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Critiques de Jorge Semprun (194)
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L'Ecriture ou la vie

A plusieurs reprises j’ai été émue par les témoignages audiovisuels de Jorge Semprun. Son décès il y a peu m’a incitée fortement à le lire…enfin si j’ose dire. C’est peu dire que j’en attendais beaucoup, trop peut-être ? Car je suis extrêmement déçue de cette lecture.



Par le contenu, en premier lieu. J’attendais autre chose. J’attendais un témoignage sur sa déportation. Or il ne s’agit pas tout à fait de cela ; pas que de cela en tout cas.

Par les longs passages consacrés à la philosophie, aux auteurs, en second lieu. Certes il fut étudiant en philosophie, mais cela m’a semblé ennuyeux, trop copieux, trop !! En somme cela m’a paru "j’en mets plein la vue avec tout ce que je sais… " Alors que je n’ai guère d’atome crochu avec cette matière si abstraite à mes yeux et à mon cerveau, je me suis senti engloutie et écrasée, au point de me demander sérieusement ce que tout cela faisait là, dans ce livre là…

Par le fouillis permanent que constitue ce livre, ensuite. Je n’ai pas aimé du tout ce manque d’organisation, ces aller et retour incessant et répétitifs .Il saute sans cesse du coq à l’âne, pour revenir à l’âne, et repartir vers autre chose…..J’aime les choses quand elles sont clairement exposées. J’aime que les idées soient organisées, structurées…bref, j’aime bien m’y retrouver.

Enfin, je suis triste du peu de sensations que m’a occasionnées cette lecture. J’attendais d’être remuée, interpellée, secouée. J’attendais de l’émotion, j’attendais d’entendre raisonner cette corde intérieure, cette petite musique qui est le signe d’une belle lecture. Je m’attendais à cheminer avec Semprun…Et bien non, rien ; ressenti zéro, émotion nulle, calme plat, bouleversement avorté, secousses réduites à néant…



Pour finir sur une note plus positive, je reconnais que l’écriture est élégante, les références solides. Hélas cela ne fait pas tout.


Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Le Mort qu'il faut

Dans ce livre, Jorge Semprun nous convoque 40 ans en arrière, à Buchenwald, le temps d’un week-end.

Une lettre, en provenance de Berlin pourrait mettre la vie de Jorge Semprun en péril. L’organisation communiste clandestine du camp décide alors de lui faire endosser l’identité d’un moribond, « le mort qu’il faut », pour tenter de lui sauver la vie. Allongé dans l’infirmerie du camp à côté de cet homme du même âge que lui, arrivé au camp en même temps que lui, avec qui il a eu l’occasion de discuter, il nous confie ses tourments, ses réflexions, son organisation psychique, pour résister à l’horreur du camp.

Sa planche de salut pour résister à l’oppression allemande : une activité solidaire (en tant que militant au sein de l’organisation communiste infiltrée à l’intérieure du camp ; engagement qui lui sauvera la vie) ; activité sociale et intellectuelle (en tant que participant à des discussions sur Gide, Giraudoux, Faulkner…, près des latrines –seul endroit que fuyaient les SS-, et malgré la chaleur et la pestilence) ; activité onirique (dans sa recherche d’intimité et de solitude, loin des regards omniprésents des « autres », par l’invitation intime de poètes tels que Baudelaire, Verlaine, …

Plus globalement, à travers ce témoignage, c’est une réflexion sur la vie, la mort, la chance, le hasard, la volonté, la cruauté, la solidarité, dans un cadre hors du commun, que nous livre l’auteur.

Un bémol me concernant : les digressions soudaines et permanentes de l’auteur, les citations en allemand, espagnol… (pas toujours traduites), les références littéraires et philosophiques multiples, bref, UN style, occasionnant quelques « décrochages » dans le plaisir de lire.

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L'Ecriture ou la vie

Un autre regard sur la déportation, celui d'un écrivain qui a choisi de "prendre le temps" pour advenir en tant que tel, de vivre d'abord, ou plutôt de revivre après avoir connu l'horreur de la mort dans les camps de la Shoah

Remarquable récit d'un retour dans la réalité, sans pourtant jamais quitter Buchenwald, lucidité d'un combattant qui, avant d'autres, a su couper les liens avec le communisme à la sauce Soviet

Portrait d'un véritable européen, dans la lignée d'un Zweig, même si très différent dans ses choix politique, de vie et de destinée

A lire, sans hésitation aucune
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Le Mort qu'il faut

Où s'arrête l’autobiographie et où commence la fiction ? Si l’auteur nous livre quelques clefs, elles ne sont pas suffisantes pour déterminer si ce “mort qu’il faut” est un simple alter ego ou une victime ayant réellement existé.



Par contre on comprend mieux les rouages de ce camp de “rééducation” que fut Buchenwald oú l’extermination des opposants et des droits communs essentiellement s’effectua pas l’épuisement et la faim, ouvrant la porte á l’impitoyable sélection naturelle: Semprun insiste sur la vitale autodiscipline imposant une hygiène scrupuleuse malgré la promiscuité, le froid et les miasmes des fosses d’aisance repoussantes converties en lieu de convivialité car hors des regards des gardiens.



De même apprend-t-on comment la rigoureuse organisation communiste a réussi à tisser un réseau de solidarité au sein même de l’administration pénitentiaire et comment ensuite la plupart de ces militants et résistants payeront de leur vie ce passé dans les purges staliniennes.



Un livre recommandable pour qui ne rechigne pas à s'immerger dans un passé où le confort se retrouve cantonné dans l’imaginaire et la nostalgie, la douleur et la faim sont une compagnie impitoyable et la mort une présence quotidienne avec pour guide la force morale maintenue par l’espoir (les Étasuniens devant impérativement tenir á Bastogne).

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Le fer rouge de la mémoire

Peut-on critiquer Jorge Semprún ? Peut-on donner une note à ce qui fut la recherche littéraire et personnelle d'un homme souhaitant autant qu'il le redoutait donner du sens à une réalité historique aussi inconcevable que les camps de la mort nazis ?





Cette épaisse compilation non-exhaustive de romans, discours, essais et préfaces dresse un portrait chronologique de ce qui fut l'œuvre littéraire (et politique) de Semprún. Du premier roman expérimental à celui d'homme mûr qui tient davantage de l'autobiographie, nous découvrons et redécouvrons sous différents angles des événements choisis de la vie d'expatrié politique, de résistant, de déporté, de revenant (calembour ?) de l'homme qui voulait écrire tout en étant persuadé qu'exprimer l'indicible le consumerait jusqu'à la mort.





Pour une découverte de Semprún, cette compilation est presque trop belle ! Si j'ai dû passer les préfaces et discours, beaucoup trop intellectuels pour mon ignorance des personnages importants du siècle dernier, mais les romans m'ont charmé. Habitué aux récits de déportés façon lycée, j'ai pu la revoir sous l'angle du "ni héros, ni victimes" cher à l'auteur. L'Évanouissement, en particulier, est un exercice de style qui touche à la difficulté de revenir à la vie civile, et de comprendre ledit retour comme une réalité et non un rêve plaisant qui se finira inexorablement lorsque, au milieu de la nuit, l'officier SS à la tour de contrôle ordonnera au haut-parleur que l'on éteigne le four crématoire dont la cheminée pourrait attirer les bombardements ennemis.





Amateurs curieux comme moi, si le livre vous semble trop touffu, ne lisez qu'un roman. Et si vous les lisez tous, alors vous aurez le plaisir de reconnaître les personnages et événements récurrents, et de pouvoir apprécier la multitude et l'évolution des réflexions poétiques, cyniques et pleines d'humour d'un grand homme profondément humain.



Spécialistes de Semprún ou de la seconde guerre mondiale, vous possédez déjà cet indispensable : faut-il prêcher au converti ?





L'arbre de Goethe, la neige sur les drapeaux du 1er mai et les vers de Baudelaire récités au professeur Halbwachs mourant resteront avec moi pendant encore longtemps.

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L'Ecriture ou la vie

Quelle beau titre! C'est ma professeur de français Maria qui me l'offrit lors de retrouvailles des années après: un cadeau de ...Noel. C'est un autoportrait ou plutôt un magnifique film littéraire, Goethe n'est jamais bien loin. La préface est de toute beauté comme une promesse d'une lecture sérieuse, intelligente, sensible et subjective. On en ressort... grandi sinon émerveillé. A lire. Evidentemente. Âmes sensibles, ne pas s'abstenir. Apprentissages et découvertes.
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La deuxième mort de Ramon Mercader

J’ai choisi ce livre sur les rayons de la bibliothèque à cause de son titre. Je m’étais déjà intéressée à la biographie de Ramon Mercader Del Rio, assassin de Trotski, à travers le livre passionnant de Leonardo Padura : « L’homme qui aimait les chiens ». Voilà donc l’occasion de découvrir Jorge Semprun écrivain.

L’action se déroule au printemps 1966, en pleine guerre froide, à Amsterdam.

Le roman commence par une déconcertante et longue analyse artistique du tableau de Vermeer, « une vue de Delft » au musée Mauritshuis de La Haye. Ce tableau constitue une sorte de fil rouge tout au long du récit. Déconcertant aussi le manque de rigueur chronologique dans la première partie, on se perd un peu à saisir le lien entre tous les protagonistes de cette histoire, ce qui contraint parfois à un retour en arrière. D’autant que l’auteur se plait à quelques digressions littéraires fort intéressantes par ailleurs, sur l’attitude d’un personnage, ou une expression qu’il aurait employée, avec humour souvent. Mais petit à petit, à notre grande surprise, les diverses pièces du puzzle s’imbriquent de façon cohérente, et il devient difficile de lâcher la lecture.

Car c’est un roman d’espionnage, et, sans doute pour nous plonger dans l’atmosphère complexe entre Russes et Américains à cette époque, où il est difficile de savoir qui agit pour qui, qui est un agent double, qui est un agent infiltré, l’auteur s’est plu à nous perdre dans l’histoire personnelle et politique de chacun de ses personnages, de la guerre d’Espagne à la révolution russe, en passant par la deuxième guerre mondiale et la RDA.

Mais c’est aussi un roman politique. A travers ce roman, l’auteur livre son regard désabusé sur la politique de l’Union Soviétique ; comment Staline, dans son délire paranoïaque, a dépouillé la Révolution de ses idéaux, en éliminant les uns après les autres ceux qui s’étaient battus pour un monde différent. Un deuxième Ramon Mercader, sacrifié lui aussi, au nom d’une idéologie dont on peut finalement douter de la légitimité et de la sincérité.

Un roman autobiographique aussi en quelque sorte, beaucoup d’éléments de sa vie personnelle se retrouvent dans le héros Ramon Mercader, et c’est un peu son rôle d’activiste communiste espagnol contre le régime de Franco qui sert de trame à ce roman.

« L’homme qui aimait les chiens », un livre passionnant entre guerre d’Espagne, révolution russe, et révolution cubaine, lu et relu.

« La deuxième mort de Roman Mercader », à relire certainement, pour une réflexion plus approfondie sur l’action politique.

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Adieu, vive clarté..

Un titre magnifique, renvoyant à un poème de Baudelaire, comment résister ?

Ne résistez pas. Il faut lire cette autobiographie partielle d'un jeune espagnol fuyant son pays tombé aux mains du franquisme et découvrant un autre pays, une France encore accueillante, et sa culture.
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Se taire est impossible

Tous les deux ont connu la déportation, pour des motifs différents. Semprun parce que communiste et résistant, Wiesel, parce que juif. Le hasard les a réuni dans le même camp, à Buchenwald. Pourtant, leur expérience fut différente : l'un y a résisté, l'autre y a survécu sans avoir conscience de ce qui se jouait autour de lui ; il y a perdu sa famille aussi.

Ils se retrouvent tous les 2 lors des commémorations du cinquantenaires de la libération. Et pourtant, comme chaque témoignage que j'ai lu, eux ne sont pas libéré. Ils le savent ; ils disent à la fois l'impossibilité de parler et celle de se taire. Du présent qui semble rejouer le passé, du Mal absolu que fut leur expérience, de la mort dans laquelle ils étaient.

Ce ne sont pas des récits de déportation (l'un et l'autre ayant publié sur cette "expérience") mais un échange de réflexion autour de la question de la mémoire et de la transmission, de la l'écoute et du partage de cette période de leur vie et de l'histoire mondiale. Et sur la difficulté d'en parler, surtout au début, quand personne ne voulait rien entendre (ou la rigueur la parole des résistants déportés et revenus).

Intéressant du point de vue de la réflexion autour de la transmission, parfois un peu difficile à suivre, parce qu'il s'agit d'une transcription d'un dialogue et que Semprun aime bien beaucoup parler et que parfois c'est un peu hors-sujet. Mais Wiesel recentre le débat.
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L'Ecriture ou la vie

Voilà un livre dont j'ai longtemps remis la lecture à plus tard. Par ignorance de qui était l'auteur, le titre me faisait craindre un coupage de cheveux en quatre de type germano-pratin - galligrasseuil que j'ai souvent lu dans les années 90 : dois-je consacrer ma vie à l'écriture ou ne vaut-il pas mieux vivre pleinement (mes cocktails et mes parties de jambes en l'air) ?



En réalité, rien à voir, et je l'ai compris ces dernières années en en étudiant un extrait, et il aura fallu que j'apprenne la mort de l'auteur ce mois-ci pour me décider à lire l'oeuvre en question.



Jorge Semprun, un jeune espagnol Khâgneux, scolarisé en France au Lycée Henri-IV et engagé dans la Résistance est déporté à Buchenwald, non loin de Weimar, la ville de Goethe. Cette proximité a un sens. Dans cette période où la vie était celle de la mort, où l'on vivait pleinement sa mort, où l'on mourait de manière si vive, les lettres, la pensée, la beauté de la langue étaient prégnantes. C'est sans doute ce qui surprend le plus quand on lit ce roman. Beaucoup de films sur les camps montraient les hommes et femmes installés dans la survie matérielle, ce témoignage montre que le quotidien était également fait du souvenir de la culture littéraire, philosophique, musicale, cinématographique ; il y avait une bibliothèque, dans ce camp ! Et c'est choquant.



(...)



Semprun évoque essentiellement les derniers instants du camp, l'agonie des derniers morts (Halbwachs auquel il récite du Baudelaire, O mort, vieux Capitaine ! sur son lit de mort), un Juif hongrois chantant le Kadish oublié dans un baraquement rempli de cadavres, et une quantité d'images qui, en fait, reviendront comme des couplets, des refrains, tout le long du récit, une sorte de retour obsessionnel au cours de l'après-guerre, à ces moments, ces morts, ces moments de grâce, ces musiques, au cours de tentatives avortées pour écrire ce qui s'est passé. le choix est celui-ci : oublier pour pouvoir vivre, écrire pour se souvenir ou se souvenir en écrivant. La question se pose dès la libération des camps :



(...)

Après de longues années à tenter d'oublier (la métaphore de la neige !), après la mort de Primo Levi, dont les récits lui furent une révélation sur ce qu'il ressentait lui-même, Semprun nous livre ce témoignage unique de ce qu'apporte un écrivain au souvenir.

Lire note de lecture intégrale sur mon blog.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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La deuxième mort de Ramon Mercader

Ou comment écrire un roman de 342 pages racontant les 3 derniers jours de la vie de Ramon Mercader en avril 1966.

Comme tout bon roman d'espionnage se déroulant dans les années 60, il y a les américains ; il y a les russes. Nom de code Humpty-Dumpty. Une petite incursion de l'art avec La vue de Delf, un tableau de Vermeer et Le Chardonneret de Carel Fabritius ; de la culture avec l'Encyclopaedia Britannica. De l'humour avec Jorge Semprun. Les nombreux personnages se croisent autour de ce Ramon Mercader, se rencontrent.

Il y a des procédés littéraires tels que les répétitions, flash-back, interventions du narrateur. Le lecteur est actif.

A relire.
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Adieu, vive clarté..

Jorge Semprun, dans ce livre, nous parle de son adolescence difficile. Il doit quitter l'Espagne suite à la guerre civile, il part donc en Exil à Paris en 1939. Il parcourt ses souvenirs, autant d'évènements qui se suivent et s'entrechoquent pour finalement donner sens à son vécu. J.Semprun part dans un camp de concentration de Buchenwald. A son arrivée en France, il fut confronté a la difficulté de se faire comprendre en Français à cause de son fort accent espagnol.

Les personnages phares de son histoire sont la boulangère, avec qui il a du mal à communiquer et une passante, qui est un personnage inventé de toute pièce par le narrateur.

Semprun a su utiliser les mots justes et adaptés pour nous transporter dans son histoire.
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Les Sandales

Je ne suis pas du tout certaine que l'auteur cherchait à écrire une histoire qui fasse rire. C'est pourtant ce que j'ai fait en arrivant à la fin, et de bon coeur en plus. Une chute, et quelle chute ! Cette toute petite histoire qui démarre par l'imminente retrouvaille de deux amants, France et Bernard, dont l'attachement semble assez fort mais la femme a pris la décision que ce serait le dernier rendez-vous. Tout en arrivant à l'hôtel seule, France retrace leur histoire en même qu'elle s'habille pour la circonstance. Les deux amants semblent beaux, issus chacun d'un milieu aisé où l'art et la culture ont une part assez importante.



Puis tout en continuant le déroulement de l'histoire on passe d'un duo à un trio avec la femme légitime Clémence. La place de chacun ne semble pas forcement facile mais rien n'a été changé jusqu'à cette décision de rupture.



La chute détourne complètement la vie de chacun qui jusque là semblait bien rodée. En peu de temps, peu de chose tout bascule.
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L'Ecriture ou la vie

C'est une personne très importante pour moi et calé sur les sujets portant sur la déportation particulièrement qui m'a fait découvrir cet auteur. J'ai vraiment adoré, je ne suis pas trop porté sur ce sujet mais ce livre était très intéressant car c'est un livre autobiographique et il m'a permis de découvrir la réflexion d'un lycéen par rapport à la mort qui était assez époque dans toutes les têtes. Une plume très belle et prenante. Une très belle découverte
Lien : http://leschroniquesdemilie...
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Le Grand Voyage

Il y a des livres que l'on aborde avec un certain respect, et que l'on referme la gorge nouée, le cœur lourd, avec une étrange sensation de malaise. Les livres autobiographiques de Jorge Semprun en font partie, notamment celui-ci, le tout premier qu'il ait écrit sur son "expérience concentrationnaire", comme on disent les bien-pensants. Ici, la chronologie est volontairement bouleversée, comme pour mieux suivre l'évolution de la pensée et des souvenirs, évoquant tour à tour la Résistance, l'arrestation, le voyage, bien-sûr, mais aussi "l'après", la libération, le retour en France... Du camp lui-même, Semprun ne dit que le minimum, mais ces détails sont aussi rares que terribles, lorsqu'il raconte pudiquement comment les prisonniers, à l'appel du matin, se rangeaient autour de leurs camarades morts pendant la nuit, faisant tenir debout leurs cadavres, afin d'obtenir quelques rations supplémentaires de pain, celles-ci étant calculées chaque jour en fonction du nombre de détenus... Mais l'on sent que dans ces lignes, Semprun n'arrive pas encore à parler du camp lui-même, il est peut-être encore trop tôt pour cela, même vingt ans plus tard ; on dirait que l'auteur cherche avant tout à réellement s'attarder sur le voyage, sur cet aller simple vers l'Enfer, qu'il a partagé avec un camarade attachant, qu'il appelle le gars de Semur, mort dans ses bras peu avant l'arrivée à Buchenwald, comme tant d'autres avant lui au cours du voyage. Toute l'horreur est déjà là : la mort rôde avant même l'arrivée au camp, arrivée marquée, dans l'esprit de l'auteur, par le massacre ignoble d'enfants juifs par les soldats SS. Mais l'écriture de Semprun est peut-être encore plus troublante par sa retenue et sa sobriété, que l'on retrouve chez d'autres "rescapés" comme Primo Levi ou Elie Wiesel. Semprun dit l'indicible, dit ce que tant d'autres n'ont pas voulu entendre ; pire encore, à sa sortie du camp, il se rend dans un village voisin, d'où il constate amèrement que les villageois ont nécessairement vu et compris ce qui se passait à quelques mètres à peine de leur petite vie tranquille, eux qui ont sans rien dire respiré pendant des années la fumée des fours crématoires... (la suite en cliquant sur le lien ci-dessous !)
Lien : http://ars-legendi.over-blog..
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Exercices de survie

Critique de Aliette Armel pour le Magazine Littéraire



À la fin de son existence, il travaillait sur une suite de textes autobiographiques intitulés Exercices de survie, articulant les moments clés de son existence autour d'un sujet d'expérience et de réflexion. Le thème de la torture s'est imposé à lui pour le premier volet de cet ensemble. Depuis l'année de ses 20 ans, en 1943, Jorge Semprún a en effet été poursuivi par le souvenir d'une expérience térébrante que seuls ceux qui l'ont vécue peuvent vraiment partager. « Celui qui est submergé par la douleur de la torture ressent son corps comme jamais auparavant, affirme le résistant Jean Améry. Sa chair se réalise totalement dans son autonégation. » Semprún rend hommage à la justesse d'Améry sur certains points, mais il se démarque de ses propos atteints par le désespoir. La confiance en l'homme de Semprún reste indéfectible. Sa quête du sens parvient à dépasser « l'outrage indélébile de l'anéantissement » éprouvé par Améry : « Sans doute, explique Semprún, l'être du résistant torturé devient-il un être-pour-la-mort, mais c'est aussi un être ouvert au monde, projeté vers les autres : un être-avec, dont la mort individuelle, éventuelle, probable, nourrit la vie. »

Cette foi exceptionnelle dans un idéal « du Nous, d'une histoire commune à prolonger, à reconstruire, à inventer sans cesse », a soutenu, tout au long de son parcours, un homme accomplissant chacun de ses actes en conscience. Après la Résistance et la déportation, il a renoué avec la vie clandestine entre la France et l'Espagne franquiste et avec la menace d'être à nouveau confronté à la torture. Avec une grande force de distanciation, il explique qu'il ressentait cette forme d'existence comme « un signe d'appartenance à une sorte de chevalerie, comme une singularité bienheureuse [...] une richesse évidente mais inavouée, inavouable, un non-dit qui nourrissait [ses] illusions, [ses] convictions, [ses] rêves ».

Cinquante ans après avoir difficilement soulevé le désir de silence et d'oubli qui a précédé la publication, en 1963, de son premier livre, Le Grand Voyage, la difficulté d'affronter la description des faits, sources d'une souffrance indicible, est toujours présente. L'écriture de celui qui a choisi d'être enseveli dans le drapeau républicain espagnol est toujours empreinte de l'exigence de dignité et d'élévation intérieure à laquelle Claude-Edmonde Magny a confronté le jeune homme qui aspirait à devenir écrivain. Les éditions Climats rééditent la Lettre sur le pouvoir d'écrire rédigée à l'adresse de Semprún en février 1943, étonnante par sa prescience des événements terribles que son destinataire allait affronter puis « transmuer » par l'écriture. Pour Claude-Edmonde Magny, « écrire est une action grave », une pratique ascétique, qui suppose d'« arracher l'angoisse qui colle à la chair » pour la projeter hors de soi, mais aussi de « s'élever au degré de vie intérieure à partir duquel la création devient possible ». Cette lettre a été pour Jorge Semprún un viatique, et son ultime exercice de survie en porte toujours, magnifiquement, la marque.

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L'Ecriture ou la vie

Un grand témoignage de son expérience à Buchenwald et quelques digressions sur sa vie de militant communiste, une écriture magnifique contre l'oubli, l'impossibilité de dire et d'expliquer, de témoigner de la véracité de l'horreur et du Mal absolu. Son choix de la vie, avnt de pouvoir écrire des années plus tard.
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L'Ecriture ou la vie

L’Écriture ou la vie : ce titre s’articule sur un système de deux propositions, engageant nécessairement, par cette injonction, l’adoption d’un choix univoque, la mise en place de cette proposition et l’abandon de l’autre. Dès lors, le titre-même de l’œuvre exprime et incarne, in medias res, le dilemme de l’auteur, s’efforçant de faire un choix impliquant sa propre vie, ayant pourtant déjà, durant sa déportation concentrationnaire, été mise à l’épreuve, torturée, bafouée et forcée d’expérimenter une mort vécue.



Avec L’Écriture ou la vie, Jorge Semprún aborde ainsi, non pas simplement l’horreur de son expérience de déporté entre les murs du camp de concentration de Buchenwald (l’horreur étant une « évidence » du Mal), mais bien l’essence-même de « l’expérience du Mal radical » que celui-ci a subi, et qui s’éprend de lui lorsqu’il tente de se replonger dans sa mémoire, et d’en extraire son témoignage. Dès lors, l’acte d’écriture se place en opposition à « la vie », tel un sentiment de résurgence de la Mort dans son esprit, qui fait montre de la difficulté de se réactualiser un passé encore présent dans la conscience des survivants. Garder conscience du présent dans lequel son corps se trouve lorsqu’il écrit, et ne pas sombrer dans les limbes de son esprit meurtri, n’est pas seulement une question de confort, mais bien une nécessité pour continuer à vivre, tout en écrivant.



En cela, par ce titre et ces mots de l’auteur, nous retrouvons le germe de l’œuvre, qui, d’une part, est une tentative de reconstruction de l’histoire afin d’acter sur papier, cette réalité ne semblant que peu l’être, par son atrocité, mais aussi, d’une autre part, l’histoire de cette tentative, du procédé douloureux de composition du récit, induisant toute la dimension sensorielle de son vécu de concentrationnaire s’éprenant à nouveau de lui. Jorge Semprún s’efforce ainsi d’exorciser cette mort vécue : un acte presque contre-nature, de réminiscence forcée d’un passé traumatisant, qu’il parviendra à mettre à l’écrit seulement à partir de 1987, après avoir longuement, à plusieurs reprises, remanié sa mémoire, en précédant L’Écriture ou la vie d’autres ouvrages, tels que Le Grand Voyage (1963), dans lequel il expose son départ pour le camp de Buchenwald.



Si l’historien peut être considéré comme un garant de la véracité des faits historiques, son travail demeure néanmoins insuffisant, jusqu’à ce que, Jorge Semprún, Primo Levi, et tous ceux ayant plongé leur plume dans le tourbillon de la mémoire, rendent compte des évènements par l’expression de leur propre vivencia, un Humanisme épistémologique permettant de suturer les béances ou fragilités du traitement des faits historiques.



Et s’il est pragmatique d’affirmer que l’oubli est un absolu auquel on ne peut échapper, le fait de tout mettre en œuvre pour témoigner de ceux que l’oubli n’a même pas pu toucher - puisqu’ils étaient déjà invisibilisés, méconnus, noyés dans la masse des victimes - est toutefois primordial.



En définitive, L’Écriture ou la vie est un roman autobiographique qui œuvre pour la mémoire collective, mais également pour la réhabilitation de son auteur, en tentant d’exorciser les séquelles psychologiques de cette vivencia mortifère.



Et si L’Écriture ou la vie nous parle de la mort, et de ces millions d’êtres invisibles, n’ayant pas pu en réchapper, elle est surtout une œuvre pleine de vie, et de vies.
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Adieu, vive clarté..

découverte de la vie dans la parenthèse des deux guerres (la première étant la guerre civile espagnole) qui vit l'auteur s'exiler au Quartier Latin que nous parcourons avec lui d'une référence littéraire á une citation de poème en passant par une dissertation de philo de cet ancien élève des lycées prestigieux. Ce parcours en zig-zags au fil des réminiscences construit peu à peu une image de cette personnalité incontournable de la transición espagnole au destin si implacable. Les relations familiales puis d’études furent déterminantes pour son orientation politique lucide sur les fléaux de son temps qui l’ont tellement malmené. Un livre qui ressuscite une époque.
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L'Ecriture ou la vie

Récit autobiographique sur l'expérience de Jorge Semprun dans le camp de Buchenwald, on y plonge notamment dans les histoires troubles des exilés politiques utilisés comme "kapos" (surveillant, prisonnier de droit commun, chargé de dénoncer et punir les prisonniers politiques dans les camps de concentration nazis) pour les juifs, et qui, pour certains, remplissaient leur mission avec un zèle infâme.
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