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Critiques de Ian McEwan (1253)
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Dans une coque de noix

"Me voici donc, la tête en bas dans une femme", cette première phrase du roman Dans une coque de noix de Ian McEwan nous indique non sans surprise qui est le narrateur : un enfant à quelques semaines de son entrée dans le monde. Il fallait oser. Faire parler ce pas encore nouveau-né, lui faire raconter ce qu'il vit, les sentiments qu'il a et ceux qu'il prête à ses géniteurs et aux personnages qu'ils côtoient. Il y a le père John Cairncross qui écrit des poèmes, dirige une modeste maison d'édition, la mère, la belle Trudy, 28 ans et l'amant Claude très matérialiste et qui n'est autre que le frère du père. Tout cela se passe à Londres.

L'histoire va s'emballer lorsque notre héros comprend que sa mère et Claude ont décidé d'éliminer son père. Il devient alors le témoin impuissant de cette tentative de parricide mais va tout de même tout tenter pour empêcher cela, il ne voudrait pas commencer sa vie en prison.

Dans ce roman-polar, Ian McEwan décrit de façon hyperréaliste les sensations ressenties par ce fœtus, lorsque sa mère mange ou boit, et les effets provoqués aussi bien, sur elle que sur lui, de même que son plaisir ou son déplaisir selon les positions que prend sa mère et quel délire lorsque l'amant a un rapport sexuel avec sa mère : "Tout le monde ne sait pas quel effet ça fait, d'avoir le pénis du rival de votre père à quelques centimètres de votre nez... Je ferme les yeux, serre les gencives, me recroqueville contre la paroi utérine. Ces turbulences arracheraient les ailes d'un Boeing." Malgré ses faibles moyens, quelques petits coups de pied, il essaie parfois d'intervenir et tentera même de se suicider.

Ce récit fait depuis le ventre maternel pourrait conter l'osmose entre la mère et son enfant. C'est, au contraire toute la complexité de la nature humaine avec ses laideurs, les turbulences du monde extérieur que ce roman tout à fait insolite nous fait découvrir.

Grâce à ce roman tour à tour drôle, déjanté, ironique, hilarant, féroce, j'ai découvert un écrivain brillant dont je connaissais la renommée mais que je n'avais encore pas lu.

Un roman surprenant et remarquable. j'ai hâte d'en lire un autre de cet auteur.


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Expiation

En Angleterre, durant l'été très chaud de 1935, Briony, jeune adolescente d'une famille aisée, interprète à tort une scène surprise entre sa grande soeur et le fils d'une employée de ses parents.



Son erreur de jugement, liée à son imagination débridée, est le début d'une logique qui provoque un drame qui marque la famille à jamais. A partir de là, tous agissent et réfléchissent pour essayer de rattraper le mal qui a été fait, ou qu'on leur a fait - jusqu'au dénouement insoupçonné qui les attend, des années plus tard, alors que la guerre est là.



Ce roman est une petite merveille qui prend son temps pour révéler une analyse admirable de la complexité psychologique de ses personnages. On sort de ce récit, indélébile, ébahi par la justesse du ton et par la virtuosité de l'écriture de Ian McEwan.

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Leçons

Le léopard ne change pas ses taches.

Ce n’est pas de l’ODP31 après une insomnie passée en compagnie d’un reportage animalier au milieu de la Savane à attendre le trépas d’un gnou, innocent mais un peu trop lent, ce n’est pas davantage une pub pour de la lessive, mais la citation d’un petit auteur confidentiel inspiré mais expiré, Shakespeare. Il y a pire.

Les deux principales leçons retenues du pavé de 650 pages de Ian McEwan c’est primo, que l’individu ne change pas malgré les épreuves, que les traumas de l’enfance sont plus tenaces qu’un tatouage raté avec le prénom d’une ex, et deuxio, que le destin n’est pas qu’une affaire de volonté. Autant dire que le célèbre auteur britannique ne va pas abandonner la littérature pour se lancer dans une carrière de coach de vie.

Roland Baines, pas dénué de talent mais souffrant d’une grosse carence en combativité, est quitté sans préavis par son épouse après la naissance de leur fils car elle veut consacrer sa vie entière à la littérature. Cette rupture, qui intervient au moment du passage du nuage de Tchernobyl, gentil petit amas de vapeur condensée d’iode et de césium parti faire de la Tyrolienne jusqu’à nos thyroïdes, va faire refluer un destin abimé. Celui d'une enfance en carence d'affection avec un père militaire et autoritaire, une mère en expiation. Celui d'une adolescence abandonnée sans petits cailloux dans un pensionnat austère et d'une innocence abusée par une prof de piano, qui ne jouait pas que du piano debout, mais couchée sur son élève. Tout était écrit.

Ian McEwan vient donc de publier son « homme sans qualité », il fait muMusil avec le destin d’un antihéros qui traverse l’histoire, sa vie et les grands évènements de ce monde comme un chroniqueur désabusé par lui-même. Plus spectateur de sa vie que supporter de ses rêves. Etudes ratées, petits boulots, pianiste de bar, poète de slogans publicitaires, amant quitté, le lecteur a tantôt envie de sortir Roland Baines de ses eaux stagnantes pour l'aider, tantôt le désir de l'y noyer.

Le planté de drapeau se mérite à la dernière page mais j’ai apprécié la construction du roman qui joue avec la chronologie de souvenirs désordonnés.

L’auteur entremêle biographie et fiction puisqu’il partage avec son personnage les mêmes années et lieu de naissance et ses parents lui avaient également caché certaines boutures généalogiques.

Comme Jonathan Coe, Ian McEwan excelle également dans la rencontre de ses personnages avec l’histoire récente. Les passages consacrés à la chute du Mur de Berlin son parmi les plus réussis du livre. La petite histoire dans la grande histoire sans faire trop d’histoires.

Je ne rangerai pas ce titre dans les classiques de Macaniche McEwan car un petit régime minceur aurait pu l’alléger d’une bonne centaine de pages sans nuire à son IMC (Indice à mots couverts) mais « Leçons » fait bien ses devoirs avec des personnages aussi complexes que tordus. Les suivre toute une vie permet de voir comment chacun s’arrange avec sa conscience, quitte à réécrire l’histoire.

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Dans une coque de noix

Le narrateur du dernier livre de Ian McEwan est... un foetus, à moins d'un mois du terme. Quand au sujet, un remake de Hamlet, donc originalité garantie.

Installé bien au chaud, " par-dessus les bruits de laverie automatique de l’estomac et des intestins" de sa mère, non seulement il perçoit tout mais il semble aussi avoir une connaissance du monde non négligeable. Nous voici embarqués dans une histoire loufoque où l'oreille plaqué contre la paroi utérine gluante, il apprend que sa mère complote de tuer son père avec l'aide de son amant qui n'est autre que son oncle, le demeuré.......

Dans une maison appartenant au père, une ruine de style georgien dans Hamilton Terrace, rue prétentieuse de Londres, notre fœtus Sherlock mène l'enquête dans une décrépitude ambiante et une position physiologique des moins agréables, pris entre deux feux, copulation et complot, -"Tout le monde ne sait pas quel effet ça fait, d’avoir le pénis du rival de votre père à quelques centimètres de votre nez....". Quand au père, ironie du sort, evicté de sa propre maison, négocie son retour par le biais de poèmes peu inspirés, cas sans issu........comment intervenir pour éviter le pire ? Fœtus Sherlock a du pain sur la planche. Ce n'est que le préambule.



J'ai beaucoup ri, car notre embryon qui joue la carte de l'innocence, un brin intello ( euh, il peut citer Ulysse de Joyce ) et fin connaisseur en vins ( une connaissance des cépages impressionnante), ne manque pas d'humour. Pour relever plus d'indices sur le complot, il réveille sa mère la nuit,en lui donnant des coups de pied, mais manque de pot celle-là ne veut pas déranger son amant. À défaut, elle se plaque sur les oreilles une conférence podcastée et s’adonne à la magie d’Internet. Elle zappe. -"J’ai déjà tout entendu. Élevage d’asticots dans l’Utah. Randonnées sur le plateau irlandais du Burren. L’offensive de la dernière chance pour Hitler dans les Ardennes. Parades amoureuses chez les Yanomamis. Comment Poggio Bracciolini a sauvé Lucrèce de l’oubli. Les lois du tennis.....-", notre embryon écoute et s'instruit à merveille, sauf qu'il commence à réaliser, qu'avoir une conscience dans sa futur vie va être un cadeau empoisonné.

L'imagination de l'auteur est sans borne, pourtant il ne tombe jamais dans l'absurde ni le n'importe quoi. En lisant certains passages on y oublierait presque que le narrateur est un embryon, et quand ce dernier nous rappelle qu'il baigne toujours dans son liquide amniotique, cela paraît presque naturel....... la créativité, l'intelligence de McEwan y brille.

À travers les pérégrinations du fœtus Sherlock, l'écrivain touche aussi aux divers dilemmes de la vie et balaie du regard l'actualité politique et sociale nationale et internationale, avec quelques piques à son pays , -"......la commissaire. Je me demande si elle est armée. Trop voyant. Comme pour la reine qui n’a jamais d’argent sur elle. Ce sont les brigadiers et leurs subalternes qui tirent sur les voyous."-

Comme dans "L'intérêt de l'enfant", on penserait que c'est trop, mais non tout est à sa place, juste et précis.



Imagination et humour noir avec un zest de suspens dans une mise en scène originale,

un très bon moment de lecture que je conseille !









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Une machine comme moi

Nous sommes à Londres, en 1982. Un homme, Charlie, jeune trentenaire, profite de l'héritage laissé par sa mère pour acquérir un androïde, le premier être artificiel convaincant mis sur le marché, prénommé Adam. Cet homme qui est le narrateur demande à sa voisine du dessus de bien vouloir l'aider pour le transporter car celui-ci ne pèse pas moins de 67 kilos. Miranda, elle, a 22 ans, et va devenir la compagne de Charlie.



Adam, dont la personnalité a été définie et programmée à quatre mains par le couple, aide dans les tâches ménagères, fait la conversation, lit Shakespeare, écrit des haïkus, ne supporte pas le mensonge et va tomber fou amoureux de Miranda.



Ce robot, une merveille de technologie mise au point grâce à Alan Turing, toujours en vie en 1982, qui, dans cette uchronie, réécriture de l’histoire à partir d’un passé modifié, ne s'est pas suicidé en 1954 et dont l'homosexualité ne dérange plus personne, devient un vrai personnage. Le passé est modifié pour le Royaume-Uni qui a perdu la guerre des Malouines, où les Beatles sont à nouveau réunis et sortent un nouvel album, modifié pour la France aussi, dont le président n'est autre que Georges Marchais. La majorité des voitures sont autonomes et les robots comme Adam sont dotés de sensibilité et sont même capables de se suicider.



Mettre de la science-fiction dans le passé, écrire une uchronie d'anticipation en quelque sorte, il fallait Ian McEwan pour oser !



C'est un roman un peu déstabilisant, il faut le reconnaître et qui amène à se poser de nombreuses questions. Ce personnage d'Adam au départ une prouesse technique, se rapproche de plus en plus de l'humain. N'y a-t-il pas le risque en voulant créer de l'intelligence artificielle à être débordé et ne plus maîtriser la situation, à créer une machine qui nous remplacerait, nous dominerait, qui nous comprendrait plus que nous nous comprenons nous-même ?



Une machine comme moi est un roman riche et audacieux, troublant qui est souvent très amusant mais aussi relativement noir. Il m'a permis de faire la connaissance de ce mathématicien britannique, auteur de travaux qui fondent scientifiquement l'informatique, Alan Turing dont j'ignorais l'existence. Bref, je me suis régalée à sa lecture tout en le trouvant parfois un peu lassant.

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Dans une coque de noix

Quelle histoire étonnante, émouvante et surprenante à la fois ! Il faut beaucoup d’imagination et de talent pour mener à bien un roman raconté par un fœtus qui vit ses dernières semaines dans le ventre de sa mère…



Ian McEwan, déjà lu avec L’intérêt de l’enfant, sait traiter les faits de notre société d’une façon alerte sans négliger l’humour qui vient détendre un peu une atmosphère devenant vite oppressante.

Dans une coque de noix se déroule dans une maison qui a été resplendissante mais se trouve délabrée, encombrée d’ordures et de déchets. Trudy, la future maman, en a chassé le propriétaire pour filer le parfait amour avec Claude… le frère de John Cairncross qui est, justement, son mari !

Tout est raconté du point de vue et par le bébé à naître, un être très intelligent qui tente de comprendre et d’interpréter tout ce qu’il entend et ressent. Il est parfaitement au courant de l’état du monde, de ce qui se passe puisqu’il écoute la radio et que sa mère est une fidèle des conférences en podcast ou baladodiffusion.

John, le père, est un poète et un petit éditeur méprisé dans le cadre domestique, adulé par ses élèves passionnés de poésie. Hélas pour lui, les amants sont des amants diaboliques et je ne peux pas en dire plus car le roman tourne au polar dans sa dernière partie avec surprise et coup de théâtre final extraordinairement raconté.

En plus des réflexions bien senties du futur bébé, j’ai bien apprécié son vécu à l’intérieur du corps de sa mère, ses impressions lorsque Claude pénètre son amante et vient perturber sérieusement sa tranquillité. De plus, Trudy aime un peu trop boire de l’alcool et ses bonnes résolutions s’envolent vite. Cela donne l’occasion au narrateur de comparer les grands crus, de rêver à nos meilleurs vignobles et… d’être ivre en même temps que sa gestatrice.



Dans une coquille de noix est un roman original que je conseille vraiment car il donne une autre vision du monde, depuis l’intérieur d’une mère. De plus, avec son expérience, le fœtus, bientôt à terme donne même des conseils aux nouveau-nés, lui qui, un moment au comble du désespoir, avait tenté de mourir avant de naître en se suicidant avec son cordon ombilical.




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Une machine comme moi

Dans ce dernier roman d’Ian McEwan, nous revisitons les codes existentiels, les limites éthiques et nous faisons le tour de l’humain dans toute sa complexité. En 1982, dans une Angleterre assaillie par les doutes et les conflits politiques, Charlie fait partie des premiers privilégiés à acquérir un androïde à l’intelligence stupéfiante. Sous le couvert d’un Alan Turing bien vivant et inspiré, ces machines ont pour but de ressembler en tous points à l’homme.

Quand Adam, l’androïde de Charlie arrive dans le foyer, c’est un chamboulement insidieux pour lui et sa compagne Miranda. Adam sait faire le ménage, la cuisine, tenir une conversation réfléchie mais aussi est capable d’émotions et de donner du plaisir. La perfection pour les êtres imparfaits semble être un vilain défaut. Et surtout fait peur.



L’auteur décortique ici un hypothétique monde de demain où les robots seraient une caricature parfaite et sans défaut de l’humain. Il oppose ici la perfection androïde aux défauts humains rendant la cohabitation androïde-humaine plutôt scabreuse.



C’est cinglant, ça fourmille de détails politico-économiques de l’époque en nous plongeant dans un monde futuriste débarrassé de nos imperfections tout en les pointant malicieusement du doigt. Brillant pour peu qu’on soit subtil.



Un roman intelligent, complexe qui questionne et plaira sans aucun doute aux amateurs de questions philosophiques, éthiques, scientifiques et existentiels.
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Une machine comme moi

Un concentré d'intelligence plus qu'artificielle.

Après avoir donné la parole à un foetus dans son dernier roman, Ian Mc Ewan réinvente le ménage à trois en incorporant au triangle amoureux, pas vraiment isocèle, un androïde aux connexions existentielles.

Charlie dispose d'économies et il s'offre le premier androïde commercialisé, Adam. Il n'y avait plus d'Eve en stock. Alors que son propriétaire utilise les talents d'Adam pour bourscicoter avec succès, sa compagne Miranda croque l'Apple en s'intéressant au machin de la machine et transforme l'androïde en Sextoy grandeur nature. Autre souci, Adam ne connait pas le mensonge, ce qui complique rapidement la vie de famille et il n'est pas câblé pour comprendre la psychologie des enfants.

L'action se passe en 1982. La prouesse technologique est rendue possible par de petits arrangements avec l'histoire. Féru de science, l'auteur décide de boycotter la mort prématurée du génial Alan Turing, l'un des décrypteurs d'Enigma durant la seconde guerre mondiale, aussi connu pour ses travaux sur la morphogénèse et qui passe pour l'un des grands-pères de l'informatique.

Dans notre triste réalité, le scientifique s'était suicidé dans les années 50, après avoir été jugé et condamné en raison de son homosexualité, en croquant une pomme baignée dans de l'arsenic.

Dans le roman, cette résurrection permet de faire accélérer la science et offre à l'Angleterre de la Dame de Fer la technologie antirouille actuelle. L'auteur propose d'autres alternatives historiques. Dans le mixeur, l'Angleterre perd la guerre des Malouines, un travailliste succède à Margaret Thatcher et il décide de quitter l'Europe. La France n'est pas épargnée, chers camarades, puisqu'elle est présidée par… Georges Marchais.

Dans ce roman foisonnant qui interroge l'impact de la technologie (sans en faire le procès) sur l'homme et qui rappelle que le présent tient finalement à peu de choses, Ian McEwan n'oublie pas de nouer une intrigue passionnante sur fond de vengeance et de culpabilité autour du passé douloureux de Miranda. Des émotions qui humanisent un récit où la science n'ampoule pas la fiction.

Un roman gigogne. C'est comme si la créature de Frankenstein s'était retrouvée à l'affiche d'un film d'Hugh Grant, sur fond d'uchronie politique et de parabole scientifique. Une tambouille anglaise rendue délicieuse grâce au talent unique d'Ian McEwan.

Pour finir, je ne résiste pas à copier une réponse de l'auteur interrogé sur le Brexit, dont le déroulé a influencé l'écriture de ce roman:

" - Je serais assez favorable à ce que la France envahisse l'Angleterre, comme au XIe siècle, au temps de la conquête normande. Mais ce qui m'inquiète, c'est qu'au moment d'escalader les falaises de Douvres votre armée commencerait sans doute une grève."

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Leçons

Qu’est-ce qui fait une vie ? Tous les destins sont le produit de circonstances, « événements et accidents, personnels et mondiaux, minuscules et capitaux » , qui nous lancent sur un chemin plutôt qu’un autre. « Le monde se divise à chaque instant concevable en une infinitude de possibilités invisibles. » Et si, « tous ces itinéraires qui n’[ont] pas été empruntés », l’on jouait le temps d’un livre à les imaginer « encore présents et praticables » ?





C’est un peu l’aventure dans laquelle, avec génie et humour, Ian McEwan s’est lancé en imaginant une sorte d’envers, à la fois à sa propre histoire et au point de vue habituel de la société, au travers des mémoires d’un homme, non seulement passé à côté de sa vocation artistique, mais aussi abusé par une femme pendant l’adolescence, puis abandonné avec un bébé sur les bras par une autre, prête à tous les sacrifices pour le bien de sa carrière littéraire. Et toujours, infléchissant le destin de ses doubles de fiction, le poids de l’Histoire, avec ses hauts et ses bas plus ou moins visibles sur l’instant, mais qui n’en tissent pas moins l’inextricable toile d’araignée dans laquelle tous tentent avec plus ou moins de bonheur de tracer leur chemin.





Lorsque s’ouvre le récit, Roland Baines, trente-sept ans et vivotant de ses petits métiers, se retrouve seul avec Lawrence, son fils âgé de six mois. Alissa vient de les abandonner tous deux, avec pour seule explication qu’elle s’était trompée de vie. Pour Roland commence une longue rumination de ses échecs, lui dont l’existence, sautée brutalement, comme celle de l’auteur, de Tripoli où son père, officier écossais de l’armée britannique, était en poste, à un pensionnat britannique, fut comme « reprogrammée » à partir de ses onze ans par l’influence d’un professeur. Si, dans la vie réelle, ce « professeur extraordinaire » transmit à Ian McEwan le feu sacré de la littérature, geste essentiel dans le parcours du futur écrivain, le rôle est tenu dans le roman par une professeur de piano, autoritaire et possessive, qui, éprise de l’adolescent plus encore que de ses réels talents musicaux, le tiendra sous son emprise sexuelle entre ses quatorze et seize ans. Une expérience – en ces années 1970 où d’aucuns défendaient la pédophilie au nom de la liberté sexuelle – qui devait secrètement, mais irrémédiablement, bouleverser sa future vie sentimentale, lui interdisant longtemps le bonheur, mais aussi mettre un terme à ses études et gâcher son avenir artistique. Ainsi réduit à la précarité, seul et sans formation, c’est lui qui, plus tard, se retrouvera empêché, comme les filles-mères autrefois, par une paternité célibataire dans des conditions économiques difficiles.





On le voit, l’ironie n’est pas exempte de ce récit d’une réalité parallèle, produit d’événements aussi fortuits que celle vécue en vrai par l’auteur, que la narration s’emploie à malaxer avec les mêmes ingrédients historiques. Fait des mille riens – et pourtant – d’une existence anonyme, ce récit de toute une vie est aussi, avec un naturel incroyable d’aisance, de précision et de clairvoyance, une fresque, ample et ambitieuse, retraçant cent ans d’évolution de la société britannique en particulier, du monde en général. Des étudiants antinazis de la Rose Blanche éliminés par le régime hitlérien au temps du père allemand d’Alissa à la chute du mur de Berlin en passant par la crise des missiles à Cuba ou encore par le nuage de Tchernobyl, des excès du libéralisme thatchérien au Brexit mais aussi, plus largement, à la prise de conscience de la vulnérabilité de la planète, tous les baby-boomers retrouveront en ces pages l’écrin historique de leur propre parcours de vie.





S’il est ici question de leçons, ce n’est sûrement pas de vie, alors que, balle dans le flipper de la vie, chacun pourra, comme l’auteur et ses personnages, entre ironie, tendresse et nostalgie, calquer son propre itinéraire sur la vitre de l’Histoire, mais, sans conteste, de génie littéraire, confirmant, s’il en était besoin, la place de choix occupée par Ian McEwan dans le paysage littéraire britannique et mondial. Coup de coeur.


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Sur la plage de Chesil

C'est au premier étage de cette auberge de Dorset, de style géorgien, dans ce salon confiné, qu'Edward et son épouse, Florence, dînent en tête-à-tête. Après la cérémonie à l'église St Mary d'Oxford et la réception festive, le tout jeune couple s'offre une nuit de noces. Quoi de plus beau et de romantique que cette suite dans cette auberge, devant la porte-fenêtre ouverte, donnant sur la plage de Chesil avec ses galets à perte de vue. Dans la pièce voisine, le lit à baldaquin et sa courtepointe d'un blanc pur. Ce lit sur lequel ils s'allongeraient côte à côte et qui serait le fruit de leurs premiers ébats. Mais, chacun de son côté, redoute ce moment, s'inquiète de ce qui doit se passer maintenant que la noce est célébrée...



C'est dans cette suite que tout va se jouer. Qu'en à peine quelques heures, la vie de ces jeunes mariés va basculer, que les espoirs et les rêves, même les plus inavouables, vont s'évaporer... Une rencontre à Londres alors qu'ils étaient étudiants, lui en histoire, elle en musique. Une attirance mutuelle. Aussi, quoi de plus naturel que d'officialiser cet amour. Mais, à l'aube des années 60, dans cette Angleterre prude, Edward Mayhew et Florence Ponting, âgés d'une vingtaine d'années, ne connaissent rien à l'amour. Vierges, ils ne savent comment s'y prendre. Ce qui devait être une nuit inoubliable devient, au fil des heures, grotesque. Emplie de silences, de désirs enfouis, de peur et d'embarras, cette nuit de noces suffira à changer le cours des choses. Ian McEwan décrit avec sensibilité une relation à la fois confuse et malhabile. L'auteur exprime avec justesse les sentiments et les pensées de chacun, se glissant d'ailleurs parfaitement dans la peau d'une femme, et éclaire sur la différence de point de vue. Un roman subtil, touchant et intelligent sur le malentendu, l'ambiguïté, les non-dits. Un huis-clos délicat servi par une écriture sensible et minutieuse.
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L'intérêt de l'enfant

Fiona May,brillante juge aux affaires familiales ,une belle femme à l'orée de ses soixante ans,aprés trente de mariage sans problème majeur, fait face à un mari, qui faute de ne plus avoir accomplie "ses devoirs d'épouse au plumard" depuis sept semaines et un jour,veut aller voir ailleurs.C'est exprimé vulgairement de ma part,car c'est exactement avec la même vulgarité que se déclare Jack,le mari. Je dois dire un début qui ne m'a pas vraiment enthousiasmée.Mais McEwan nous sort vite de cette scène clichée et nous plonge dans le métier de cette femme sans enfant, qui paradoxalement doit trancher sur des questions vitales concernant des destins d'enfants.

L'affaire qui est au cœur de ce récit est justement celle d'un jeune garçon de dix-sept ans, atteint de leucémie,dont les parents ,témoins de Jéhovah,refusent toute transfusion sanguine qui le sauverait. Fiona n'arrivant pas à trancher au tribunal,se rend à son chevet et passe une heure avec ce beau garçon intelligent et sensible,qui apprend le violon sur son lit de malade.Un poème de Yeats,"Down the Salley Gardens" qu'elle chantera,lui l'accompagnant au violon,va sceller un lien fatal entre eux...

C'est un livre foisonnant,où l'auteur aborde beaucoup de thèmes crucials avec sensibilité et finesse.Il confronte la question du droit à celle de la foi,s'interroge sur la fragilité des relations humaines, qui peuvent basculer sur un rien,un malentendu,un mot déplacé ,un geste,sur la complexité des sentiments amoureux et sexuels...et sur l'equitabilité de la justice.

Il sonde l'âme humaine,mélangeant affaires judiciaires avec affaires intimes,les premiers régis par des lois écrites noir sur blanc,les seconds par des lois morales et sociales beaucoup plus complexes et individuelles,mais toutes sujettes à la conscience morale.

On penserait que c'est trop,mais non il le fait avec précision et justesse sans jamais nous lasser.

Ian McEwan n'est pas un auteur que j'apprécie particulièrement, mais ce dernier livre,trés fort,m'a conquise!
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L'intérêt de l'enfant

Juge aux affaires familiales, Fiona Maye doit ne jamais perdre de vue l'intérêt de l'enfant dans les jugements qu'elle rend. Et la tâche s'avère souvent ardue et complexe. Surtout lorsqu'il est question d'éthique et de religion, car appliquer la loi, s'appuyer sur la jurisprudence peuvent avoir des conséquences imprévisibles qui sont parfois loin d'être positives. Une cruelle réalité que la brillante cinquantenaire va découvrir au moment même où sa vie conjugale menace de faire naufrage.



Décidément, quel que soit le sujet abordé Ian McEwan a un regard extraordinairement lucide sur la société contemporaine. Ici, comme à son habitude, dans ce roman intelligent et remarquablement écrit, il explore à fond son sujet - la famille, le couple et la justice. Un récit époustouflant de vérité où j'ai retrouvé avec délice la virtuosité et la profondeur du tout aussi réussi Expiation qui m'avait fait connaître cet auteur incontournable.

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Le cafard

McEwan dans son dernier opus, comme toujours ne manque pas d’imagination.

S’inspirant de “La Métamorphose “ de Kafka et des guignols qui infestent la scène politique mondiale, par commencer dans son propre pays, nous livre ici une petite fable truculente.

Jim Sams, ( même le nom n’en est pas loin 😄), cafard de son état, résidant officieusement dans les dédales du Palais de Westminster, se retrouve un beau matin à son réveil, métamorphosé en homme et de surcroît l’homme le plus puissant du pays : le Premier Ministre. Comme les guignols, vu qu’aucune préparation n’est nécessaire il va vite s’adapter au rôle de « primo uomo » de l’opérette politique.

Son petit problème est que ses envies et habitudes de cafard sont toujours présentes, et qu’il résiste difficilement à la vue d’un insecte ou de la merde.

Il découvre aussi Twitter et Archie Tupper, le guignol américain, et entre les deux, Twitter va perdre les pédales......

Pas besoin de connaître la politique récente et actuelle de la Grande Bretagne en details, suffit de savoir grosso modo le scénario de la comédie du Brexit, écrit et régit par le grand bluffeur sieur Cameron, pour déguster ce nanan qui vient égayer la morosité politique actuelle. Si non déjà fait, vous y prendrez connaissance de la théorie économique de L’Inversion, la base fondamentale du scénario. Une théorie ( bullshit !)révolutionnaire qui peut sauver 😂 nos systèmes économiques actuellement à la dérive ! Une théorie qui va outre le niveau de mon Q.I.....

Le livre a été récemment publié en v.o. et je pense sa traduction française ne tardera

pas. Ne passez pas à côté, c’est court et savoureux ! Si vous n’êtes pas encore dégoûté de la politique et des politiques, eh bien McEwan vous donnera le dernier coup de massue !



“How could a nation do this to itself ?......choosing to act in one’s own very worst interests ? Yes they did.........it is not easy to be Homo sapiens sapiens. Their desires are so often in contention with their intelligence.”

( Comment une nation peut faire cela à soi-même ?....... choisir d’agir au pire pour ses intérêts ? Eh bien oui, ils l’ont fait....pas facile d’être Homo sapiens sapiens . Leurs désires sont si souvent en contradiction avec leur intelligence ).





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Une machine comme moi

Et si Alan Turing avait pu se promener serein au bras de son amant, en 1982? Et si Margaret Thatcher avait perdu la guerre des Malouines? C’est dans ce contexte que débute Une machine comme moi, alors que le narrateur investit toute sa fortune (un héritage familial) dans l’achat d’un robot quasi-humain. Il en existe une vingtaine dans le monde, autant dire que c’est un placement un peu osé!



Ce trentenaire vit assez modestement en tentant d’engranger des profits spéculatifs, et vit avec sa voisine une relation fluctuante.



L’arrivée d’Adam va remettre en question les fondements philosophiques et éthiques sur lesquels il pensait pouvait compter pour élucider sa condition d’humain. Et bouleverser sa vie.





C’est une belle dystopie, assez convaincante (j’ai du vérifier que l’Angleterre était ou non sortie victorieuse de la guerre contre l’Argentine!), rédigée avec une assurance et une ligne de narration inattaquables.



C’est encore un personnage de perdant (très en vogue dans la littérature de ce début d’année - où peut-être mes choix se sont inconsciemment dirigés vers ce type de héros), qui tient le rôle principal, et on s’y attache sans arrière-pensée. Les personnages secondaires ne manquent pas d’attraits non plus.





J’ai vraiment beaucoup apprécié ce roman, qui devrait réconcilier les lecteurs réticents au genre, tant la portée politique et philosophique l’emporte sur la fantaisie.
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Le jardin de ciment

Après la mort de leurs parents quatre enfants, intelligents et perturbés, vivent seuls dans la maison familiale. Livrés à eux-mêmes, ils vont aller loin dans des expériences qui étaient déjà en gestation, et franchir des interdits.



L'histoire, racontée du point de vue de Jack le fils aîné, met l'accent sur l'ambiguïté de ses sentiments — vis à vis de ses soeurs et de son petit frère, mais aussi de sa mère. Jack a envie de s'affranchir du passé mais, comme aux autres, sa mère lui manque. Jack se néglige depuis longtemps, mais débarrassé de l'autorité parentale, il ressent un besoin d'hygiène. En fait Jack oscille et se pose des questions. A chaque fois que la fratrie franchit des tabous, comme ceux de l'inceste ou de la mort, même s'il se sent souvent dans l'impossibilité de posséder ou d'éprouver une certitude quelconque, il s'interroge sur la normalité de leurs actes.



Dérangeant, étrange et touchant ce premier roman de Ian Mc Ewan explore l'ambivalence des adolescents, et fait un portrait très juste de leurs perturbations et obsessions. Forte et belle dans ses extrêmes comme dans son humanité, cette oeuvre inclassable montre l'innocence des enfants mise à mal, tout autant qu'elle souligne leur union dans l'adversité ; ces enfants forment une vraie famille — peut-être ce qui les sauvera de leur dérive.
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Une machine comme moi

En cette année 1982, Georges Marchais est à l'Elysée, les Anglais ont perdu les Malouines, voient le chômage flamber et peuvent acquérir, grâce au génie de Turing toujours de ce monde, des robots intelligents. Ainsi Charlie dilapide-t-il l'héritage de sa mère pour l'achat d'Adam, un androïde capable de tout faire, même lire l'oeuvre Shakespearienne en une nuit et plus problématique, d'autant qu'Adam ignore le mensonge, tomber amoureux de la petite amie de Charlie.



J'ai été déçue par cette dernière parution de Ian McEwan. C'est long, trop long, néanmoins cette uchronie, qui n'est pas qu'un simple jeu de l'esprit, sous ses dehors farfelus nous interpelle sur l'intelligence artificielle et son évolution, mais également et surtout, et c'est la profondeur d'Une machine comme moi, sur nos propres contradictions face au bien et au mal.



« Nous pouvons guérir des millions de maladies mortelles. Des millions de gens vivent dans la misère alors qu'il y a de quoi les nourrir. Nous dégradons la biosphère alors que nous savons qu'elle est notre seule demeure. Nous nous menaçons les uns les autres avec des armes nucléaires tout en sachant où cela peut nous conduire. Nous adorons les créatures vivantes, mais nous autorisons une extinction massive des espèces. Et tout le reste : génocides, torture, esclavagisme, violences domestiques meurtrières, maltraitance des enfants, fusillades dans les établissements scolaires, viols, centaines d'agressions quotidiennes. Nous vivons avec ce tourment, et nous ne nous étonnons pas de réussir à trouver le bonheur malgré tout, et même l'amour. »



Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Dans une coque de noix

Il cogite beaucoup dans sa coque de noix, en fait bien au chaud dans l'utérus maternel le fœtus, qui ne manque pas d'acuité, observe le monde qui l'attend à sa sortie.



Et aux yeux du futur nouveau-né on ne peut pas dire que l'état de l'humanité et de la terre soit folichon. Et encore cela n'est rien à côté du sort que sa mère et son amant, en fait le frère de son père, réservent à son géniteur ! Lui le tout petit, le pas-né, il va falloir qu'il intervienne pour sauver son adorable poète de père.



Donner la parole à ceux qui n'ont jamais voix au chapitre, et pour cause puisqu'il s'agit des enfants à naître, à l'heure où on nous explique que les foetus entendent et ressentent tout de la vie de la mère qui les porte, est instructif. Celui-là non content de tenter de sauver son père et apprécier les verres de vins que sa mère ingurgite, philosophe et écoute les informations qu'il commente. L'occasion pour l'auteur d'envoyer quelques piques et réfléchir sur des questions morales et sociétales.



Un sacré farceur ce Ian McEwan et un immense talent, en revisitant le thème d'Hamlet - le fils venge son père tué par son propre frère, amant de sa mère - il peut même faire agir, parler et réfléchir les fœtus sans que cela paraisse extravagant.

Un roman original, délicieusement drôle et inventif.

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Sur la plage de Chesil

Qu’est-ce qui peut provoquer le fiasco d’une nuit de noces, alors que les membres du couple sont amoureux, avec le même niveau d’instruction et de curiosité intellectuelle ?



Il faut dire que nous sommes en 1962, et cette année ne brille pas par son émancipation sexuelle ! Le poids de la société rigide pèse sur les épaules des jeunes gens, surtout sur les jeunes filles, élevées pour se « préserver » jusqu’au mariage.

D’autant plus que notre jeune fille, Judith, a un gros problème : il lui manque une « simple attitude mentale que tout le monde possédait, un rapport immédiat et sensuel aux êtres et aux choses, ainsi qu’à ses propres besoins, à ses propres désirs. Toutes ces années, elle avait vécu isolée, à la fois en elle-même et d’elle-même. » En d’autres mots : elle a horreur de tout ce qui pourrait pénétrer (au sens premier du terme) son intimité. Alors qu’Edward, son mari depuis le matin, ne rêve que de « ça », ne pense qu’à « ça ». Bonjour l’incompréhension ! Et comme Judith n’en a parlé à personne, même pas à sa mère, surtout pas à sa mère, une froide intellectuelle de haute volée, elle est stressée, angoissée. Car elle aime son mari et elle voudrait tellement lui faire plaisir ...



Nous suivons donc la soirée de ce jeune couple, depuis le souper dans le salon attenant à leur chambre d’hôtel jusqu’à l’apothéose finale. Ian Mc Ewan nous guide tantôt vers le moment de leur rencontre et l’histoire de leur amour, tantôt vers leur passion et leurs études(Edward adore l’histoire et Judith est une violoniste sensible et talentueuse), tantôt vers leur enfance (bizarre quand même, le père de Judith...)

Et nous assistons à leurs tentatives maladroites pour se rejoindre physiquement. La juxtaposition de leurs pensées produit un hiatus révélateur du profond abîme qui les sépare. Cela en deviendrait même risible.

Mais on n’a pas envie de rire. Oh non. Je me dis que quelques gestes peuvent changer le cours d’une vie, quelques mots aussi, jetés dans le tourbillon d’incompréhension.

Ian Mc Ewan a disséqué de façon magistrale et profonde les cœurs et les corps, et curieusement, alors qu’on pouvait s’attendre à une histoire érotique, pleine de gestes sensuels, on a affaire à une histoire cérébrale et toute intérieure.

Et le cérébral dans une nuit de noces ? Cela donne un vrai fiasco.

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L'intérêt de l'enfant

Alors là, je reste abasourdie devant l’intelligence multiple de Ian Mc Ewan.

En mettant en scène une magistrate londonienne de 59 ans – juge aux affaires familiales – , pianiste de surcroît, en pleine crise conjugale pour couronner le tout, jugeant avec sagesse, implication et logique des cas difficiles, l’auteur de ce roman accompli a dépassé les limites de la compréhension humaine.

Non, je n’exagère pas ! Il se met à tel point dans la peau de cette femme forte et fragile à la fois que je ne peux que le saluer et l’admirer. Il s’immisce dans les plus petits recoins de sa vie et comme celle-ci fait preuve d’une telle sagacité couplée à un sens aigu de la nature humaine, tous les personnages gravitant autour d’elle nous deviennent transparents.

J’en suis arrivée à épouser ses pensées les plus intimes et à vibrer moi aussi, que ce soit lors de ses réflexions sur le monde qui l’entoure et sur le sens de sa vie, ou pendant l’exercice – ô combien délicat – de ses fonctions juridiques, ou encore lorsqu’elle est confrontée à son mari et à la remise en question de son couple.

De plus, l’empathie de l’auteur – par l’intermédiaire de l’héroïne - envers chacun des autres personnages, leur compréhension, l’analyse fine et sensible de leur comportement et de leurs pensées, leurs intentions, leurs négations, leurs moteurs, tout ceci fait de ce roman un chef-d’œuvre.





Il faut dire que l’héroïne est une femme hors du commun. Chaque jour, elle doit trancher dans le vif, décider de ce qui fera le bonheur ou la désillusion des personnes les plus diverses, que ce soit les parents de bébés siamois, ou ceux qui se disputent la garde d’enfants, ou encore des parents témoins de Jéhovah, refusant la transfusion pouvant mettre à leur enfant de presque dix-huit ans d’être sauvé. Ce cas va l’occuper plus qu’elle ne pensait, car pour le résoudre, elle sortira des sentiers battus et ce chemin inhabituel conduira sa conscience et son cœur en une contrée terriblement déstabilisante. En effet, le bon sens et l’aptitude à questionner peuvent changer le cours d’une vie, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un adolescent fragile et intelligent...



L’intérêt de l’enfant doit toujours être le but de ceux qui s’occupent des affaires familiales : sa protection, bien sûr, mais aussi son épanouissement, et lui donner toutes les conditions pour que ses capacités, encore à l’état brut, puissent un jour se déployer.

Je peux vous assurer que Ian Mc Ewan, à travers son héroïne, y a contribué de façon...magistrale!

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L'intérêt de l'enfant

La ballade d'Adam Henry.

Ado atteint de leucémie.

Témoins de Jéhovah, ses parents.

Refusent une transfusion de sang.

Alors un juge est ordonné.

Que la question soit tranchée.

C'est Fiona qui s'y colle

Impeccable, prêt à jouer son rôle.

Servir les intérêts de l'enfant.

Mais elle se trouve à un tournant.

A près de 60 ans, Jack, son mari

S'entiche d'une jeunette : Mélanie.

Amoureuse du travail bien fait.

Fiona se rend à son chevet.

Pour prendre la bonne décision.

Afin qu'Henry trouve la guérison.

Nous partons cette fois-ci pour l'Angleterre.

Avec une plongée dans le monde judiciaire.

Les juges y sont comme partout, débordés.

Mais rendent la justice, d'un œil avisé.

Dans ce livre il y a bien quelques longueurs.

Beaucoup de détails et d'épaisseurs.

Un peu gommés grâce à une très belle écriture.

Bref un roman de bonne facture.

Avec de très sincères sentiments.

Qui aurait mérité un peu moins d'élément.

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