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Critiques de Henry de Montherlant (208)
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Brocéliande

"Brocéliande", sous des dehors de comédie, est une tragédie de l'amour-propre. C'est une très courte pièce, jouée pour la première fois, en 1956, au "Théâtre Français".

Mr Bonnet de la Bonnetière, bibliothécaire de l'Institut National de Numismatique, ayant diné quelques mois plus tôt en compagnie de Mr Persilès, vient, aujourd'hui, dans son salon, lui parler de généalogie et lui annoncer, qu'en toute simplicité, il descend de Saint-Louis.

Mais parce que sa femme lui annonce qu'il n'a pas une tête à descendre de Saint-Louis, cet homme neurasthénique, qui pense au suicide depuis bien des années, va se piquer au jeu.

Cependant, Mr de la Bonnetière est aussi un descendant de l'illustre monarque, comme 5000 de ses lointains cousins éparpillés sur le royaume de France.

Et cela, Persilès ne le supportera pas...

Montherlant disait de cette pièce, qui ne fut pas un succès, qu'elle était une pièce triste dans une enveloppe de demi-gaieté et qu'elle était une oeuvre nécessaire aux yeux de son auteur en tant qu'auteur.

L'écriture en est fine et brillante, le ton souriant mais aussi sarcastique et parfois cruel. le propos de l'auteur, sous des dehors légers, n'en est pas moins implacable et toujours lucide.

C'est un petit bijou, assez inattendu, que nous offre là Henry de Montherlant.
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Carnets (1930-1944)

Divorce complet avec Montherlant ...

Je ne peux plus le lire. Est-ce sa faute ? est-ce la mienne ?

Puisque j'ai aimé, à une certaine époque, ses livres, plus particulièrement "Les Jeunes Filles", je dois en conclure que mes goûts ne sont plus les mêmes. Que je recherche un autre langage, d'autres idées.
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Celles qu'on prend dans ses bras

C'est toujours un grand plaisir de retrouver la langue d'Henry de Monterlant. Un petit côté précieux, un petit côté guindé, un petit côté châtié, un petit côté désuet (ça commence à faire beaucoup de petits côtés, je vous le concède) mais assurément un petit côté agréable pour les amoureux de la langue dont je fais partie.



Et puisque la désuétude semble le lot lorsqu'on souhaite parler de cette pièce, je m'en vais vous rechercher une référence absolument désuète. Si vous avez le bon âge, c'est-à-dire plutôt la génération de mes parents, vous avez encore forcément dans la tête quelques airs du fort désuet Joe Dassin. Et parmi ses titres désuets, l'un d'eux l'est plus que tout autre et me semble particulièrement adéquat pour parler de la pièce :



♫ Il y a des filles dont on rêve

Et celles avec qui l´on dort

Il y a des filles qu´on regrette

Et celles qui laissent des remords

Il y a des filles que l´on aime

Et celles qu´on aurait pu aimer

Puis un jour il y a la femme

Qu´on attendait... ♪



Ravier est un antiquaire parisien très en vue et formidablement réputé. Il a ses entrées dans tous les musées et surtout, dans tous les ministères. On peut dire sans peur qu'il est plein aux as. À l'approche de la soixantaine, sa jolie figure commence à ressentir les effets de ses longues années de vie dissolue auprès des femmes, que par dizaines il a fait asseoir dans ses bergères Louis XV avant de leur faire essayer le moelleux d'autres meubles de style.



Et donc, après avoir joui de tout et à tous les prix, commençant à reconnaître la vanité de l'existence, le voilà, surpris, ému, par une jeunesse de dix-huit ans. Une petite provinciale fraîchement débarquée de sa Lorraine, qui n'accepte ni ses cadeaux ni ses flatteries, qui se fiche de la longueur de son bras comme de l'épaisseur de son porte-feuilles. Bref, une œuvre d'art qui n'a pas de prix.



Ravier se désespère de ce dédain et lui, le jouisseur par excellence, sent monter en lui un sentiment manifestement plus noble pour cette créature. Il n'a même pas envie de la toucher, il ne veut pas la souiller de son désir, il voudrait simplement qu'il comptât pour elle. Et même ce peu semble loin d'être acquis.



Auprès de Ravier, depuis sept longues années gravite Mlle Andriot, une brave vieille femme d'un goût, d'une intelligence et d'une sûreté d'expertise rares, et dont les qualités s'avèrent précieuses pour l'antiquaire. Elle a, quant à elle, déjà atteint la barre symbolique des soixante ans.



Elle est raide dingue de Ravier et l'aime du plus pur amour qu'on puisse imaginer même si au fond d'elle-même, elle aimerait, vous vous imaginez, être appréciée du grand antiquaire pas seulement pour son goût raffiné en matière d'art. C'est pourtant à elle que Ravier confie ses peines de cœur, elle, peut-être la seule à pouvoir pleinement le comprendre dans toute sa déchirure...



Je vous laisse découvrir cet échange à trois, assez psychologique, parfois même presque philosophique, ayant pour centre l'amour et le prix qu'on y fixe. Du beau texte, peut-être pas extraordinairement scénique, mais très agréable à lire. Mais ce n'est bien sûr qu'un avis duquel un maître expertiseur pourrait probablement vous dire qu'il ne vaut pas grand-chose...
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Celles qu'on prend dans ses bras

Petit bouquin délicieux, qui se lit les yeux fermés ou presque à cause de sa simplicité, son accessibilité et son sujet intemporel; l'amour.

Comme toujours l'ami Montherlant est sur de ce qu'il écrit, on sent l'expérience et toujours une phrase assassine au détour des pages(pour laquelle on rigole ou l'on se fâche, mais on ne reste jamais insensible).

Il est préférable d'avoir lu "Les jeunes filles" mais ce n'est pas une obligation, cela peut aussi servir d'amuse-rétine avant "Les jeunes filles".

C'est une pièce de théâtre, comme quoi l'ancien n'est pas un amateur du genre littéraire.

Le style est un régal c'est un Oscar Wilde Parisien( je n'y avais jamais pensé cela m'est venu en l'écrivant et je trouve la comparaison assez juste, non?).

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Correspondance : Henry de Montherlant / Rog..

En pleine Occupation - et un peu autour -, chasse aux garçons dans les pissotières de Paris par deux grands maîtres de la littérature. Un chef d'oeuvre d'humour quand on apprécie le genre.

Montherlant à un de ses amis emprisonné pour péderastie : "Ne vous raidissez pas dans un effort inutile"...
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Demain il fera jour

Sans nul doute, les lendemains s'avèrent résolument équivoques tant il est vrai qu'ils peuvent inverser radicalement le présent témoin le jeune homme dont le sacrifice lui fera honneur.

Magnifique et dans une éthique épurée et très sobre l'auteur nous délivre là des témoignages d'une époque qui nous regardent encore présentement preuves que les destinées humaines se retrouvent toujours face aux mêmes, éternelles questions.

Ici même une tentative de réponse un essai de nous interroger sur un demain qui est déjà en place et se prépare dès aujourd'hui...

Les réponses sont en marche .inscrites dans un temps qui peut accélérer le cours du destin ou s'arrêter

Même repartir en arrière au fi des époques pour nous mettre en face

Et de lui et de nous de notre devenir
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Demain il fera jour

Ce drame en trois actes, écrit en 1948 comme une suite et jouée en 1949 en supplément aux trente dernières représentations de "Fils de personne" fut un échec sur l'analyse duquel Michel de Saint Pierre consacra la presque totalité de son ouvrage "Montherlant bourreau de soi-même".

C'est en 1946, au sortir d'un dîner que Montherlant nota dans un carnet : "j'ai la fin de "Fils de personne".

A la table se trouvaient quelques personnes qui avaient été inquiétés à la libération pour avoir collaboré. Lorsque le fils de maison prit congé en boitillant, le père, au passé douteux, présenta son fils en précisant qu'il avait été parachuté trois fois par les anglais.

L'auteur reprend dans cette pièce les trois personnages principaux de "Fils de personne" : Georges Carrion dont il ne reste rien de son amour pour son fils, Gilles Sandoval, le fils bâtard qui d'adolescent s'est transformé en jeune homme et qui par amour sacrifiera sa vie, enfin Marie Sandoval, transfigurée par son amour maternel, sa personnalité illumine la pièce.

A la fin de la postface ajoutée à l'édition de 1949, l'auteur demande à la critique et au public de lire et de juger cette œuvre avec sang-froid et avec honnêteté. La postérité s'en est chargé en n'infligeant à ce magnifique morceau de théâtre que quelques rares petites rides de vieillesse.



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Don juan

Cette œuvre m'a beaucoup perturbée, notamment par rapport au classique de Molière. Dès le début de la pièce de Montherlant, Don Juan est décrit comme un vieillard; j'en suis donc logiquement arrivée à croire que cette œuvre ne serait que la suite en quelque sorte de la pièce de Molière. Or, plus tard, Montherlant met en scène Don Juan exécutant le commandeur: ainsi cette pièce ne pouvait être la suite de celle de Molière où le Commandeur est dores et déjà mort.



La notion de réécriture est ici bien exploitée: reprise d'un thème majeur, l'amour de Don Juan pour les femmes, conduit sous un angle différent. Montherlant écrit cette pièce en 1956, le Don Juan représente n'est plus un chasseur de femme par orgueil ou rejet des codes moraux, comme on peut le trouver chez Molière, mais un Don Juan chassant les femmes pour se sentir vivre en quelque sorte, oublier sa vieillesse et les horreurs passées de sa vie. D'où une fin diamétralement opposée: le Don Juan de Montherlant n'est pas châtié, mais finit par trouver l'amour en la personne d'Anna. Car ce Don Juan n'a pas fauté, ou, du moins, son comportement n'est en rien lié à une "révolte morale" mais plutôt à un mal-être.
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Don juan

Le rideau se lève sur ce drame en trois actes. Don Juan apparaît. Il a 66 ans.

Il est de retour à Séville où ses caracoles lui ont créé mille ennemis et où il a à craindre la vindicte du comte de Ulloa, commandeur de l'ordre de Calatrava, dont il a séduit, l'an passé, la jeune fille de seize ans.

En compagnie d'Alcacer, un de ses nombreux fils bâtards, il hante une place de laquelle on aperçoit le départ d'un pont enjambant le Guadalquivir.

Il pourrait fuir. Il attend. Il espère un rendez-vous.

Don Juan aime les femmes, l'amour et la séduction qui le maintiennent en vie. Il est, aussi, décidé, sentant venir l'épilogue de ses péripéties, à jeter ses dernières lettres d'amour dans le fleuve...

Henry de Montherlant éclaire un personnage de légende pour, après l'avoir dépouillé de tout le romantisme dont il se pare, nous le décrire comme un être simple, changeant, parfois même superficiel et exalté.

On le dit révolté contre la société. Il dit aimer les lois humaines et tirer son bonnet à ce qui est approuvé par le plus grand nombre. Si sa profession n'avait pas été amant, il se serait fait magistrat.

Il craint la mort qui viendrait mettre fin à ses amours mais la risque pour un rendez-vous sans importance.

Cette magnifique pièce au ton parfois grave et tragique est émaillée de petites touches burlesques.

Don Juan et Alcacer ne parviennent pas toujours à éviter les pots de chambre vidés de toutes les fenêtres par des bras tendus aux cris de "El Agua !".

Et lorsque Don Juan décide de jeter ses dernières lettres d'amour dans le fleuve, un coup de vent malicieux les répand sur la place où tout à chacun peut s'en emparer.

Ce morceau de Théâtre, fait de la littérature la plus pure, éclaire sous un jour nouveau, plus humain, moins mythique ce grand personnage qui sous la plume puissante et élégante d'Henry de Montherlant retrouve son humanité.





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Encore un instant de bonheur

Voici un recueil de poemes de l'auteur: une curiosité à lire et déguster sans modération, l'auteur demontrant une bonne maitrise du style difficile du poeme, très éloigné de celui des romans qu'il écrit régulièrement: Une curiosité qui vaut le détour !
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Encore un instant de bonheur

Je m’adonnais à cette poésie comme aux caresses :

« Sa jambe pensive, pareille à une personne »,

ou

« J’adore son âme quand elle monte dans sa bouche et qu’elle l’entrouvre »…



Je tenais entre les mains un livre rare ( exemplaire numéroté ! ) avec les illustrations originales en couleur de Marianne Clouzot (édtitions Rombaldi, 1934). Les feuilles étaient "rongées" à l'ancienne... Tout ce raffinement me poussait à tourner les pages d'une façon sensuelle.

Mais je retiens un poème en particulier : "Il fait beau". En plus de sa pureté formelle je le trouve si vrai ! Tristesse de l'été, cette phrase est répétée plusieurs fois. Il m’est arrivé aussi de détester l'été, solitude de l'été, solitude éprouvée en compagnie de quelqu'un, souffrance du silence. « Hideuses journées trop belles. Une face pâle aux yeux de cendre, me regarde du fond de cette splendeur. »



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Fils de personne

[Je commente ici "Fils de personne" lu dans une autre édition et ignore donc "Un incompris"]

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Ceux qui viennent ici lire une critique d'une chanson de « Johnny » peuvent sortir : Fils de personne est une pièce courte, un drame en quatre actes, écrit par Montherlant lors d'une période particulière de notre histoire puisqu'en 1943.

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Cette pièce, dont l'action est toute intérieure, se passe à Cannes lors de l'hiver 1940-1941. Georges Carrion, 43 ans, évadé depuis peu puis passé en zone libre, retrouve par hasard Marie Sandoval, une ancienne amante dont il a eu un enfant, Gillou, qu'il n'avait alors pas reconnu. Ce fils, de maintenant 14 ans, est l'enjeu principal de la pièce.

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Le père est violemment attiré par cet enfant (sur un plan non sensuel), l'aime à sa façon et voudrait jouer son rôle de parent pleinement, voire en évinçant sa mère, présentée comme fort médiocre à tous points de vue. Mais, simultanément, il est très déçu par divers traits de Gillou qui « ne respire pas à la même hauteur » selon lui et le rejette non moins violemment. Gillou est intéressé par son père mais a aussi d'autres passions, plus de son âge, comme le cinéma, les journaux, la radio... Marie a un amant, inconnu de Georges, qu'elle voudrait retrouver au Havre, alors zone occupée et bombardée par les anglais. Que va devenir ce trio ?

*

Oui, mais est-il, déjà, intéressant de lire Fils de personne ? Montherlant n'est pratiquement plus étudié aujourd'hui et, lorsque c'est le cas, seules 3 ou 4 oeuvres sont reprises, dont celle-ci ne fait jamais partie. Pièce « mineure » d'un homme jugé dépassé ? Pièce écrite durant l'occupation par un homme qui n'a pas spécialement été vécu comme un résistant et texte sur l'amour d'un homme pour un enfant de 14 ans écrite par quelqu'un qui a été accusé d'être pédophile/hébéphile, disons que cela peut faire hésiter. Ajoutons que Montherlant, ici comme ailleurs, ne fait pas vraiment preuve d'un féminisme exacerbé (sic) et que la question principale, celle de la qualité d'un être, peut sembler largement incompréhensible à beaucoup aujourd'hui. le reste sera mieux perçu mais a toutes les chances de choquer : le droit pour un homme de ne pas reconnaître son enfant, de mépriser son ancienne maîtresse mais de se sentir des droits sur elle, la liberté de ne pas aimer son enfant et de le lui faire savoir, avec une violence qui aujourd'hui ne semble plus vraiment tolérée, alors même que cet enfant est gentil et vous aime… Jugez plutôt à partir de quelques exemples :

« J'avais misé sur toi. J'ai perdu. Cela aussi était un songe »

« Tu me trahis et étant ce que tu es »

« La mémoire je te la laisse : elle est l'intelligence des imbéciles »

« Fils de la femme ! »

*

Oui, mille fois oui, cette pièce mérite d'être (re)découverte !

- Elle est très intéressante pour son contexte historique, pour les réflexions de cette France humiliée, sous le joug nazi et qui rêve de grandeur, de pureté, de… qualité. Cette France qui voudrait croire que ses enfants vont réussir à sauver le pays du naufrage et qui sont confrontés simultanément à mille compromis et compromissions, à commencer par les leurs.

- Elle est passionnante aussi comme mise en abyme de notre société actuelle, celle de l'écriture inclusive et de la « cancel culture », celle où il ne faut surtout pas choquer, ne jamais dire quoi que ce soit qui puisse heurter quiconque (objectif infiniment hypocrite en plus d'être absurde soit dit en passant). Montherlant est rafraichissant à lire aujourd'hui, justement car il est transgressif à nos yeux… Transgressif mais pas seulement.

- Au-delà des différences d'expression un mérite essentiel De Montherlant est de donner à réfléchir sur des questions fondamentales, qui transcendent les époques et les cultures. Ici les sujets principaux sont de savoir s'il peut être licite de rejeter un enfant qui vous aime et de le faire pour une notion telle que le manque de qualités, si un homme, par ailleurs égoïste et très imparfait, a le droit de juger de la valeur d'un être alors qu'il a juste 14 ans, s'il a le droit (et le devoir ?) de le faire savoir à son entourage, y compris à cet enfant. Par ailleurs est-on libre d'aimer, choisit-on de désaimer ?

- Enfin Montherlant a un talent certain pour saisir la vie dans sa complexité, dans ce qu'il appelle un « certain flou ». Les personnages sont souvent excessifs mais ne semblent jamais absurdes ou caricaturaux, ils sont crédibles y compris dans leurs emportements, dans leurs contradictions. C'est si vrai que, selon les époques, le jugement du public vis-à-vis de ces personnages peut changer du tout au tout. Oui, « Là est la vie ». de même le « Je suis au-delà. » de Georges à la fin de la pièce est bouleversant de justesse et de finesse.

*

Lire cette courte pièce est très enrichissant. le faire dans la collection de la Pléiade l'est encore bien plus du fait des nombreuses notes De Montherlant qui accompagnent les textes. Comme l'écrit si justement Montherlant : « Un lecteur qui ne s'intéresse pas à ce qui est écrit d'une oeuvre ne s'intéresse pas à cette oeuvre ». Ici prendre connaissance des notes de l'auteur comme des propos de différents critiques aide vraiment à avoir une perception plus fine de ce drame faussement simple que Montherlant reconnaissait influencé par le nô japonais.

**

Pour conclure ce texte a une suite : « Demain il fera jour », écrite en 1948. Je rejoins Montherlant sur le fait que c'est un « surgeon assez frêle ». Ce court texte est bien moins polysémique et, paradoxalement, devait affaiblir de ce fait la richesse de « fils de personne » lorsque les deux oeuvres étaient jouées à la suite. « Demain il fera jour » se lit plaisamment mais j'encourage à ne le découvrir qu'après s'être offert le temps nécessaire pour laisser maturer « Fils de personne ». En procédant ainsi il a le mérite d'offrir un éclairage, parmi des centaines d'autres possibles, sur ce qu'auraient pu devenir les différents protagonistes après quelques années. Cette autre mise en abyme, si elle n'est pas indispensable, n'est alors pas pour autant sans mérites.

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Fils de personne - Un incompris

"Fils de personne" fut d'abord le premier jet d'un roman écrit en 1943 et finalement détruit. Il devint ensuite un drame en quatre actes.

Depuis sa création en décembre 1943 au théâtre St Georges dans une mise en scène de Pierre Dux, il a été sans cesse repris, tout d'abord en 1948 au théâtre Hébertot, puis en 1963 au théâtre des Mathurins, en 1972 au théâtre Edouard VII...et n'a cesse depuis de revivre sous l'impulsion de troupes professionnelles ou amateurs.

L' O.R.T.F. retransmit même en 1969, sur le petit écran, une réalisation de Jean Vernier.

"Fils de personne" est une pièce courte. C'est un drame bourgeois et familial qui prend ses racines dans l'époque contemporaine à son écriture.

Trois êtres cherchent à se dépêtrer du fil de leur vie, l'entortillent et finalement s'y prennent les pieds : Georges Carrion un père écorché qui aime son fils mais ne le comprend pas. Gilles Sandoval, le fils bâtard un peu niais qui aime son père mais ne le comprend que de trop et Marie Sandoval, la mère, quelque peu bécasse, semblant survoler le drame.

Cette superbe pièce de théâtre, très ambiguë, qui fut accueillie par de nombreux ricanements de la critique est, aujourd'hui, incontournable de l’œuvre de Montherlant.

L'auteur lui donna d'ailleurs une suite avec "Demain il fera jour", un drame en trois actes où Gilles, fils bâtard, est finalement sacrifié par son père car il ne correspond pas à l'idée que ce dernier se fait d'un fils.

Ces deux pièces forment un tout très profond, très fort, parfois assez ardu et difficile d'accès où Montherlant explore l'âme humaine sans en renier la complexité.

Il signe là un théâtre très exigent qui lui fut certainement dicté, dans la souffrance, par sa lucidité et son refus de se laisser imposer par les hommes et les événements la tournure de son œuvre dramatique.
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Fils de personne - Un incompris

Je n'ai pas accroché avec " Fils de Personne" ...mais j'ai dévoré Un Incompris...

Une pièce de théâtre, en huis-clos : très courte, percutante, drôle et romantique.



Il s'agit d'un jeune homme amoureux d'une jeune femme qui arrive systématiquement en retard, de ses principes de jeune homme, le tout mit en valeur via ses échanges avec son ami Pierre.



Je la recommande vivement, car bien que courte, elle met en scène un incompris, un intransigeant, un romantique pour qui les principes priment sur l'amour.



Quelque part, et d'une drôle de façon : un héros.



François Ozon en a fait un court-métrage : Lever de Rideau, avec Louis Garrel, Matthieu Amalric et Vahina Giocante...Très belle adaptation !
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Fils de personne - Un incompris

4 étoiles. Trois pour Fils de personne qui si elle n'était pas signée Montherlant n'aurait jamais vu le jour ou de façon très discrète. Pas parce qu'elle est écrite à l'os, sans ornements, mais parce que... elle ne vaut surtout que par toutes les interprétations et projections qu'on peut en faire. Son universalité est clairement douteuse. Surtout à l'heure actuelle. Soit. La paternité, la maternité, et leurs contradictions, leurs impossibles. Et l'enfant qui doit se bâtir dans ces contradictions et ces impossibles. Bref, d'aucuns ont suffisamment commenté cela.

4 étoiles et demi pour Un incompris. Subjective note. Le personnage de Bruno me touche parfaitement, par sa manière de comprendre et déterminer ce qui constitue ou ne constitue pas (de) l'amour, à travers la ponctualité. L'amour et le rapport au monde, même.

Hasard ou non, ce choix de prénom me sort d'une indifférence que beaucoup pourraient trouver à cette petite pièce en un seul acte.

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Je suis partout - Anthologie (1932-1944)

Un livre intéressant qui propose en grande quantité des articles parus autrefois par les principaux journalistes collaborationnistes de Je suis partout. Malgré une mise en contexte salutaire dans sa préface, c'est dommageable l'absence de commentaires scientifiques critiques de chacun des articles proposés afin de contextualiser les articles et mettre en garde le lecteur sur des propos qui ont été à l'origine de tant de souffrances dans les années les plus noires de la France du XXème siècle.
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L'Exil : pièce en 3 actes

Fin août 1914, les allemands sont en France depuis maintenant 1 mois et Philippe de Presles, qui a 18 ans, annonce à sa mère Geneviève qu'il va partir, qu'il compte s'engager, avec son ami Sénac, pour défendre son pays.

Le désespoir de perdre sûrement son fils fait trouver à cette mère éplorée les mots justes pour convaincre Philippe de ne pas partir.

Six mois plus tard, celui-ci semble absorbé par ses cours alors que son ami Sénac, deux doigts de la main gauche tranchés par un obus, rentre à Paris pour y être réformé et que Geneviève de Presles, sa propre mère, est citée pour avoir fait preuve, durant le bombardement d'une ambulance privée montée par elle, d'un dévouement, d'une énergie et d'un désintéressement qui n'ont cessé de faire l'admiration de son entourage...

Henry de Montherlant écrivit cette pièce en novembre-décembre 1914 à l'âge de 18 ans. Deux éditeurs, en 1915, étaient prêts à la publier mais la mère de Montherlant mourant, celui-ci suspendit la parution.

Après cette pièce, "l'exil", il n'écrira plus de théâtre pendant 26 ans jusqu'à 1940 et le premier "Port-Royal".

Cette pièce est faite d'une belle situation, sortie de quelques paroles échangées entre l'auteur et sa mère. Il lui avait annoncé sa décision de s'engager pour suivre un ami et elle avait répondu : "Attends donc pour t'engager que je sois morte. Tu n'auras pas longtemps à attendre".

"L'exil", même si elle est une pièce de jeunesse, est un morceau de Théâtre puissant, au style déjà élégant et fort.

Cette pièce a sa place comme le point de départ de l’œuvre de ce grand dramaturge qu'a été Henry de Montherlant.

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La guerre civile

Rencontres parmi ces vues et profils de ces perdita tempora.

Théâtre de la force et de la faiblesse.
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La guerre civile

Un critique ayant écrit que cette pièce était un désert, Montherlant lui répondit que c'était un désert où il y avait au moins deux oasis. Tout d'abord lorsque Pompée, perdu au sommet de sa mince victoire, songeant à sa famille, s'attendrit sur lui-même et sur son fils. Puis, lorsque par largesse, il gracie Acilius, son ennemi personnel, sachant qu'il ne pourra que le regretter.

Très "Cornélien", "la guerre civile" est un morceau de scène qui appartient à l'inspiration antique de son auteur. Les noms illustres de certains de ses personnages résonnent encore au panthéon de l'histoire romaine.

Le rideau n'est pas levé que la guerre civile prend la parole.

Elle se présente. Elle est la guerre civile, celle qui oppose Jules César à Pompée en l'an 48 avant Jésus-Christ.

Et le récit que nous en fait Henry de Montherlant, dans cette magnifique pièce de théâtre, est un pur moment de littérature, haïssable parfois, dur souvent mais toujours brillamment écrit.

Montherlant voulant répondre à la critique qui regrettait l'absence d'un quatrième acte, ajouta le récit "la mort de Pompée" qui suit, ici, le texte de la pièce.
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La petite infante de Castille

La petite infante de Castille est ce roman écrit en 1929 qui m’a réconcilié avec mon hispanité alors refoulée pour cause d’immigration.

J’avais à l’époque 14 ans et je vivais à Bourges, cette cité médiévale prisée des touristes pour sa cathédrale à cinq portails, ses venelles sombres aux pavés sinuant toujours sur le tracé du parcellaire gothique, ses maisons aux poutres de façades rouge sang lavées par la pluie, dont les pignons se rejoignent et cherchent en vain à enfermer des échappées de ciel.

Mon principal souci, outre une puberté qui me tracassait les méninges et d’autres parties du corps, était de paraitre plus français que français, avec toutes les difficultés que cela entraine lorsque l’on est petit, noiraud, les cheveux sombres, la peau tannée et que l’on parle un français plus chuinté que chanté.

Mon seul camarade d’école, un élève supposé d’une ignorance crasse, Pierre Dujardin, dont la compagnie m’avait été imposée en raison de ma difficulté à maîtriser la langue du pays - que certains professeurs pensaient définitive, ce qui en dit long sur l’ouverture d’esprit et à l’autre de cette pourtant honorable catégorie professionnelle, - se révéla être un compagnon digne d’intérêt, fils d’une professeure de lettres divorcée, charmante, prolixe et pétulante dont la séparation d’avec le père de Pierre avait plongé mon camarade de classe dans une révolte autant brutale que stérile.

Mme Dujardin, elle avait conservé son nom de femme à cause de Pierre, me prêta ce livre que je possède toujours, ému que je suis en regardant son nom a tracé à l’encre bleu nuit, en belles lettres anglaises, sur la première page : Edwige Dujardin.

Elle m’apprit, malgré elle, cette Espagne que mes parents avaient fuie et dont ils ne me parlaient jamais.

La première phrase du livre, « Barcelone est une ville de six cent mille deux cent âmes, et elle n’a qu’un urinoir. On devine si à certaines heures il a charge d’âmes. Mais je sens qu’il vaut mieux commencer d’une autre façon mon récit. », me fit l’effet d’un coup de poing et m’incita à continuer.

Une avalanche de noms de villes connues de moi, dès les premières pages : Albacete où habite une vieille tante de ma mère, l’auteur s’y blesse en toréant, « La fournaise d’Almeria » ville de naissance de mon père, Valence et ses tailleurs de vigne, Grenade la ville des cousins, Séville, Jerez et son vin variant du doux au très sec.

Et ses expressions familières, de ma grand-mère, que je vois écrites, imprimées, « Toma tonto » (prend idiot) « Ven aca nene » (Viens ici gamin).

Tout m’enchante dans cette glorification partiale et naïve de l’Espagne : « …et ces visages larmoyants avec ces gens en deuil (les Espagnols ont la manie d’être toujours en deuil)… » ; « Auprès de ces gens, un Français du Midi fait figure de personnage silencieux. » ; « Et cela s’appelle l’orient où la bonne tenue, la dignité de la foule, un soir de Ramadan, alors pourtant qu’a sonné l’heure du désir, fait honte à nos foires de Neuilly, Espagne, Islam, c’est la même race et c’est une race noble. »



Et quand Mme Dujardin, se demandait si elle avait bien fait de me conseiller cette lecture, soudain inquiète de savoir si ce livre me plaisait, je répondais avec mes mots, - ce Montherlant c’est un déconneur :

« …elle me rappelait cette enfant du campo andalou, qui, venant rendre visite à sa mère, servante chez moi à Jerez, et n’ayant jamais vu d’escalier, monta celui de ma maison à quatre pattes. »

« Et il est classique qu’en Andalousie, si c’est un voyageur de première qui est descendu boire, le train attende qu’il ait fini pour repartir. »

« Un de mes amis avait dû divorcer d’avec une Espagnole, à cause de l’irritation nerveuse qui lui causait, répété sur le rythme de vingt fois à la minute, le petit froissement de son éventail qu’elle refermait d’un coup sec… »

Mme Dujardin riait, répétant, - je n’avais jamais entendu quelqu’un traiter Montherlant de déconneur, mais tu as un peu raison.

Enhardi par ces encouragements je récidivais en le traitant maintenant de dragueur :

« Notre face perdue dans ses cheveux comme la tête du cheval dans sa musette. » ;

« Mais sitôt entré dans la zone méditerranéenne, je renais au féminin. » ; « Et devant vous, toute honte bue, je ne suis plus qu’un commis voyageur ou un sous-off’ qui court le jupon. »

« Puis il suffit que j’entende la voix d’une Espagnole, même sans voir celle-ci, sa voix descend en moi, me maîtrise comme on maîtrise un cheval, me jette dans une timidité passionnée. »

« Ce qu’il y a de meilleur dans l’amour, c’est cet instant de l’inconnu. La créature dont on ignore tout et qu’il s’agit de conquérir. Comment elle succombera peu à peu, telle un sorbet dont on coupe des tranches. »

Cette fois, elle ne répondait rien, rougissant un peu, finissant par lâcher – je vois que ce livre te plait vraiment.

C’est pourquoi je n’avais jamais osé lui révéler mon passage favori du livre, que je lisais et relisais, sûr de m’attirer sa colère :

« Là sur mon fauteuil, je sentis une exaltation bien connue, puis un épanouissement, puis un étourdissement, puis une faiblesse, puis une sécheresse, et quelque chose de morose qui ne cessa plus de m’occuper, comme si dans mon être on venait d mettre en veilleuse une lumière auparavant resplendissante. »

Je ne lui ai jamais parlé non plus, ni posé de questions sur cette histoire qui émaille le récit et sur la morale de laquelle je m’interrogeais longuement, perplexe :

« Sur la branche la plus haute, il vit que se tenait une petite infante. » Le chevalier qui raconte tombe amoureux de cette petite infante, fille de roi, et lui demande d’attendre car il veut aller en parler à sa mère avant de l’épouser, mais quand il revient : « …l’oiseau avait pris son vol…Des cavaliers ont emporté la petite infante, qui n’avaient pas été demander la permission à leurs mamans… (Mais peut-être qu’elle leur causa beaucoup d’ennuis.) «

L’Espagne qui me faisait honte, celle que mes parents voulaient cacher, me cacher, n’était plus synonyme d’indignité, d’impudeur ou d’infamie, la façon dont Montherlant la magnifiait me redonnait une fierté d’être espagnol que je n’avais jamais connue jusqu’alors :

« Ensuite il y eut un tableau de danses andalouses : Cordoba. La musique soudain pareille à une femme : elle vous emplit de frissons, comme une eau froide dans les entrailles. »

« J’allais sans savoir où, par les petites rues encore populeuses, violemment éclairées, où les gens attablés mangeaient des crevettes, où les tonneaux dans les débits s’alignaient comme dans un cellier : l’animation de la ville, à deux heures et demi du matin, est une chose proprement espagnole. »

« J’entendais craquer sous leurs dents les ordures que mangeaient les chiens – les chiens qui la nuit continuaient de vivre, blancs, trottant menu sur les voies de chemin de fer, les chiens qui toujours cherchent une aventure… »

Et depuis cette lecture, je me suis efforcé de devenir cet homme complet que Montherlant décrit « en deux parfaits alexandrins. » :

« L’homme complet a en lui, et il fait alterner,

Le comte Albert de Mun et le Canard Enchaîné. »

Un texte désuet, dépassé et vieillot que je relis quelque fois non sans nostalgie.


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