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Critiques de Jean-Louis Curtis (20)
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La quarantaine

Non, non, ce roman ne parle pas de la mesure d'isolement pendant une maladie.

C'est de la crise de la quarantaine qu'il s'agit ici, et uniquement des hommes. Uniquement des bourgeois. Uniquement dans les années 50 et 60.



Et ma foi, l'auteur, Jean-Louis Curtis, a bien détaillé ce monde-là.

Il a publié ce roman en 1966, et l'on remarque bien la mentalité de l'époque. Lui-même l'a décrite sous ce prisme. Les hommes gouvernent le monde, les affaires, les femmes sont souvent reléguées au rôle de mère de famille. le patriarcat règne en maître, quoiqu'en dise l'auteur, « féministe » (son interview est publiée dans le livre).

Disons que le lecteur contemporain est obligé de prendre une certaine distance avec ce qui se dit et ce qui se fait. Nos valeurs ont bien changé, du moins je l'espère, parce que ce milieu précis, dans les années 50 et 60, prônait le culte de l'apparence, du moins chez les plus âgés.

Ceci, c'est pour l'aspect sociologique. Une bonne photographie de la bourgeoisie de province.



L'aspect psychologique, maintenant. C'est l'homme qui est décortiqué. Sa peur de vieillir, de ne plus séduire. Sa peur de n'avoir rien fait de sa vie. Sa peur du néant qui l'attend. Sa haine de la jeunesse dont il ne fait plus partie, de ses codes, de sa musique et de sa façon de s'amuser, et en même temps son attraction pour la chair fraiche. Son rejet de la modernité.

Le couple est bien entendu analysé, toujours sous le point de vue masculin. Et ma foi, l'auteur n'est pas entièrement pessimiste.



A travers l'histoire de deux familles auxquelles vient se greffer un couple de bourgeois parvenus, et par l'intermédiaire de dialogues et de monologues intérieurs, nous assistons au déclin de l'homme…pour mieux renaitre ?

Intéressant, pour tout qui ne craint pas de s'enfermer dans un monde révolu durant 250 pages.

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La France m'épuise

Ouvrage que l'on m'a prêté, j'adorais la couverture mais en lisant la quatrième de couverture, je me suis dit : 'Oh là là, dans quoi je m'embarque en lisant un tel ouvrage. Est-ce un livre de politique, un essai ou autre chose encore ?" Il s'avère que c'est un peu tout à la fois en plus de l'étiquette de pastiche que l'on peut attribuer à ce roman. Effectivement, en se plaçant tour à tour dans la peau de Sain-Simon, Chateaubriand, Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola, Proust, Mauriac et enfin le général de Gaulle, l'auteur emprunte certains de leur personnages de fiction pour les faire assister à ce qui ce passa, ce 10 mai 1981 en France, à savoir de l'élection de François Mitterrand en tant que président de la République. Ce qui est amusant est de voir les différentes réactions de chacun, certains se montrant offusqués, d'autres enthousiastes et pour les derniers, indifférents. Bref, je ne dirais pas qui est pour et qui est contre (et surtout je ne dirais pas mes opinions personnelles car je ne m'aventurerais jamais à me glisser sur un terrain aussi glissant qu'est celui de la politique. Je m'autoriserais juste à dire que certains propos m'ont choqués).



Un livre qui se lit très facilement, dans lequel l'auteur s'est pris au jeu d'imiter le style d'écriture de chaque auteur (on retrouve par exemple les phrases interminables de Proust pour ne citer que cet exemple) mais je n'ai absolument pas accroché avec cette lecture. Pour être même tout à fait franche, voire même radicale, j'avais hâte de finir cet ouvrage le plus rapidement possible pour pouvoir le ramener à la personne qui me l'a prêté (pour ceux et celles qui ne me connaîtraient pas encore, il faut qu'ils sachent que je me fais un point d'honneur à finir les ouvrages que j'ai commencé, même si ces derniers ne me plaisent absolument pas. Têtue, moi ? Non, à peine...).
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Les forêts de la nuit

La chronique de la vie quotidienne d'une petite ville du Sud Ouest ( Louis Laffitte, alias Jean-Louis Curtis est né à Orthez) Des personnages réalistes avec leur courage, leurs faiblesses, leurs lâchetés.

Des descriptions caustiques, un style fleuri. Ce roman mérite amplement le prix Goncourt et l'entrée de l'écrivain à l'Académie française
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La Chine m'inquiète

Jean-Louis Curtis… on connaît l’académicien agrégé d’anglais et grand spécialiste de Shakespeare. On connaît un peu moins, sans doute, le pasticheur de talent qu’il fut.

A deux reprises (à ma connaissance) il transcrivit « à la manière de » l’actualité politique : mai 68 et l’élection de François Mitterrand en 1981.



« La Chine m’inquiète », ce sont les événements de mai 68 vus par une pléiade d’auteurs : De Gaulle, Proust, Céline, Bernanos, Léautaud, Valéry, Claudel, Giraudoux, Giono, Breton, Chardonne, Malraux, Green, Aragon, De Beauvoir, Sarraute…

Autant de pastiches où l’auteur se glisse dans la plume du pastiché avec lucidité, malice ou tendresse… mais toujours avec une grande efficacité.



Il est difficile l’art du pastiche, comme celui de la caricature en dessin. Il faut une analyse minutieuse du style, pour détecter les marottes et les tics, les obsessions ; et plus tard les mettre en lumière… et c’est un art que maîtrise parfaitement Jean-Louis Curtis.

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Les forêts de la nuit

Curtis raconte dans cet excellent roman (Prix Goncourt 1947) la vie pendant la guerre 39-45 dans une petite ville sur le Gave de Pau, et l'épineuse question de la Résistance et de la collaboration. La Résistance : y entrer ou pas, et à quel prix ? Le très jeune Francis n'hésite pas : il s'engage. Hélène, sa soeur, jeune femme fragile, tombe éperdument amoureuse d'un sale type, Philippe (sorte de Lacombe Lucien, avant l'heure, de Louis Malle) qui lui est embauché par la Gestapo. Jacques, qui se prétend au-dessus de tout ça, récupère un parachutiste anglais sur une route perdue. S'engager ou pas ? Aimer à en perdre son âme... Les destins se croisent, les tragédies ont lieu. Curtis n'hésite pas aussi à peindre les horreurs et les injustices de la Libération. Curtis est un romancier observateur de son temps. Comment a-t-on pu "effacer" cet observateur remarquable des évolutions de notre temps ? Il a peint avec justesse et acuité notre seconde moitié du XXè siècle. Très injustement oublié aujourd'hui, Michel Houellebecq a essayé récemment de le rappeler à notre mémoire littéraire (La carte et le territoire, p 168-169). Je recommande aussi sa trilogie des années 80 : l'horizon dérobé, la moitié du chemin, et Le battement de mon coeur, qui raconte les destins croisés de deux amis : Catherine et Nicolas, qui traversent les années 80 avec courage (thèmes : le célibat et le mariage, la liberté -de la femme en particulier -, l'apprentissage de la solitude, la douleur de l'amour non partagé...)

Mais lisez d'abord "les forêts de la nuit", roman remarquable sur la France dans la Guerre 39-45.

30/10/13 : Si vous regardez (et aimez) actuellement "un Village français" à la TV, le roman de Curtis est une excellente introduction à cette histoire française si "compliquée".
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Les jeunes hommes

Quatre jeunes hommes dans les années 30. Quatre jeunes gens liés par leur ville de province, mais pas par leur milieu social. Comment André pourra -ou ne pourra pas- échapper à sa famille bourgeoise, confortable, mais étouffante. Jean-Louis Curtis fut le peintre remarquable des ambitions déçues et son roman "les forêts de la nuit" est l'un des plus beaux romans que j'ai lus sur la guerre 39-45, l'Occupation et la Résistance.
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Le thé sous les cyprès

Jean-Louis Curtis est, selon moi, un des meilleurs écrivains français de la deuxième moitié du vingtième siècle. Ses romans et nouvelles décrivent avec précision et psychologie les bouleversements de la société des trente glorieuses. Le style classique de son écriture et la relative rareté de ses ouvrages méritent d'être (re)découverts par les jeunes générations. Le thé sous les cyprès, un recueil de cinq nouvelles est une bonne introduction à cet auteur.



Le thème commun, c'est l'Italie, vue par le prisme d'étrangers, venus y travailler, visiter, faire du tourisme, chercher l'amour ou simplement vivre la dolce vita. Florence, Venise, Spolète, Capri et Rome vues par des Anglais, des Français, des Américains, des Allemands ou même des Italiens du Nord est un lieu de découverte, d'expérience, d'habitude ou de révélation. L'art tient un rôle important, qu'il soit pictural, théatral ou cinématographique. Cette Italie, idéalisée ou vécue au quotidien, avec ses beautés et son charme, l'histoire et la modernité et, comme partout ailleurs, l'affrontement des générations, entre anciens et modernes.
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La parade

Louise et Clarisse sont deux vieilles filles du Béarn et observent, par leurs volets mi-clos, un monde en train de se transformer (nous sommes en 1960). Elles survivent, mais n'ont pas leur langue dans leur poche ! Leur jeune amie Pauline veut s'élever dans la société en épousant un beau parti de la ville. Mais Pauline est une jeune fille moderne qui a déjà "vécu". Un homme menace ses ambitions (il prétend la connaître). Curtis observe la vie de province avec amusement et note, par petites touches habiles, l'évolution des moeurs qui va mener à l'émancipation de la femme (le Women's Lib n'est pas encore apparue). Pauline a des ambitions du passé, mais son corps et son intelligence réclament déjà la liberté et l'émancipation par rapport aux hommes. C'est un portrait acide et cruel d'une jeune femme de 1960. Comme Balzac, Curtis a voulu peindre la vie de province de son temps. Ces portraits de femmes sont très réussis.
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Le monde comme il va

« Le monde comme il va ».

Un recueil de chroniques parues entre 1955 et 1995, pour la plupart dans des journaux et périodiques comme « Arts », « Combat », « L’Express », « Le Figaro », « Le Monde »…

Tous ces petits textes ont trait à l’évolution du monde dans lequel nous vivons à travers nos modes d’expression ; que ce soit le langage parlé, la littérature, le théâtre, le cinéma. Si l’on en croit Jean-Louis Curtis, ces modes d’expression sont souvent les premières victimes des tics de langages de leur époque.

Jean-louis Curtis n’a pas sont pareil pour débusquer ces petits – ou gros – travers que nous ne détectons pas toujours… Un petit bémol, cependant : la période couverte est bien longue, et force est de reconnaître que certains textes sont pour le moins datés. Et malgré le grand talent de plume de l’auteur, certains autres, si on ne se sent pas vraiment concerné n’accrochent pas…

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La Chine m'inquiète

Jean-Louis Curtis, bon romancier injustement oublié, avait écrit deux volumes de pastiches consacrés respectivement aux événements de Mai 68 et à l'élection de Mitterrand en 81.

Google Books les a réédités en format numérique. Il y a de plus mauvaises idées. Cela m'a donné envie de les reprendre dans ma bibliothèque.

Le verdict est sans appel : ces pastiches sont parfaitement réussis, le style et les manies d'écriture de l'écrivain sont restitués, le résultat est drôle, mais le rire se fait aux dépens du sujet traité et non de l'auteur qui est traité avec respect. On ne tombe pas dans la parodie, beaucoup plus courante, qui récrit le livre visé en en accentuant les travers (quand il s'agit du Da Vinci Code, c'est bien mérité)

Dans le titre de l'ouvrage, on reconnaît la phrase d'Oriane de Guermantes ( dans "Du Côté de Guermantes" sauf erreur)



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Les forêts de la nuit

Prix Goncourt 1947 "Les forêts de la nuit" et son auteur Jean-Louis Curtis sont totalement oubliés et pourtant ce livre est un authentique chef-d'oeuvre .

Dans une langue magnifique , jamais pédante Jean-Louis Curtis nous raconte la guerre , il nous dépeint la vie sous l'occupation d'un petit coin de France. Une petite ville avec ses héros , ses salauds , ses profiteurs et ses braves gens.

La grande force de ce récit outre l'empathie que l'on ressent pour ses personnages est que l'auteur a vécu cette période et que s'il la romance quelque peu cela sonne terriblement juste .

Un superbe roman et un auteur dont je vais rechercher et lire les autres publications.

Il faut quand même reconnaitre que si les epub ont leurs détracteurs c'est grâce à eux que ces romans oubliés et pratiquement introuvables en version papier me procurent tant de plaisirs et garnissent les étagères de ma bibliothèque virtuelle de tant de merveilles oubliées.
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Les forêts de la nuit

Saint-Clar est une petite ville du Sud-Ouest, comme il y en a tant, avec son gave qui coule le long de vieilles maisons, avec sa jeunesse qui se cherche, ses hobereaux ancrés dans leurs habitudes du siècle d'avant… Une petite ville qui ressemble furieusement à Orthez (Basses-Pyrénées, aujourd'hui Pyrénées-Atlantiques). Ce n'est pas tout-à-fait un hasard, puisque c'est la ville de naissance de l'auteur Jean-Louis Curtis, un écrivain un peu oublié aujourd'hui (il fut pourtant prix Goncourt et membre de l'Académie Française), auteur de plusieurs romans primés, de pièces de théâtre (traductions remarquables de Shakespeare) et auteur, ce qu'on sait moins, de savoureux pastiches.

Les forêts de la nuit nous transporte donc à Saint-Clar dans les années noires de l'Occupation. Comme beaucoup de jeunes gens, Francis, 17 ans, va se trouver au carrefour de deux choix : la Résistance ou la Collaboration. Ce sera la Résistance. Il y laissera la vie, et sa mort sera "récupérée" par des notables sans vergogne, dont certains même avaient pactisé avec l'occupant.

L'histoire est dense, les évènements s'enchaînent, créant une machine infernale qui broie les personnages. Le roman, écrit en 1947, raconte des choses et décrit des situations qui sont encore dans tous les esprits et toutes les mémoires. Peut-être fallait-il un certain courage pour écrire, en filigrane, ce qui s'est réellement passé, et sans les nommer fustiger certains personnages douteux et certains comportements condamnables. Cela dit, toute la France occupée (et au-delà aussi, j'imagine) a connu ce genre de choses.

Il y a donc au moins deux lectures de ce roman : une lecture "terroir" où les gens du coin reconnaîtront des lieux qu'ils ont fréquentés, des personnes qu'ils ont connues ou des situations qu'ils ont vécues; et une lecture plus élargie où sont évoqués les grands problèmes qui se sont posés pendant l'Occupation et à la Libération, ainsi que les questions existentielles sur la vie et la mort, ou encore l'engagement..

Le romancier, ici, se double d'un observateur méticuleux, qui dresse un tableau peu glorieux de la mentalité provinciale collaboratrice et veule, et par contre accorde un intérêt profond et une tendresse réelle à ces personnages entraînés dans un drame qu'ils n'ont pas voulus, ou pas su maîtriser.

Les Forêts de la nuit a obtenu le Prix Goncourt 1947

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Les forêts de la nuit

Un roman dense sur la guerre, la résistance et la collaboration, vu à travers les yeux d’un jeune de 17 ans. Le rythme est bon, les chapitres courts et l’intensité de ce qui se passe rendent le roman agréable à lire. Très bon livre sur le sujet, le lecteur est projeté dans un monde réaliste mais aussi cruel des combats et du chacun pour soi. L’idéaliste qu’est Francis, le jeune, et toute son évolution au fil de l’intrigue le rend attachant, il est facile de s’identifier à lui, à ses idéaux.

L’intrigue est complexe, les personnages sont avant tout crédibles et présents pour faire évoluer le récit de manière à dépeindre un environnement crédible. J’ai aimé car on est bien loin des clichés, du tout blanc ou tout noir, au contraire, la guerre change beaucoup de choses à commencer par la façon dont on se perçoit et notre rapport aux autres. Ensuite, grâce à l’écriture exacte de Jean-Louis Curtis, c’est plus qu’un roman qui est présenté, on est à la limite du documentaire et me rappel la série française « Un village français », où l’ont assiste également au bon comme au pire de chacun en ces temps troublés.

Tout dans le bourg de Saint-Clar rappel à quel point la guerre est dévastatrice et pas uniquement en terme de perte humaine mais bien sur la psychologie de ces gens résistants, collaborateurs et tout ceux qui se retrouvent dans un entre-deux, surtout eux, se retrouve ravagés à la libération. Le roman n’épargne personne, c’est un vrai plaisir à lire et je le recommande chaudement si vous chercher de la nuance, du réalisme le tout avec une excellente intrigue.

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Les Justes Causes



Jean-Louis Curtis répond à la définition courante et traditionnelle du romancier. Il est notamment quelqu’un pour qui « le social » existe ; on s’en est aperçu à la lecture des Jeunes Hommes, des Forêts de la nuit, des Chers corbeaux. Il faut à ses personnages un milieu, une époque, des événements auxquels ils participent, et cette peinture, ailleurs souvent négligée ou tenue pour secondaire, requiert au contraire tous ses soins. Un individu, semble-t-il penser, ne se définit pas seulement par ses rapports avec d’autres individus, mais autant et plus par ceux qui le lient à toutes les collectivités, et ce, dès la famille et le lycée. Les problèmes qu’il doit résoudre, les décisions qu’il doit prendre ne l’intéressent jamais seul, se réfèrent toujours par quelque côté aux « autres » pris en bloc. Il est même très souvent façonné par le social.



Pourtant, si Curtis constate le fait, il ne le divinise pas. A la différence des réalistes de toute obédience, il ne pense pas que dissoudre un individu dans un type social, un milieu, un métier, une classe, une époque, suffise à constituer la tâche du romancier. Elle se définit bien plutôt à l’inverse, dans un désembourbement de ses héros de tout ce qui les fait ressembler aux autres, et on n’a jamais vu un romancier si pénétré de l’importance du social se dégager de cette emprise avec autant de causticité et d’esprit. L’ennemi, c’est finalement le social dans la mesure où il nivelle, égalise, généralise et banalise ; Curtis ne l’admet que comme générateur et miroir de drames intimes. Il semble nous dire en même temps, mais c’est une leçon qu’on peut discuter, que le social a ses lois propres et indépendantes de toutes les illusions qu’ont les hommes de les produire ou de les modifier. Par suite, c’est à la fois nécessité et folie que de participer à quelque forme que ce soit de vie collective qui n’est pas directement imposée.



Comme dans Les Jeunes hommes et Les Forêts de la nuit, Il se donne ici une vaste scène, une période significative, des personnages diversifiés. C’est la Libération (et les cinq à six années qui la suivent), vécue avec ses drames, ses déceptions et les changements qu’elle opère dans les destins particuliers, par une demi-douzaine de moins de trente ans : un ex-collaborateur, vichyssois et fasciste, Roland Oyarzun, un résistant du maquis, intellectuel israélite de bonne famille, Odilon Bernard, un résistant de Londres, huguenot provincial. François Donadieu, sa femme Catherine, actrice qui a joué devant les Allemands, un jeune réactionnaire, Thibault Fontanes, trop jeune pour avoir pris parti durant la guerre mais qui s’est engagé dans l'armée qui, en 1945, donne la chasse aux Allemands, plus divers comparses. Ils ont chacun leur propre histoire, qui ne recoupe pas toujours celle des autres, et ce pourrait être autant de monographies à la façon de celles que publient parfois Les Temps modernes, si le romancier n’intervenait pour organiser ces divers destins les uns par rapport aux autres, ne les faisait concourir au dessein d’ensemble qui est le sien et ne privilégiait un de ses personnages, François Donadieu, qui joue le rôle d’agent de liaison et de confesseur. Cela ne l’empêche pas d’intervenir en tant qu’auteur, de donner son avis et de faire ses réflexions, de prendre à partie le lecteur ou de s’en faire un complice. Tout cela est remarquablement construit et organisé, une vraie partition d’orchestre.



L’aventure de chacun est typique et banale ; résumée, elle n’offre aucun intérêt. Ce qui, par contre, retient, ce sont les raisons avouées ou obscures pour lesquelles chacun a choisi sa route grâce aux circonstances ou en dépit d’elles. Pourquoi Roland Oyarzun, fils de commandant d’artillerie, royaliste, raciste et antidémocrate, nationaliste avant tout, s’est-il vu plus d’affinités avec Hitler ou Pétain qu'avec de Gaulle, et pourquoi Bernard, ex-anarchiste de salon, internationaliste et pacifiste, s’est-il découvert une patrie et des motifs de se battre ? Pourquoi également Donadieu, qui s’est trouvé du « bon côté », et ce n’est pas un hasard, juge-t-il qu’en fin de compte les uns ne valent pas mieux que les autres, qu’on ne peut pas plus condamner ceux-ci qu’exalter ceux-là et qu’il est hypocrite de porter tout le bien d’un certain côté, tout le mal de l’autre. Jean-Louis Curtis ne vise pas à susciter une nuit où tous les chats sont gris et où, toutes les actions s’équivalent, mais, à la façon du romancier qui s’interdit d’être un partisan, à dépasser les raisons premières des uns et des autres pour déceler leurs raisons secondes qui sont, en général, les raisons profondes. Il remonte dans l’enfance de ses personnages, dans le milieu familial des premières années, dans leur vie scolaire ou locale, s'efforce d’analyser et de comprendre. Il se trouve qu’ils sont pour la plupart d’anciens condisciples du collège religieux de Sault-en-Labourd, et que si le germe de leur vie politique a été déposé en eux par les événements du 6 février 1934, il a donné des fruits différents pour avoir prospéré dans des terrains différents. C’est cette germination qui est importante et qui intéresse le romancier.



Ce retour en arrière, après une éblouissante peinture de la Libération de Paris, rompt un peu l’intérêt du récit, mais rétablit le roman dans ses droits. Il faut que nous sachions d'où vient François qui retrouve sa femme pour la quitter, pourquoi le lieutenant Bernard joue les personnages à la Malraux avant de diriger un hebdomadaire politique de gauche, et pour quelles raisons Oyarzun, qui purge trois mois de prison à Fresnes et se trouve condamné à cinq ans d’indignité nationale, s’adresse à François, son ennemi politique, comme à son seul ami. Pour l’observateur ou le simple chroniqueur il n’y aurait rien là que d’attendu et de banal. En nous faisant pénétrer dans l’intimité de chacun, le romancier refait de chaque comportement une aventure unique, dramatique et particulière. En nous obligeant à la vivre il nous oblige à nous identifier à elle, et si nous nous identifions nous ne pouvons plus juger. Cela devient aussi notre aventure. Je ne dirais pas que Jean-Louis Curtis soit parvenu tout à fait à ce résultat, mais il est sûr qu’à propos de ses créatures on substitue l’adjectif imbécile à l’épithète criminel, théâtral à héroïque, scrupuleux à tiède, bref le moral ou qui relève du caractère au politique. Ce qui veut dire, d’autre façon, que sous le partisan diversement coloré qu’on était prêt à juger d’emblée selon sa couleur on retrouve d’une part l'individu, de l’autre l’homme. C’est cela rétablir le roman dans ses droits, et parce que seul le lecteur de romans peut s’apitoyer sur la pauvre ganache de Roland Oyarzun, sympathiser avec le fastueux Bernard, comprendre les scrupules de l’hésitant François.



Le curieux est que les sentiments du romancier à l’égard des êtres qu’il a créés soient tout autres. Il n’en montre aucun qui soit franchement sympathique, et il les considère à peu près tous comme des imbéciles pour avoir cru ou croire encore aux « dieux de la cité », ces dieux qui se sont battus par l'entremise des hommes avant de trinquer en paix à la préparation de nouveaux carnages. Seuls les hommes en lutte croient aux « justes causes », à « la cause », quelle qu’elle soit. Les dieux, ou les sages, qui ont un champ de vision plus large (et leurs derrières assurés) savent que toutes les causes se valent et sont équivalentes, fussent-elles antinomiques jusqu'à vouloir se détruire l’une l’autre. Par définition elles sont toutes justes, ce qui revient à dire qu’il n'en est aucune qui vaille la peine qu’on se sacrifie pour elle. Si c’était là la seule philosophie de l’ouvrage, on aurait le droit de la trouver facile et un peu courte. C’est pourtant elle qui permet à Jean-Louis Curtis de réussir un grand nombre de ses effets par la répartie, la pointe, le calembour, la rosserie, la constatation ironique, tout ce qui relève de cette causticité seigneuriale (une seigneurie de l’intelligence) à laquelle il nous a habitués et qui sait se tenir entre la désinvolture niaise de quelques-uns de ses cadets, l'insolence gratuite de quelques-uns de ses aînés, pour préciser, entre Nimier et Montherlant. Toutefois, comme cette verve ne procède pas d’un point de vue « supérieur » sur l'humanité et ses vaines agitations, elle réjouit et réchauffe. La moquerie et le sarcasme sont chez lui d’assez bons déguisements de la pudeur.



Ils ne s’exercent pas le plus férocement en effet à l’égard des individus qui, si petits soient-ils, si ridicules ou si touchants, possèdent trop de nos traits communs pour que nous leur en voulions beaucoup, mais à propos des fonctions et des rôles sociaux qu’ils se donnent dans tous les genres de collectivités. C’est l’esprit de sérieux, en même temps que la frivolité, que Curtis attaque dans l’éditorialiste qui refait le monde tous les matins, dans l’auteur dramatique qui cherche des effets propres à terroriser ou exalter son public, dans la dame du monde qui se donne de l'esprit en tenant un salon littéraire, dans le revanchard de la Collaboration ou le Justicier de la Résistance, bref dans tous ceux qui ne pourront jamais se contenter d’assumer leur seule personne et qui ont charge d’âmes comme d’autres sont pères de famille. Parler en son seul nom, agir selon ses propres idées, ne pas se mêler des affaires des autres tant qu’elles ne deviennent pas les nôtres, voilà la deuxième leçon, d'une hygiène sociale assez simple, que nous donne l’auteur.



On peut la récuser comme la première, et à l’aide des mêmes arguments. Mais se joignant à la première elle découvre une question d’importance Que débat au fond l’ouvrage de Curtis : celle qui vise notre insertion dans le social. Qu’est-ce qui va mal en effet pour tous les personnages dont il nous parle, sur lesquels il s’apitoie (sans le montrer) ou dont il rit ? La façon qu'ils ont de se tenir dans le monde et qui ne correspond ni à ce que le monde attend d’eux ni à ce qu’ils attendent d’eux-mêmes. Ils sont tous en train de jouer « le malentendu » dès qu’au sein de la famille Ils apprennent à parler, et c’est un malentendu qui s’aggrave avec les années et avec les collectivités auxquelles ils appartiennent. La division, le déchirement, l’angoisse s’installent alors au-dedans d’eux-mêmes. L’auteur nous laisse le soin de désigner les responsables. Ce n’est pas une tâche facile.



La fresque d'époque, vaste, diversifiée et brillante, un peu fastidieuse aussi dans la mesure où elle nous apprend ce que nous savons déjà, se recompose ainsi par touches larges ou légères : événements, pensées et sentiments particuliers brodés sur les grands désirs et événements collectifs, problèmes communs à des milieux suffisamment étendus pour qu’ils deviennent significatifs, pittoresque passager de ce que « jamais on ne verra deux fois », permanence des grandes composantes sociales ou humaines. Elle réussit à n'être ni superficielle, ni didactique. Si elle n’est pas non plus flatteuse, il ne faut pas s’en prendre au peintre.

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Un jeune couple

La complainte du progrès,chanson de Boris Vian,vous connaissez sûrement. Et bien ce livre partage le même thème. Un jeune couple. Lui est très amoureux,d'un amour qui se suffit à lui même. Elle,elle aime le paraître, l'avoir,les sorties,la mode. Frustrée et insatisfaite.

Lui semble plutôt équilibré,a une vie sociale routinière qui le satisfait,un poste qui évolue certes lentement,une vie qu'il planifie sur les années à venir.

Elle veut tout tout de suite.Du cash,du clinquant.

À l'arrivée du bébé, comment vont ils évoluer? Réussiront ils à se rejoindre,se retrouver ? Feront ils l'un et l'autre les compromis nécessaires pour resserrer les liens des premiers mois?

C'est un roman assez sombre,dans le fond,sur deux façons opposées de mordre dans la vie. Est ce que ça peut faire un couple dans la durée ?

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Les forêts de la nuit

Trop de bons auteurs du XX° siècle sont aujourd'hui presque oubliés, et l'on peut se poser la question: qui connaît aujourd'hui Jean-Louis Curtis; qui lit ses livres?

Celui-ci, publié en 1947, a eu son heure de gloire, avec le prix Goncourt. C'est une chronique réaliste et froide de la vie d'une petite ville du sud-ouest durant l'occupation. Une vie sans trop de drames, les accommodements avec la morale, les flirts pour voir, des femmes qui couchent ouvertement avec des soldats allemands, des milieux différents qui s'observent et se jalousent...: beaucoup de médiocrité, quelques bassesses, un Pétainisme assumé, mais pas trop.

Il se trouvera tout de même un jeune homme, Francis, pour relever le niveau et s'engager, à ses risques et périls, dans des actions d'aide aux résistants. Jusqu'à convaincre son père, bourgeois rigide peu enclin a priori à prendre des risques, à approuver et à admirer son choix.

Tout ce petit monde cohabitera longtemps sans grands heurts, mais, à partir de 1944, on a compris que la guerre aura une fin, et dans quel sens le vent soufflera. Alors les vestes se retourneront, de sordides vengeances verront le jour, et c'est le seul qui s'était engagé du bon côté qui en paiera le prix le plus lourd.

Jean-Louis Curtis avait vécu toute cette période, et ce roman est en fait un condensé de ce qu'il a vu et vécu: une France lâche, blasée, mesquine et hypocrite, dans une période où on l'a plus souvent décrite comme résistante et héroïque.

C'est donc plus qu'un roman qu'il nous livre, c'est la photographie d'une des France de l'occupation. Et pas la plus jolie.
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Le roseau pensant

A mes yeux ce roman, oublié aujourd'hui, est un des plus beaux romans du XXe siècle. L'écriture de Curtis est tout simplement superbe et légère. J'avais étudié ce roman en classe de 2nde au lycée, il m'a laissé de souvenirs merveilleux. Je soupçonne même le scénariste d'un film US de s'en être inspiré "american beauty". On devrait ressortir ce roman pour que les lycéens sachent ce que signifie "écrire dans un très bon français, une belle langue"
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L'échelle de soie

Histoire d'une fille et d'un garçon qui mélangent amour et amitié.



Ce roman ne m'a rien apporté de spécial. Je l'ai lu, sans plus.
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Les forêts de la nuit

Un Prix Goncourt tombé, bien à tort, dans l'oubli.



On va s'attacher ici à la description et le destin d'une famille petit bourgeoise d'une petite ville du Sud Ouest.



La mise en scène de vie sous la France de Vichy et l'occupation sont très évocatrice dans leurs banalités. Au moment de l'écriture nous sommes encore contemporain de l'époque et c'est là où cet ouvrage prend toute sa saveur dans la description qu'il fait de l'époque, ni héroïque, ni sombre, juste les pensées et actes à grande ou petite portée que certains poseront. Les pensées des personnages, leurs engagements ou non engagements semblent beaucoup plus réaliste que celles du nombre incroyable de romans qui ont abordé l'époque.

Qui plus est le roman est fort bien écrit avec, cerise sur le gâteau, de vrais moments d'humour à travers la description de certains personnage et la retranscription de leur manière de s'exprimer (la palme au père du "héros" - si je puis dire)



Bref, si vous aimez l'époque et trouver ce livre devenu rare je pense que vous ne perdrez pas votre temps.
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Un saint au néon

Publié en 1956 chez Denoël, "Un saint au néon" constitue un des rares ouvrages de SF française écrit par un prix Goncourt.. Il comprend 1 novella ("Un saint au néon" qui a donné son titre à l'ensemble ) et 4 nouvelles (Le géniteur, Idées à vendre, Un club très exclusif et Les uns et les autres) qui sondent un futur de plus en plus lointain. La novella se déroule en 1987, dans un avenir où un pape russe règne sur une église catholique réunifiée avec l'orthodoxe, tout comme USA et URSS forment un seul supra état. Mr Laurent, homme pieux et modeste, dévoué aux pauvres, apprendra à ses dépens que le règne de cette paix a un prix élevé. Il deviendra le "saint au néon" du titre. "Le géniteur" investigue l'impact sur l'homme de la procréation artificialisée. "Idées à vendre" nous montre des limières hypersexuées qui se prostituent pour piquer les idées de créateurs. Enfin, "Les uns et les autres" nous présente une humanité "rationalisée" à coup d'hormones de synthèse, dans un monde technicisé où les rares hétérosexuels (les réprouvés) sont parqués par la majorité dans des camps où ils se trouvent soumis à des expériences... "Un saint au néon" constitue une dystopie assez virulente, une critique de certaines tendances de la société qui, comme le disait Blaise Pascal "veut faire l'ange et fait la bête".
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