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Robert Davreu (Traducteur)
EAN : 9782070418091
467 pages
Gallimard (31/10/2001)
4.26/5   23 notes
Résumé :

Ici tout est mystère, à l'image du décor. Une contrée proche de la mer, à l'est de l'Angleterre, un lieu magique et mélancolique où terre et eau se rencontrent en un affrontement parfois paisible, parfois impétueux. Semblable à ces ondes circulaires, qui se dessinent et s'enchevêtrent à la surface de l'eau, le récit se déroule à plusieurs niveaux, à plusieurs époques. Dans ces lieux insolites, un homme, professeur d'histoire, va remettre en cause sa vie ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Encore une lecture ancienne que j'avais résumée à l'époque en 5 mots clés :

* EAU : comme motif incessant, envahissant, celle qu'on ne réussit pas à dominer, à soumettre, le marécage permanent (cf. l'exergue tiré de « Les Grandes Espérances » de Charles Dickens : « Car nôtre était le pays des marais... »)
* SEXUALITÉ : affaire de curiosité, vilain défaut, on ne peut pas non plus la dominer définitivement. Elle se réveille tardivement, sublimée en religion et enlèvement d'enfant.
* ALCOOL : au début la bière rend prospère. Au moment du déclin, elle rend fou les Atkinson et alii.
* DÉCLIN : c'est aussi celui de la Grande-Bretagne thatchérienne, avec une résistance qui passe par l'Histoire.
* HISTOIRE : celle qui rassemble les pièces du puzzle patiemment, qui archive, qui déduit. l'Histoire de l'historien.
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Les théories de l'influence du « milieu » ont été longtemps cantonnées à un rôle secondaire et accessoire dans l'analyse de l'évolution des sociétés humaines. Écartées souvent au profit d'un « évolutionnisme » et d'un «culturalisme » considérés par nombreux spécialistes comme les seuls référentiels théoriques sérieux, celles-ci semblent depuis peu regagner des lettres de noblesse dans le débat scientifique actuel (voir, à titre d'exemple, le succès récent du concept de « thalassographie » de David Cosandey, ou les développements de J. Diamond sur les effets des contraintes environnementales sur l'évolution des civilisations).
LE PAYS DE L'EAU est un roman qui illustre magistralement cette symbiose profonde supposée exister entre la topographie d'un territoire et l'histoire des individus qui l'habitent. L'environnement essentiellement aquatique de la région des Fens (ou « Fenland ») dans l'est de l'Angleterre, occupe ici un rôle prépondérant, central, à la fois dans le déroulement de l'intrigue et dans la psychologie de ses personnages, confrontés sans cesse à une nature capricieuse et indomptable.
Le flegme de ses habitants et les courants qui la traversent y sont parfaitement indissociables, forgés à partir d'une même humeur aqueuse et indifférente. La monotonie du paysage plonge certains dans de «stériles méditations» ou les portent naturellement vers la mélancolie et la folie. Les caprices de l'eau et du vent d'Est ne cessent de remodeler un paysage toujours provisoire, à l'instar des époques et des civilisations, apportant joie ou détresse aux habitants de cette contrée étrange, abondance ou famine, faisant cycliquement disparaître hommes et biens.
Plantée en ce « pays de l'eau », l'intrigue du roman paraît emprunter elle-même un cours sinueux, mystérieux, dont les contours resteront tout au long du livre changeants, provisoires, avant de disparaître enfin dans les eaux du grand Océan... La temporalité dans le récit des événements, soumise également aux lois ancestrales régissant la topographie de ces étendues marécageuses, n'est pas linéaire non plus, la chronologie des faits étant livrée par vagues successives, se rejoignant parfois en grands cercles qui se superposent, puis s'éloignent à nouveau, dans un va-et-vient constant entre le présent et le passé. A l'image même de ces innombrables parcours d'eau des Fens qui, sous l'emprise des crues ou de l'assèchement de leurs lits, envasés ou bien drainés par la volonté incessante de l'homme, les époques se rapprochent et se confondent, semblent révolues puis resurgissent, en cycles qui ne sont pas sans évoquer l'éternel retour du même, ce piège dans lequel l'Histoire-avec-un-grand « h » semble souvent ne pas pouvoir éviter de tomber..
Venons-en néanmoins aux faits, tout simplement :
Tom Crick, professeur d'Histoire à l'approche de la retraite, est obligé d'interrompre sa carrière d'enseignant en raison d'événements personnels et professionnels qui l'ont profondément remis en cause. Tom est un enfant du pays de l'eau. Son enfance, il l'a passée dans une maison d'éclusier, au milieu des Fens. A l'occasion des événements récents qui sont venus bousculer plus de trente ans de vie de couple et de carrière professionnelle en apparence «sans histoire», et qui ont fait chavirer une réalité jusque-là semblable à un « vaisseau vide » - (« La réalité est non-événementielle, elle est vacance, elle est platitude. La réalité c'est que rien n'arrive »), en réponse aussi aux provocations insistantes d'un élève - incarnant ici l'esprit de rébellion et de désespérance des adolescents à l'aube des années tachtériennes : "L Histoire n'est qu'un conte de fées et il est probable qu'elle va bientôt finir », lance-t-il éhonté à son professseur -, Tom décide subitement de revenir sur ses propres origines, sur son histoire à lui et, surtout, envisage de la raconter à ses élèves récalcitrants. Tom leur narrera son histoire et l'histoire de ses ancêtres telle qu'elles se sont déroulées, en un enchaînement d'actions et de réactions imprévisibles, dans leurs «ici-et-maintenant» d'alors, parfois aux conséquences dramatiques, et ceux-ci deviendront progressivement un récit historique, construit de manière suffisamment délibérée et cohérente pour être « enseigné » par leur professeur d'Histoire...Pour les derniers cours de son magistère finissant, de façon complètement iconoclaste et irrévérente, l'enseignement de l'Histoire-avec-un-grand «h» s'arrêtera ainsi pour tous - les manuels seront fermés : «adieu Révolution Française !» . En composant devant eux, en toute liberté, la narration de sa propre histoire, Tom cherche peut-être à en extraire son sens profond, pour lui-même, mais aussi, en même temps, pour essayer de redonner à ses élèves du sens à L Histoire, à eux qui recevront «le monde en héritage», ou , tout simplement, pour nous rappeler qu'on doit malgré tout, malgré la fragilité des civilisations et de leur avenir, « continuer à récupérer, sans discontinuer, sans jamais en finir, ce qui est perdu ».
Remarquablement maîtrisé et érudit, d'une maturité stylistique qui paraît tout de même surprenante lorsqu'on sait qu'il s'agit d'un des premiers romans de l'auteur (et qui plus est, au moment de sa rédaction, n'est âgé que d'une trentaine d'années !), LE PAYS DE L'EAU, par ailleurs superbement traduit par Robert Davreu, est un récit prodigieux et littérairement époustouflant d'intelligence et d'inventivité ! Chapeau bas, Monsieur Swift !
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S'il est des livres qui marquent longtemps, celui-ci en est un incontestablement. Avec le pays des eaux, le romancier britannique Graham Swift a réussi un coup de maître à plusieurs titres.

D'abord la langue. Elle témoigne d'une richesse rare qui puise aussi bien dans le jargon technique que dans le domaine argotique ou familier et pousse des pointes jusque dans le glossaire littéraire ou dans le langage rare, voire précieux. Cette langue est celle d'un styliste qui soigne ses effets et montre sa maîtrise par un rythme particulier. Les phrases très courtes, voire nominales ou inachevées (les points de suspension abondent) voisinent avec des périodes qui s'étendent sur plus de vingt lignes, souvent coupées de parenthèses elles-mêmes lardées d'incises qui suscitent un effet de maelstrom digne des pages proustiennes. le tout est martelé par un rythme que ponctuent les anaphores (« Attendu que… »), les apostrophes (« Mes enfants… ») qui prennent une valeur incantatoire et créent un effet d'envoûtement.

Ensuite la diversité des points de vue. le récit est certes pris en charge par un je omniprésent, mais laisse aussi la place à d'autres formes de narration, telles les minutes d'un procès qui rapporte le jeu de questions et réponses des parties concernées. Parfois, insensiblement, le texte passe d'un dialogue à un récit, s'enrichit des pensées du narrateur ou reproduit la conscience de l'auditeur dont il livre les pensées qui sont censées être les siennes, le tout s'opérant en un glissement progressif et vertigineux.

Puis la structure narrative. Nous sommes en 1980 et pourtant de nombreuses pages procèdent par ruptures chronologiques. Nous apprenons l'histoire d'une région située à l'est de l'Angleterre en remontant les siècles puis les redescendant, les coupant par les références aux deux guerres mondiales, à la Révolution française et à l'établissement de l'Empire par Napoléon 1er. Cet arrière-fond historique souligne l'importance des faits narrés et inscrits dans une réalité qui leur donne un air de vraisemblance. Mais il ne rechigne pas pour autant aux rumeurs, racontars et ragots du peuple qui introduisent par moments une touche d'humour anglais.

Rien de tout cela n'est jamais gratuit. Tout revient à un moment ou à un autre, mais à la lumière d'un éclairage nouveau ou doté d'un sens qui enrichit ce que nous croyions savoir. C'est le cas de ces phrases et tournures qui réapparaissent à plusieurs chapitres d'intervalle, comme un jeu d'échos sonores qui va s'amplifiant. Et nous oblige à reconsidérer notre point de vue. Ainsi, contrairement à l'élève Price, contestataire et perturbateur des cours d'histoire du narrateur-professeur qui ne voit pas l'utilité de cette discipline, le roman débouche sur une réflexion du rôle de l'histoire dans le champ éducatif. C'est le cas de certains chapitres tels de la question pourquoi ou L'explication de l'explication qui deviennent un éloge de la curiosité, suscitée au demeurant par des méthodes pédagogiques inattendues et fort peu appréciées du directeur d'école.

Bref, un abîme de plaisirs et de voluptés qui font de ce roman un chef-d'oeuvre, un diamant de la plus belle eau.
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Magnifique roman avec un style narratif complexe mais somptueux ou l'auteur joue avec le lecteur jusqu'à parfois presque le perdre pour mieux le récupérer et le ramener au fil de son histoire de fond.
Mêlant "Grande Histoire" à son récit l'auteur nous entraîne dans la tourbe, la vase des Fens Anglais ou ses personnages sont englués dans les tourbières et luttent difficilement contre une nature qui ne cherche qu'à reprendre ses droits.
Nature extrême, personnages extrêmes s'affrontent dans un roman extrême ,puissant et terrible.
Et que dire de la fin.....
Un tour de force littéraire
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Le pays des eaux nous emmène dans les Fens, une région humide de l'est de l'Angleterre. Un enseignant d'histoire, contesté par sa hiérarchie, profite de ses cours pour brosser de façon peu conventionnelle l'histoire de sa famille et de la région. Au delà de l'anecdote personnelle, des meurtres, des revers de fortune, des amours incestueuses, ou de l'histoire mouvementée de la reproduction des anguilles (sic), l'auteur aborde la question de la narration, il s'interroge sur le sens du passé pour nos vies, sur la valeur de l'enseignement de l'histoire. L'écriture de Graham Swift, très soignée, concours à créer l'atmosphère si particulière de ce roman, nimbée des brumes anglaises. Un roman-phare dans l'oeuvre de ce grand auteur britannique.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Et pourtant l'Ici-et-Maintenant, qui apporte tout à la fois joie et terreur, n'advient que rarement - ne vient même pas lorsque nous l'appelons. Ainsi vont les choses : la vie inclut quantité d'espace vide. Nous sommes faits pour un dixième de tissu vivant, pour neuf dixièmes d'eau; la vie est faite pour un dixième d'Ici-et-Maintenant, pour neuf dixièmes elle est une leçon d'histoire. Car la plupart du temps, l'Ici-et-Maintenant n'est ni maintenant ni ici.
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"Et n'oublie pas", avait coutume de dire mon père, comme si, à tout moment, il s'attendait à me voir me lever et partir chercher fortune dans le vaste monde : " Quoi que tu apprennes sur les gens, si mauvais qu'ils se révèlent, chacun d'eux a un coeur, et chacun d'eux a été une fois un petit bébé suçant le lait de sa mère..."
"And don't forget," my father would say, as if he expected me at any moment to up and leave to seek my fortune in the wide world, "whatever you learn about people, however bad they turn out, each one of them has a heart, and each one of them was once a tiny baby sucking his mother's milk..."
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Savez-vous ce que sont les étoiles ? Elles sont la poussière d'argent de la bénédiction divine. Elles sont les petits éclats brisés du paradis. Dieu les a jetés pour qu'ils tombent jusqu'à nous. Mais lorsqu'il a vu combien nous étions mauvais, il a changé d'avis et il a ordonné aux étoiles de s'arrêter.
Voilà pourquoi elles restent suspendues dans le ciel mais donnent à tout moment l'impression qu'elles pourraient tomber.
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Videos de Graham Swift (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Graham Swift
Bande annonce VO du film "Mothering sunday" adaptation du roman de Graham Swift, paru en francais sous le titre "Le dimanche des meres"
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