Qu'est-ce qui pousse Jane Fairchild, alors qu'elle est âgée de 90 ans et devenue une auteure à succès, de revenir sur ce dimanche 30 mars 1924, alors que pauvre orpheline de 19 ans, elle était placée comme domestique chez les Niven à Beechwood ?
Les Niven sont amis des Sheringam et des Hobday dont les enfants Paul et Emma vont se marier. Ces familles ont en commun, leur position sociale, ils sont les derniers propriétaires de chevaux et de terres, et aussi les derniers à pouvoir se payer des domestiques. La guerre a été un traumatisme pour eux, ils y ont perdu des enfants, quatre, et ne se reconnaissent plus dans la société qu'elle a engendrée.
Graham Swif dépeint avec pudeur et affection, un monde qui disparait. Jane, la narratrice raconte sa relation avec Paul Sheringam qui la voit comme le moyen de satisfaire ses pulsions sexuelles avant le mariage avec Emma dont il ne peut exiger ce qu'il trouve avec Jane.
Autres temps autres moeurs serait-on tenté d'écrire, tant Jane voit cette relation, même si parfois Paul lui glisse une pièce de 6 pence pour la "dédommager", comme une libération, ou plutôt un moyen d'accéder à autre chose que son statut de domestique.
De la même façon Jane établira une relation particulière avec Mr Niven, obtenant de lui qu'il lui donne accès à la bibliothèque pour lire "ces livres de garçons" dont il pense qu'ils ne sont pas faits pour elle...Mais, autre temps etc...
Au travers de ces deux hommes, un amant et le père qu'elle n'a pas eu, Jane parvient à s'extraire de sa classe sociale et à fréquenter des intellectuels, notamment lorsqu'elle quitte Beechwodd pour un poste de vendeuse dans une librairie d'Oxford. Elle dit alors, qu'elle a fait Oxford...
Amoureuse des livres, elle en vient naturellement à en écrire.
Beau parcours que décrit Swift dans une Angleterre sidérée qui voit les femmes se défaire des carcans qu'on leur a imposés jusqu'au début du 20ème siècle et que la guerre a fait voler en éclats.
"Franchir une barrière impossible, n'était-ce pas ce qu'elle devait faire pour devenir écrivaine ? Elle aussi aurait à dépasser cet obstacle, aurait à trouver un langage, (...) trouver le langage, c'était, comme elle finirait par le comprendre, l'essentiel de l'écriture."
Et l'essentiel de la vie serait tenté de répondre le lecteur.
Livre court et intense, à forte décharge émotionnelle. A lire !
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