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EAN : 9782072449857
272 pages
Gallimard (05/01/2012)
3.72/5   129 notes
Résumé :
Sean Blake réchappe de justesse à un accident de voiture à la suite duquel il a été, pendant quelques secondes, déclaré cliniquement mort. À son réveil, bouleversé, Sean perçoit le monde tout à fait différemment, comme s'il débutait une nouvelle existence. Mais ce n'est pas la première fois que Sean voit sa vie modifiée. À six semaines, il a été retiré à sa mère, une jeune fille forcée par la société et l'Église de le laisser à l'adoption. Avec le sentiment d'être d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (50) Voir plus Ajouter une critique
3,72

sur 129 notes


Je poursuis mon tour du monde littéraire avec une escale cette fois-ci en Irlande - terre natale du poète, dramaturge et écrivain Dermot Bolger, qui signe ici un roman intimiste absolument bouleversant. Que d'émotions à sa lecture! 

Toutefois pour l'apprécier, il vous faudra composer avec sa narration méandreuse, éclatée, non linéaire et quelque peu disgressive mais au final parfaitement maîtrisée. Il faudra également accepter de se perdre dans le dédale des souvenirs composant une vie en passe de se reconstruire et que certaines interrogations parfois, ne trouvent pas réponse.

*

Quartiers nord de Dublin, décembre 1991. 

Victime d'un terrible accident de voiture, Sean Blake est déclaré cliniquement mort durant quelques secondes avant que son coeur ne se remette à battre. Un laps de temps au cours duquel il se souvient avoir assisté avec détachement à toute la scène, vue d'en haut. À son réveil, fortement éprouvé par l'expérience qu'il vient de vivre, le jeune homme - marié et père de deux enfants, ne se sent plus le même. C'est un miraculé certes mais devenu étranger au monde qui l'entoure et aux siens.

"Comment pouvais-je expliquer que j'étais revenu à la vie différent de celui que j'avais été, désormais incapable de me focaliser sur la petite république d'amour que nous avions soigneusement construite?" 

Alors qu'il essaie de réinvestir le quotidien, notre protagoniste semble de plus en plus perdre pied. Ses nuits peuplées de rêves énigmatiques laissent place le jour à des réminiscences qui s'imposent à lui et le ramènent aux zones d'ombres de son passé.  

"Comment lui dire que je lui mens depuis des années, qu'elle (sa femme) ne sait pas réellement qui je suis car je ne le sais pas réellement moi-même?"

Enfant adopté à l'âge de six semaines, il ignore (presque) tout des premiers chapitres de son histoire. Frôler la mort a réveillé ce vide identitaire, aujourd'hui béant, et Sean Blake réalise que pour renaître à la vie, à cette seconde vie,  il doit percer le mystère de ses origines en partant sur les traces de sa mère biologique. Quarante ans plus tôt, celle-ci lui a donné naissance dans l'un des sinistres couvents de la Madeleine.

"Étais-je né d'un viol ou de l'inceste? Avait-elle vu les yeux d'un homme qu'elle haïssait chaque fois qu'elle plongeait son regard dans le mien? Ou avait-elle secrètement célébré mon anniversaire chaque année, enfermée à clé, seule dans une salle de bains, mangeant furtivement un morceau de gâteau tandis que sa famille s'agitait autour d'elle, sans rien connaître de ses larmes et de son secret?"

*

De rencontres en aveux troublants,  cette quête existentielle nous confrontera au puritanisme ravageur d'une société vouant un culte à la "respectabilité" ainsi qu'aux exactions de l'église catholique trop longtemps passées sous silence. Rien qu'à l'écrire,  j'en frémis encore.

"Dieu était souvent évoqué, mais pas à propos de l'amour qu'il fallait ressentir pour son prochain ni de l'éternelle damnation : la vie tournait uniquement autour de ce que tes voisins pensaient de toi, de secrets à garder, du scandale à éviter, il ne fallait donner à personne l'occasion de te mépriser (...)."

Mêlant pudeur et sensibilité désarmantes, l'auteur s'empare avec justesse d'une thématique explorée au cinéma à travers le film intitulé The Magdalene Sisters ou encore plus récemment Philomena. Au cours du siècle dernier, plusieurs milliers de filles-mères  irlandaises aux moeurs jugées dissolues, se sont vues internées de force au sein d'institutions religieuses et réduites en esclavage comme blanchisseuse pour expier leurs fautes - certaines toute leur vie durant. L'enfant à venir, marqué lui aussi du sceau de la honte, leur était arraché puis offert à l'adoption. 

Un pardon est-il possible? Sans prendre parti, l'auteur multiplie les points de vue: celui des proches, des religieuses, d'un prêtre mais aussi celui de la mère contrainte à abandonner sa chaire. Des pages d'une beauté tragique lui sont consacrées. Ses mots cognent encore dans mon coeur et ma tête. Un cri déchirant…


Un livre terriblement marquant!

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Comment ne pas se sentir concerné par ce roman bouleversant, où le héros, adopté à 6 semaines, part en quête de sa mère biologique lorsqu'il a une trentaine d'années ?
Comment ne pas vibrer devant « l'expérience de la mort imminente » où Sean Blake est plongé juste après son accident de voiture ?
Comment ne pas frémir devant l'atroce destin que l'on destinait aux jeunes filles-mères dans cette Irlande ultra-catholique, dans ces années 50 ?
Comment ne pas trembler devant cette hypocrisie, cette « respectabilité » à sauver à tout prix ?

Non, je n'aurais pas aimé vivre en Irlande en 1950 ! La femme, cadenassée par l'Eglise dont les geôliers étaient les bonnes soeurs et les prêtres, n'avait qu'un rôle à jouer : celui de bonne épouse et bonne mère de famille - nombreuse cela va de soi, puisque les contraceptifs étaient les instruments du diable -. La femme stérile était suspectée de tous les maux et ne devait son salut qu'à l'adoption. Ce fut le cas de la mère adoptive de Sean Blake, qui l'éleva avec amour, en compagnie de son mari tout aussi attentif. Comment aurait-elle pu se douter que Lizzy Sweeney, sa mère biologique, s'enfonçait alors dans un lent déchirement jusqu'aux tréfonds de son être, dans l'attente perpétuelle de son « bébé bleu », que les « bonnes » soeurs l'avait forcée à abandonner ?

Oui, je suis révoltée par ce système d'adoption qui interdisait à tout jamais aux enfants nés d'une mère fautive, considérée comme une prostituée, une moins que rien, une trainée, de nouer ce lien essentiel. Sean l'a expérimenté, lui, ce système inhumain. Et il veut à tout prix retrouver sa maman.

Mais pourquoi si tard, alors que lui-même a une femme et 2 enfants en bas-âge, alors qu'il est aimé et qu'il aime de toutes ses forces sa petite famille ? Eh bien...parce qu'il connait une expérience tout à fait bizarre, il est déclaré cliniquement mort pendant quelques secondes lors d'un accident de voiture et « sort de son corps ». Les visages rencontrés à ce moment le hantent et le conduisent même à des flashes d'une autre vie, une vie qu'il aurait vécue dans les années 1860...(seule chose me paraissant hors de propos). Tout ceci le bouleverse, le retourne, le met « hors de lui », au sens littéral du terme. La recherche de ses racines, de son passé est vital pour lui, quelque soit son passé, proche ou lointain...

Dermot Bolger ne prend pas de parti-pris, il nous fait voir avec honnêteté tous les points de vue. Les soeurs, le prêtre, la famille qui rejette, qu'on voudrait haïr, ne sont qu'humains, et même si leurs actes ont été redoutables, on ne peut que se dire que l'être humain fait ce qu'il peut, attaché qu'il est à son époque, à ses traditions, à ses croyances, à la société toute-puissante. Mais c'est dans la description de la souffrance intolérable de la mère et de l'enfant qu'il s'est surpassé. Et là, je vous assure, la pudeur de son style vaut toutes les larmes du monde.
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Toute fin d'année 1991, Dublin.
Sean se sent libéré des soucis de son quotidien, il se regarde sereinement dans l'ambulance qui emmène son corps et n'en éprouve aucune peine. Il remarque les infinis détails de cette scène qui fait suite à son accident, des ballons de fête à une fenêtre, le crâne dégarni d'un gardien du Jardin botanique. S'éloignant de ce lieu, il se sent happé par une lumière, une chaleur réconfortante, des visages bienveillants si longtemps perdus. Seul un visage inamical détonne parmi eux, un jeune homme dont la physionomie échappe à ses souvenirs. Et puis c'est la dégringolade vers son corps qui reprend vie, le coeur reprenant soudainement ses battements.
Dans les rêves qui suivent, des évènements de sa vie se bousculent et l'envie de connaître sa mère biologique surgit, comme un appel.

A Coventry, Elisabeth, se réveille en sursaut, persuadée d'avoir entendu le bruit d'un accident. Sa raison la quitte peu à peu, ses trois filles s'inquiètent de ses errances en pleine nuit car c'est dehors qu'elle sait qu'elle le rencontrera, dans une rue, une nuit, comme dans les rêves qui viennent la prévenir depuis une dizaine d'années. le trou béant laissé par son premier-né abandonné sous la contrainte, son petit garçon aux yeux bleus, crie l'urgence d'être enfin comblé par cette rencontre tant désirée. Pour elle, le temps n'est pas toujours un allié pour guérir les peines.

Pourquoi Sean, photographe, ne veut-il être que d'un côté de l'objectif d'un appareil photo ? Est-ce dû au fait d'avoir été un enfant adopté ? Cette adoption, révélée le jour de ses onze ans, a-t-elle été ressentie inconsciemment comme un vol d'identité ?
Depuis son accident, il peine à reprendre sa vie, cette vie qu'il ne ressent plus sienne, tant au niveau familial que professionnel. Désormais, pour continuer à mener sa propre existence, il a besoin de connaître les réponses aux interrogations qui le perdent aujourd'hui alors qu'il a trente-cinq ans, est marié et a deux enfants. Cette recherche pour définir son identité le mène vers cette jeune fille qui avait dix-neuf ans, une Irlandaise parmi tant d'autres, envoyée par sa famille dans un couvent pour y cacher sa honte et surtout pour murer son péché et éviter qu'il ne salisse la respectabilité de la famille. Dans cette Irlande des années cinquante, catholique et puritaine, les religieuses recueillaient ces futures mères tout en les considérant comme de vulgaires traînées. En les forçant à faire adopter leurs enfants, elles se targuaient d'offrir à ces derniers la chance de vivre dans une famille de bons catholiques, dans un foyer décent. Les mères pécheresses aussi pouvaient alors avoir une seconde vie.

Les secondes vies se dédoublent dans ce roman terriblement déchirant.

Les paroles des religieuses, celles de Mrs Lacey de l'agence catholique de protection, les monstrueuses attitudes de la famille sont autant de coups de poignard qui lacèrent la sensibilité d'une mère. Dermot Bolger écrit admirablement la souffrance, le déchirement, l'écho incessant de l'ignorance d'Elisabeth en ce qui concerne le devenir de son enfant.
Du côté de l'enfant, devenu père, c'est l'ignorance des raisons de l'abandon qui le tenaille et la peur du rejet, de l'oubli. La négation de son existence.
Interrogeant régulièrement le passé qui vient morceler le difficile présent de Sean, cette lecture qui tourne autour de l'identité et de l'adoption insère des sensations troublantes, peut-être liées à une vie antérieure. Sean est obnubilé par ce visage inamical entrevu lors de son expérience de mort clinique et un lieu, le Jardin botanique de Dublin, exerce de déroutantes réminiscences.
Cette quête creuse chez les parents adoptifs et ceux biologiques. Quelle est leur place, quelles sont leurs motivations, leurs douleurs, leurs culpabilités ? Sous quel jour peuvent naître des liens de filiation ?
Que de vies gâchées, sacrifiés, au nom de Dieu, du qu'en dira-t-on, du scandale à éviter malgré la cruauté des décisions. Et pourtant, l'auteur ne condamne rien, ni personne, accompagnant intelligemment le lecteur vers les différentes facettes de cette période, montrant les points condamnables ou défendables, ou tout simplement excusables.
L'Irlande, comme tant d'autres pays, a évolué. Cependant toutes les portes ne se sont pas ouvertes pour faciliter la recherche d'une mère, d'une fille, d'un fils.

Un roman riche et complexe, à la plume captivante, qui m'a happée dès le début dans son bouleversant tumulte identitaire.
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Avant de me lancer dans cette lecture, je connaissais Dermot Bolger de nom, mais je ne m'attendais pas à cela !
Oui, je l'avoue, je ressors vraiment marquée par cette lecture qui m'a énormément émue.
Car oui, une seconde vie est vraiment un livre magnifique qui m'a bouleversée.
Comment ne pas être touchée par cette histoire ?
Le début du livre nous met immédiatement dans l'ambiance : un jeune photographe, Sean Blake a un grave accident de voiture et échappe de justesse à la mort. Il en ressort profondément changé car il a eu une expérience de mort imminente.
Suite à cet accident, Sean n'a de cesse de se mettre à la recherche de ses véritables racines. En effet, il a été adopté à l'âge de six semaines. Avec le peu d'informations dont il dispose, il va se mettre à la recherche de sa mère biologique.
Cette dernière, qui, on va le découvrir, a vécu le destin de beaucoup de jeunes irlandaises qui avaient le malheur de tomber enceintes au milieu du vingtième siècle. Pour échapper à l'opprobre populaire, leurs familles les faisaient disparaitre en les plaçant dans des couvents et les mettaient entre les mains de religieuses qui étaient pour la plupart maltraitantes avec ces jeunes femmes… je n'ai pas pu m'empêcher de faire le lien avec l'excellent film « The Magdalenes Sisters « de Peter Mullan.
La quête de Sean évolue sur un fond un peu mystique (normal, me direz-vous, après ce qu'il a vécu), mais ceci ne m'a pas empêché d'apprécier cette histoire ou les personnages sont tout en nuances.
L'écriture de Dermot Bolger est riche et agréable à lire et je n'ai eu de cesse d'avancer dans cette lecture dont j'ai savouré chaque ligne.


En conclusion : une très belle découverte d'un auteur dont je sais déjà que je vais continuer à découvrir son oeuvre…
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" Vous ne devez pas éprouver d'amertume, Sean. Vous n'étiez pas là, vous ne pouvez pas comprendre cette époque. […] Nous sommes tous piégés par le passé. Cela suffit maintenant. […] Vous avez le droit de comprendre, Sean. "

Quel magnifique roman ! Que d'émotions !

C'est grâce aux " Carnets de route " que j'ai découvert cet auteur , et je n'ai pas fait que passé un bon moment de lecture, j'ai la sensation d'être tombée sur une pépite.
Il faut quand même avouer que j'ai eu du mal à rentrer dans ce roman , à cause de l'écriture un peu vaporeuse de Bolger et de l'aspect temporel qui n'est pas linéaire ici, mais plutôt comme le cercle de la croix celtique : le passé et le présent, le rêve et la réalité, les morts et les vivants sont liés et l'on passe d'un personnage à un autre sans en avoir été averti.
Une fois que je me suis faite à cet aspect "mystique" du roman, je l'ai tout simplement dévoré !

Une seconde vie donne une voix et un visage à des gens qui ont subi une période peu glorieuse de l'Histoire irlandaise. Dermot Bolger rend très palpable la violence morale exercée sur ces femmes qui avaient le malheur d'être enceinte hors mariage et l'attitude faussement prude et extrêmement hypocrite de l'Eglise catholique avec son culte de la culpabilité. ( fait particulièrement ironique quand on sait qu'avant la Grande famine, le taux de fécondité en Irlande était l'un des plus élevé d'Europe !) le tout sans aller dans une vision manichéiste avec les victimes d'un côté et les bourreaux sans coeur de l'autre.

Et pourtant, ce roman a une résonance bien plus universelle car Dermot Bolger nous parle de notre rapport au passé et de la peur que nous avons de nous confronter à nous-mêmes et aux secrets du passé - que ce soit au niveau individuel ou "national".
A travers Sean Blake/Francis Sweeney, l'auteur parle de cette tendance que nous avons à nous accrocher au passé sans en tirer les leçons au lieu de lui accorder sa juste place dans nos vies afin qu'il nous aide à nous construire et non à nous "détruire" .
Durant son "pèlerinage" à la recherche de lui-même, le personnage est mis face au fait que contrairement à notre esprit, le temps et les lieux ne sont pas figés dans le passé.
L'autre aspect universel du roman, qui m'a beaucoup touchée, c'est la thématique du lien de parenté et du sacrifice d'une mère pour son enfant - quelles qu'en soient les conséquences pour elle.

Un magnifique voyage qui donne envie de découvrir plus d'oeuvres de cet auteur.
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critiques presse (3)
LeMonde
10 février 2012
Par son style qui emprunte au registre fantastique autant que par ses côtés rugueux ou oniriques, ce roman ne se contente pas de raconter.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Telerama
11 janvier 2012
Splendide mélodrame comme on n'en fait plus, Une seconde vie, nouvelle version, est un kaléidoscope délibérément tamisé, jamais clinquant, toujours discret, où s'entrechoquent les mémoires tronquées de deux êtres endoloris : Lizzy, fille-mère condamnée à abandonner son fils aux religieuses dans l'Irlande puritaine des années 1950, et Sean, le fils qu'elle n'a pu voir grandir, devenu photographe et père de deux enfants.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeFigaro
06 janvier 2012
Une seconde vie, on le suppose, a été pour Dermot Bolger un moyen d'exorciser ses fantômes, qui sont sans doute ceux de tous les Irlandais fouillant les secrets de leur pays, et espérant qu'il ait réellement changé.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
Celui qui avait repeint l'ambulance avait oublié la bordure supérieure des portières. Vues d'en haut, les sillons écaillés de la carrosserie ressemblaient au lit d'une rivière asséchée. Le dessus du chapeau de l'ambulancier était tacheté de poussières et de pellicules et, quand il releva la tête de ma poitrine, je vis mon visage tourné vers le ciel, strié de sang. Les deux arbres séculaires qui surplombaient le portail du Jardin botanique avaient perdu leurs feuilles. Pourtant, au milieu de leurs profondeurs, un merle appelait.
Depuis combien de temps ne m'étais-je pas senti aussi serein? Les insignifiantes tracasseries du début de matinée, (...) me paraissaient lointaines. Seules quelques minutes s'étaient écoulées entre-temps, mais c'était comme si je n'avais plus eu le moindre rapport avec mon ancienne vie. Et, à mon grand étonnement, je n'éprouvais ni douleur physique, ni tristesse ni impression de perte. Mais j'observais la scène de l'accident avec une insouciante désinvolture.

(Incipit)
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L'Irlande dans laquelle elle vivait  était infectée par un terrible virus appelé respectabilité. Dieu était souvent évoqué, mais pas à propos de l'amour qu'il fallait ressentir pour son prochain ni de l'éternelle damnation : la vie tournait uniquement autour de ce que tes voisins pensaient de toi, de secrets à garder, du scandale à éviter, il ne fallait donner à personne l'occasion de te mépriser. Ta mère avait honte de ne pas pouvoir mettre d'enfant au monde. Elle se sentait inutile, car à cette époque c'était le seul destin des femmes. Nous ne faisions pas carrière : nous nous mariions et élevions nos soldats de Dieu.
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Est-ce que lorsque mon cerveau avait été privé d'oxygène, mon système nerveux était simplement passé à la vitesse supérieure, avait libéré des endorphines hallucinogènes et donné une fête d'adieu avant la chute dans le néant? Telle était l'explication chimique de ce que j'avais vécu. Le mot endorphine est un composé des mots endogène et morphine; à plein régime, les endorphines naturelles peuvent être cent fois plus puissantes que n'importe quel analgésique pharmaceutique. Elles m'avaient permis d'entendre les voix que je voulais entendre, de voir les visages que j'avais aimés. Elles m'avaient offert le parfait dernier rêve, l'occasion de m'illusionner moi-même au bord du néant. Elles pouvaient tout expliquer, sauf l'identité de ce visage qui continuait de hanter mon sommeil.
Commenter  J’apprécie          261
Il fallut que je devienne moi-même parent pour commencer à imaginer ce que mon absence avait dû représenter pour [ma mère biologique]. Pendant les premiers mois de la vie de [mon fils], je m'éveillais souvent, m'agenouillais à côté de son berceau, retenais ma respiration, tendu, pour entendre la sienne, et je me sentais envahi d'un tel bonheur et d'un tel soulagement au faible bruit de son souffle que rien d'autre au monde ne semblait plus compter. Même si elle m'avait confié à l'adoption, elle avait dû pendant des années, chaque fois qu'elle se réveillait, instinctivement tendre l'oreille pour savoir si je respirais. (p. 58)
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J'avais grandi dans un monde où la respectabilité était l'objet d'un culte général. Ivrognerie, violence domestique, n'importe quel péché était accepté, à condition de rester caché. Les couvents et les asiles étaient des lieux indispensables où ce qui pouvait salir la respectabilité était dissimulé ; des lieux dont on faisait semblant de penser qu'ils n'existaient pas, et non où on pouvait entrer et affronter les choses. Quand j'étais enfant, la grande peur de ma mère adoptive n'était pas la misère, mais la perte de respectabilité.
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