Citations de Jean-Jacques Rousseau (1370)
Tout est fini pour moi sur la terre. On ne peut plus m'y faire ni bien ni mal. Il ne me reste plus à espérer ni à craindre en ce monde et m'y voilà tranquille au fond de l'abîme, pauvre mortel infortuné, mais impassible comme Dieu même.
L'homme est de tous les animaux celui qui peut le moins vivre en troupeaux. Des hommes entassés comme des moutons périraient tous en très peu de temps. L'haleine de l'homme est mortelle à ses semblables : cela n'est pas moins vrai au propre qu'au figuré.
Émile, ou, De l'éducation
Vous vous fiez à l'ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu'il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui regarde vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet ; les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d'en être exempts ? Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors ? Tout ce qu'ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire ; il n'y a de caractères ineffaçables que ceux qu'imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. Que fera donc, dans la bassesse, ce satrape que vous n'aurez élevé que pour la grandeur ? Que fera dans la pauvreté ce publicain qui ne sait vivre que d'or ? Que fera, dépourvu de tout, ce fastueux imbécile qui ne sait point user de lui-même, et ne met son être que dans ce qui est étranger à lui ? Heureux qui sait alors quitter l'état qui le quitte, et rester homme en dépit du sort ! Qu'on loue tant qu'on voudra ce roi vaincu qui veut s'enterrer en furieux sous les débris de son trône ; moi je le méprise ; je vois qu'il n'existe que par sa couronne, et qu'il n'est rien du tout s'il n'est roi ; mais celui qui la perd et s'en passe est alors au-dessus d'elle. Du rang de roi qu'un lâche, un méchant, un fou peut remplir comme un autre, il monte à l'état d'homme, que si peu d'hommes savent remplir…
Une tuile qui tombe d’un toit peut nous blesser davantage mais ne nous navre pas tant qu’une pierre lancée à dessein par une main malveillante.
Vivre, ce n'est pas respirer, c'est agir; c'est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes qui nous donnent le sentiment de notre existence.
Le sort ,qui semblait contrarier leur passion ,ne fit que l'animer .Le jeune amant ,ne pouvant obtenir sa maîtresse ,se consumait de douleur .Elle lui conseilla de voyager pour l'oublier .Il voyagea sans fruit ,et revint plus amoureux que jamais . Il retrouva celle qu' il aimait tendre et fidèle . Après cette épreuve ,il ne restait qu'à s'aimer toute la vie ,ils jurèrent et le ciel bénit leur serment .
Il y aura toujours une grande différence entre soumettre une multitude et régir une société.
Il n'y a qu'une seule loi qui par sa nature exige un consentement unanime. C'est le pacte social : car l'association civile est l'acte du monde le plus volontaire ; tout homme étant né libre et maître de lui-même, nul ne peut, sous quelque prétexte que ce puisse être, l'assujettir sans son aveu. Décider que le fils d'une esclave naît esclave, c'est décider qu'il ne naît pas homme.
Sachez vous séparer de ce qui vous sépare du monde.
Leurs amours avaient commencé presque avec leur vie : dès l' âge de huit à neuf
ans ils se promenaient ensemble tous les soirs sur la Treille ; à dix ans ils ne
pouvaient plus se quitter. La sympathie, l' accord des âmes affermit en eux le
sentiment qu' avait produit l' habitude. Tous deux, nés tendres et sensibles,
n' attendaient que le moment de trouver dans un autre la même disposition, ou
plutôt ce moment les attendait eux-mêmes,et chacun d' eux jeta son coeur dans
le premier qui s' ouvrit pour le recevoir .
L'injustice des hommes est leur oeuvre, pas celle de Dieu.
Puisque aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes.
Quelquefois mes rêveries finissent par la méditation, mais plus souvent mes méditations finissent par la rêverie, et durant ces égarements mon âme erre et plane dans l'univers sur les ailes de l'imagination, dans des extases qui passent toute autre jouissance.
Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateurs. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi.
La marche a quelque chose qui anime et avive mes idées : je ne puis presque penser quand je reste en place ; il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit.
Les enfants flattent quelquefois les vieillards, mais ils ne les aiment jamais.
Délivré de toutes les passions terrestres qu’engendre le tumulte de la vie sociale, mon âme s’élancerait fréquemment au-dessus de cet atmosphère, et commercerait d’avance avec les intelligences célestes dont elle espère aller augmenter le nombre dans peu de temps. Les hommes se garderont, je le sais [,] de me rendre un si doux asile où ils n’ont pas voulu me laisser. Mais ils ne m’empêcheront pas du moins de m’y transporter chaque jour sur les ailes de l’imagination, et d’y goûter durant quelques heures le même plaisir que si je l’habitais encor. Ce que j’y ferais de plus doux serait d’y rêver à mon aise. En rêvant que j’y suis ne fais-je pas la même chose ? Je fais même plus ; à l’attrait d’une rêverie abstraite et monotone je joins des images charmantes qui la vivifient. Leurs objets échappaient souvent à mes sens dans mes extases, et maintenant plus ma rêverie est profonde plus elle me les peint vivement. Je suis souvent plus au milieu d’eux et plus agréablement que quand j’y étais réellement. Le malheur est qu’à mesure que l’imagination s’attiédit cela vient avec plus de peine et ne dure pas si longtemps. Hélas, c’est quand on commence à quitter sa dépouille qu’on en est le plus offusqué !
Fin de la cinquième promenade
"Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans les voyages que j'ai faits seul et à pied [....]. Je dispose en maître de la nature entière; mon coeur errant d'objet en objet s'unit, s'identifie à ceux qui le flattent, s'entoure d'images charmantes, s'enivre de sentiments délicieux."
Jean-Jacques Rousseau
Livre VI des Confessions.
On pourrait sur ce qui précède ajouter à l'acquis de l'état civil la liberté morale, qui seule rend l'homme vraiment maître de lui ; car l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.
Les français sont un peuple bien servile, bien vendu à la tyrannie, bien cruel et bien acharné sur les malheureux. S'ils savaient un homme libre à l'autre bout du monde, je crois qu'ils iraient pour le seul plaisir de l'exterminer.