup marquée…Comme j'étais vraiment tombée sous le charme de l'écriture de cet auteur, je m'étais juré de continuer à découvrir son oeuvre et je me suis donc lancée il y a quelques jours dans la lecture « La ville des ténèbres ».

J'avoue que je ne m'attendais pas à une histoire aussi sombre…Mais malgré la noirceur de ce livre, je me suis faite happée et je l'ai lu en à peine un peu plus de deux jours.

L'histoire commence sur les chapeaux de roues puisqu'on va découvrir dès les premières pages un couple de jeunes fugitifs : Hano et Katie. Ils sont recherchés par la police, mais on ne sait pas trop pourquoi, même s'ils semblent avoir été mêlés à un meurtre.

A travers l'histoire de Hano, qui est le personnage central de ce livre, et de son ami Shay c'est aussi un pan de l'histoire de l'Irlande de la fin du vingtième siècle (les années quatre-vingt plus précisément) que nous découvrons. La réalité sociale y est abordée sans aucune concession et on réalise que ce pays n'a pas toujours offert un avenir fort glorieux à ses habitants avec un taux de chômage élevé et des conditions de vie plutôt médiocres…

Un roman sombre, je dirais même qui s'assombrit au fur et à mesure de l'avancée de la lecture jusqu'à devenir d'un noir épais, glauque, à couper au couteau avec une histoire dont l'intensité va crescendo…





Challenge Mauvais genres 2021

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Une illusion passagère

La prostitution est au cœur de ce roman, comme un levier, un révélateur de la nature humaine. En effet, Dermot Bolger nous livre ici un récit court au ton incisif et désabusé, marqué par l'amertume du personnage principal qui s'interroge sur le caractère illusoire de toute son existence.

C'est bien écrit (moi qui n'aime pas les romans courts habituellement, je n'ai pas eu l'impression que le texte avait été amputé) et c'est dérangeant aussi car l'introspection du personnage principal sur l'utilité de son métier, ses liens avec les membres de sa famille, etc nous renvoient à nos propres existences et à nos propres doutes.
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Une arche de lumière

A 45 ans, l'irlandaise Eva, fatiguée d'une vie trop fade, quitte son lieutenant colonel de mari pour se consacrer à son école de peinture et à sa famille, son fils Francis qui assume clandestinement à Londres son homosexualité et sa fille Hazel dont la vie de couple bat de l'aile au Kenya.



Ce qui est beau, c'est la deuxième partie du livre, la force de cette femme qui, malgré les épreuves, vivant de rien dans sa cabane, va poursuivre sa passion pour la poésie, ses combats pour la nature et les animaux.



Ce n'est pas mon genre de livre mais c'est sans doute un bon livre dans le genre.

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Ensemble séparés

Deux couples dans la tourmente de l'Irlande contemporaine.



Chris et Alice rêvent d'une nouvelle maison. Nouveau projet, nouvelle vie, nouveau souffle pour un couple fragilisé par la routine. Mais d'enchères en enchères, tout leur passe sous le nez. Les prix se sont envolés, laissant leur désir au point mort dans l'aigreur et le ressentiment.

Par naïveté et frustration, Chris va faire le choix de s'acoquiner avec des partenaires improbables et peu recommandables dans la construction d'une maison dans son propre jardin. Une affaire qui prend l'eau par déloyauté, trafics d'argent, opportunismes divergents et dramatiques événements d'un chantier au noir.



L'union européenne a été la bonne fée de l'Irlande, transformant radicalement un pays en voie de développement en une nation moderne. Des choix stratégiques nationaux ont ensuite favorisé une attractivité économique sans pareille, facilitant l'émergence d'une bulle immobilière fulgurante. Il n'est qu'à voir les somptueuses maisons dans la verte campagne irlandaise, incongrues dans les paysages de moutons et de murets en pierre sèche.



Dermot Bolger construit une intrigue proche du documentaire, en explorant l'impact de ce cyclone financier. le tableau de l'Irlande moderne est édifiant et à mon avis la part la plus intéressante du livre. Elle est mise en perspective avec les générations précédentes, stigmatisant encore plus l'évolution du pays et les mentalités.



Un regret néanmoins: J'ai parfois frôlé l'ennui dans les introspections des uns et des autres. Il faut persévérer. Sur l'ensemble ce roman social est excellent, induisant des réflexions sur les traditions irlandaises, les valeurs familiales, la place de la femme dans la société, l'émigration et l'immigration.

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Une seconde vie

Lorsqu'il frôle la mort, lors d'un accident de voiture avec cette expérience si particulière de mort clinique , Sean Blake n'est plus le même homme lorsqu'il rentre dans son foyer retrouvant femme et enfants .



Obsédé par un visage d'homme jeune aperçu dans le couloir de la mort, la recherche de sa mère biologique devient une priorité.

Sean a été adopté à l'âge de six semaines et a très peu d'éléments lui permettant de retrouver ses origines .



Né en 1956 , en Irlande où la morale influencée par l'église catholique était extrêmement conservatrice : une époque où les jeunes filles étaient enfermées dans des couvents pour cacher leur grossesse et expier par le travail et les privations leur faute et où les enfants étaient retirés très jeunes de leur mère pour être adoptés .



A force de persévérance , de recherches et d'intuition, il va retrouver la trace de sa véritable mère et ses racines familiales .



Dermot Bolger livre avec beaucoup de pudeur les histoires de ces très jeunes femmes marquées à jamais dans leur chair et poursuivies par la perte de leur enfant et celles de ces enfants adoptés dont le regard des autres marque leur différence mais également il nous montre dans une certaine mesure le point de vue de ces religieuses sans juger ni condamner .



Tant de souffrance déjà évoquée dans d'autres oeuvres comme Philomena , adaptée au cinéma, ne peut laisser indifférent et on admire la maitrise de l'écrivain qui ne tombe jamais dans le pathos .
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Une arche de lumière

Une arche de lumières est l'histoire d'une femme ordinaire à laquelle il arrive des choses extraordinaires ? Non, ce n'est pas cela. L'histoire d'une femme de convictions qui survit à une malédiction ? Bien essayé, mais non, c'est trop vague. le mieux est que vous lisiez ce roman magnifique de Dermot Bolger, auteur irlandais qui gagne à être suivi, captivant et surprenant, jusque dans sa postface qui nous apprend qui était dans la vraie vie l'héroïne du livre, qui ne répondait pas au prénom d'Eva, comment l'auteur l'a connue et comment il a travaillé sur cette sorte de biographie, qui s'autorise une grande part de fiction, pendant une quinzaine d'années. Nul doute que Bolger idéalise beaucoup Eva, mais cela fait partie du charme d'Une arche de lumière, avec une existence qui commence véritablement un jour de1949, lorsqu'elle prend la décision courageuse de quitter son mari et sa maison du comté de Mayo. C'est le début d'un vagabondage entre l'Angleterre, l'Espagne et le Maroc, dans des conditions le plus souvent précaires, mais aussi avec une énergie dévastatrice pour mener des combats incessants pour le droit de l'homme (et de la femme), le bien-être des animaux, l'écologie, etc. Une vie faite de rencontres et d'une empathie perpétuelle qui séduit même ceux qui la trouvent excentrique et bizarre. Oui, elle connait la bohème mais elle fait de son mieux pour protéger son fils, homosexuel, et sa fille, mal mariée, malgré la distance qui sépare souvent le mère de ses enfants. La plus belle relation, celle qui éclaire le début de la vieillesse d'Eva, est celle qui l'unit à sa petite-fille et qui nous vaut des pages splendides où il n'est pas interdit de verser de chaudes larmes. Dans son parcours, émaillé de deuils trop nombreux, Eva cherche à être elle-même, sans compromis avec les règles sociales, en quête de justice, d'harmonie et de bonheur, même s'il n'est qu'illusoire et fugace. Ce destin, fait d'espoir et de désillusions, de solitude aussi, Dermot Bolger le conte avec une plume aiguisée, pleine de bienveillance pour son héroïne, qui devient vite notre amie intime, qui partage ses sentiments, nous émeut et nous ravit, volontaire à l'extérieur et fragile à l'intérieur, une aventurière au coeur pur, que les coups du sort n'ont pas empêché de mener une vie de lumière, tournée exclusivement vers les autres.



Un grand merci aux Éditions Joëlle Losfeld et à Babelio, via sa Masse Critique.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Une seconde vie

Après un accident de voiture violent, Sean fait l'expérience de la mort clinique : il voit son corps "d'en haut", revit des épisodes du passé en accéléré, retrouve des proches décédés... et revient à la vie. Miraculeusement indemne physiquement après cet accident, ce jeune père reste profondément mal à l'aise. Il éprouve plus que jamais le besoin de partir sur les traces de sa génitrice.



Voilà un superbe roman sur l'adoption, la quête identitaire d'un homme qui n'a pas connu sa mère biologique et souffre de cet abandon supposé. Les passages sur l'amour parental, sur la découverte de la paternité, sont somptueux. Le lecteur apprend aussi beaucoup sur l'Irlande des années 1950 et les dégâts du puritanisme catholique omniprésent - en particulier l'opprobre jetée sur les jeunes mères célibataires.



Ce livre s'apprivoise lentement : il est dense, comporte des longueurs, exige de la patience pour suivre les questionnements et les recherches du personnage tourmenté. Le seul moyen d'y parvenir a été de morceler ma lecture, pour ne pas m'ennuyer et perdre le fil...



L'écriture, la minutie, la lenteur, la profondeur des sentiments décrits et des réflexions suscitées m'ont évoqué deux autres auteurs d'origine irlandaise : Maggie O'Farrell (plus abordable) et Kate O'Riordan.
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