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Critiques de Javier Cercas (526)
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Indépendance

Traduit de l'espagnol par Alexandar Grujicic et Karine Louesdon



Ce deuxième tome de la vie de Melchor m'a moins passionnée que le précédent.

En effet, la vie politique, économique y est décortiquée, analysée, critiquée. Et je ne connais rien de cette vie là. Mis à part, bien sûr, celle des enfants des petits bourges qui se croient au-dessus des lois. Car je crois que cela est universel. L'argent, c'est le pouvoir et le pouvoir, et bien, souvent, ça pourrit tout.

Par contre, je suis toujours très attachée à Melchor que je trouve très humain, dans le bon sens du terme.

Bonne lecture.

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Le château de Barbe Bleue

Ancien taulard devenu policier puis finalement reconverti en bibliothécaire dans un petit village proche de Barcelone, Melchor Marin aspire désormais à la tranquillité. Sauf que sa fille de dix-sept ans qui vient de comprendre la responsabilité de son père dans la mort de sa maman, profite d’un séjour à Majorque pour esquisser une fugue. Hélas, elle tombe dans les griffes d’un richissime homme d’affaires suédois qui se place au-dessus des lois et tient les autorités à sa merci.

Totalement bouleversé, Melchor remue ciel et terre pour retrouver sa fille et use de ses anciennes relations dans la police pour mener sa propre enquête. Une fois sa cible identifiée, il n’aura de cesse de la détruire.

Dernier volet d’une trilogie commencée en 2021, ce roman noir espagnol peut se lire indépendamment des deux titres précédents. Suspense et émotion permettent au lecteur de s’identifier facilement au héros torturé qui connait d’abord l’angoisse de la disparition de sa fille avant de reprendre l’initiative et de conclure dans un final époustouflant !

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Indépendance

Second opus de la carrière de l’inspecteur Melchor Marin, rompant exceptionnellement sa routine de Terra Alta pour donner un coup de main à ses anciens collègues barcelonais, dans une enquête de chantage et extorsion visant la maire de cette même ville.



Au-delà des personnages récurrents, Javier Cercas produit une charge violente sur la société dirigeante de cette province catalane en désir d’indépendance, ses soubresauts politiques et ses élites pas toujours très nettes. La vision offerte des rouages du pouvoir catalan est très édifiante : un monde d’impunité, de corruption et d’entre-soi.



J’avais bien apprécié le premier livre avec ce policier fragilisé par son métier et qui subit le pire dans sa vie personnelle. Ici, je le trouve noyé dans un dossier sans énergie et trop verbeux. Le roman est structuré par de nombreux et longs dialogues. C’est un brin désarçonnant, ça frôle l’ennui en dépit d’un montage narratif entremêlant l’enquête et le récit/confession d’un protagoniste inconnu… dont on subodore l’identité rapidement ainsi que le twist final impliquant notre héros.

Amusante trouvaille, en revanche, de voir un clone de notre auteur s’inviter dans la narration.



Une lecture intéressante mais un avis mitigé (pour ce qu’il vaut).

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Terra Alta

Figurant sans conteste parmi les plus grands écrivains espagnols contemporains, Javier Cercas se renouvelle totalement avec Terra Alta, le premier volet d'une trilogie annoncée. Pour son retour à la fiction, l'auteur a choisi un genre inattendu, le polar, ce qui ne l'empêche pas évidemment de revenir à quelques uns de ses thèmes de prédilection : l'identité et la justice, auxquels s'ajoute la vengeance, légitime ou non. Son héros, Melchor, un flic, anciennement délinquant, est un personnage complexe et tourmenté, qui a toutes les peines du monde à trouver sa place dans le monde. Outre l'intrigue purement policière et la personnalité de son personnage principal, Terra Alta vaut aussi pour le portrait de la comarque éponyme, tout au sud de la Catalogne, rocailleuse, pauvre et inclémente. Dans les environs a eu lieu la bataille de l'Ebre, la plus sanglante de la guerre civile espagnole. Ce n'est pas un coïncidence si le roman se déroule en ces lieux car il y a un lien ténu avec l'enquête pour triple meurtre qui occupe Melchor mais ceci n'est révélé qu'à la fin de l'ouvrage. En revanche, la présence des Misérables de Hugo est une constante dans le livre, véritable compagnon de route de son héros qui s'identifie à Javert, ce "faux-méchant." Terra Alta est bien un polar mais plus que la résolution des crimes, c'est la peinture intime d'un homme et de toute une région qui, au fond, lui ressemble, qui lui donnent une ampleur vertigineuse et complètent parfaitement une œuvre qui ne cesse d'être passionnante. Il n'y a désormais plus qu'à attendre sagement les nouvelles aventures de Melchor en terre catalane.
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Indépendance

Après Terra Alta,je retrouve avec enthousiasme Melchor. Homme qui a vécu plusieurs vies en une seule,qui a laissé tomber son costume de délinquant pour endosser l'uniforme de policier,et qui envisage de devenir bibliothécaire. Il faut dire que c'est grâce à la lecture des Misérables qu'il est devenu justicier,grâce aux livres qu'il a rencontré l'amour et eu une petite fille qu'il a nommé Cosette!

Indépendance se déroule principalement à Barcelone. Afin d'aider son ancien collègue dans une affaire de chantage "sextape" exercé sur la maire de Barcelone, il abandonne quelques temps sa terre chérie.

Javier Cercas nous plonge dans le milieu peu reluisant de la politique,de la soif du pouvoir . Si la critique acerbe de ce milieu s'ancre dans l'histoire de la Catalogne, la personnalité abjecte des personnages de ce roman,leur absence de scrupule pour arriver à leur fin,la soumission à laquelle peuvent être tenté certains pour accéder à une classe sociale élevée peuvent se transférer chez nous comme ailleurs!

J'ai moins aimé ce second tome mais le personnage de Melchor rachète bien certaines longueurs et des digressions parfois superflues à mon goût ! Je regrette aussi d'avoir deviné beaucoup trop vite un des éléments essentiels de l'histoire. Je vais cependant me lancer sans plus tarder dans le troisième volumes!
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Terra Alta

Premier volume d'une trilogie, Terra Alta est si l'on en croit les critiques et l'auteur, radicalement différent des autres livres de Javier Cercas qui a voulu s'exercer au genre policier. Je ne connais pas ses autres oeuvres, mais je trouve celui-ci très abouti dans le genre.



Cela tient en grande partie au personnage de son enquêteur héro, Melchor Marin. Fils d'une prostituée assassinée, Melchor est un ancien délinquant et grâce à la découverte du roman de Victor Hugo, Les Misérables pendant son séjour derrière les barreaux il a décidé de poursuivre une carrière qui le mènera à la recherche de la vérité.



Melchor, délinquant repenti, réussit à intégrer la police et se retrouve avec le statut de héros du jour au lendemain à l'issue d'une confrontation avec des terroristes. A sa demande, il est alors muté en Terra Alta au sud de la Catalogne sur les bords de l'Ebre, dans un coin où ‘il ne se passe jamais rien'. Mais des mois après son arrivée, le voilà à la tête d'une enquête difficile dans laquelle deux notables nonagénaires ont été torturés et assassinés sans aucun motif apparent. L'enquête le pousse à replonger dans son passé mais il comprendra aussi que dans son investigation, le présent enfonce profondément ses racines dans le passé violent de la région où la guerre d'Espagne et la bataille de l'Ebre puis le franquisme ont laissé des empreintes et des rancoeurs encore bien réelles.



La force de ce roman et son intérêt résident dans l'astucieux mélange de trois histoires, l'histoire personnelle de Melchor, qui est peut-être la plus intéressante et la plus originale, l'enquête sur les deux homicides et l'histoire de Terra Alta. C'est un roman qui nous tient en haleine dès le début, qui mêle en permanence présent et passé pour mieux comprendre ce qui agite Terra Alta. Les chapitres alternent entre l'enquête et les souvenirs de Melchor qui fait souvent référence aux Misérables et à ses héros auxquels il s'identifie au fil de sa quête personnelle.



Un très bon roman ‘policier' que j'ai pris plaisir à lire jusqu'à la fin. C'est, à vrai dire, plus un roman qu'un ‘policier', bien que l'enquête ne soit pas mise de côté. Mais Javier Cercas a travaillé ses personnages, leur environnement, leur histoire et celle du lieu. Un vrai travail de romancier qui, au final, nous livre une oeuvre vraiment réussie.

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Terra Alta

Les romans policiers attirent souvent par leur intrigue, parfois par leur dimension sociétale, et rarement par leur style. Le polar, c'est sec, factuel. Le genre ne se prête guère à l'emphase ou aux phrases ampoulées.

Terra alta est un roman policier espagnol d'un auteur qui a fait ses preuves dans le roman au sens « noble » du terme. Mais il n'y a pas, ou peu, de noblesse dans le polar. Passer une page à décrire les sentiments intimes d'un personnage, intercaler des réflexions dans un dialogue sans même aller à ligne ; voilà des manières qui peuvent passer dans le roman, mais qui sont un peu hors sujet dans un roman policier.



Le style ne m'a pas plu. J'essaye là d'expliquer pourquoi ce polar qui tourne autour de l'assassinat, après actes de torture, d'un vieux patron capitaliste assez déplaisant et de sa femme, dans une région isolée de la Catalogne, la Terra alta, a été d'une lecture pesante.

Passons aussi sur le goût, fort étonnant venant d'un policier, ancien délinquant, pour Les Misérables de Victor Hugo, et de manière générale avec les textes du XIX éme siècle. Ainsi que sur les discussions animées qui en résultent avec sa femme bibliothécaire. On n'y croit guère - et pourtant cela occupe un nombre de pages conséquent.



Le même récit, raconté autrement, aurait sans doute été plus prenant. Là, malgré des chapitres en flash-back sur le parcours du héros Melchor, qui sont presque ce qu'il y a de plus réussi dans le roman, les rebondissements sont rares. Cervas amène son final comme s'il était tout ce qui justifiait les pages précédentes : un aboutissement, qui n'en est pas un.

Ce n'est pas un mauvais livre. Juste un roman assez pesant, lourd dans sa forme, qui recèle de bonnes parties malheureusement enchâssées dans une intrigue manquant de rythme.
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Indépendance

C'est un beau printemps pour les amoureux de littérature espagnole contemporaine avec la parution successive des romans de Almudena Grandes, Arturo Pérez-Reverte et Javier Cercas. Pour ce dernier, la suite de son splendide Terra Alta était impatiemment attendue et ce deuxième volet d'une trilogie annoncée, intitulé Indépendance, ne risque pas de décevoir les aficionados de l'auteur. Il est moins question de la région de Terra Alta, cette fois-ci, que de Barcelone, dans une légère dystopie, puisque l'action du livre est censée se passer en 2025, alors que la capitale catalane est dirigée par une première édile ultraconservatrice et xénophobe, entourée de conseillers issus de la grande bourgeoisie de la ville. Indépendance est un roman policier, bien sûr, avec une enquête sur un chantage à la sextape concernant la maire de Barcelone, mais aussi social et politique, où la question de l'indépendance de Catalogne, proclamée en 2017 puis suspendue par le gouvernement espagnol, représente une toile de fond prégnante. Le personnage principal du livre, ce flic meurtri auquel la lecture des Misérables a sauvé la vie et qui rêve de devenir bibliothécaire, prend encore plus d'épaisseur dans ce deuxième tome de Terra Alta, avec ses méthodes et sa moralité très particulières, qui le hissent à la hauteur des plus grands policiers de la littérature. Il y a beaucoup d'humour et de malice aussi dans le roman et une mise en abyme délicieuse du précédent livre de Javier Cercas. Passionnant de bout en bout, Indépendance trouve une sorte d'acmé peu avant son dénouement, avec un entrecroisement virtuose de dialogues, situés dans des temporalités différentes, sans que jamais le lecteur ne perde de vue les différents fils narratifs. Après ce deuxième épisode qui aurait pu s'intituler Sexe, mensonges et vidéo, il n'y a plus qu'à attendre avec gourmandise l'ultime volet du triptyque, déjà paru en Espagne.
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Le point aveugle

J'ai toujours trouvé les romans de Javier Cercas passionnants, originaux, s'entêtant à marcher loin des sentiers battus, parfois si proches de l'essai, parfois factuels et obstinés comme du journalisme d'investigation, souvent d'une apparente objectivité et documentés comme des archives historiques...mais ménageant tous des surprises de construction, des renversements de point de vue qui vous plongent dans des abimes de perplexité.



J'ignorais qu'il avait aussi écrit un essai litteraire sur la nature complexe du roman "moderne"- c'est-à-dire ceux écrits après après le Quichotte- où il explicite clairement -cet essai est constitué de conférences destinées à des étudiants americains- son point de vue sur ce qui fait la modernité et la qualité des grands romans de la littérature, toutes nations confondues.



Les grands romans modernes recèlent tous un point d'ombre, un point aveugle , une question dont l'auteur n'a pas- ou ne donne pas la réponse.



Tout le roman lui-même est une quête infinie, à tous les sens du mot, de cette énigme: il est une tentative de réponse , implicite ou irrésolue, à la question posée.



Et ce faisant, il ouvre au lecteur une marge de liberté et d'interprétation qui donne aux grands livres la richesse de polysémie qui les rend si éternellement vivants.



Un essai convaincant..même si la passionnée du Guépard que je suis y a cherché ce qui disqualifiait ce roman magistral aux yeux de l'impitoyable Javier Cercas: une malheureuse petite phrase échappée, à la fin du roman, au narŕateur, ce "débutant" de Lampedusa (!!!) et à son éditeur inattentif, Giorgio Bassani himself.



Petite phrase qui m'avait d'ailleurs, je l'avoue, totalement échappé à la lecture -je vais donc rejoindre Lampedusa et Bassani au fond de leur purgatoire littéraire, quelle bonne compagnie!- et qui donnerait la réponse à l'énigme du Guépard,et inonderait d'une.. aveuglante lumiere le point aveugle du Guépard, lui refusant du même coup l'entrée au panthéon des grands romans..



Là se trouve, je pense, la limite de ce genre d'exercice-brillant- : forcer son système, sa grille d'analyse jusqu'à. ..s'aveugler soi même avec sa théorie!



Le point aveugle de Cercas c'est son jugement outrecuidant de myrmidon sur le grand fauve de Lampedusa.



Dommage... n'empêche que lire cet essai donne une furieuse envie de lire ou relire quelques grands romans et de se perdre en conjectures pour éclairer-ou trouver-leur "point aveugle".
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Le mobile

Premier roman de l’auteur et déjà il avait ce don pour la manipulation que l’on retrouva dans L’imposteur. Un écrivain, pour vouloir faire un roman aussi grand que Flaubert, va tenter de manipuler ses voisins pour les emmener vers un crime. Petit livre mais grande écriture.
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Les lois de la frontière

Une frontière.



Une ligne de démarcation invisible, comme celle séparant les quartiers de deux bandes rivales dans le feuilleton chinois que les jeunes espagnols des années 1978 regardent à la télévision.



La frontière bleue.



Matérialisée , à Gérone, par deux fleuves séparant les quartiers de la bourgeoisie moyenne et les quartiers mal famés.



Le quartier du Binoclard, adolescent timide et harcelé cruellement par ses camarades de bahut et le quartier des logements sociaux et des taudis, habités par Zarco et sa bande. Et par la belle et mystérieuse Tere.



Pour avoir franchi cette frontière- tant pour fuir son statut de victime que pour connaître avec Tere les premiers frissons du sexe et de l'amour- Ignacio Canas, dit le Binoclard,va voir toute son adolescence d'enfant sage basculer d'un coup. Le voilà "on the dark side" lui, le petit bourgeois timide et bon élève. Et les choses vont très vite, quand on rentre dans la bande de Zarco...Le temps d'un été...



Pourtant, son père et un flic intelligent le sauvent du grand plongeon et une deuxième chance lui est offerte. Le Binoclard devient avocat. Mais la frontière bleue là aussi le rattrape: est-ce sa fascination pour le héros noir, Zarco, son attirance toujours irrépressible pour Tere, ou son désir fou de comprendre ces trois mois d'été qui ont à jamais marqué leur brûlure sur son adolescence et sur sa vie d'adulte? Il se spécialise dans la défense des causes perdues, des "rebells without a cause"..et retrouve ses anciens héros, ses anciens démons...



Il cherche à comprendre, avec l'aide d'un écrivain en quête d'un nouveau regard sur le mythique Zarco. Mais la vérité est un exercice difficile...



Peut-être, finalement, qu'on ne comprend jamais ce qui nous pousse à franchir le pas, ce qui nous fait perdre pied et tanguer, vaciller dangereusement sur cette ligne de partage des eaux...



Aussi objectif et intransigeant que "les Soldats de Salamine", plus romanesque , moins historique, mais aussi très ancré socialement dans cet après-franquisme qui a vu l'Espagne basculer ,après la dictature, dans une permissivité débridée, le récit de Cercas est comme cadré par le procédé de l'interview, qui lui donne l'accent de la vérité et un recul critique évitant tout romantisme noir.



On garde la tête sur les épaules,on mesure toute l'ambiguïté des sentiments et le parcours erratique des actes. Les lois de l frontière gardent donc l'équilibre, laissent au mystère des passions et des mobiles tout leur poids, mais l'empathie envers les personnages s'en trouve bridée: j'ai préféré Les Soldats de Salamine, à cause du personnage de Mirallès, qui fusionne tellement avec sa personne que nous perdons soudain toute réserve critique et toute distance, pour une tendresse subjective et bouleversée .



Rien de tout cela ici: Cercas garde sang-froid et maîtrise même si ses personnages perdent leur aura ou leur légende et si leurs personnes se dégradent, se détruisent et sont renvoyées au néant.



Un regard décapant et sans aucun soupçon de romantisme facile sur les années dites de la Transition..
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Les soldats de Salamine

Soldados de Salamina

Traduction : Elisabeth Beyer & Aleksandar Grujičić



ISBN : 9782253113560



"Les soldats de Salamine" pourrait se définir, en dépit de sa brièveté (il ne fait que deux-cent-quatre-vingt-deux pages en Livre de Poche), comme un roman sur l'Espagne de la Guerre civile et aussi comme un roman sur le besoin d'écrire. S'il a d'ailleurs fini par atterrir sous l'étiquette "roman", son auteur, qui est aussi journaliste, n'arrête pas de préciser à tous ceux qui lui en parlent dans le livre que le résultat auquel il veut aboutir, c'est un "récit réel." Ce qui n'étonne guère les journalistes qu'il croise mais laisse plutôt perplexe le Chilien Roberto Bolaño qui fait, dans la troisième partie, une apparition très remarquée, tant pour son humour que pour son franc-parler, et aussi parce qu'il va aider en quelque sorte Cercas à reprendre et achever un texte qu'il croyait sans valeur.



Quoi qu'il en soit, que vous soyez farouchement partisan du terme "roman" ou que vous encensiez tout aussi frénétiquement le "récit réel", point n'est besoin d'engager ici une guerre civile sur Babélio ;o) . "Les soldats de Salamine", dont le titre fait allusion à la victoire, très inattendue, des Athéniens de Thémistocle sur les Perses de Xerxès Ier (pour les dates, c'est Pâques, alors, vous irez les chercher vous-même mais ça devait se passer aux alentours de 480 av. J. C., si ce que m'a appris ma chère professeur au collège, Mme Capoucin, dans un temps qui n'est plus, est resté relativement intact dans ma mémoire ), est avant tout un livre à lire. Il est écrit par un homme que je classerai plutôt à gauche (vous remarquerez l'orthographe ancienne, n'est-ce pas, que je n'utilise plus que très rarement pour la France ) mais véritablement passionné par l'Histoire de son pays et qui tente, comme tant de gens de ma génération (Cercas est né en 1962) en Espagne, de comprendre comment et pourquoi tout cela est arrivé ; comment un même peuple qui, dans le combat, a montré, des deux côtés, une bravoure, voire une témérité, ainsi qu'une férocité similaires dans bien des cas, en est arrivé à se déchirer de la sorte alors qu'il possédait les mêmes vertus et les mêmes défauts ; et, peut-être plus encore, comment il a laissé récupérer pour les uns un mouvement révolutionnaire de droite non dépourvu de panache par un petit officier sorti du rang, lequel l'a transformé en dictature petite-bourgeoise et sans gloire, et pour les autres un mouvement révolutionnaire de gauche, à la fois social et sincère, par un parti politique étranger qui l'a bloqué, paralysé et conduit à l'inexorable défaite.



"Les soldats de Salamine" est un livre courageux, passionné, aussi impartial qu'il le peut parce qu'il veut "comprendre", qui débute par une anecdote toute simple, un de ces petits trucs qui surviennent en temps de guerre sans qu'aucun belligérant puisse l'expliquer avec logique : un soldat qui tient son ennemi - et un ennemi gradé, une "huile" même - au bout de son fusil, un soldat qui, très précisément, n'a qu'à crier pour que les siens arrivent et abattent l'ennemi, lequel n'est pas armé, ce soldat-là ne fait rien. Non Au contraire : il ment aux siens en leur affirmant que, de son côté, il n'aperçoit aucun adversaire évadé.



Dès le départ, le gradé, l'"huile", a un nom, et pas n'importe lequel. Il s'agit de Rafael Sánchez Mazas, l'un des pères fondateurs de la Phalange - la Phalange a précédé Franco, rappelons-le - qui deviendra plus tard ministre sous le Caudillo avant d'être destitué par celui-ci et renvoyé à ses poèmes et à ses romans. (Il se trouve que, bien qu'il soit aujourd'hui assez oublié sur ce plan, Sánchez Mazas était aussi écrivain.) Selon Javier Cercas, "un bon écrivain mineur". le milicien qui va le laisser s'échapper, lui, demeure anonyme jusqu'à la fin ... à moins que l'on adopte la théorie de Cercas - qui est d'ailleurs peut-être exacte. Et tout le livre repose sur la définition du "héros" par rapport aux parcours, si différents, de ces deux hommes.



Au temps de ses débuts dans la Phalange, au temps de sa "foi", dirais-je , Sánchez Mazas aurait pu devenir un héros. Sans doute s'est-il rêvé d'ailleurs en héros, c'est le privilège de la jeunesse et peu importe l'idéologie qu'elle sert ou croit servir. Mais il n'en a jamais eu le courage physique - ce qu'il admettait - et encore moins, ce qui est bien plus grave, le courage moral. Après la fin du conflit et l'arrivée au pouvoir de Franco, il a laissé récupérer ses idées et celles de José Antonio Primo de Rivera par le Caudillo : il a laissé s'embourgeoiser la révolution dont, à sa manière, il rêvait - il ne refusait que le communisme et le désordre public. Parfaitement conscient d'avoir raté sa vie, il s'est replié sur lui-même, a continué à écrire, certes, a fanfaronné jusqu'au bout qu'il n'était habité "ni par le regret, ni par l'oubli" et puis, il est mort. Paisiblement mais avec tout le poids de ce qu'il avait raté pour lui-même - et de cette guerre que, avec ses amis de jeunesse, qui furent tous (ou presque) assassinés au début du conflit, il avait déclenchée sans soupçonner le moins du monde les conséquences qu'elle aurait sur son pays.



L'autre, le milicien sans nom (à moins qu'il ne s'agisse vraiment de Miralles), ne s'est jamais senti un héros. Et pourtant, il le fut. Reculant devant les troupes franquistes, il passe en France, connaît la tragédie des camps (nous avons traité nos frères européens comme nous n'osons pas, aujourd'hui, traiter des migrants bien plus agressifs et qui ont bien moins de raisons d'occuper notre territoire), s'engage dans la Légion étrangère, rejoint Leclerc au Maghreb, entreprend avec lui et ses troupes, à pied, la traversée du désert jusqu'au Tchad , participe à la Seconde guerre mondiale, retraverse le désert dans l'autre sens pour s'embarquer en direction de la Normandie, entre dans un Paris meurtri mais libéré, finit par se fixer à Dijon et à obtenir une nationalité française largement méritée, croise dans le camping catalan où il se rend régulièrement un certain Roberto Bolaño qui gagne alors sa vie en gardant les lieux, et puis s'installe pour mourir dans une maison de retraite tenue par les soeurs, non loin de Dijon. Comme Sánchez Mazas jusqu'en 1966, date de sa mort, cet ancien milicien, qui tient à ce qu'on l'appelle Miralles tout court, a vu mourir tous ses amis, tous ses compagnons de jeunesse tandis que, pour une raison inconnue, la Mort l'épargnait. Et, à un Javier Cercas sur le moment déconcerté, il avoue en pleurant presque : "Les héros ? ... Mais les héros sont morts. Morts. Morts. Morts. Tous."



La Mort, la grande gagnante. Tant dans la guerre civile d'Espagne que dans la Seconde guerre mondiale. Et pourtant ...



Et pourtant, il reste cette histoire étrange, que Cercas nous raconte en trois parties - le "prologue" où il apprend l'anecdote sur l'"exécution" ratée de Sánchez Mazas, le mini-portrait qu'il nous brosse de celui-ci et de son existence, et enfin l'entrée en scène de Bolaño qui, avec l'incroyable vie de bâton de chaises qu'il a menée, va le convaincre de reprendre son texte et de tenter de lui donner cette fin qui lui manquait en faisant des recherches sur le fameux Miralles - cette histoire un peu folle, un peu décalée qui est à la fois un hymne à l'Espagne, ni à l'Espagne franquiste, ni à l'Espagne communiste mais à l'Espagne toute seule, et aussi à la Liberté. Cette liberté qui, pour Miralles, reste à jamais symbolisée par ce drapeau presque en loques et cependant encore si fier, qu'il n'a cessé de brandir durant la Seconde guerre mondiale : le drapeau de la France libre.



Par les temps qui courent, il est bon de lire un roman (ou récit réel ;o) ) comme "Les soldats de Salamine" parce qu'il nous rappelle que ne meurent pas aussi facilement que le croient certains défaitistes et que l'espèrent certains dictateurs ces deux valeurs primordiales : aller de l'avant, toujours, toujours, et se battre, se battre pour la Liberté.



La Liberté, on ne perçoit combien elle est belle et noble que lorsqu'on vient à vous l'enlever : ne l'oubliez pas. Miralles, lui, ne l'a jamais oublié - et le plus étrange, c'est que, vraisemblablement, Sánchez Mazas non plus. ;o)



Nota Bene : à toutes, à tous, mieux vaut néanmoins, avant de vous plonger dans "Les Soldats de Salamine" (ou d'ailleurs, selon moi, dans tout livre évoquant des épisodes de la Guerre d'Espagne) vous renseigner un peu sur le sujet afin de reconnaître sans problème les différents noms cités et les idéologies défendues. Parce que la Guerre d'Espagne, ce n'est pas seulement Franco et la "droite" d'un côté avec les communistes et les Républicains de l'autre. C'est bien plus complexe - et beaucoup moins manichéen. A bon entendeur ! ;o



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Les lois de la frontière

Eté 1978, à Gérone en Espagne, un adolescent de la classe moyenne, pour échapper à la malveillance d'un de ses camarades de classe, rejoint une bande de voyous menée par le charismatique Zarco et son amie Tere. A leur côté, il participe à une série de cambriolages, de vols de voitures et d'attaques de banques durant tout l'été.

Trente ans plus tard, devenu un avocat pénaliste reconnu, il raconte son histoire à un écrivain, essayant de décrypter les motifs de son engagement dans la bande de Zarco et les raisons pour lesquelles il s'est occupé de sa défense, celui-ci étant devenu entre-temps un bandit multi-récidiviste condamné à la prison à vie et un héros national.

La force de ce roman ne réside pas uniquement dans le portrait réaliste de la société espagnole dans les années suivant la mort de Franco mais aussi et surtout dans la mise en perspective d'une vie d'homme avec ses parts d'ombre et ses ambiguïtés et la difficulté de relire son passé à partir de l'instant présent.
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Le monarque des ombres

La photographie de Manuel Mena trône dans la maison familiale depuis toujours. Grand-oncle de Javier Cercas, phalangiste mort au combat dont il ne reste plus aucun autre souvenir concret. Et pourtant ce fantôme poursuit l'auteur depuis longtemps.

Ce roman se lit comme un documentaire, une recherche objective sur cet homme. J.Cercas en a besoin. Il hésite, il résiste, puis céde et se lance à sa rencontre, se disant qu'il n'en écrira rien et surtout pas un livre! Mais l'évidence s'imposera, il doit l'écrire. Cette décision est l'aboutissement d'un long cheminement que nous fait partager J.Cercas car, finalement " écrire sur Manuel Mena voulait dire écrire sur moi". J.Cercas parle de lui à la 3ème personne du singulier. J'entends ce choix comme une volonté de mise à distance ( qui d'ailleurs s'étompe progressivement) ; mise à distance de l'observateur qui se veut objectif car il affirme " si j'étais un littérateur et ceci une fiction je pourrais affabuler...." mais il me semble aussi que cette distance renvoie à la honte d'appartenir à la lignée dont le héros était "du mauvais côté". Cette phrase qu'il répéte comme une litanie " je ne suis pas un littérateur" je l'ai entendue presque comme "je ne suis pas là pour m'amuser"...car le sujet est doublement sérieux. Il s'agit de la guerre et du poid familial dont il a besoin, si ce n'est de se délester, au moins d'identifier clairement ce qui en constitue la nature. Cela m'a paru aussi une rhétorique pour énoncer de multiples hypothéses et permettre au lecteur d'accéder, lui aussi, à une meilleur compréhension du contexte historique dans lequel les espagnols se sont retrouvés piégés, de nous présenter la réalité crue et terrible des champs de batailles. Mais ce parti pris de mise à distance quasi scientifique devient une auto censure car elle lui interdit les émotions (les siennes et celles qu'il pourrait prêter à Manuel Mena ) ce qui , finalement l'empêche de s'approcher réellement de son grand-oncle qui reste "flou", "une statue" puisqu'il ne parvient pas à lui donner vie. Il va pourtant , lors d'un retour à Ibahernando, s'identifier malgrè lui à ce personnage, ressentir ce qu'il a pu vivre lui même en revenant en permission dans son village, cette notion "d'étranger" voire même "d'étrangeté". Mais son enquête piétine et il panique même à l'idée que l'histoire racontée par sa mère soit peut-être totalement fausse. Cela m'a fait penser à la force de ce qu'on nomme "le roman familial" et sa confrontation au réel, quelle version est-elle la plus proche de la réalité de celui qui s'y frotte !? Pourtant, il persévère et il avance car il me semble qu'il s'inscrit dans une filiation du devoir. Est-ce un hasard s'il emploie la même phrase pour parler de son engagement à écrire cette histoire "si ce n'est pas moi, personne d'autre ne la racontera" que celle du grand père Paco qui repond à sa femme qui l'intérroge sur sa décision de partir au combat " parce que si moi je n'y vais pas, personne n'ira, Maria" et Manuel Mena plus tard qui affirme à son oncle " parce que si moi je n'y vais pas, c'est toi qui devra y aller".

C'est un très beau livre, pas toujours facile pour moi car j'ai eu du mal avec les longues scénes de batailles, les descriptions de stratégie militaires, mais la quête de l'auteur sur le passé familial, sur la transformation intérieur qui en découle et sur la relation magnifique qu'il crée avec sa mère à la fin du récit l'emporte largement sur ces longueurs.
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Le monarque des ombres

Avec « Le monarque des ombres« , Javier Cercas poursuit sa longue réflexion sur la Guerre d’Espagne entamée il y a plusieurs années déjà. Une guerre civile qui, aujourd’hui encore, est un véritable traumatisme dans la péninsule ibérique. Cercas nous conte ici, l’histoire d’une histoire, la plus intime, la plus difficile qu’il nous ait sans doute offert : le récit de la vie de Manuel Mena, un oncle de la mère de Javier Cercas qui combattit dans les rang des troupes de Franco et mourût a dix-neuf ans, en 1938, pendant la sinistre bataille des rives de l’Ebre. On suit la réflexion, la lente maturation d’un livre qu’il se refusait à écrire. La honte de Cercas, lui l’homme de gauche qui doit assumer le passé franquiste d’une partie de sa famille. De Manuel Mena, il ne subsiste qu’une photo.. tout le reste ayant été brûlé. C’est à la lente déconstruction d’une figure familiale à laquelle nous assistons. Le Manuel Mena du début du livre n’est pas celui que l’on découvre peu à peu grâce au travail, comparable à celui d’un historien, mené par Cercas, qui avec recul et rigueur reconstitue le parcours de celui qui s’est sacrifié pour rien.. L’évolution de l’image fantomatique de ce jeune homme qui a été trompé et qui s’est retrouvé à combattre ceux qui auraient dû être ses frères, est saisissante. La vie, l’histoire, hélas s’est joué de lui. Javier Cercas nous émeut en nous éclairant sur les secrets enfouis de sa famille originaire d’un village pauvre d’Estremadure : Ibahernando. En parlant de son ancêtre, il nous fait voyager dans son inconscient, dans ce qui aurait pu être tu. J’ai trouvé son approche de l’histoire, sa réflexion sur le passé et ces mystères, les sombres voies de la destinée d’un être, absolument passionnante. L’humilité de Cercas, qui sait pertinemment et reconnait qu’il ne pourra jamais atteindre les ultimes bastions de la vérité sur Manuel Mena, près de 80 ans après la fin de la guerre d’Espagne, m’a touché. Ses doutes, ses peurs, ses tourments, le lointain échos du fracas des combats, ce livre sur Manuel Mena c’est aussi celui d’une blessure intime dans la psyché de Javier Cercas. Mais ce dernier à la lucidité de ne pas juger.. car oui Manuel Mena, n’était qu’un jeune adolescent de dix-neuf ans, mort pour rien. Il n’était pas un fanatique mais bien un fantôme du pays des ombres mort psychiquement du fait des horreurs de la guerre, sans doute bien avant sa mort physique. Récit sur la survivance des souvenirs, sur l’effacement implacable du temps qui corrompt et détruit tout sur son passage, « Le monarque des ombres », servi par un style sublime, est assurément un très grand livre. Une leçon magistrale d’une histoire dans l’histoire.
Lien : https://thedude524.com/2019/..
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Les soldats de Salamine

_ « Toutes les guerres sont pleines d'histoires romanesques, n'est-ce pas ?

_ Seulement pour celui qui ne les vit pas. Seulement pour celui qui les raconte. Pour celui qui va à la guerre pour la raconter, et non pour la faire. Comment s'appelle ce romancier américain qui est entré dans Paris… ?

_ Hemingway.

_Hemingway, oui. Quel clown ! »

Ce livre, et c'est là qu'est sa force, sa puissance, raconte le lien fugace d'un regard échangé par un vilain matin pluvieux de fin janvier 1939 entre un des fondateurs de la Phalange ayant échappé au peloton d'exécution et le soldat anonyme qui, l'ayant retrouvé dans la forêt, aurait dû l'abattre mais ne l'a pas fait. Pendant la débâcle de l'armée républicaine, une cinquantaine de prisonniers est passée par les armes. Parmi eux, le plus illustre est l'un des fondateurs et idéologue de la Phalange, l'écrivain Rafael Sanchez Mazas. Il s'échappe, se terre dans la forêt, on le poursuit et… « C'est alors qu'il le voit. Debout, tout près du fossé…il empoigne de ses grosses mains son fusil. En proie à l'absurde résignation de celui qui sait que son heure a sonné, Sanchez Mazas regarde à travers ses lunettes de myope voilées d'eau le soldat qui va le tuer…C'est ainsi, la tête enflammée, affolée et confuse, que Rafael Sanchez Mazas –poète exquis, idéologue fasciste, futur ministre de Franco – attend la décharge qui doit en finir avec lui…Au moment même où le soldat atteint le bord du fossé, un cri proche traverse le bruissement végétal de la pluie :

_ Il y a quelqu'un par là ?

Le soldat regarde Sanchez Mazas ; celui-ci fait de même…

_ Par ici, il n'y a personne !

Il fait ensuite demi-tour et s'en va.

Avouez que vous aimeriez bien savoir pourquoi, car si le miraculé a eu le temps de raconter son histoire, l'auteur de cet acte inouï de clémence est resté anonyme et sa décision inexpliquée. Ce livre-enquête en deux parties (l'écrivain d'abord, le soldat républicain ensuite) tutoie la réponse et révèle un personnage plus romanesque que possible qui répond à sa guise à quelques questions vertigineuses :

Qu'est-ce qu'un héros ? Comment le devient-on ? le veut-on vraiment ? Les héros sont-ils tous morts ? Les morts subissent-ils une seconde mort lorsque plus aucun vivant ne se souvient d'eux ? Il fustige l'ingratitude des descendants qui ont la chance de vivre en paix (nous), l'anonymat scandaleux dans lequel sont maintenus ses jeunes compagnons qui n'auront pas eu de vie et donne crédit et consistance à cette idée très dérangeante qui prétend que : "C'est toujours un peloton de soldats qui, au dernier moment, sauve la civilisation ». A l'heure où fleurissent commentateurs, comptables, et autres rapporteurs, le titre, emprunté à un roman jamais écrit de Sanchez Mazas, est un hommage aux Soldats de Salamine, entendons par là les modestes et anonymes qui font l'Histoire avec leur sang, qu'elle se soit déroulée 500 ans avant JC à Salamine ou en janvier 39 près de Gérone.

Un livre fort, émouvant, une histoire fascinante qu'on n'oublie pas !

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L'Imposteur

Connaissez-vous Enric Marco ?

Pour ma part, avant de lire ce livre, je n’en avais jamais entendu parler. Et pourtant, quel incroyable personnage que ce Catalan qui prétendit avoir été déporté dans un camp de concentration allemand, avoir été un ardent combattant anarcho-syndicaliste et un opposant au régime franquiste, qui devint président de l’Amicale de Mauthausen, donna des conférences dans des lycées, prononça des discours officiels, bref devint une icône espagnole de la résistance à toutes les formes d’oppression.

Jusqu’à ce coup de tonnerre sur la société espagnole, ce jour de juin 2005 où un historien révéla que tout cela n’était qu’une vaste imposture.



C’est l’histoire de cet homme que nous relate Cercas. Au-delà, son projet est de chercher à comprendre, sans justifier; interroger cet homme pour déceler les bribes de vérité sur lesquelles a pu se fonder la mystification; identifier les mécanismes psychiques à l’oeuvre chez cet homme; analyser les conditions historiques qui ont permis à tout un peuple d’ajouter foi à ce mensonge. Disséquer cette fiction : voilà ce à quoi s’emploie Cercas.

Dès lors, l’évidence s’impose à l’écrivain : puisque son personnage est une fiction en soi, il doit écrire «un roman sans fiction». Cercas s’interroge ouvertement sur le bien-fondé de son projet littéraire. Dès les premières lignes de son livre, il nous prend à témoin. Il a beaucoup hésité à l’écrire. A plusieurs reprises, il a renoncé. Il peut désormais se l’avouer, il avait peur. Peur de ce qu’il allait découvrir. Peur de se trouver face à lui-même et à ses propres failles. Car l’écrivain et l’imposteur sont comme les deux faces d’une même pièce : ils jouent avec le réel. Mais les règles ne sont pas les mêmes : l’un a le droit de mentir et l’autre non. Mais d’ailleurs, où se situe la vérité ? Sa recherche est-elle un but en soi ? C’est bien à une réflexion approfondie sur la littérature que se livre l’auteur. Comparant son personnage à Don Quichotte, Cercas explique comment la médiocrité d’une existence peut amener au besoin de réinventer sa vie. Cela peut passer par le travestissement de son passé... comme par l’écriture.



Le livre est entièrement construit sur cette double problématique du mensonge d’un homme qui recomposa constamment sa vie pour se convaincre que, contrairement à la grande majorité de ses compatriotes, il ne s’était pas accommodé d’une situation inacceptable pour simplement survivre, et du regard que pose l’écrivain sur la relation entre fiction et réalité, entre roman et invention.



C’est un livre d’une grande densité, qui brasse des sujets passionnants, qui s’interroge sur sa propre pertinence, qui met l’individu face à ses contradictions et propose une réflexion sur la manière dont la société espagnole accomplit son devoir de mémoire pour tourner le dos à la dictature et jeter les bases d’une démocratie.

Un livre brillant, exigeant, parfois déconcertant, et vraiment intéressant.


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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Les soldats de Salamine

Les soldats de Salamine me laissent perplexe. Diantre comment faire ? Les thèmes traités : la guerre d’Espagne par le prisme des réflexions de l’auteur sur le processus de création littéraire, cette sorte de mise en abîme, tout cela m’a plu. Alors pourquoi conserve-je l’impression d’être passée à côté en étant à peu près certaine que j’oublierais rapidement ce roman qui a pourtant fait l’effet d’une bombe en Espagne et est devenu un best-seller ? Zut et triple zut ! Le pire c’est que j’ai aimé ce roman mais qu’est-ce qui cloche ? Mystère insondable.



Bref revenons à nos moutons : le narrateur est un écrivain raté doublé d’un journaliste blasé qui ne croit plus vraiment au père noël, à savoir être reconnu. Le hasard lui fait rencontrer le fils de Rafael Sanchez Mazas, poète, condottiere romantique et initiateur du parti de la Phalange dans les années 20/30 (en clair ni plus ni moins que le parti fasciste version espagnole et accessoirement soutien de Franco). En 1939, cet homme fort « sympathique » a échappé de peu à la mort en esquivant un peloton d’exécution mené par les Républicains en déroute. L’anecdote aurait pu en rester là s’il n’avait été débusqué lors de sa fuite par un soldat ennemi qui ne l’a ni achevé ni dénoncé… comportement bizarre s’il en est. Notre narrateur trouve là matière à son roman et entame une enquête pour connaître le fin mot de l’histoire : que s’est-il donc passé ce jour fatidique ? Quels en sont les protagonistes et quelles ont été leurs motivations ? A partir de là, se déroule le fil d’une histoire incroyable qui débute dans les années 20 et s’achève bien plus tard. Les soldats de Salamine (sa 2e partie) est d’ailleurs et en partie le récit fait par notre narrateur de cette histoire (mise en abîme). La première et la dernière parties quant à elles (les plus intéressantes selon moi), témoignent des interrogations de l’auteur quant au bienfondé de sa mission (parler d’un fasciste n’est-ce pas lui rendre hommage) et des difficultés du processus créatif. Pas simple alors que l’Espagne se remet de son passé tumultueux (nous sommes en 1991), de ressasser les vieux démons.



Les soldats de Salamine s’apparentent au long et fastidieux accouchement d’un roman équivoque ou comment l’artiste se place par rapport à l’Histoire et au passé. L’histoire de Sanchez Mazas m’a peu enthousiasmée mais en revanche la place de l’écrivain dans notre société m’a bien plus marquée. Je garderai de ce roman une impression ambiguë plutôt positive. Pour ceux qui trouveraient cette critique confuse et peu investie, sachez qu’elle reflète parfaitement mon état d'esprit. E si j’en parle c’est que je vous encourage quand même à le lire. Un peu maso je sais...
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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Indépendance

« Ne me dis pas que tu n’as pas lu le dernier roman de Javier Cercas ? » (p.178)



Ce n’est pas la question que je veux vous poser, c’est une citation du livre, une autopublicité qui fait un peu bizarre au milieu de ce polar. Peut-être que ça se voulait un clin d’oeil au lecteur, mais ça m’a plutôt agacé.



Quand même, c'est un polar avec un policier vengeur qui veut devenir bibliothécaire, une incursion dans les cercles huppés de la Catalogne, les personnes qui se sentent au-dessus des lois et des magouilles financières et politiques, ce n’est pas à dédaigner.



Au final, malgré quelques maladresses, j’ai lu le dernier Cercas et je lirai bien le suivant!

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Le château de Barbe Bleue

Le château de barbe bleue clôt la trilogie de Javier Cercas dont Melchor Marin est le héros incontestable. Cosette, sa fille a 17 ans et découvre qu'il lui a menti sur les circonstances de la mort de sa mère, et de fil en aiguille sur beaucoup d'éléments constitutifs de son histoire. " On est pas sérieux quand on a 17 ans"...Alors Cosette s'évade pour quelques jours à Majorque pour essayer d'y voir plus clair et apaiser la colère qui la ronge. Les choses ne se passent cependant pas comme prévu car le grand méchant loup est avide des petits chaperons rouges perdus dans leurs émotions !

Elle se retrouve ainsi sous les crocs de Rafael Mattson, magnat et philanthrope américain qui dispose d'une véritable forteresse à Majorque.

Bien qu'ayant délaissé son métier de policier pour celui de bibliothécaire, Melchor n'a rien oublié des techniques de pistage ,ni surtout de sa soif de justice,d'autant plus aiguisée qu'il s'agît de sauver sa fille!

Javier Cercas redonne savamment une place à tous les personnages que nous avons aimés dans les deux premiers tomes pour créer une équipe de choc et nous faire palpiter dans cette chasse à l'ogre moderne!

Il ya pas mal d'invraisemblances dans le dénouement de l'intrigue,mais peu importe! Je me suis laissée aller au plaisir de faire justice au côté de Melchor pendant toute ma lecture et je suis un peu triste de lui dire adieu!
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