Citations de Gérard de Nerval (508)
A la bonne heure, oui, c'est la guerre. On tue à trois cents pas dans les ténèbres un homme qui ne vous connaît pas et ne vous voit pas ; on égorge en face et avec la fureur dans le regard des gens contre lesquels on n'a pas de haine, et c'est avec cette réflexion qu'on s'en console et qu'on s'en glorifie ! Et cela se fait honorablement entre des peuples chrétiens !...
Notre-Dame est bien vieille ; on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu'elle a vu naître.
Mais, dans quelque mille ans, le temps fera broncher
Comme un loup fait un boeuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d'une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher.
...
Dieu est mort ! le ciel est vide...
Pleurez ! enfants, vous n'avez plus de père !
JEAN-PAUL
Il devenait clair pour moi que les aïeux prenaient la forme de certains animaux pour nous visiter sur la terre, et qu'ils assistaient ainsi, muets observateurs, aux phases de notre existence (p.30).
Schiller, "Le gant".
(Lors d'un combat de fauves dans l'arène) : Tout à coup un gant tombe du haut des galeries, lancé par une belle main, entre le lion et le tigre, et la jeune Cunégonde, se tournant d'un air railleur vers le chevalier de Lorge : " Sire chevalier, prouvez-moi donc ce profond amour que vous me jurez à toute heure en allant relever ce gant."
Et le chevalier se précipite dans la formidable arène, et d'une main hardie va ramasser le gant au milieu des combattants.
Tous les yeux se promènent de la dame au chevalier avec étonnement, avec effroi... Celui-ci revient paisiblement vers Cunégonde, et de toutes les bouches sort un murmure d'admiration. la dame le reçoit avec un doux sourire, présage d'un bonheur assuré. Mais le chevalier, lui jetant le gant avec dédain, : "Point de remerciements, madame !" Et il la quitte toute confuse d'une telle leçon.
p. 106
VIII - MUSIQUE
6 - CHANT DES FEMMES EN ILLYRIE
Pays enchanté,
C’est la beauté
Qui doit te soumettre à ses chaînes.
Là-haut sur ces monts
Nous triomphons :
L’infidèle est maître des plaines.
Chez nous,
Son amour jaloux
Trouverait des inhumaines...
Mais, pour nous conquérir,
Que fut-il nous offrir ?
Un regard, un mot tendre, un soupir !...
Ô soleil riant
De l’Orient !
Tu fais supporter l’esclavage ;
Et tes feux vainqueurs
Domptent les cœurs,
Mais l’amour peut bien davantage.
Ses accents
Sont tout-puissants
Pour enflammer le courage...
À qui sait tout oser
Qui pourrait refuser
Une fleur, un sourire, un baiser ?
Aussi bien, c'est une impression douloureuse, à mesure qu'on va plus loin, de perdre, ville à ville et pays à pays, tout ce bel univers qu'on s'est créé jeune, par les lectures, par les tableaux et par les rêves.
p.63
Dans l'affection que j'ai pour vous, il y a trop de passé pour qu'il n'y ait pas beaucoup d'avenir.
Je me représentais un château du temps de Henri IV, avec ses toits pointus couverts d'ardoise et sa face rougeâtre aux encoignures dentelées de pierres jaunies, une grande place verte encadrée d'ormes et de tilleuls, dont le soleil couchant perçait le feuillage de ses traits enflammés. Des jeunes filles dansaient en rond sur la pelouse en chantant de vieux airs transmis par leurs mères, et d'un français si naturellement pur que l'on se sentait bien exister dans ce vieux pays de Valois où, pendant plus de mille ans, a battu le coeur de la France.
L'ignorance ne s'apprend pas.
O seigneur Du Bartas ! Je suis de ton lignage,
Moi qui soude mon vers à ton vers d'autrefois
(Et je me suis précipité pour lire Du Bartas, mais la parenté ne m'a pas paru évidente)
L’état cataleptique où je m’étais trouvé pendant plusieurs jours me fut expliqué scientifiquement, et les récits de ceux qui m’avaient vu ainsi me causaient une sorte d’irritation quand je voyais qu’on attribuait à l’aberration d’esprit les mouvements ou les paroles coïncidant avec les diverses phases de ce qui constituait pour moi une série d’événements logiques. J’aimais davantage ceux de mes amis qui, par une patiente complaisance ou par suite d’idées analogues aux miennes, me faisaient faire de longs récits des choses que j’avais vues en esprit. L’un d’eux me dit en pleurant : « N’est-ce pas que c’est vrai qu’il y a un Dieu ? — Oui ! » lui dis-je avec enthousiasme.
Reconnais-tu le TEMPLE au péristyle immense,
Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l'antique semence ? ..
un être d'une grandeur démesurée voltigeait péniblement au dessus de l'espace et semblait se débattre parmi les nuages épais. Manquant d'haleine et de force, il tomba enfin aumilieu de la cour obscure, accrochant et froissant ses ailes le long des toits et balustres. Je pus le contempler un instant. Il était coloré de teintes vermeilles, et ses ailes braillaient de mille reflets changeants . Vêtu d'une robe longue a plis antiques, il ressemblait a l'ange de la Mélancolie , d'Albrecht Dürer.
Je ne pus m'empêcher de pousser des cris d'effroi, qui me réveillèrent en sursaut.
Des essaims de pensées nouvelles, inouïes, inconcevables, traversaient son âme en tourbillons de feu; ses yeux étincelaient comme éclairés intérieurement par le reflet d'un monde inconnu ...
Quoique ses vêtements fussent misérables, le nouveau venu ne portait pas sur la figure l'humilité inquiète de la misère.
J'ignore si tu prendras grand intérêt aux pérégrinations d'un touriste parti de Paris en plein novembre. C'est une assez triste litanie de mésaventures, c'est une bien pauvre description à faire, un tableau sans horizon, sans paysage, où il devient impossible d'utiliser les trois ou quatre vues de Suisse ou d'Italie qu'on a faites avant de partir, les rêveries, mélancoliques sur la mer, la vague poésie des lacs, les études alpestres, et toute cette flore poétique des climats aimés du soleil qui donnent à la bourgeoisie de Paris tant de regrets amers de ne pouvoir aller plus loin que Montreuil ou Montmorency.
En pénétrant dans les rues sombres que forment les hautes maisons de Beyrouth, bâties toutes comme de forteresses, et que relient çà et là des passages voûtés, je retrouvai le mouvement, suspendu pendant les heures de la sieste.
IL est impossible pour un Parisien, de résister au désir de feuilleter de vieux ouvrages étalés par un bouquiniste.
Dans Angélique
Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres !