AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Elsa Morante (107)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La Storia

Ô mon Dieu ! Ca c'est un grand livre à la papa écrit par la mama ! J'entends un livre-monde, où l'auteure se sent en capacité de traiter l'Histoire et l'histoire, narratrice omnisciente, politique, sentiments, grands événements et petits riens, l'univers entier dans un vaste ballet macabre, celui de la seconde guerre mondiale, encore, toujours, comme le reflet de la grande tragédie humaine.

Et waouh ! Comme c'est beau et déchirant ! Comme les personnages sont marquants, inoubliables sans doute.

Nous sommes en Italie, en l'an de grâce 1941..Une si charmante année à passer en Europe...Ida, trente-sept ans, veuve terne, timide, pas très futée, et dotée d'un fils flamboyant de treize ans, Antonio, Nino, Ninarrieddu, se fait violer par un soldat allemand perdu dans Rome. De ce crime naît Giuseppe, dit Uzeppe, petite créature extraordinaire aux mystérieux yeux bleus, innocents, fait pour la joie. Ces trois personnages bouleversants sont accompagnés de Blitz, le chien de Ninarriedu. D'abord, la guerre semble épargner l'Italie, malgré le fascisme omniprésent, puis, peu à peu, l'horreur s'installe. D'autres joueurs entrent en scène, Carlo Vivaldi, les amis de Nino, Bella, Rossella, Maria...J'en oublie, mais la guerre, elle, ne les oublie pas. J'ai mêlé les animaux aux humains, comme le fait Elsa Morante, rassemblant tous les faibles et toutes les victimes dans une même énergie désespérée à vivre.

940 pages qui ne se résument pas, mais qui ne passent rien sous silence, de toute la violence innommable qui est faite à toute créature. Uzeppe en est le centre, il reçoit tout en plein coeur, innocent comme au premier jour.

Il n'y a que dix-neuf critiques à ce très grand livre. Mais comme Morante rime avec Ferrante, et que les deux Italiennes assurent un maximum, j'espère qu'Elsa, l'aînée, trouvera beaucoup de lectrices et de lecteurs qui ne seraient pas aller vers elle sans la lecture des oeuvres de la cadette, Elena.

Vraiment vraiment un grand roman !
Commenter  J’apprécie          784
La Storia

Il est rare que je m’offre le luxe d’une relecture, tant sont nombreux les livres à découvrir et rare le temps pour le faire, mais « la Storia » m’avait laissé une impression si profonde que je n’ai pas résisté à l’envie de la redécouvrir quelques vingt ans plus tard.



La « Storia » : c’est bien l’Histoire le sujet de ce texte magnifique, l’Histoire âpre et cruelle de l’éternelle domination des uns au profit des autres, de l’infini recommencement de la manipulation violente des faibles par les forts, mais aussi de la lutte acharnée, dérisoire et sublime des millions d’instincts de vie contre la pulsion de mort.



La storia dans cette « Storia » nous emmène plus précisément dans l’Italie de la seconde guerre mondiale où Ida, une veuve timorée, juive par sa mère, mal armée pour le monde brutal dans lequel elle se retrouve ballottée, mais dont l’instinct maternel surpuissant sera le moteur de son instinct de survie, donne naissance à la suite d’un viol par un soldat allemand à l’une des créatures les plus éclatantes de bonheur et de joie de vivre que la littérature nous ait offert, le petit Useppe. Ensemble, ils traverseront tant bien que mal les années de guerre, dont les horreurs finiront pourtant par s’imprégner irrémédiablement dans le regard immense, joyeux et innocent d’Useppe…



« Useppe ! Useppe ! » C’est ce cri récurrent dans le livre, ce cri apeuré de la protectrice Ida appelant son petit qui m’était resté dans la tête depuis toutes ces années et m’a donné envie de le rouvrir et de retrouver ces deux personnages inoubliables, tout poignant que soit le récit. Autour d’eux, le petit peuple de Rome vivace et endurant, Nino le fils aîné d’Ida, bouillonnant d’une jeunesse façonnée par la guerre et fou d’amour pour son petit frère, mais encore la figure lugubre et désespérée de David Segré, partisan, anarchiste, juif en rupture avec ses origines bourgeoises, tous apportent une chair juteuse et amère à la storia d’Ida et Useppe.



La « Storia » est un très grand livre, dont a d’ailleurs été tiré un beau film avec Claudia Cardinale, que je recommande à tous les amateurs d’histoire dans l’Histoire, n’ayant pas peur de regarder en face la mort se mêler à la luxuriance de la vie, ni de vider une boite de mouchoirs.

Commenter  J’apprécie          699
La Storia

Fascisme. Nazisme. Totalitarisme. Shoah. Tant qu’à y être, pourquoi pas aussi communisme. L’auteure aurait bien pu remonter le temps et écrire sur les guerres napoléoniennes, celles de religion, le régime des tsars jusqu’à l'empire des césars. Que des horreurs, tout ça ! Et du pareil au même. C’est ça qu’Elsa Morante a voulu nous raconter mais, évidemment, de l’extérieur, car sa protagoniste, Iduzza Ramundo, n’a pas fait la guerre. C’est la guerre qui est venue à elle. Ida n’est qu’une pauvre enseignante, native du sud de l’Italie et qui a suivi son mari dans la capitale, Rome. Il est mort assez tôt, lui laissant un enfant à sa charge, Nino, mais jeune femme s’était toujours bien débrouillée. Puis la Seconde Guerre mondiale a éclaté, entrainant l’Italie dans son sillon. Et Ida.



Dernier fait important que j’ai oublié de mentionner : Iduzza Ramundo est à moitié juive par sa mère. Vous me voyez venir?



La Storia est un roman coup de poing, une bombe littéraire, et je suis surpris qu'on n'en parle pas plus. Quoiqu'il en soi, il est découpé en fonction des années : 1941, 1942, 1943… Vous voyez. Chacun de ces découpages commence par une description des principaux évènements qui se sont produits en Italie, en Europe et dans le monde. Vous l’aurez compris, la guerre y occupe une grande place.



Le récit commence en 1941 alors qu’Ida est abordée par un soldat allemand en permission et elle se fait violer. Assez brutal comme entrée en matière mais, tout compte fait, assez approprié au propos de l’auteure. De cet acte nait un garçon qu’elle nomme Useppe. Ce petit être fragile sera sa nouvelle raison de vivre et elle passera le roman à le protéger, même jusqu’à son dernier ressort.



On suit le quotidien d'Ida à travers ces années folles. Au début de la guerre, Rome est un havre de paix, les troupes allemandes et italiennes ne font que passer pour se rendre en Afrique ou sur d’autres champs de bataille. Loin, très loin. Mais voilà que le front se déplace, les Alliés prennent position au sud de l’Italie, puis en dehors des murs de Rome. La situation devient précaire, les nazis ripostent en emenant les juifs, Ida a peur. Elle doit se réfugier dans des quartiers mal famés. Son fils Nino se lie avec des résistants italiens, aux idées révolutionnaires et socialistes, plus rien ne va plus. Même quand Rome est prise et que les combats se déplacent au nord, la situation ne s’améliore pas, on manque de tout, on crève de faim. Je vous fais grace des intrigues secondaires.



Quand la Seconde guerre mondiale se termine, on pourrait dire «Ouf, Ida et ses fils l'ont échappé belle!» Mais non, les horreurs continuent. Les Italiens s’entredéchirent, les paysans et les ouvriers agricoles en veulent aux propriétaires terriens, des assassinats se multiplient, la mafia s’en mêle, les socialistes veulent renverser le pouvoir, etc. Quelques rares survivants de la Shoah reviennent mais avec des histoires affreuses à raconter. Décidément, ce monde est terrible. Dans cet enchevêtrement de représailles de toutes sortes, Ida perd son fils ainé Nino. Sa vie ne sera jamais plus la même. D’autant plus que la prospérité n’est pas encore revenue, on vit toujours de rations, etc. Mais le pire reste à venir pour cette pauvre femme esseulée. J’ai été complètement retourné quand elle s’est mise à crier «Useppe ! Useppe!» J'ai surement fait un cauchemar ou deux à ce sujet...



Qu’est-ce qu’on doit retenir de La Storia ? L’Histoire peut n’être qu’un «interminable assassinat». Assez terrible, n’est-ce pas ? Mais certains diront qu’Elsa Morante a visé juste. D’autant plus que cette histoire aurait pu se passer en Allemagne, en Russie ou en Chine, le propos demeure : es innocents seront toujours les victimes. Moi, jl’ai trouvé ce roman profondément émouvant. À vous de juger, si vous vous sentez le courage d’affronter ce pavé de près de mille pages dans le format de poche.
Commenter  J’apprécie          525
La Storia

C’est à travers l’histoire (avec un petit h) d’Ida, qu’Elsa Morante nous emmène revisiter l’Histoire de l’Italie, et par là même l’Histoire de l’Europe, de la première moitié du vingtième siècle.



Ida est une petite institutrice, dont la mère était juive, et qui élève seule son fils. Mais Ida est surtout « restée, au fond, une fillette, car sa principale relation avec le monde avait toujours été et restait (consciemment ou pas) une soumission apeurée ». Un soir de janvier 1941, elle est victime d’un viol par un soldat allemand aviné. Un enfant naitra de cette relation, Useppe qu’Ida aimera d’emblée et pour qui elle nourrira les pires angoisses, en ces temps barbares de deuxième guerre mondiale. Des angoisses dignes d’une louve pour son petit, des angoisses viscérales, irrationnelles pour ce petit être si fragile et surtout, surtout, innocent.



Cette histoire, somme toute banale (je devrais écrire tristement banale), est l’occasion pour Elsa Morante de témoigner du climat politique de l’Italie durant les années 1930 à 1950. Tout est passé en revue, les courants anarchistes, les groupuscules fascistes et la fascination du peuple d’avant-guerre pour les pouvoirs forts, sur fond de pauvreté du Sud. Puis les lois raciales, la déportation des Juifs du ghetto de Rome et la résistance communiste et antifasciste (tiens, j’entends le refrain de Bella Ciao en sourdine). Et enfin l’énorme espoir, qui a accompagné la libération, vite effacé devant la monstruosité des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki.



On devine une Elsa Morante désenchantée, déprimée, désespérée même. Elle dira elle-même : « Par ce livre, moi, qui suis née en un point d’horreur définitive (c’est-à-dire notre vingtième siècle) j’ai voulu laisser un témoignage documenté de mon expérience directe, la Deuxième Guerre mondiale, en l’exposant comme un échantillon extrême et sanglant de tout le corps historique millénaire. »



Un mot sur le style, maintenant … En toile de fond d’un tel roman, se pose la question de « comment écrire sur la Shoah quand on ne l’a pas vécue soi-même, quand on en a été que le témoin ou le dépositaire ? Où trouver les mots pour dire l’horreur ? Y a-t-il seulement des mots ? » Epineuses questions, je trouve. Je dirai même plus questions insolubles.



Elsa Morante choisit le ton neutre, au risque de passer pour indifférente. Elle fait aussi appel aux rêves qui assaillent Ida, rêves très « réalistes » dans le sens qu’ils ressemblent à nos propres rêves, parfois en noir et blanc, parfois sans aucun son. Puis Elsa montre Ida en proie à des voix imaginaires entendues par elle seule. Le risque est bien sûr de faire passer Ida pour à moitié folle ou bien pire d’insinuer le doute quant à la véracité des camps de concentration, de la persécution des Juifs et autres races impures et êtres dégénérés (ce ne sont bien sûr pas mes mots, mais ceux de la propagande nazie).



Mais Morante manipule ces rêves, ces images, ces voix avec brio, avec infiniment de brio, de sorte que l’on comprend que cette façon d’écrire permet une infinie délicatesse, une distance respectueuse, un flou salutaire. Et aussi une certaine honnêteté intellectuelle, puisque l’auteure n’était pas directement présente. En plus, en utilisant les rêves, elle dote les images d’une force symbolique très puissante, et du coup donne bien une idée des événements terribles. Et nous, nous savons que la réalité était encore bien au-delà que les pires cauchemars d’Ida.



Elsa se devait aussi d’écrire dans cette Europe d’après-guerre, qui ne voulait pas savoir, où « les récits des Juifs ne ressemblaient pas à ceux des capitaines de navire ou d’Ulysse, le héros de retour dans son palais. Ils étaient des figures aussi spectrales que des nombres négatifs, en dessous de toute vision naturelle et incapables de susciter même la plus banale sympathie. Les gens voulaient les éliminer de leurs journées, comme dans les familles normales on élimine la présence des fous ou des morts. »



En conclusion, c’est une lecture difficile, nécessaire, indispensable. Bien loin d’une lecture de vacances. Lisez « la storia », en dépit de sa longueur (940 pages quand même), de certains passages fastidieux et de l’atmosphère assez plombante qui s’en dégage. Et n’oublions que nous aussi nous sommes les enfants de cette époque …



Et puis tout à la fin surgit une mince lueur d’espoir. Ce magnifique explicit, cet hommage masqué à Antonio Gramsci, philosophe italien, emprisonné par les fascistes dans la prison insalubre de Turi où il trouvera la mort : « Toutes les graines n’ont rien donné sauf une : je ne sais pas ce qu’elle peut être, mais c’est probablement une fleur et non une mauvaise herbe ».



Commenter  J’apprécie          441
La Storia

La Storia d'Elsa Morante correspond tout à fait à ce que l'on nomme en littérature une somme. Ce roman m'a époustouflée par son ampleur - c'est une grande fresque historique et sociale - sa diversité de genre, de ton, de style et sa variété dans les personnages et les thématiques abordées. Je ne suis pas une inconditionnelle ni des prix littéraires ni des classements (le roman fait partie des 100 meilleurs livres de tous les temps) mais il m'a vraiment marquée pour de multiples raisons.

J'ai été très impressionnée par la façon dont Elsa Morante s'est lancée dans la narration de cette période tumultueuse de l'histoire italienne, celle qui va de 1941 avec la montée du fascisme jusqu'en 1947, période de l'après-guerre. L'architecture du roman est solide et repose sur des rappels de faits historiques très précis, en ce qui concerne la collaboration des fascistes italiens avec les nazis, notamment en ce qui concerne la persécution et l'élimination des juifs d'Italie. Mais la force du récit vient de la plume de l'auteur et de sa capacité à créer chez sa lectrice ou son lecteur un mélange d'horreur et d'incompréhension face à la barbarie humaine, comme dans la scène où Ida, l'héroïne du roman va assister au départ d'un convoi de juifs romains pour Dachau. Une très grande scène pleine de bruit de fureur. le réalisme cru, la précision et en même temps l'emballement de l'écriture ne laisse pas d'échappatoire et nous traque jusqu'à l'insoutenable.

Mais la violence sociale ne cède en rien à la violence de la guerre. Elsa Morante nous donne à voir tout un panel du petit peuple de Rome victime d'une grande misère et pour lequel la guerre constitue en quelque sorte "une double peine" ! La description qu'elle fait de la tribu "des Mille" dans un refuge de fortune à Pietralata est jubilatoire. Tout ce beau monde vit dans une promiscuité à la fois joyeuse et désolante, car déjà en marge de la "bonne" société, ces hommes et ces femmes retrouvent dans un tel contexte des comportements où seuls les instincts primordiaux dominent...

C'est dans ce "cloaque" que se retrouve bien malgré elle notre héroïne, Ida institutrice de son état, avec son fils Useppe, né du viol perpétré par un soldat allemand. Ida est victime d'un triple héritage : génétique - sa mère a sombré dans la folie - identitaire - elle est à moitié juive par sa génitrice - social - elle vient de Calabre, région particulièrement dominée par le machisme. Mais c'est un personnage riche et surprenant car elle va être capable de transgresser avec une violence et une énergie vitale hors du commun les lois sociales lors qu'il s'agira de sauver Useppe de la faim qui sévit à Rome en 1944. Tout aussi riche et surprenant est le personnage de Useppe A la fois "enfant du placard" par certains aspects, il est présenté à d'autres moments comme une sorte de petit elfe joyeux qui s'émerveille de tout et communique avec la nature et les animaux de façon fort poétique.

Dernier point que j'ai trouvé remarquable c'est le traitement de la folie et de la mort toutes deux très présentes dans le roman. La folie est parfois présentée comme une alternative qui soulage, un refuge et comme la seule porte de sortie jouable lorsque la réalité devient invivable. Elle est, à d'autres moments, l'entrée dans le monde de "l'horreur muette" dans ce qu'elle a de plus insoutenable. Même richesse et même subtilité dans l'évocation de la mort, l'agonie ou les instants qui précèdent une exécution. On est confronté aux différentes facettes de la Camarde : moment extatique, de grand délire ou d'une souffrance sans nom...

Ma chronique pourrait évoquer bien d'autres points du roman au risque de vous fatiguer... Donc je ne peux que vous conseiller de le lire pour y découvrir d'autres pépites !
Commenter  J’apprécie          426
Donna Amalia et autres nouvelles

Les trois nouvelles sont extraites du recueil le châle andalou qui en compte quatorze. Elles ont pour thème le monde imaginaire de l'enfance. Ce sont des nouvelles de jeunesse qui ne m'ont pas complètement emballée.

1) Donna Amalia.

Plus qu'un récit c'est un portrait. Donna Amalia est une quinquagénaire qui en paraît trente car elle a gardé son âme d'enfant. Une enfant insouciante et capricieuse. Elle s'extasie devant des bijoux de pacotille clinquants trouvés au marché tout autant que sur de vrais bijoux de valeur. Elle ne s'ennuie jamais, toujours fraîche et radieuse mais fait beaucoup travailler les domestiques à toute heure du jour. Elle les réveille la nuit pour admirer la lune…

Je n'ai pas été emballée du tout par cette nouvelle irréelle. Donna Amalia m'a fait pitié tant elle est simplette. J'aurais cru que son entourage, ses domestiques ou son mari auraient exploité sa naïveté. Pensez-vous ! Pas l'ombre d'un nuage. Elle est heureuse et satisfaite. Quel ennui !



2) La grand-mère : Elena une veuve sans enfant de quarante ans qui végétait près d'un marchand avare décide de changer de vie. Elle s'en va à la campagne où elle a hérité d'une maison. Au rez-de-chaussée vivent un jeune sculpteur et sa vieille mère qui ressemble à un oiseau de nuit. Dès le premier coup d'oeil celle-ci a compris qu'elle allait disparaître de la vie de son fils. C'est la nouvelle la plus réussie du recueil, inquiétante et émouvante…



3) le jeu secret (1941)

Trois petits enfants enfermés dans un vieux palais délabré par leurs parents aristocrates décadents s'inventent un jeu de rôles secret qu'on pressent funeste. L'atmosphère m'a plu, elle ressemble à celle d'un conte baroque et onirique mais je n'ai pas tout saisi.

Commenter  J’apprécie          419
La Storia

Oulala. Que trois critiques? Combien d'entre-nous a eu la chance de tomber sur ce livre?



La storia ; c’est de l’Bombe. C’est le cuir d’une époque déchiré par les yeux d’une femme. C’est les misérables à la sauce italienne. C’est la grande histoire dans la petite. C’est l’histoire d’un destin.

Un petit bout de femme, Iduzza (diminutif de Ida) dans le maelström de la guerre, tente de survivre à Rome, avec son fils Useppe.

La Storia ; c’est la folie des hommes décortiqués par Elsa Morante.

La Storia ; Elle cri, pleure, fait trembler, fait froid dans le dos ; La Storia.

La Storia ; C’est la vie d’une saison en enfer entre les mains de l’amour.

J’avais lu le Christ c’est arrêté à Eboli ( et non pas à Ebola, quoique là… Il a du faire demi-tour) de Carlo Levi ( entre parenthèse un tout petit petit ouistiti qui mérite d’être dévoré cru), qui déjà m’avait plongé dans cet Italie sans italique. Dans ce décor derrière les épaules de Musso-Lit-Ni, dans ce décor qui nie le monde ; on est happé. Parce tout est là, dit, avec les non-dits. On entend la voix des sans-voix, on boit avec ceux qui ne boivent rien d’autres que la poussière de l’histoire. On suit cette mère, cet amour de femme, on est là, entre 1940 et 1947, on plonge dans cette période dantesque et on hésite, on marche d’un pas peu assuré, puis on espère, on croit, on se bat, on entend l’armée allemande passer, les fascistes danser, on sent la résistance se lever. On est là et Ida nous porte à bout de bras…

Elsa Morante a écrit là, une œuvre majeur du long et éphémère XX siècle.

Commenter  J’apprécie          407
La Storia

Comme il est dit en quatrième de couverture, "il est tout à fait impossible de résumer d'aucune façon l'action de cette vaste « saga d'innocence, de persécution et de mort »".

C'est la première fois que je lis un roman sur la dernière guerre vue du côté italien.

Chaque chapitre commence par un résumé de l'Histoire mondiale concernant l'année à venir.

Ensuite vient la petite histoire, forcément impactée par la Grande, d'Iduzza dite Ida et de ses fils, Nino et Useppe. Bella, une chienne, complète ce trio et divers protagonistes interviennent dans l'action.

C'est terriblement émouvant car tous les personnages, quelle que soit leur importance, sont décrits très précisément aussi bien physiquement que psychologiquement.

J'ai été séduite par ce récit.

Commenter  J’apprécie          370
Le châle andalou

Voilà longtemps que je voulais la retrouver...Elsa Morante, lue autrefois - la Storia, l'Ile d'Arturo- , m'avait laissé un souvenir de bourrasque passionnée, sur fond d'Histoire tragique.



Ce recueil bilingue était une occasion de renouer avec elle, en italien.. .avec la planche de salut de la traduction en vis à vis, en cas de panne de vocabulaire!



Bon calcul: le vocabulaire m'a souvent fait défaut dans la première de ces trois nouvelles, le Jeu Secret, plus baroque et romanesque que les autres. ..



Mais je dois tout de même avouer ma légère déception !



Le ton, la langue , les sujets de ces trois nouvelles m'ont paru légèrement démodés, décalés, pour tout dire: datés.



C'est surtout vrai de "Donna Amalia", portrait d'une vieille femme-enfant, adorée et menagée par un entourage tout à sa dévotion, et qui m'a paru être bien plus un portrait qu'une nouvelle.



La première, "Le Jeu secret", a une chute intéressante , assez elliptique pour laisser le lecteur en imaginer le sens. Elle est consacrée au" Jeu" de trois petits aristocrates qui s'étiolent , confinés dans leur palais, sous le regard sans amour de parents rigides et guindés et qui, nourris de romans de chevalerie, trompent leur ennui et leur enfermement en imaginant , chaque soir, des péripéties qu'ils exécutent avec fièvre , en grand secret, dans un Jeu théâtral et passionné...



La dernière nouvelle , "Le châle andalou", retrace le lien-et presque la liaison- d'un fils possessif avec sa mère, danseuse. La scène est pour le petit garçon une rivale qui lui enlève sa mère.. .au point qu'adolescent il met les murs d'un couvent entre elle et lui , allant jusqu'à vouloir prononcer des voeux...



La thématique qui relie ces trois nouvelles- enfance, théâtre, réalité et illusion- n'empêche pas la diversité des tons- fantasque et baroque pour la première, proche du portrait et de l'analyse psychologique pour la deuxième, plutôt réaliste et grinçante pour la dernière .



Mais je n'y ai pas retrouvé la fresque animée et passionnée de la Storia-encore une histoire de mère et de fils, pourtant! - et je m'y suis même un peu ennuyée parfois.



La grande Elsa Morante est sans doute plus faite pour la liberté d'un long roman que pour la forme exigeante et limitée de la nouvelle...

Commenter  J’apprécie          262
La Storia

C'est ma première lecture d'Elsa Morante et c'est une belle découverte. Dans un style apparemment simple et fluide, mais tout de même poétique, l'auteure nous emmène à la suite du petit Useppe (déformation de Giuseppe), de sa maman, la fragile Ida, et d'autres acteurs mineurs de la grande histoire du basculement de l'Italie du fascisme dans la guerre et de la guerre dans la république. Mais l'histoire est vue à hauteur des existences infimes et touchantes de ces deux personnages emportés dans la tourmente des événements. Useppe est un petit garçon singulier. De constitution fragile, d'une capacité aiguë de perception de son environnement, d'une grande sensibilité, sujet à l'enthousiasme et à l'angoisse, il est marqué profondément par l'environnement mouvementé des années 1941 à 1947.

Une particularité de ce roman: l'attention aux rêves, longuement décrits et qui jouent un rôle dans la vision du monde.

En somme, un récit prenant.

Une hypothèse pour finir: et si le pseudonyme de l'énigmatique romancière à succès Elena Ferrante devait quelque chose à Elsa Morante. Il y a une ressemblance non? Un point commun en tout cas: les deux auteures savent faire vivre des personnages avec force.
Commenter  J’apprécie          2610
La Storia

Belle histoire que cette Storia à l'italienne. Une façon originale de raconter l'Histoire en alternant quelques chronologies commentées courtes et lapidaires et le récit du quotidien d'une famille durant ces années troublées.

Ce qui m'a touché c'est la totale empathie de l'auteur pour l'ensemble de ses personnages. On ressent en même temps qu'elle leurs émotions, même quand elle évoque certains individus pas forcément admirables. L'utilisation parcimonieuse d'un je narratif, qui semble être témoin de l'histoire sans y participer, renforce sans doute cette impression.

Certains trouveront peut-être que l'exercice amène quelques longueurs... Sans doute mais ces longueurs ont parfois des accents proustiens aux qualités littéraires indéniables.

J'ai été plus circonspect sur certaines tirades politiques. J'admire et partage plutôt l'engagement de l'auteur mais j'ai parfois eu l'impression de personnages pris en otages pour exprimer certaines théories de l'époque... Mais malgré tout ces passages restent maîtrisés et ironisent même souvent sur cette pensée, laissant le lecteur libre de ses opinions.

Si ce lecteur reste prisonnier, ce ne sera que du souvenir d'Useppe, Ida, Ninarriedu ou Bella, que les années auront bien du mal à effacer.
Commenter  J’apprécie          250
Pour ou contre la bombe atomique

« Pour ou contre la bombe atomique », étrangement, traite peu de la terrible arme moderne. Il s’agit d’un point de départ pour la dame de lettres italienne Elsa Morante pour faire passer son message. Quelques uns des essais de cet ouvrage avaient fait l’objet d’une conférence, le recueil a été assemblé après coup. Ça paraît un peu, du moins c’est mon avis, car si les premiers textes sont très forts, les derniers semblent manquer de liens avec l’ensemble, d’unité. Mais ce n’est pas si grave car certains sont si jolis.



D’abord, il y a cette fameuse bombe atomique qui hante les esprits modernes. « […] nous, habitants des nations civilisées du Vingtième Siècle, vivons à l’ère atomique. » (pp. 9-10) Plus, elle les caractérise. « Notre bombe est la fleur, autrement dit l’expression naturelle, de notre société contemporaine. » (p. 11)



La culture petite-bourgeoise bureaucratique infecte notre quotidien. Pas étonnant que notre société éprouve la tentation de se désintégrer. Il y a eu les Grandes Guerres et, maintenant, les fameuses bombes. Ce n’est pas tant un essai sur la bombe atomique que sur la désintégration de la société (dont elle est le symptôme, à défaut du remède) et seul l’art peut sauver le tout car « l’art est le contraire de la désintégration. » (p. 14) En ce sens, la bombe atomique peut être vue comme étant symbolique, le rejet des valeurs judéo-chrétiennes qui ont caractérisées le monde occidental de l’avant-guerrre et qui l’amenaient vers sa perte, vers sa désintégration. Il faut aller au-delà. Mais, au lieu de choisir la terrible arme moderne, pourquoi ne pas se tourner vers l’art ?



Le sujet du deuxième essai est l’érotisme en littérature. Avant le XXe siècle, l’érotisme était interdit. « Le vice de certaines sociétés et de certaines religions c’est d’avoir coupé en deux la personne humaine, la déclarant à moitié noble et à moitié méprisable ; on adû attendre la veille de l’ère atomique pour que la science proclame cette réalité : que la frustration de l’érotisme, elle aussi, commele sommeil de la raison, engendre des monstres. » (p. 37) En ce sens, cet essai rejoint le premier, tout comme le suivant.



Effectivement, l’essai sur les romans suit la même tangente. « Tout le monde sait, en effet, que la raison et l’imagination, par nature, s’équilibre de différentes façons en chaque personne humaine ; mais que, dans leur harmonie différente, les deux fonctions sont l’une et l’autre nécessaire à la santé et à la survie de chaque culture. » (p. 48). Il n’y a donc pas de romans purement réalistes ni imaginaires. Le risque, en situation de désiquilibre, est la désintégration de l’œuvre et de la société. L’un s’alimente de l’autre. La richesse de la réalité, c’est qu’elle se renouvelle sans cesse.



Je me relis et j’ai l’impression de ne pas bien rendre justice à ces essais. Pourtant, tout était clair au moment de ma lecture. En effet, Elsa Morante ne se perd pas en litanies ni en fioritures, et encore moins en développement à n’en plus finir. Elle va droit à l’essentiel (ses essais comptent rarement plus d’une quinziane de pages) et utilise un vocabulaire accessible (du moins, c’est ce qui transparait de la traduction de Jean-Michel Schifano) et surtout des exemples clairs et précis pour appuyer ses propos.



Deux autres petits textes thèmes chers à l’auteure : la place Navone (que j’ai eu l’occasion de visiter à Rome il y a quelques années et qui est effectivement jolie) et le poète Umberto Saba. Toutefois, Elsa Morante m’a un peu perdu avec « Le bienheureux propagandiste du paradis » puis avec « Rouge et blanc ». J’éprouvais de la difficulté à relier ces quatres essais avec les trois premiers.



Il est certain que les essais d’Elsa Morante ne traitent pas de sujets préoccupants pour la majorité silencieuse des lecteurs occidentaux du XXIe siècle. Toutefois, ils apportent un éclairage intéressant sur l’art et la pensée moderne à une époque tournante de la civilisation. En ce sens, ils sont encore relevant. On ne perd rien à se cultiver un peu…
Commenter  J’apprécie          230
Anecdotes enfantines

Premier contact avec une auteure italienne pourtant de renom.

Ce petit recueil retrace des souvenirs d'enfance tout en poésie et en finesse. L'imagination de la fillette était sans borne pour magnifier un quotidien parfois morne.

Elle habillait visiblement ses jours de petites étoiles et de jolis papillons de ruban comme elle le faisait avec les vêtements que sa mère lui cousait parfois dans une vieille couverture.

De son enfance elle en a fait un conte et nous la conte sous forme de souvenirs éparpillés.

Aucun petit chapitre n'annonce le suivant, on prend comme ça vient, puis ça s'arrête comme ça aurait pu continuer.
Commenter  J’apprécie          222
Mensonge et sortilège

Il faut savoir prendre son temps !

Lire Mensonge et sortilège d’Elsa Morante est une excellente école pour cela.

Dans les années 1940, elle a produit son premier roman dans un style dont on n’usait plus alors. C’est un grand roman à la mode du 19e siècle, en apparence. Mais c’est aussi une histoire très personnelle, une histoire de passion dévorante et destructrice.

Il y a d’abord le plaisir de cette lecture. Elsa Morante installe posément les situations qui font la trame de son histoire. Pas de temps mort pour autant. Le rythme est constant, mais ample. Pas de longues descriptions non plus. Le roman est centré sur quelques personnages prisonniers de leur passion. Ce sont donc les personnages, les situations et les sentiments qui sont décrits sous tous les angles, dans leur progression lente et somptueuse.

C’est peu dire que les personnages de Mensonge et sortilège ne sont pas heureux, ils s’entêtent inexorablement dans leur malheur. On aurait envie de les détourner de leurs choix si désastreux, et puis l’on comprend qu’ils ne peuvent faire autrement que d’aller au bout de ce qu’ils sont. Et petit à petit l’on finit par les aimer pour cela, même dans leurs côtés apparemment les plus antipathiques.

L’histoire est obliquement inspirée de l’histoire compliquée de la famille d’Elsa. On y retrouve notamment l’incertitude sur sa paternité. Mais ce qui ressort plus que tout est la solitude de la narratrice, qui observe en silence ses proches courir à la catastrophe sans faire attention à elle, tout accaparés qu’ils sont par leur propre passion. Tragédie, amertume, mélancolie. À partir d’éléments de sa vie personnelle, Elsa Morante nous propose une plongée exceptionnelle dans l’âme humaine.

Avec ce roman, elle a fait une entrée fracassante dans la littérature italienne. Soixante-dix ans plus tard, dans notre monde d’immédiateté, il vaut la peine de s’arrêter et de goûter au lent plaisir d’une grande œuvre.

Commenter  J’apprécie          210
La Storia

A l'heure où j'écris cette chronique, je suis encore au début du livre. Mais je ressens le besoin d'en discuter. J'ai lu les quelques grandes lignes de ce long récit d'Elsa Morante qui m'apparaît comme l'un des plus poignants et choquants qu'elle n'ait jamais écrit de sa vie.

Moi-même j'ai été choquée par ces premières lignes sur la vie d'Ida, l'héroine en quête d'identité du fait qu'elle est à moitié juive, de par sa mère. L'histoire se déroule peu avant le début de la seconde guerre mondiale en Italie et au moment de la promulgation des lois raciales, si tendances à l'époque. Pourquoi est-ce que j'en parle alors que je ne l'ai même pas fini? Parce que l'histoire en elle-même décrit des états-d'âmes, des émotions, tout un parcours et sa continuité dans une société qui, c'est le cas de le dire, part radicalement en live. Ce qui m'a sautée aux yeux dès le début de cette oeuvre, c'est le fait que le personnage principal tente de s'accrocher à ses propres volontés alors qu'elle même se sent déchirée en deux dès le début de sa vie.

Je continuerai bien-sûr la lecture de ce récit et lorsque je l'aurai fini, je reviendrai certainement sur ma chronique. Ayant étudié la littérature italienne, j'ai l'intention de centrer cet ouvrage sur la possibilité d'une thèse universitaire avec une autre oeuvre dont j'ai déjà rédigé une critique (la vie silencieuse de Marianna Ucria).

N'hésitez pas à lâcher quelques commentaires sur cette oeuvre si certains l'ont lu ou ont envie de le lire!
Commenter  J’apprécie          201
La Storia

Un classique. Drame historique déchirant publié en 1974 et porté à l’écran en 1986 avec la sublime Claudia Cardinale. Une grande fresque populaire racontant la vie des plus humbles habitants de Rome à l’époque de la Seconde Guerre mondiale.



L’histoire se déroule à Rome de 1941 à 1947 et conte l’histoire d’Ida Mancuso, institutrice, veuve, à moitié juive, et de ses deux fils Antonio dit Nino et Giuseppe « Useppe » né d’un viol par un jeune soldat allemand, les animaux présents dans l’histoire sont également personnages à part entière.



L’innocence et la tragédie, l’horreur et tourments de la guerre sont la toile de fond du roman.

L’autrice s’attache à nous rapprocher de tous les personnages, humains, animaux domestiques, en racontant leur quotidien, les difficultés, et les horreurs vécues. Une véritable empathie se crée.

Ne souhaitant pas en dévoiler plus, je n’écrirai que ces quelques entrées :

Maternité - Pudeur des sentiments - Seconde Guerre mondiale - Fascisme - Lois raciales anti-juives – Ghetto juif de Rome - Shoah - Résistance – Libération.



J’ai « écouté » ce livre (une première pour moi !) lu par Jacques Gamblin et réalisé par Juliette Heymann, disponible en plusieurs épisodes en podcast sur Radio France – France Culture.

Notons qu’Elsa Morante (1912-1985) est née à Rome dans le quartier populaire du Testaccio, décor du roman. Sa mère était institutrice de confession juive, son père employé des postes ne l’avait pas reconnue. Elle le sera par Augusto Morante dont elle portera le nom.

La Storia publiée en 1974 devint le best-seller adapté par la suite à la télévision et au cinéma que l’on connaît.

Commenter  J’apprécie          199
La Storia

La Storia entrelace avec un grand art la trame de l'Histoire collective - cet "interminable assassinat" - et les fils des histoires individuelles, de 1941 à 1947. Les personnages sont très beaux, en particulier Useppe, du genre à rester en nous après la lecture, comme une petite lueur qui dorénavant nous accompagnera dans l'existence.

Useppe m'a d'abord fascinée par sa capacité d'émerveillement, son regard de poète transfigurant la pauvre réalité en une vision enthousiasmante:

"On eût dit, à la vérité, à entendre ses rires et à observer la continuelle illumination de son petit visage, qu'il ne voyait pas les choses réduites à leurs aspects usuels, mais comme des images multiples d'autres choses variant à l'infini. Sinon on ne s'expliquait pas comment il se pouvait que le misérable et monotone spectacle que lui proposait tous les jours la maison pût être pour lui un divertissement aussi varié et aussi inépuisable."

Mais la merveilleuse confiance d'Useppe, pour qui "il n'existait pas d'inconnus, mais seulement des gens de sa famille, de retour après une absence et qu'il reconnaissait à première vue", va être dévastée par les horreurs de la 2nde guerre mondiale et laisser place à une profonde angoisse et à une "solitude inquiète et éperdue":

"On eût dit que quelqu'un, pour le punir, avait interposé entre lui et les autres une cloison semi-opaque, derrière laquelle il prétendait, comme ultime défense, rester caché."

Tandis que La Grande Broyeuse qu'est L'Histoire déchiquète la vie des personnages de la Storia, les oiseaux, dont Useppe comprend parfois le langage, chantent

"C'est un jeu

un jeu

rien qu'un jeu"



(La comparaison avec le Hugo des Misérables de la 4ème de couv risque de susciter de la déception: Elsa Morante n'utilise pas les procédés romanesques qui font des Misérables un grand roman populaire, l'écriture est beaucoup plus distanciée.)



Challenge pavés

Commenter  J’apprécie          190
La Storia

C'est de la grande littérature, avec une histoire et des personnages qui vous emportent.



L'histoire se passe principalement pendant la deuxième guerre mondiale. Chaque chapitre représente une année de la guerre (hormis le premier et le dernier qui s'étalent sur plusieurs années.). Les chapitres débutent par un résumé des faits historiques. C'est un véritable coup de génie de l'auteur car le lecteur a vraiment l'impression qu'elle a extrait ses personnages de la masse des millions de gens qui ont tant souffert. Et le contraste entre les faits décrits froidement par les historiens et le vécu des petites gens est violent.



Ida, l'héroïne principale est une jeune veuve, craintive. Elle est la fragilité incarnée et vit dans la peur. Depuis qu'elle est enfant on lui a toujours dit qu'elle devait cacher sa judaïcité et qu'un jour quelque chose de terrible arriverait pour les juifs. Ce temps est venu!



Ida a perdu son mari et élève seule leur fils Nino. C'est un ado rebelle qui s'oppose souvent à sa mère. Il a abandonné l'école et commet des petits larcins.



Un jour alors qu'elle revient de son travail, elle est institutrice; elle se fait violer par un soldat allemand ivre. De ce crime naît un enfant Useppe.



Ce petit bout de femme va tout faire pour sauver sa famille dans l'Italie en guerre. C'est un roman fleuve ou chaque personnage est porteur de violence, de bravoure, de joies, de peines. C'est foisonnant, incroyablement riche. Il y a tout dans la Storia, l'horreur de la guerre, la déportation des juifs, les traitements inhumains, les scènes de la vie quotidienne pour survivre. Mais c'est avant tout un immense roman d'amour. L'amour inconditionnel d'une mère pour son petit garçon, l'amour d'un grand frère pour son petit frère sans oublier la chienne Bella!



J'ai adoré!!!!! Ça devrait être une lecture obligatoire.



La lecture de cette Storia m'a provoqué un vrai choc émotionnel. Il y a des passages atroces, intenses que je ne risque pas d'oublier. L'un des romans les plus marquants sur cette période.




Lien : http://secretelouise.eklablo..
Commenter  J’apprécie          191
Donna Amalia et autres nouvelles

Trois nouvelles classique qui à mon goût ont légèrement vieilli.

Lues sans déplaisir mais sans passion non plus.

La première, une histoire de femme-enfant capricieuse.

La seconde, une histoire de mère abusive.

La troisième, l'histoire de trois enfants.
Commenter  J’apprécie          180
Aracoeli

Voilà le dernier roman d'Elsa Morante.

Un monument, où se retrouvent toutes les obsessions de l'auteur, mais dans des teintes plus sombres.

Manuele, passé la quarantaine, décide d'aller visiter le lieu de naissance de sa mère, Aracoeli. Elle est d'origine espagnole, de la région d'Almeria.

Manuele mène une vie sans joie et sans amour. Il se trouve laid et ne trouve aucune relation amoureuse satisfaisante. Son homosexualité est manifestement mal assumée. Son voyage à Almeria est surtout l'occasion de se rappeler les expériences de son enfance, depuis le quartier populaire de Monte Sacro (Totétaco dans la bouche du jeune enfant), jusqu'aux "Hauts quartiers" nouvellement construits dans les années 1930 et enfin chez ses grands parents à Turin et dans le Piémont, pendant la guerre.

Aracoeli est un grand livre sur la mémoire. En rappelant à lui ses souvenirs, Manuele prend conscience de sa sélectivité et de sa latence insoupçonnée. Comment un adulte peut-il se souvenir des fantasmagories de l'enfance? Le monde était enchanté alors, et il l'est resté pour une part. Mais fantasmagorie ne veut pas dire irréalité. Elle est un regard individuel posé sur le monde. Un regard à la forme singulière, aussi parce que Manuele est très myope. Selon qu'il met ou enlève ses lunettes le monde prend un autre visage. Si, chez Elsa Morante, le monde est enchanté, il n'est pas enchanteur. Manuele est un gamin esseulé. Sa seule relation vraiment humaine, il l'a avec sa mère. D'où le travail de mémoire. Le reste du monde, et parfois Aracoeli aussi, est dur, hostile, humiliant.

C'est donc sur une vision sombre de la vie qu'Elsa Morante clôt le cycle de ses grands romans. Mais Aracoeli est aussi un livre flamboyant, à l'écriture somptueuse, qui sait nous faire voir la richesse des points de vue sur ce monde hostile et inquiétant dans lequel nous vivons.
Commenter  J’apprécie          180




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Elsa Morante (1291)Voir plus

Quiz Voir plus

Avion et compagnie....

Antoine de Saint-Exupéry

Voltaire
Vol en enfer
Vol de nuit
Vol en séries

7 questions
34 lecteurs ont répondu
Thèmes : aikido , zoneCréer un quiz sur cet auteur

{* *}